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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 23/01/2018 à 15:02
» Dernière mise à jour le 23/01/2018 à 15:03

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Final : C'est la fête, par Soundlowan
~ Avertissement : Cette song-fic a tenté de réunir les divers protagonistes des textes rédigés pour les cases précédentes de ce calendrier. Il est donc vivement recommandé de les avoir lu en entier avant de commencer cette histoire !
Cette fois j'ai utilisé plusieurs chansons afin de rendre différentes ambiances au cours du texte. En fonction de votre vitesse de lecture, cela peut vous permettre des transitions plus fluides ou si vous êtes très rapides, il est possible que vous soyez même en avance sur le déclenchement des chansons suivantes. Si vous arrivez à un autre lien avant que la chanson en cours ne soit finie, je conseille de prendre le temps d'apprécier la musique jusqu'au bout et de faire une pause dans la lecture. Cela laisse le temps de s'imprégner de l'ambiance et de l'histoire !
Bonne lecture ~


Que vois-je ?

Le petit postier se presse le long de la rue. En cette saison le soir tombe vite, et les décorations que le facteur zélé apprécie tant scintillent depuis déjà une bonne heure dans la ville. Il prendrait volontiers le temps d'admirer les vitrines soigneusement décorées, les jardins couverts d'une solide couche de neige, les rues éclairées comme en plein jour d'ampoules arc-en-ciel. Seulement, sa tournée n'est pas finie, et Zeupostman est un pokémon consciencieux.
Lorsqu'il y pense, ce n'est pourtant pas l'heure de sa tournée. Ce n'est pas non plus son lieu de livraison habituel. Le cadoizo n'a aucune idée de l'endroit où il se trouve, ni même de la raison de sa présence dans la rue à une heure si tardive. Il aurait trop traîné à force de rabibocher des couples humains, et aurait fini par s'égarer ?
Pourtant, il n'éprouve aucune espèce de crainte ou d'incertitude. Tout l'opposé d'un pokémon égaré, en somme. Sans savoir où il est, Zeupostman est persuadé qu'il doit y être. Il s'est même rarement senti à ce point à sa place, pourtant il adore son travail de facteur.

Le cadoizo vérifie par habitude le contenu de sa queue, bien qu'il soit persuadé d'avoir déjà livré tout ce qu'on lui a confié dans la matinée. A sa grande surprise, une de plus, il trouve un nombre non négligeable de lettres qui n'ont pas encore été distribuées. Voilà donc sa mission ! Il compte une vingtaine d'enveloppes, toutes rouges vif. Ce doit être du courrier de première urgence.
Seulement il reste un problème majeur ; comme l'endroit où il a atterri, les tampons apposés sur le courrier restent totalement inconnus à Zeupostman. Difficile de faire son travail dans ces conditions. Il découvre plusieurs sapins verts, dont un qui semble porter une écharpe jaune et un autre surmonté d'un coeur à la place de l'étoile traditionnelle. Il repère une poké ball, symbole des arènes, encrée sur ce qui ressemble à une guitare mauve. Un flocon argenté sur cette enveloppe, un kaléidoscope de couleurs dans un cercle sur la suivante... Absolument rien ne lui revient en mémoire.
Il sait pourtant qu'il va trouver. Le cadoizo inspire simplement un grand coup, et se lance à la découverte de la ville.

Dès la rue suivante il remet l'enveloppe marquée de deux paires d'ailes au jeune dresseur allongé sous un arbre, occupé à admirer le vol de ses pokémons dans le ciel. Une artère plus loin, il tend l'enveloppe montrant une branette tenant un globe à une fillette maigrichonne aux yeux cernés. La vendeuse sortant de son magasin reçoit l'enveloppe avec le cadeau surmonté d'un ruban, la vieille dame se promenant avec son magby hérite de l'enveloppe à la flamme gelée.
Jamais Zeupostman n'a effectué une tournée si rapide. Il ne saurait pas déterminer le temps que cela lui a pris, mais il a l'intuition que son trajet était très court. A peine une enveloppe finie qu'il se retrouvait à l'endroit du destinataire suivant, bien qu'il ne parvienne pas à se rappeler d'avoir marché entre deux personnes. Sa soirée se fond dans un brouillard cotonneux fort étrange, à part le sourire des gens recevant leur courrier qui est resté limpide dans sa tête.
Le cadoizo se retrouve finalement avec la dernière enveloppe rouge entre les pattes. Il ne sait toujours pas lire les adresses humaines bien sûr, mais ses yeux s'écarquillent en voyant le tampon. C'est celui de la boîte aux lettres de son dresseur ! Voilà le premier symbole qu'il identifie clairement, il l'a sûrement manqué au début dans un tas si conséquent.
- Tout va bien, mon gars ?

Zeupostman lève la tête, pour découvrir un cornèbre qui l'observe perché sur une branche de gui. Les humains en ont installé partout dans la ville, de gros bouquets accrochés au-dessus des allées piétonnes. Apparemment ils ont le don de faire rougir les humaines et ricaner les jeunes humains, mais le cadoizo n'a jamais rien compris à leurs parades de séduction exotiques. Cornèbre ne paraît pas être là pour ça, mais il a quand même porté son attention sur le postier.
- T'as l'air perdu...
- Pas vraiment, reprend Zeupostman qui a bien du mal à expliquer sa situation. J'ai du courrier à livrer, mais je ne sais pas comment me rendre à cet endroit.
- Où ça donc ? Je peux peut-être aider, mon ami.

N'ayant pas d'autre idée, le pokémon rouge et blanc tend l'enveloppe à son congénère volant. Ce dernier descend de quelques degrés pour se trouver à la bonne hauteur, perché sur une barrière décorée de guirlandes entrelacées.
- Alors alors, coup de chance que je sache lire l'humain. C'est indiqué "Pour le facteur Zeupostman".
- C'est pour moi ? s'étonne l'intéressé.
- Ah, c'est toi Zeupostman ? Ben ouais, apparemment. Tu veux que je te lise la lettre ?

Le cadoizo hésite pour la première fois de la soirée. Il n'a aucune chance de comprendre ce message sans l'aide de Cornèbre, mais on lui a bien appris qu'on n'ouvre jamais jamais une enveloppe qu'on doit livrer. Cependant, maintenant qu'il y songe son travail est apparemment de la remettre à lui-même, ce qui implique que sa mission est accomplie. De toute façon il ne saurait pas rentrer chez lui pour la distribuer. Ce raisonnement achevé, il déchire la fameuse enveloppe rouge, ce qui n'est pas évident avec deux pattes de cadoizo, et en sort le morceau de carton qu'il trouve à l'intérieur. Cornèbre ne met pas longtemps à déchiffrer les quelques lignes.
- C'est une invitation, finit-il par décréter. Apparemment tu es attendu à l'arène d'Ondes-sur-Mer.

De nouveau ce nom est parfaitement inconnu au cadoizo. Il n'est certainement pas dans la zone de ses tournées, et il n'est même pas sûr de l'avoir déjà entendu quelque part dans Kalos. Mais comme pour le reste de ses livraisons, il n'a aucun doute sur le fait qu'il parviendra sans encombre à sa destination. Zeupostman n'a qu'à partir dans une direction, ce sera la bonne.
Avant de se mettre en route, il agite une dernière fois l'invitation devant Cornèbre.
- Merci bien !
- Pas de quoi, tu penses. Merci à toi d'avoir fait appel au service des Coco Cornèbres ! D'habitude on demande un service en échange d'un service, mais ce soir est celui de la générosité il paraît. Après tout, c'est Noël.

