Mi-long mirage
« Illumis. T'es sûre ? » demanda Elliot.
Maëlle cligna des yeux. Elle n'était même pas sûre que cette ville existait vraiment. Elle farfouilla longtemps dans ses bribes de mémoires pour essayer de se souvenir de ce que c'était exactement. La ville lumière de Kalos. Illumis. Un éclair de génie la transperça. Cette tour et cette ville qu’elle avait vu dans son rêve, c’était ça, c’était Illumis, Illumis et la Tour Prismatique.
« Oui Elliot, j’en suis sûre et certaine.
-Et comment tu peux le savoir ? Tu ne… tu ne te souviens peut-être pas de qui est Arthur après tout. »
Elle sourit et posa une main sur l’épaule d’Elliot.
« Rien ne t’empêche de m’en dire plus sur lui. Mais, si j’ai bien compris, il est l’ex-patron de la Team Aqua, non ?
-Justement, qu’est-ce qu’il ferait à Illumis alors ? rétorqua-t-il.
-Il est peut-être… en… vacances ? »
Elliot soupira et retira la main de Maëlle. De toute façon, c’était leur seule piste alors autant essayer. C’est ainsi que le lendemain, à l’aube, ils reprirent la mer en direction de Kalos, tandis que Juan retourna à ses occupations.
Maëlle était plus sereine cette fois comparé à son premier voyage en bateau. Même si tout est encore très flou, elle avait l’impression d’avancer un peu plus vers son objectif. Son frère était présent lorsque les événements à Hoenn ont survenus. Avec un peu de chances, ce Arthur allait pouvoir l’aider à le retrouver, même si la probabilité qu’il se souvienne de tous les visages présents ce jour-là soit mince.
Elle posa ses affaires sur son lit. Cette fois-ci, Elliot et elle allaient partager la même cabine. D’ailleurs, son compagnon de route visitait déjà le navire en la laissant seule dans leur chambre. Elle s’assit sur les couvertures et se posa contre le mur en croisant les bras sur son torse. Une ombre passa devant la fenêtre mais elle n’y fit pas attention, trop perdue dans ses pensées.
La première journée se déroula sans encombre. Les deux jeunes adultes étaient installés dans leur chambre, chacun sur son lit. Elliot lisait et Maëlle le regardait lire. Finalement, elle brisa le silence.
« Au fait Elliot, qui es-tu ? »
Il leva les yeux vers elle, surpris par cette question pour le moins inattendue.
« Comment ça ?
-D’où tu viens, comment ça se fait que tu me connaisses… ce genre de choses. »
Elliot posa son livre à côté de lui, ferma les yeux et prit une profonde inspiration.
« Pourquoi veux-tu savoir tout ça ? Et puis, avec tes souvenirs qui refont peu à peu surface, je pense que tu as déjà quelques réponses. »
Maëlle gonfla ses joues avec une mine boudeuse sur son visage, un peu comme les enfants. Pourquoi fallait-il qu’il soit aussi agaçant parfois ? Elle se baissa en avant et posa les coudes sur ses genoux avant de caler son menton dans le creux de ses mains.
« Et toi ? Pourquoi tu peux pas juste simplement me répondre ?
-À quoi cela pourrait te servir de toute façon ?
-Je sais pas, mais ça pourrait aider à nous rapprocher un peu plus, non ? Si j’ai bien compris, tu connais presque tout de moi mais en revanche, je te connais à peine. Je sais juste que tu… que tu t’appelles Elliot et qu’autrefois on était amis. Pis y a aussi toute cette histoire avec Crévis. »
Il se frotta les yeux et passa une main dans ses cheveux dorés.
« Je viens de Hoenn, tout comme toi. J’ai un an de plus que toi d’ailleurs. Et oui, nous sommes amis d’enfance. Tu veux savoir quoi d’autre ? »
Maëlle réfléchit un moment en plissant les yeux.
« Qui est mon frère ? À quoi ressemble-t-il exactement ?
-Ça, c’est quelque chose que tu apprendras plus tard, je ne peux pas t’en parler maintenant.
-Et pourquoi pas ? t’as une raison valable de ne pas le faire ? »
Elliot reprit son livre et l’ouvrit sous les protestations de son amie. Celle-ci se leva et tira le bouquin vers elle pour le lui arracher des mains.
« Pourquoi tu veux jamais rien me dire ? Si on est censé former une équipe, ça serait sympa que tu sois un peu plus… sympa, et que tu m’aides un minimum.
-Je te signale que c’est ce que je fais, lâcha-t-il en soupirant. Et quand tu le réaliseras enfin, tu regretteras tous tes petits caprices.