~-~-°o°-~-~
J'ai gagné !
Je savais que cela finirait bien par arriver. Au coeur de l'hiver je suis dans mon royaume, là où nul grain de sable ne saurait me résister longtemps. Ma besogne est achevée, ce bout de monde est entièrement recouvert d'un manteau blanc duveteux capable d'assourdir tous les sons. Les flocons livides agglutinés partout se parent de mille couleurs au rythme des lumières humaines, brouillant les frontières entre le jour et la nuit. Un endroit hors du temps.
Le vent, de nouveau mon ami, s'amuse à faire voler des parties de moi dans la douce atmosphère de cette soirée de fête. D'ordinaire je n'apprécie que très moyennement ces constructions humaines trop solides pour que je m'y infiltre, blocs de béton alignés de manière si artificielle. Mais cette nuit, tout est différent. Le bâtiment déjà plus coloré que la moyenne en temps normal, est cette fois orné d'une nouvelle parure propre à la célébration qui y commence. Il devrait être encastré dans un pâté d'autres maisons monotones, il est pour le moment seul au milieu d'une immense plaine blanche. J'y ai vraiment bien travaillé.
Dans le jardin laiteux s'ébat joyeusement un Blizzi. Il s'enfouit en moi-même, reste dans mes bras qui se referment pour t'accueillir. Il s'empare de brassées entières de flocons qu'il porte à son visage puis lance en une nouvelle pluie argentée. Rien ne paraît assez froid pour lui. Seuls les appels de l'enfant blonde venue avec lui parviennent à le distraire de ses jeux. Les deux compères se lancent avec application dans la réalisation d'un bonhomme de neige, formant deux boules arrachées à mon immense corps. Bientôt les flocons tomberont encore du ciel, et ce sera comme si rien ne s'était passé.
- On va l'appeler Frosty !

Le cadoizo se détourne de la sculpture blanche, de plus en plus perplexe. Bien sûr il a déjà vu de semblables constructions, mais il comprend beaucoup mieux l'idée d'un métamorph de neige que d'un "bon homme". Au moins quand on donne le nom du pokémon qu'on représente c'est simple, mais là on dirait que le faux humain est obligé d'être gentil. En plus, ça ne ressemble pas vraiment à un humain d'après le professeur Celsius. Avec ses trois boules de neiges l'une sur l'autre, ça pourrait à la limite être un magnéton assemblé n'importe comment. Et quelle idée de donner un nom à un tas de neige qui se changera bientôt en flaque ? Les êtres humains sont réputés d'une intelligence supérieure, et le professeur a pu en croiser quelques démonstrations après tout ce temps passé auprès d'eux, mais les "zenfant" ont l'air d'être une catégorie inachevée chez les humains. Il manque manifestement plusieurs connexions neuronales importantes, au point que parfois un "nenfant" (le terme a l'air de changer entre le singulier et le pluriel, symbolisés chacun par la première lettre) subisse une panne mécanique qui lui fait recommencer la même action en boucle. Le professeur Celsius en a entendu un dans la rue, qui a répété plus de dix fois le cri rituel pour attirer l'attention de sa mère malgré l'évidente inefficacité du processus. Le même jour, il a aussi vu une petite fille jeter cinq ou six fois le faux évoli en tissu mou qu'elle tenait, attendre qu'un adulte le ramasse, tout ça pour recommencer dès qu'elle l'avait de nouveau dans les bras. Très clairement un problème de cerveau encore sous-développé, ou une mauvaise alimentation en énergie de fonctionnement peut-être.
En parlant de cerveau sous-développé, le jeune humain qui s'approche ou plutôt qui tangue vers l'immense nid clignotant doit aussi avoir des problèmes sévères d'irrigation de toute la partie supérieure du corps. Si seulement ses jambes au moins étaient fonctionnelles, mais à voir le splendide zigzag qu'il effectue dans la neige pour atteindre son objectif c'est loin d'être le cas. A moins qu'il n'ait pas encore défini clairement sa destination ? Pour Celsius, la porte en plein milieu de la façade est une bonne piste, mais le jeune inconnu semble soudainement trouver beaucoup plus d'intérêt au buisson à gauche de l'entrée. Il se précipite vers les branches couvertes de neige, puis bifurque tout aussi brusquement à peine quelques centimètres avant de plonger dans l'innocent végétal qui n'avait rien demandé à personne. Le professeur est bien tenté de ressortir son carnet pour noter ses observations au sujet de ce spécimen, qui est désormais décidé à prendre dans ses bras le dénommé "Frosty".

Le mouvement des bras en particulier l'intrigue. Certes les jambes ne paraissent pas capables de suivre une ligne droite, mais au moins elles tiennent l'humain debout. En revanche, quelle est l'utilité pour lui d'agiter ou plutôt de lever et laisser retomber mollement ses bras à un rythme tout à fait anarchique ?
Si c'est une tentative de décollage, c'est raté en beauté.

Celsius tente vainement de prévoir la trajectoire future de cet humain pendant quelques instants, puis abandonne avec un soupir. L'inconnu parvient malgré tout à atteindre la porte après quelques péripéties supplémentaires, preuve de la ténacité de ces créatures à atteindre leur but. Le cadoizo se dépêche d'entrer à sa suite avant que la porte ne se referme. Hors de question de lâcher un sujet d'étude pareil !

La foule est vraiment surprenante, dans la pièce. L'ensemble des humains et surtout des pokémons rassemblés devant ou sur la scène est bigarré, il n'y a pas d'autres mots. Entre les couleurs naturelles des différents pokémons, blanc réfléchissant, vert profond, gris doux, violet violent, brun tendre, rouge pimpant... et les tenues de fête que porte la plupart des dresseurs conviés, il y a de quoi observer partout et à tout instant. Chaque nouvel arrivant augmente sa perplexité, puisqu'elle ne connait absolument personne. Humain ou pokémon, tous sont de parfaits inconnus pour elle.

Strykna baisse de nouveau les yeux et relit une énième fois le courrier qu'elle a reçu. Elle n'a même pas souvenir d'avoir ouvert l'enveloppe rouge vif, ou d'être allée la chercher dans sa boîte aux lettres, mais le message est limpide. Comment peut-on se faire inviter à une fête dans sa propre arène ?
Elle ignore par quel miracle, mais le fait est que la réception est bien en train de se dérouler. La championne n'a aucun doute sur le lieu où elle se trouve, elle connait trop bien cette salle pour la confondre avec une autre. Cependant, la décoration aurait facilement pu l'induire en erreur si elle ne passait pas autant de temps ici. Sa scène est là, de même que sa guitare qui reste dans ses bras ; même son groupe au complet est présent. Les instruments sont disposés à la bonne place, avec quelques musiciens supplémentaires qu'elle ne connait pas non plus mais qui s'intègrent parfaitement sur la scène. Tout le reste lui est étranger.

Décembre est pour elle période de deuil, toute la salle respire la joie. Devant la scène, dans la fosse débarrassée pour la soirée des installations destinées aux dresseurs relevant son défi, se trouvent celles et ceux qui lui tiennent lieu d'invités. Entre les deux escaliers permettant de rejoindre les musiciens est dressé un buffet encore debout par miracle, au vu de tout ce qu'il supporte. Strykna n'a pas souvenir d'avoir déjà vu une telle variété d'aliments au même endroit, ni dans de telles proportions. Absolument toutes les régions sont représentées, chaque plat se combinant aux autres dans une harmonie de couleurs et de parfums capable de faire perdre la tête. Le centre de la pièce est occupé par un sapin monumental, artistiquement décoré dans des tons or et argent. D'ordinaire la jeune championne trouve cette combinaison mauvais genre et m'as-tu-vu, mais pour cette fois l'effet lui semble réussi. La multitude de paquets de toutes formes et dimensions au pied de l'arbre apporte des touches colorées bienvenues. Le long des murs s'alignent différents sièges, pouvant convenir aussi bien aux convives qu'à leurs pokémons pourtant d'espèces très diverses. Autour du sapin lui-même, l'espace est dégagé comme pourrait l'être une piste de danse, bien que pour le moment les personnes présentes aient envahi la totalité de la pièce.
Une chose pourtant a changé. Strykna sait pertinemment qu'il n'y a pas autant de fenêtres dans son arène, ni aussi grandes. Mais ce soir, de telles ouvertures sont présentes dans les murs à l'exception de celui au fond de la scène, qui est tendu d'un lourd rideau. A travers les vitres si nombreuses, la neige tombant lentement est clairement visible.

Sa guitare ne peut rester silencieuse par une telle soirée. Mais pas question non plus d'exprimer sa tristesse comme elle le fait chaque année à cette période. Demain Strykna sera en deuil comme elle l'était hier. Pour ce soir seulement, elle veut que le monde entier sache qui était sa grand-mère.
Il y a quelque chose dans l'air. Dans les rires, dans le son des verres qui s'entrechoquent lorsque des invités trinquent. Dans le parfum des amoureux entrelacés, dans l'odeur sucrée des friandises de cette saison. Aujourd'hui, la championne sent que ses responsabilités ne sont plus là pour quelques heures. Et elle ressent quelque chose envers cette foule anonyme, envers chacune de ces personnes sous son toit qu'elle ne connait de nulle part et qu'elle ne reverra peut-être jamais plus lorsque cette soirée s'achèvera.
Ce soir, Strykna laisse les autres instruments s'exprimer avant sa guitare.

Smogo ne quitte pas sa dresseuse des yeux. Bien sûr il sent aussi ce frisson qui parcourt l'atmosphère. Une sorte d'énergie bienveillante, qui monte à l'assaut de son esprit par vagues pour en chasser le doute constant. Mais pour le moment ce mouvement n'est pas assez puissant pour éclipser son inquiétude habituelle. Hors de question pour le pokémon poison de se mélanger à cette assemblée de personnes inconnues, et surtout comportant tant d'humains dont il ne sait rien.
- Tu me sembles bien amer.

La constatation est prononcée d'un ton uni. La voix vient de sa gauche. Smogo se retourne, pour découvrir à ses côtés une Branette dans sa forme méga-évoluée. La pokémon inconnue ne le regarde pas directement, elle garde plutôt les yeux fixés sur Strykna jouant au milieu du groupe.
- C'est ta dresseuse sur la scène, n'est-ce pas ?
- En effet, confirme Smogo qui se rengorge de fierté.
- Elle paraît gentille. Un peu triste peut-être, mais gentille.

Smogo se tourne de nouveau vers son interlocutrice. Il est surpris qu'elle en ait perçu autant à propos de la jeune fille, et surtout il est rare que quelqu'un pense sa dresseuse "gentille". D'ordinaire les gens la trouvent dérangeante, ou au mieux gênante dans ses manières à mi-chemin entre l'adolescente rebelle et la furie prodige. Les personnes qu'ils rencontrent ne sont pas assez perspicaces pour voir ce qui se cache sous cette carapace solide. Peut-être s'est-elle fendue en cette saison trop riche en émotions pour Strykna, ou cette Branette est tout simplement plus observatrice que la moyenne.
- Tu as raison. Elle n'est pas comme les autres humains.
- Allons allons, la soirée est trop belle pour se laisser aller à une telle morosité.

Cette inconnue est décidément capable de fines analyses à propos des gens. Ses commentaires sont si précis qu'ils en deviennent angoissants pour Smogo. Il connait bien sûr l'effet produit par les pokémons spectres, même si c'est normalement moins intense. Surtout que le décalage absurde renforce l'impression de malaise ; un fantôme peut-il être si joyeux ? Il lui prend l'envie de lui rabattre le caquet, de faire disparaître cet impensable air serein du visage couturé.
- Les humains peuvent être cruels, figure-toi.
- Je sais.

Enfin Branette se tourne entièrement vers lui. Le regard qu'elle lui adresse est tout aussi lisse que son ton. Résigné peut-être, en l'occurrence. Smogo plonge dans les yeux roses, un lac sans fond où règne l'obscurité.
Pourrait-elle avoir vécu des choses semblables aux événements de son propre passé ? A ce moment il se rappelle des descriptions qu'on fait généralement des branettes. Des jouets cassés, des déchets d'humains abandonnés qui recherchent désespérément un apaisement à leur solitude. Peut-être celle-ci a pu trouver une réponse face à son errance sans fin.
- Tu as un dresseur, toi aussi ? Ou une dresseuse, peut-être ?
- Elle est là-bas, confirme le spectre en tendant un doigt rose vif.

Smogo se tourne vers la direction indiquée, pour découvrir à quelques mètres deux petites filles en grande conversation. L'une est blonde et potelée, l'autre brune et fine. Bien que Branette ne l'ait pas précisé, le pokémon poison sait aussitôt que la dresseuse en question est la seconde enfant. Quelque chose dans le regard fatigué sans doute, ou dans cette aura d'inquiétante étrangeté qui semble se dégager du corps menu. Malgré cela, elle est d'ailleurs charmante et paraît même assez fragile. Smogo voit également ce qui la rapproche de sa Strykna.
- Toi comme moi savons que les humains sont cruels, reprend Branette sur le ton de la conversation. Et qu'ils sont même cruels entre eux lorsqu'ils en ont l'occasion. Mais nous savons autre chose, pas vrai ? Nous sommes plus puissants qu'ils ne le seront jamais. Je ne pense pas que tu les laisseras encore te maltraiter maintenant que tu as rencontré ta dresseuse. En revanche, tu as le pouvoir de la protéger du monde entier.

Cette voix est toujours celle de l'évidence. Il faut dire qu'elle a parfaitement raison, une fois de plus. Smogo avait seulement besoin d'entendre ce simple fait énoncé à voix haute. Il sent sa propre puissance bouillonner dans son corps, s'emparer de son esprit, et enfin un véritable sourire se dessiner sur son visage.
C'est une belle soirée.

Les deux pokémons s'approchent du buffet, l'un pour commencer à grappiller un peu de chaque aliment en lévitant autour des plats, l'autre pour se servir un verre qu'elle sirote en poursuivant la conversation. Blizzi observe le duo de loin. Il a bien envie de les rejoindre, mais la jolie petite fille discute toujours avec sa camarade et il hésite à les laisser au milieu de tous ces étrangers.
- Si tu as faim, va-y. Tu sais bien qu'il n'y a aucun danger ici.

Son congénère est là. Rien n'indique particulièrement que ce soit lui, plutôt que n'importe quel autre blizzi, mais il en est persuadé. C'est celui qu'il a laissé sur le bord du chemin, là-bas dans ce pays si chaud. Au milieu d'une couverture de neige qui n'a pas suffit. Mort de chaud.
- Mais que... Comment peux-tu être là ?
- Pourquoi n'y serais-je pas ?

C'est la seule réponse qu'il obtient. C'est la seule dont il avait besoin.
Blizzi ne sait pas où il est, ni comment il y est arrivé. Il ne parvient même pas à s'assurer qu'il s'agit de la réalité, d'un mirage ou d'un rêve très élaboré. Il a bien la tentation de toucher son camarade pour savoir s'il est réellement là ou simplement une forme de mirage, mais finalement il se ravise. Cette réponse-là n'a aucune importance. Pour la soirée il a retrouvé une vieille connaissance, voilà tout.
L'autre information qu'il a reçu s'impose alors à lui. Il semble effectivement ne courir aucun risque ici, après tous ces efforts pour trouver une terre suffisamment froide. Blizzi a bien vu en jouant avec la petite fille dans la neige que cette dernière est merveilleusement solide, intemporelle. Elle a toujours été sur cette plaine, elle n'en partira jamais.