-P...PETITS CAPRICES ?! beugla Maëlle. Je trouve ça normal de vouloir en savoir plus sur le monde et sur les autres quand t’es amnésique ! Surtout sur mon propre frère ! »
Furieuse, elle jeta le roman par terre avant de quitter la chambre en claquant la porte. D’un geste lent, Elliot se pencha pour le ramasser, pas le moins ébranlé par ce qu’il venait de se passer. Il tapota la couverture du livre pour faire partir les saletés qui auraient pu se poser dessus.
Maëlle était sur le pont supérieur du navire et observait les étoiles, appuyée contre la rambarde. Avec un peu de recul, elle se rendit compte que c’était agréable, surtout en soirée, de se laisser bercer par les vagues. Aucun son assourdissant, juste les allers et venus de la mer contre la coque du navire. Elle ne pourrait dire combien de temps exactement elle était resté là, mais un courant d’air frais la fit frissonner et elle décida donc de retourner dans la cabine. Elle se retourna et vit Elliot, posté un peu plus loin.
« Maëlle, je te demande juste de me faire confiance pour le moment, dit-il en s’approchant. S’il-te-plaît. »
Elle soupira en croisant les bras, peu convaincue. Une vague se répercuta de manière plus forte, plus puissante, contre la coque de métal. Les deux jeunes adultes chancelèrent sans tomber pour autant. L’air se faisait de plus en plus froid.
« C’est tout ce que je peux faire en ce moment de toute façon. J’ai presque envie de retrouver ce Crévis pour lui poser quelques questions, peut-être que lui daignera me répondre. »
Une nouvelle secousse se produisit. Même si Elliot parvint à rester sur ses pieds, Maëlle trébucha et tomba sur les fesses. L’air était gelé, si bien qu’elle éternua. En levant les yeux au ciel, elle aperçut une masse sombre et imposante. Cette masse grogna et s’élança contre le bateau. Les deux amis glissèrent presque jusqu’à la rambarde.
« Il essaie de faire chavirer le navire ! s’exclama Elliot.
-Mais… Mais pourquoi ?
-Parce qu’on est dessus. »
Maëlle écarquilla les yeux. Elle n’avait aucun souvenir de ce Pokémon et ne comprenait donc pas pourquoi il voudrait faire une telle chose. Elliot tendit une main vers elle pour ne pas qu’ils se retrouvent séparés tandis que le Pokémon percuta le bateau pour la énième fois. Ceci fut le coup de grâce qui fit tomber les deux compères. À peine quelques secondes plus tard, le reste de l’équipage avait débarqué sur le pont mais le fautif était déjà loin.
Quand elle ouvrit enfin les yeux, Maëlle sentit de l’herbe chatouiller son visage et, plus particulièrement, son nez. Elle éternua. Puis, elle se leva en titubant avant d’observer les alentours. Elliot était allongé non loin, encore inconscient. L’endroit où ils se trouvaient était couvert de verdure, de lacs et de cascades. Cependant, elle remarqua bien vite que l’île était assez petite et qu’elle semblait perdue au milieu de nul part.
Du bruit dans les fourrés attira son attention. Maëlle fit basculer son regard d’Elliot vers les buissons. Une petite tête rouge et blanche s’empressa alors de disparaître en poussant un petit cri aigu.
« Bien bien bien ! Les habitants de Poivressel avaient interféré avec nos petites retrouvailles la dernière fois, mais sur l’Île Mirage il n’y a personne pour nous embêter ! »
Kyurem se posa et Crévis descendit de son dos en tapotant joyeusement dans ses mains.
« Très chère Maëlle ! Je n’arrive pas à croire que vous nous avez faussé compagnie de la sorte, après tout ce temps à vous chercher, la moindre des choses aurait été de rester enfin ! »
Elle fit un pas en arrière en se mordant l’intérieur des joues. Si elle voulait vraiment lui poser des questions, c’était le bon moment.
« Qui êtes-vous ? Comment me connaissez-vous ? »
Crévis prit un air surpris.
« Ah bah oui tiens, comment s’était-on rencontré déjà ? Bah, peu importe. Nous étions « amis d’enfance » aussi, c’est tout ce qui compte. »
Elliot choisit cet instant précis pour se relever. Il toussota et se frotta les yeux. Un frisson le parcourut à la vue de Kyurem et de Crévis mais il ne se laissa pas abattre pour autant.
« C’était donc toi qui était derrière ces secousses, il faut croire que j’avais raison.
-Elliot, tu t’es toujours pris pour le plus futé d’entre nous. Se mentir et s’entourer de mensonges a toujours réconforté les humains de toute façon.
-Crévis, la seule chose que je regrette actuellement, c’est que tu aies choisi l’Île Mirage pour cette rencontre, et je dois bien admettre que tu as fais fort sur ce coup (il tourna la tête vers Maëlle) vu que c’est très difficile d’y aller. »
Elle comprit mieux pourquoi elle avait le sentiment que c’était un coin perdu et loin de tout. Plusieurs cris s’élevèrent dans les airs alors qu'une bourrasque de vent souffla sur l'île.