Cependant il est désormais à l'intérieur d'une construction humaine, et pourtant il ne sent toujours pas le moindre danger. Malgré la chaleur du lieu, malgré les lumières artificielles, malgré les mouvements incessants de la foule qui grossit chaque fois que la porte est poussée. Blizzi est persuadé qu'ici il ne risque pas de fondre, il se sent au contraire pleinement vivant comme rarement il l'a été. Son congénère revenant a raison, aussi choisit-il de suivre son conseil et de se diriger vers la table débordant de mets. Tout un côté est envahi de nourriture glacée qui excite immédiatement sa convoitise.
De l'autre côté du buffet se trouvent trois frères. Autrefois affamés et amaigris, rien ne les empêche aujourd'hui d'accéder à l'objet de leur convoitise. C'est à celui qui engloutira le plus vite son bol fumant, empli presque à ras bord d'un potage onctueux de baies Maron. Leur plaisir évident à déguster ce plat pourtant simple déclenche le rire grinçant de Branette qui leur jetait un coup d'oeil depuis l'autre côté de la table.

Aucun des trois lutins en lévitation n'a la même technique que ses frères pour finir son bol en premier ; l'aîné ferme les yeux pour mieux se concentrer, faisant preuve de son grand savoir dans ce domaine en avalant de petites gorgées du liquide proche du bord où il a eu le temps de refroidir. Le deuxième, plus pressé, ne cache pas son émotion lorsqu'il se brûle le palais après une lampée trop grande. Le dernier enfin, montre ostensiblement sa volonté de gagner le jeu en faisant fi des brûlures afin de terminer plus vite. Bien évidemment, ils achèvent tous en même temps.
- Vous croyez que Saint Cresselia va arriver bientôt ? reprend Fadet en s'essuyant la bouche.
- Il va venir ce soir n'est-ce pas ? piaille Follet en virevoltant dans l'air. Ce serait génial qu'il vienne !
- Il va venir, assure Helf qui sait toujours tout.

Décembre, le 24, 2017.
Lieu : inconnu.

Cet endroit est très étrange, et je ne sais pas comment j'y suis arrivé.
Après vérification, je ne connais aucun des humains ou pokémons qui sont présents ici. Ceux à qui j'ai pu parler se sont montrés très gentils avec moi, les pokémons surtout avec qui la communication est plus facile, mais j'ai l'impression que personne ne sait ce que nous sommes censés faire ensemble.
Les lumières colorées que j'ai vu à l'extérieur me laissent penser que tout ça est encore lié à ce fameux "n'eau-aile". L'arbre géant installé au milieu du nid me conforte sur cette piste, surtout que d'autres cadeaux de gratitude sont disposés tout autour. Je ne sais pas non plus qui les a mis là, je n'ai pas encore eu le temps de les examiner.
J'avais trouvé un sujet d'études fascinant à l'extérieur ! Un jeune humain qui m'a rappelé le frère de mon humaine rose, avec ses mouvements totalement désordonnés et son regard vide. L'ennui, c'est qu'il a réussi à me semer une fois à l'intérieur du nid en fonçant dans des personnes au hasard. Je ne m'abaisse pas à ce genre de pratiques, même pour la science ! A moins que ce ne soit pour un combat, et ça n'en avait pas l'air même si plusieurs personnes sont tombées à terre dans une sorte de paquet de gens. Ils m'ont un peu rappelé les petits cadoizos dans les nids, quand ils ne savent pas encore voler et qu'ils se serrent pour ne pas avoir froid.
J'ai aussi repéré un autre individu de mon espèce, que je ne connais pas non plus. C'est étrange, aucun fait scientifique ne saurait expliquer ma présence ici, mais je me sens tout à fait à ma place pour autant. Puisque tout cela semble lié à "n'eau-aile", c'est peut-être une sorte de récompense que de se retrouver dans un endroit si agréable pour la soirée. On doit y avoir droit seulement quand on a fait de très beaux cadeaux, et c'est vrai que les miens ont fait forte impression dans la famille de mon humaine rose. C'est un peu dommage que je n'en ai pas pour aujourd'hui.
Puisque je suis là, autant approfondir mes observations sur cette fête. Je vais appeler mes notes de ce soir Annexe Brute : Rapport Unique sur la Tradition de l'Invitation Ecarlate, ou pour faire court l'ABRUTIE.

Je repère d'ailleurs de très intéressants jus de baies aux épices, d'après l'odeur. Il est de mon devoir d'aller les examiner, pour la science bien sûr. Ils ont été disposés sur une chose en tissu blanc qui tombe jusqu'au sol, que tout le monde nomme "Bu-fait". Puisque c'est l'endroit où sont posées toutes les boissons de la soirée, les humains qui sont des créatures d'une grande logique pour certaines parties de leur quotidien ont certainement nommé cet objet d'après la fonction qu'il doit remplir.
Cependant si c'est cela, il aurait mieux valu l'appeler le "A-boire", étant donné que les verres sont encore remplis tant qu'ils sont posés dessus. Les humains sont aussi très stupides sur beaucoup d'autres choses. A moins que cela ne signifie "fait pour les choses qui doivent être bues" ? C'est pratique aussi d'inciter à la consommation par la simple évocation d'un élément du mobilier.
Si cette dernière hypothèse est la bonne, je ferais mieux de me conformer à cette pratique afin d'en comprendre toutes les mécaniques. Maintenant que j'y pense, je me souviens avoir vu à l'entrée d'une fête certains humains cocher des cases sur des bouts de papier, au fur et à mesure que d'autres humains arrivaient et leur lançaient un cri de reconnaissance. Peut-être faut-il faire de même ici, et signaler qu'on a bien fini de boire après avoir pris quelque chose du "bu-fait". Cela mérite expérimentation.


Le petit pokémon rouge observe avec la plus grande perplexité le manège du cadoizo, qui après avoir rangé son matériel d'écriture dans sa longue queue se précipite vers les verres préalablement remplis de divers liquides. L'oiseau choisit avec beaucoup de soin son verre de jus chaud aux épices, pour l'avaler pratiquement d'une traite après avoir goûté à la première gorgée. La surprise de son observateur ne fait qu'augmenter lorsqu'il voit le pokémon vol et glace ressortir son stylo, afin de marquer d'une grande croix noire la nappe auparavant immaculée.
Vingt-Deux renonce à comprendre cet énergumène, et retourne plutôt à sa béate attente devant la cheminée. L'âtre monumental se dresse le long d'un des murs, entre deux fenêtres assez grandes pour lui permettre d'admirer également la neige tomber. Le feu et la glace réunis en un tableau somptueux.
Les flammes apprivoisées réchauffent délicieusement le petit être. Il n'éprouvait certainement pas cette sensation de sérénité face au feu dévoreur de la forge. Ici enfin, il commence à retrouver un contact sain avec son élément naturel.

Le magby jette un coup d'oeil à la vieille femme qu'il accompagne pour la soirée, et dont le siège est assez proche pour qu'elle profite aussi de l'onde de chaleur. Le pokémon n'a plus besoin de s'inquiéter pour lui-même, personne ne l'enfermera de nouveau là-bas tant qu'il sera près d'elle, et il n'a plus besoin de s'inquiéter pour cette personne âgée qui n'est ici plus solitaire.
- Oh oui, la petite Emma a montré beaucoup de potentiel, caquète-elle.
- Vous avez suivi les débuts d'Emma à Kalos ? s'enthousiasme Delia.

Elle est ravie de sa soirée. Voilà longtemps qu'elle n'avait pas eu de conversation aussi stimulante. M.Mime, qui l'a gentiment installée près du feu et s'est assuré qu'elle avait de quoi boire, est un pokémon adorable mais dont la compagnie ne suffit pas toujours. Parler de concours fait beaucoup de bien à Delia, mais pas autant que de le voir lorsqu'elle tourne la tête vers le centre de la salle.
Son fils est venu à cette soirée. Elle ne sait ni comment, ni pourquoi, mais elle en bénit toute divinité qui a contribué à les réunir pour quelques heures. Bien sûr il a d'abord fallu dissuader Sacha de provoquer tous les dresseurs de l'assemblée en duel avec Pikachu, mais même lui a fini par laisser l'atmosphère apaisée du lieu le contaminer. La souris électrique se promène dans toute la pièce pour lier connaissance avec les pokémons, et Sacha s'est intégré à un groupe de jeunes gens.
Celui qui tanguait à l'extérieur de l'arène en fait partie, mais il semble avoir retrouvé ses esprits peu de temps après avoir passé l'entrée. Cette fois il ne lui viendrait pas à l'idée d'user des mêmes artifices qu'au palais Chaydoeuvre, ni à ses amis. Tous se sont plutôt réunis en cercle et assis tout bonnement sur le sol près du sapin, pour lancer quelques parties qui leur permettent de faire résonner la salle de leurs rires et de leurs cris. Le Leuphorie Maboul a remporté un franc succès en terme de niveau sonore, mais c'était presque plus drôle de les voir élaborer des raisonnements absurdement compliqués pour réussir à déterminer qui était le Lougaroc de Lili'i. L'ajout des cartes de l'extension Crépuscule, ainsi que l'arrivée de quelques autres joueurs, à la partie suivante n'a pas aidé. La partie d'Illumipoly en cours risque de les occuper un peu plus longtemps, et les voix plus basses permettent de mieux profiter de la musique.

Il fait vraiment bon ici. Le froid a totalement disparu.
Je ne suis pas dans ma cuve trop petite et glaciale cette fois, ça doit aider. Je ne suis même pas dans l'eau, en fait. Ce qui n'a rien de grave en soi d'ailleurs, surtout que le sol n'est pas comme mon piédestal tout dur. Autour de moi il y a bien quelques fils qui traînent, mais ils sont assez loin de moi pour que je ne m'empêtre pas dedans si je fais un peu attention. Il me suffit de ne pas bouger.
Je ne sais pas où je suis. Je sais qu'il n'y aura ici aucun des Congénères, et que ce n'est pas un mal tout bien réfléchi. Autour de moi il y a des humains que je ne connais pas du tout, qui s'agitent et jouent sur ce qu'ils appellent des instruments de musique je crois bien. Ils ne me demandent pas de faire quoi que ce soit, et lorsque je croise le regard de l'un d'eux ses yeux ne sont pas durs et sadiques. Les sourires qu'on m'adresse ne sont pas mauvais mais revigorants. C'est agréable.
Devant nous il y a bien quelque chose. Une foule plus clairsemée que ce dont j'ai l'habitude. Ce n'est pas le Monstre. Rien de tout cela ne me fait peur. Finie la disposition en demi-cercle autour et au-dessus de moi pour m'étouffer, finie la lumière trop forte qui me fait mal. Personne ne m'a attrapé en me faisant mal, on ne m'a collé aucun bout de tissu inutile sur le corps.

Je sais qu'on ne m'obligera pas à chanter pour ces gens. Seulement, cette fois et pour la première fois, je ressens quelque chose pour ces visages anonymes. Parmi eux je ne compte pas seulement des humains mais aussi des pokémons qui se déplacent en liberté, et un grand nombre de sourire.
Pour une fois, j'ai envie de chanter. Le morceau en cours vient de s'arrêter, et je sais où venir me placer. Juste au centre, un peu devant les musiciens, presque au bord. Personne ne m'en empêche, mais je sais que derrière ils sont prêts à me soutenir. C'est le moment de créer quelque chose, de donner libre cours à ma vraie voix.

Il l’entend.
Auparavant, le silence comme lors de son dernier rêve. La foule est tout aussi dense que la fois précédente, il y a également des musiciens sur scène, mais toujours pas le moindre son. La guitare doit pourtant bien jouer, elle réussissait d’ailleurs à capter l’attention des personnes occupées à se restaurer en contrebas. Des verres s’entrechoquaient au fil des rencontres et des toasts, sans un bruit. Les bouches se sont étirées en des rires parfaitement silencieux, un grand nombre de déclarations d’amour ou d’amitié muettes ont été prononcées au cours de sa déambulation dans la salle.

Ce n’était pas désagréable comme lors de son dernier songe cependant. L’atmosphère de la soirée est si différente qu’il est difficile de ressentir la moindre angoisse, même en ayant perdu l’un de ses sens. Il est vrai que cette fois, il voit parfaitement les couleurs et les lumières disposées un peu partout en guise de décoration dans la salle, ce qui doit l’aider à conserver son calme. Il sait aussi qu’il ne risque rien ici, même s’il est encore plongé dans une foule de parfaits étrangers. Partout il n’a assisté qu’à des scènes de joie, ou plutôt de douce béatitude pour le moment. Ce silence ne lui était plus intolérable, il a même toutes sortes de vertus dans un endroit pareil.
Mais à présent il entend cette chanson.

A la première note d’Otarlette, plus rien d’autre n’a existé.
Cette musique est tout ce qui lui manquait. Jamais il n’a entendu une expression si sincère de sentiments logés dans un cœur. La représentation parfaite d’un rêve.
L’homme s’approche de la scène, il se gorge de chaque son comme s’il était le dernier. Et à la vérité, la fin de la chanson sera un déchirement, il le sent déjà. Il a également la sensation que cet instant de grâce ne pourra survivre à cette soirée, à son réveil peut-être. Y a-t-il une réalité qui ait ce parfum et cette saveur ?
On me regarde, et cela ne me pose pas de problème. Cette situation aussi est toute nouvelle.

Me regardes-tu, toi ? Rosabyss, je veux penser à toi ce soir. J’espère que tu peux entendre cela, toi qui as toujours été plus douée que moi, je veux que tu me voies sur cette scène maintenant. Regarde comme je chante bien ! J’ai tout appris de toi, écoute.

Une grande lumière s’empare de la chanteuse sur scène. La voix ne faiblit nullement, mais Otarlette est subitement entourée d’un halo si fort qu’il en masque entièrement le corps bleu et blanc. Les musiciens, en bons professionnels, ne se laissent pas troubler dans leur jeu, mais leurs regards montrent bien leur admiration face au phénomène. A la fin du couplet en cours, c’est une Oratoria qui se tait quelques instants avant de reprendre son chant. Désormais nettement plus grande, elle laisse sa longue queue pendre au bord de la scène, oscillant doucement au rythme de la voix.

Le couple admire la transformation de la cantatrice quelques instants, comme le fait le reste de la salle, avant de retourner à ses embrassades. Il est difficile de les décoller l'un de l'autre ce soir, leurs lèvres se détachent uniquement pour susurrer des mots doux avant un nouveau baiser. Dire qu'ils hésitaient à réessayer une relation intime il y a encore quelques jours...
Blizzi ne se souvient pas de la dernière fois qu'il a vu Mike en aussi bonne santé. Cela fait au moins cinq fois qu'il l'entend rire en réponse aux remarques pleines d'humour de Sarah, un véritable record pour l'humain auparavant si morose. Le petit pokémon blanc et brun inspire un grand coup, trop heureux d'avoir enfin quitté cet appartement étouffant. Surtout pour se retrouver dans un tel endroit, que de lumière ! Que d'odeurs, que de formes nouvelles ! Il observe encore quelques instants les amoureux depuis l'autre côté de l'immense sapin, satisfait du spectacle. Puisqu'aucune ombre ne semble menacer le couple pour le moment, et que cet état de grâce risque de ne pas durer après le passage de la nuit, Blizzi se dépêche de choisir comment profiter au mieux de la fête. Il a repéré quelques-uns de ses congénères dans la pièce, qu'il rejoint d'une démarche pataude mais joyeuse. Eux auront sans doute des idées amusantes, à moins qu'ensemble ils ne préfèrent écouter encore un peu la chanteuse.

La toile est splendide sur le mur de l'arène. La lumière, celle des décorations, du feu de la cheminée, des étoiles qui resplendissent par la fenêtre peut-être, tombe juste à propos sur la scène représentée. Jamais peinture n'a su être mise en valeur de cette manière, sans compter que le tableau lui-même tient la comparaison avec nombre de chef-d'œuvres. Toutes ces heures passées à poser n'étaient pas perdues.
Victor ne parvient à s'arracher à sa contemplation de la toile que dans l'espoir de voir la peintre. Elle est là, bien sûr. Juste à côté de lui, Annie semble alterner entre les regards admiratifs portés à Oratoria, et les regards curieux posés sur le couple enlacé.

Ce n'est pas que l'ectoplasma n'y a pas pensé, bien sûr. Une telle étreinte avec Annie est un doux songe, l'exemple de ces humains inconnus est le meilleur des professeurs. Ce n'est pas la première fois qu'il rêvasse en imaginant ce premier baiser, la saveur des lèvres de l'autre, la sensation de son corps lové contre le sien. Pokémon ou humain, tous veulent connaître ce sentiment d'aimer et d'être aimé en retour.
Seulement ce soir, il n'a pas besoin de la tenir dans ses bras pour en être persuadé. Annie serait à des centaines de kilomètres que Victor éprouverait cette absolue certitude des sentiments qu'elle lui porte, qu'il lui porte, qu'à jamais ils seront réunis. Il aura le temps plus tard de l'embrasser, ils auront toute la vie pour cela. En attendant, ils profitent ensemble de la brise légère de ce monde suspendu, du souffle de la musique et du parfum de la joie.

Les deux pokémons s'écartent juste à temps de la trajectoire d'un autre couple, qui redonne à la piste de danse sa fonction première. Les verres se vident peu à peu, chacun désormais a eu le temps de manger à sa faim, il s'agit maintenant de grignoter pour satisfaire sa gourmandise plus qu'un véritable appétit. Perdus dans les yeux l'un de l'autre, ni Adam ni Angel n'ont envie de continuer à manger. Leur pas ne sont pas encore très assurés, mais ils s'allongent de plus en plus à chaque seconde qui passe. Les sourires s'élargissent, le plaisir augmente au fur et à mesure qu'ils enchaînent les mouvements. Adam ne parvient pas à croire qu'il a tant hésité à inviter Angel ! Il avait pourtant toutes les raisons de le faire, déjà parce qu'il ne se souvient pas avoir jamais appris à danser. Cependant, il savait avant de prononcer le moindre mot qu'il s'en sortirait, et il ne s'est pas trompé. La jeune femme est dans ses bras, elle s'écarte de lui au rythme de la musique puis revient se plaquer contre son torse, avant de s'éloigner de nouveau dans un autre tour. Angel ignore combien de cercles autour du sapin ils ont déjà accompli, deux, trois, quatre peut-être, mais elle adore ce jeu. Elle se prend à espérer que la chanson ne s'arrête jamais, et cela ne serait pas si surprenant avec une telle chanteuse qui paraît capable de tout. L'un, puis l'autre arrête son partenaire lorsqu'il ou elle se laisse trop emporter, le rythme n'étant pas si endiablé. Au contraire, ils finissent peu à peu par revenir à des gestes plus lents, plus proches du corps de l'être aimé.

Un frémissement le long de leurs jambes. Le temps qu'ils se retournent, et les pokémons qui viennent de les frôler dans leur jeu sont déjà loin. Angel sourit en voyant les deux félins se poursuivre, s'esquiver et se rattraper l'un l'autre. Ils lui rappellent tant la jolie évoli qu'elle a vendu à Adam...
Une autre humaine, assise plus loin, n'a pas lâché des yeux le duo. Bien entendu ces pokémons lui évoquent également quelque chose. Elle a reconnu sa Delcatty au premier coup d'oeil, rien de surprenant puisqu'elles sont arrivées ensemble avant de se séparer dans l'arène, mais Michelle a plus de mal à en croire ses yeux tandis qu'elle détaille son partenaire de jeu. Le pokémon, autrement plus grand et massif que la délicate Delcatty, n'a aucun mal à la renverser sur le sol et lui mordiller l'oreille dans une parodie de combat. La seconde, plus agile, s'échappe aussi facilement de son étreinte pour bondir sur le dos rayé de bleu et de blanc. L'étreinte pourrait être féroce, elle vire rapidement en une embrassade fraternelle.
Chaffreux se redresse finalement, pour plonger son regard jaune dans celui de sa maîtresse toujours lovée au coin du feu. Elle lit tout ce qu'elle voulait encore savoir dans les yeux fendus ; jamais ils n'ont eu besoin de mots pour se comprendre.

Les deux chats poursuivent leur route dans la salle, laissant de nouveau la vieille dame à sa conversation. Delcatty reviendra bientôt à ses côtés, et le matou ne quittera pas la salle avant la fin de la soirée. Même parti, il ne lui en voudra pas d'avoir pris quelqu'un pour remédier à sa solitude.
Pour le moment bien sûr, ce n'est pas le sentiment que Michelle éprouve de toute manière. Elle revient au dialogue précédemment commencé avec une joie nouvelle. Le débat porte maintenant sur les recettes données en guise de conseils par les coordinateurs célèbres ; des choses très banales en somme. Mais qu'il est doux de parler avec d'autres personnes qu'un mort pour une fois.

La neige tombe toujours, ici. Quel contraste avec Alola où on ne la voit jamais.
Je l'admire en silence avec Gladio, qui me serre dans ses bras. Les fenêtres de la pièce sont assez grandes pour nous permettre de contempler le paysage à loisir, elles me rappellent beaucoup celles du manoir. A part cela, tout est différent. Jamais notre région n'a été si blanche, jamais la température n'a été si douce, jamais rien de ce genre n'est tombé du ciel sur nos rivages. Je suis des yeux un flocon quelques instants, avant qu'il n'atteigne le sol et ne se perde parmi les autres. Je relève alors la tête vers mon frère, qui lui ne me regarde pas. Il paraît au contraire vouloir s'absorber dans un détail du décor déployé de l'autre côté des vitres, un des arbres immaculés peut-être. Ou les collines qui se détachent sur l'horizon.
Aucun de nous deux ne veut briser ce silence. Nous savons exactement à qui l'autre pense, qui manque dans cette fête qui aurait été parfaite avec elle. Bien sûr elle est déjà inoubliable, un réveillon si joyeux est au-delà de mes espérances. Quelle que soit la personne qui en est à l'origine, elle a accompli un travail remarquable.
Je me tourne pour observer cette fois l'intérieur de l'arène, les musiciens sur la scène entourant l'Oratoria chanteuse, le sapin gigantesque trônant au centre, les cadeaux à son pied, le buffet. Ma respiration se bloque avant que je n'ai pu m'attarder sur le prochain détail. Je suis obligée de tirer la manche de Gladio pour qu'il se détourne de la fenêtre avec moi, mais il doit voir cela.

Elle est là. Sur ses pieds, passant d'un groupe à un autre de sa démarche légère dont j'avais presque perdu le souvenir, riant aux plaisanteries qu'elle entend. Dans un corps qui respire la santé, mise en valeur par une de ces robes colorées qu'elle aimait tant autrefois. Notre mère.
J'ai envie de l'appeler, mais ma voix reste bloquée dans ma gorge. Je veux me précipiter vers elle, me lover dans ses bras et ne plus en bouger, mais mes jambes ne répondent pas. Alors je guette le regard de mon frère, prête à lui emboîter le pas au moindre mouvement. Il a l'air aussi sonné que moi bien sûr, mais à ma grande surprise il ne bouge finalement pas de sa place. Un sourire douloureux se dessine sur son visage, mélancolique peut-être. Puis il retourne à sa contemplation de la neige qui n'a pas cessé de tomber.
Il a toujours accepté les drames bien mieux que je n'ai su le faire. Peut-être s'est-il résigné à la situation, au point que cette vision furtive lui suffise désormais. Mais moi, je ne peux abandonner si facilement l'espoir. Puisque je n'ai apparemment que cette soirée à vivre auprès d'elle, je compte bien en profiter. Mes pieds acceptent de bouger, et je laisse Gladio pour courir à la recherche de ma mère.

Non loin de là, Vingt-Deux a quitté la chaleur de l'âtre pour admirer le paysage par une autre fenêtre. Les carreaux les plus bas sont assez proches du sol pour qu'un magby puisse en profiter, ce dont ce dernier ne se prive pas. La gentille vieille dame, qui a du mal à marcher, n'a pas quitté son fauteuil pour le rejoindre, mais ce n'est rien.
Les Lakmécygnes sont là. Dans cet étrange monde, c'est une nuée gigantesque qui a pris possession du ciel. Il savait que ce spectacle en valait la peine, que ce soit au-dessus du pont ou ici.
- Moi aussi, j'aime voir ça.

La voix est très délicate, presque fluette. Vingt-Deux n'avait pas prêté attention à la jeune Evoli qui l'a rejoint à la fenêtre, mais maintenant qu'il s'aperçoit de sa présence il se rend compte qu'il était difficile de la rater. Une évoli de cette couleur, c'est rare, au point qu'il sache que le phénomène n'est pas normal malgré tant d'années passées loin du monde. Cependant, il n'est pas certain de savoir de quoi elle parle.
- Quoi donc ?
- La neige qui tombe, explique la boule de poils argentée. Il y a peu de choses que je trouve plus jolies. Au fait, je m'appelle Flocon ! Enchantée.

Avant que Ving-Deux n'ait pu répondre à la formule de politesse, se demandant bien quel nom donner d'ailleurs, la petite Evoli est appelée. Par son dresseur peut-être, ou un autre humain de sa connaissance. La douce apparition repart dans la salle en courant, aussi vite qu'elle était arrivée, laissant le magby encore sous l'emprise de la rencontre.
- La glace peut avoir son charme, pas vrai ?

Nouvelle interruption. Cette fois c'est un Reptincel également inconnu que découvre Vingt-Deux, nonchalamment adossé entre deux décorations colorées. Dès que le magby repense à Flocon, il comprend la remarque de son congénère du type feu.

Presque à l'opposé dans la salle, non loin d'un des escaliers menant à la scène, un humain a lui aussi le nez au ciel. Cependant cette fois, pas de fenêtre à portée de regard, il fixe le plafond plutôt que l'immensité de la nuit à l'extérieur. C'est qu'il y a aussi beaucoup à regarder, et si la plupart des convives reviennent régulièrement à Oratoria surtout depuis sa remarquable métamorphose, beaucoup lèvent presque aussi souvent la tête afin d'admirer les danseuses.
Les lucioles aussi sont là. Pour un oeil non averti il est difficile de déterminer si on peut parler d'ordre au milieu du chaos, mais ce dresseur qui ne les quitte pas des yeux sait que leur chorégraphie est savamment étudiée. En particulier, il ne rate aucun mouvement des deux étoiles les plus brillantes. Les siennes. Jamais Lumivole et Muciole ne se sont si bien accordées, jamais une chanson ne les avait si bien sublimées avant cela.
L'humain hausse soudain un sourcil. La musique s'est arrêtée, et presque aussitôt un grand cri retentit. Cela semble être le signal à la fois pour les musiciens et les pokémons en vol, dont la danse change brusquement pour se faire presque endiablée.

Le cadoizo se laisse prendre également à l'ambiance survoltée de la fête. Il a envie de danser à son tour, même s'il ne s'est jamais livré à ce genre d'exercices. Il s'approche de la piste, encore maladroit sur ses pattes faites pour la marche sur la glace bien plus que les acrobaties sur parquet, mais il s'immobilise avant d'avoir pu faire de plus amples cascades.
Les cadeaux sont encore étalés au pied du sapin. Personne n'a voulu ou même pensé à y toucher. Malgré son envie de s'amuser, le professionnalisme sans faille du pokémon vol et glace reprend le dessus. Il y a quelque chose à livrer, et c'est urgent !
Les tampons sur les paquets brillants sont les mêmes que ceux qui ont servi pour les enveloppes, rien de bien compliqué. L'affaire de quelques instants tout au plus, vu que les invités sont réunis dans la même salle. Trop facile presque.

Zeupostman trottine donc vers l'une des fillettes de l'assemblée, qui a retrouvé sa Branette, pour lui tendre avec un cri satisfait la première boîte. Le colis n'est pas bien lourd ni très gros, il s'agit d'un carré que même Tiffany n'a aucun mal à garder dans ses deux mains ouvertes. L'emballage est rayé de mauve et de noir pailleté, comme si des pokémons papillons avaient laissé tomber leur poudre dessus. Branette se penche sur l'enfant pour découvrir avec elle le cadeau qu'elle déballe.
Le duo se retrouve donc en face d'un écrin en forme de cercle, que Tiffany ouvre précautionneusement. Cela pourrait être un collier par exemple, mais la boîte lui semble à la fois trop haute et étroite pour cela.
A la place, elle lâche un cri de joie et d'admiration en découvrant le contenu. Branette lui fait écho d'un sifflement doux lorsque l'enfant lève à hauteur de son visage la ball toute neuve. Cette sphère est autrement plus impressionnante qu'une classique poké ball, et sa couleur uniformément rouge séduit aussi bien le spectre que sa petite dresseuse. Le double trait gris anthracite qui en fait pratiquement le tour, écho du cercle qui entoure le bouton d'ouverture, ajoute un charme supplémentaire à l'ensemble en rappelant le gris de Branette.
Les sourires sont jumeaux sur le visage des deux amies. Tiffany se rappelle finalement de ses cours, celle-ci doit être une mémoire ball qu'on nomme parfois "ball cerise" dans sa région. Il n'est pas dur de comprendre pourquoi. En plus c'est un objet tellement rare que la fillette n'aurait jamais cru en voir un jour, encore moins en posséder une. Même Cassy ne pourrait pas s'en procurer une pareille.

Pendant ce temps le cadoizo zélé a poursuivi sa tournée, diminuant rapidement la taille de la pile de cadeaux restante. Il est arrêté lors d'un de ses passages par un jeune homme, qu'il n'avait pas encore repéré dans la salle bien qu'il se souvienne désormais lui avoir également donné une des invitations rouges. L'humain semble contaminé par la bonne ambiance générale, comme tous les autres du reste, pourtant une sorte de mélancolie s'insinue malgré tout dans son sourire.
- Je voulais te remercier, mon bel oiseau. Je sais que tu as donné de mes nouvelles à ma mère, chaque fois tu as livré mes lettres pour elle. Merci pour ça.

Zeupostman lui lance un caquètement joyeux en agitant une patte, pour lui faire comprendre que ce n'était rien. Il n'a fait que son travail, dans cette histoire. A présent il est curieux, il voudrait en apprendre un peu plus sur cet homme dans un curieux uniforme. Mais avant qu'il ait eu le temps de reprendre leur échange, ce dernier est subitement attiré par la pluie de cotillons qui se met à tomber du ciel. Vient-elle des lucioles toujours en l'air, ou encore d'au-dessus d'elle, impossible de le savoir depuis le sol. En tout cas cette vision illumine enfin véritablement le visage du jeune humain, y imprimant un franc sourire. Il paraît sur le point de bondir participer aux réjouissances, mais il ne bouge pas encore de son siège.

Assise dans un coin près de l’entrée, la femme en noir tape du pied, mais elle ne sait pas pourquoi. La musique est joyeuse et entraînante, et lui donne envie de danser. Mais Cynthia est partagée : elle qui pensait ne plus jamais pouvoir célébrer Noël à présent que Frédéric est parti, la voilà qui se laisse aller à la bonne ambiance générale et cela lui fait tout drôle. Elle sait que Frédéric ne reviendra plus, elle sent son absence au plus profond d’elle et cependant la douleur a disparu. Cynthia sait qu’elle reviendra plus tard, mais pour l’heure, c’est comme si elle s’était endormie. Alors elle a envie d’en profiter mais sans trop oser se lancer.

Une touffe végétale émerge soudain de la porte à côté d’elle, la faisant sursauter. C’est la tête d’un Noadkoko d’Alola qui tente d’entrer avec beaucoup de difficulté. Son long cou se redresse dans la salle au haut plafond mais son corps est toujours à l’extérieur et bloque le passage. Un adolescent parvient tout de même à se faufiler entre le Pokémon et le mur pour entrer dans l’arène.
- Attends une seconde, arrête de bouger, ordonne Arsen à son pokémon.

Cynthia le voit fouiller frénétiquement dans son sac à dos.
- Je l’ai ! annonce-t-il en brandissant, victorieux, une poké ball. Reviens, Noadkoko !

Dans un flash rouge, le pokémon est absorbé dans l’orbe. Le garçon se tourne alors vers la piste de danse et lance sa ball pour en libérer l’occupant, cette fois-ci tout entier à l’intérieur de l’arène. Trop heureux d’avoir enfin la place de bouger, le Noadkoko commence à s’agiter en tous sens, tentant de suivre le rythme de la musique et manquant de renverser un Cadoizo, un Blizzi et quelques enfants au passage. Cela fait rire Cynthia. Elle se lève sans réfléchir à ce qu’elle va faire mais, avant qu’elle n’ait pu se poser cette question, une voix vient à son secours et l’interpelle :
- Excusez-moi, c’est bien vous, Cynthia ?

Délia se tient devant elle, hésitante. Cynthia lui confirme qui elle est. Un timide sourire éclaire le visage de son aînée.
- Je vous ai vu à la télévision, reprend Délia. Je vous admire beaucoup. Accepteriez-vous de venir vous asseoir près de nous ?

Délia lui indique de la main deux femmes âgées qui bavardent tranquillement, accompagnée d’un Delcatty et d’un Chaffreux.
- Avec joie, accepte Cynthia.

Le sourire de Délia s’élargit encore. Elle prend le bras de Cynthia et la guide vers ses deux compagnes.
Noadkoko a trouvé le rythme. Il agite sa queue comme une maracas, faisant rebondir Créhelf qui s’est installé sur la petite tête tout au bout. Le petit rit aux éclats chaque fois que ses frères viennent le chatouiller à coup de langue de belle-mère. Il peut heureusement compter sur l’aide d’Arsen qui le défend avec une sarbacane en carton et des boules de cotillons colorées. Il mitraille Créfollet et Créfadet et parfois une balle perdue va se perdre dans le buffet ou sur la tête d’un invité. Tout le monde en rit et ceux qui n’ont pas de sarbacane ripostent en lançant les boulettes à la main.

Le jus chaud aux épices est vraiment bon, ma foi. Les deux premiers verres pas terrible, mais alors les deux deuxièmes wahou !
Les humains sont en possession de substances vraiment très intéressantes pour le mental, des sortes de breuvages d’euphorie qui ont l’air de fonctionner sur toute l’assemblée. Cela marche remarquablement bien sur mon cerveau supérieur en tout cas, je me sens léger… Surprenant, comme si je flottais au-dessus du sol qui n’est pas palpable. Je me dois de vérifier l’intégralité des effets potentiels de cette boisson ! Il n’y a plus de verres pleins sur le Bu-Fait ? Ah si. Allez, encore une croix, respectons les coutumes locales.
Tiens, j’ai l’impression que le plancher fuit, une sorte de source en jaillit. Ce n’est pas un geyser soit, mais ce serait tout de même dommage de gâcher la soirée avec une inondation. Les gens sont souvent moins joyeux quand ils ont les pieds trempés, je l’ai remarqué. Allez, puisque c’est le soir de la générosité, je me dévoue pour les réparations !


Les joueurs sont obligés de lâcher leurs cartes pour sortir le cadoizo de la fontaine de chocolat qui trône sur un côté du buffet. Ils sont aidés dans leur tâche par le jeune soldat, qui s’est enfin levé et se retrouve rapidement couvert d’une généreuse couche de chocolat pratiquement sur tout le devant de son uniforme. Il a d’abord fallu plonger les bras presque en entier dans la fontaine, et ce n’était rien à côté des gesticulations du pokémon manifestement très enthousiaste à l’idée d’aller trouver le chocolat liquide à la source. Sacha tente bien avec Pikachu de remettre le professeur Celsius sur ses pattes, mais il est de toute évidence incapable de tenir la position debout et retombe presque aussitôt sur le plancher où il reste à tenir la position stratégique de « l’ange sans neige », agitant au hasard les bras en caquetant.
- Mais il est ivre ! remarque Delcatty perspicace.
- Bourré comme un coin-coiiiiin, précise M.Mime qui tient à être exhaustif.

Le trait d’humour fait rire aux éclats les pokémons presque tous rassemblés désormais, tandis que le groupe de dresseurs venant d’accomplir le courageux sauvetage met la main sur une provision de sarbacanes. Il n’en faut pas plus pour que l’affrontement haut en couleur prenne une autre dimension, peu d’humains n’y participant pas à ce moment de la soirée.

Au pied de l’arbre de Noël, une petite fille ne semble guère prêter d’attention à ce qui se déroule dans la salle. Elle joue paisiblement avec une figurine de Tarpaud. Son antenne est cassée mais elle s’en fiche. C’est le cadeau qu’elle voulait alors tant pis si le Père Noël lui apporte une doudoune Skitty ou une écharpe Pachirisu, elle a déjà de quoi faire son bonheur. Même la robe hideuse que voulait absolument sa mère lui serait parfaitement indifférente maintenant.

Une boule rouge de cotillon passe tout à coup près d’elle et lui fait relever la tête. Elle a atterri sur une branche du sapin et ne semble pas vouloir en tomber. Il y a aussi de jolies décorations dans ce sapin. Lumineuses ou non, elles sont toutes colorées et solidement accrochées.
La petite fille sourit ; une idée vient de lui traverser l’esprit et, en plus, Tarpaud a l’air d’accord. Elle se redresse d’un bond sur ses jambes et pose sa figurine sur une branche mais sans la lâcher. Puis elle la fait passer à une branche toute proche, puis à une autre, comme si le Pokémon bondissait. Elle commence à tourner autour du sapin pour faire progresser son petit protégé parmi les guirlandes et les petits personnages. Portée par la musique, elle accélère les bonds de Tarpaud et sautille autour de l’arbre plus vite. Elle sait qu’elle va avoir le tournis mais qu’importe, ce jeu est beaucoup trop amusant pour s’arrêter maintenant. D’autres enfants la rejoignent en riant et courent avec elle autour du grand sapin. Angel et Adam accompagnent le mouvement en dansant.

Loin au-dessus des têtes, la danse des lucioles n’a fait que s’accélérer au rythme de la musique. Combien d’instruments y a-t-il maintenant, combien de voix en harmonie ? Combien de danseurs, sur la piste et dans les airs ?
Les couleurs pastel des mucioles et lumivoles répondent à celles du sapin illuminé. L’or et l’argent va à tout le monde, ce soir. Moi qui croyait ne jamais voir de spectacle aussi beau que celui de la clairière… Impossible de compter les pokémons insectes, synchronisés avec le ballet des lakmécygnes. Il serait même difficile de jurer être toujours à l’intérieur de l’arène, ou d’affirmer se trouver à l’extérieur dans la neige immaculée. Je n’en ai aucune idée.

Un sourire de connivence, à peine de quoi plier la commissure de ma lèvre s'imprime sur mon visage tandis que je me tourne vers lui, enfin arrivé. Cette soirée doit être la sienne, il était surprenant qu'il ne se soit pas montré plus tôt. Ou sa journée, peut-être.
- Je voudrais savoir une dernière chose, Saint Cresselia. Est-ce que tout cela est réel ? Ou bien est-ce dans nos têtes que ça se passe ?
- Bien sûr que ça passe dans vos têtes, répond l'apparition lumineuse. Mais pourquoi donc faudrait-il en conclure que ce n'est pas réel ?