Arc 2 chapitre 4
Il ne fallut pas plus de trois secondes pour que le visage de Julie ne se torde de rage et de haine. Elle lança aussitôt une de ses Pokéballs et libéra ainsi son Teddiursa.
- Teddy, utilise Ultimapoing !
Le Pokémon ne se posa pas de questions et fonça tête baissée sur Louise, qui ne bougea pas. Seule son expression changea. La joie laissa place à un détachement qui n’était en rien rassurant. On aurait dit une autre personne, ou plutôt, on aurait dit qu’il s’agissait d’une statue de marbre jugeant cet acte de violence avec indifférence, tel un Métalosse faisant face à un Rattatta.
Alex voulu intervenir pour stopper cette attaque mais le Teddiursa était bien trop rapide. Avant d’avoir dégainé une de ses Pokéball l’attaque aurait fait mouche.
Mais elle fut stoppée par une attaque Lame feuille lancée par un Floramantis qui s’était interposé entre Teddy et sa cible. Le Pokémon plante se plaça devant la scène et leva ses bras, prêt à s’en servir. Le policier qui avait kidnappé Alex surgit alors et s’arrêta aux côtés du Pokémon et leur darda un regard sévère.
- Je pense que vous avez suffisamment profité de notre hospitalité. Veuillez partir maintenant.
- Dans tes rêves, rétorqua Julie, prête à lui sauter dessus. Maintenant qu’on vous a retrouvé on vous lâchera pas.
Tout autour d’eux, les gens murmuraient, hésitaient entre s’enfuir et regarder avec inquiétude le spectacle. Will, quant à lui, garda un air sévère et le regard doré qu’il renvoya mit le jeune professeur mal à l’aise. Mais le plus étonnant, c’est qu’il faisait comme s’il ne les connaissait pas. C’était une bonne tactique. Ils se créaient un alibi de par les différents témoins présents. Ce n’étaient pas eux les responsables mais le groupe d’Alex ce qui factuellement était le cas. Bon sang mais un telle connerie laissait Alex sans voix.
- Ne m’obligez pas à appeler la police, ajouta l’ex flic. Vous pourriez bien le regretter si vous continuez dans cette voie. A moins que vous ne préférez être mis dehors par mes employés ?
Une dizaine de personnes se regroupèrent autour de la scène dont le cambrioleur et le jeune homme qui considérait Louise comme son mentor, tous prêts à libérer un Pokémon. Même Julie s’aperçut qu’il était inutile de s’acharner dans cette situation. Elle rappela Teddy mais son regard témoignait de son intention et particulièrement de sa frustration. Elle fit demi-tour et Hermès la suivit de près.
Alex voulut parler à Louise mais, rien qu’en voyant son regard, il sut qu’il n’arriverait pas à l’atteindre, pas maintenant, pas après ce qu’il venait de se passer. Mais il se promit de revenir la voir, seul. Il quitta le restaurant avec regret, ayant toujours en tête le souvenir merveilleux de la danse et de la joie qui irradiait de Louise. Cette fois il en était quasi certain. L’esprit de son amie était présent dans le corps de cette créature, UC-010.
Will regarda les traîtres quitter le restaurant, son restaurant, avec soulagement. Il avait eu peur quand Julie avait lancé l’offensive. Il avait eu peur que les choses dégénèrent. Mais il était plutôt satisfait du résultat même si ça promettait des ennuis sur le court terme.
Il se tourna vers ses employés, tous des membres de la fondation Aether sous couverture que Gladio avait eu la générosité de leur accorder, et leur donna des consignes : Assurer le service jusqu’à la fermeture du restaurant, verrouiller les portes et garder la place jusqu’au matin, pour mener les traîtres sur une fausse piste. Tous les membres de la fondation acquiescèrent et se remirent au travail.
Anthony et Lief furent les seconds à venir le voir.
- Je vais rentrer chez moi, commença Anthony. Ça les distraira et peut être qu’ils se diviseront. Ils seront plus faciles à maîtriser.
- On ne va pas les tuer Anthony, averti Lief.
- Non, certainement pas, répliqua l’ex cambrioleur, l’air faussement choqué. Mais avec l’Alakazam de Will, on pourrait leur manipuler le cerveau un truc du genre, leur enlever les souvenirs liés à Louglaciale je sais pas trop.
- C’est à envisager, soupira Will. Ils n’ont même pas eu la décence d’attendre la fermeture, ils sont vraiment cons.
- Je ne dirais pas ça, intervint Lief. Il n’y a que Julie qui a agi. Hermès n’a pas bougé, il m’a regardé comme s’il revendiquait un statut neutre. Quant au professeur Corzoma, je ne pense pas qu’il ait approuvé cet assaut non plus. Je pencherais plus que s’il avait pu le faire, il serait intervenu pour empêcher l’attaque. Il a quand même assisté à la danse sans réagir de façon hostile.
- Pas faux, renchérit Anthony. Si c’est le prof qui vient chez moi j’essayerais de savoir sur quel pied il danse. On peut sans doute le rallier à notre cause.
- J’espère, répondit Will, las de devoir encore réfléchir comme un criminel en fuite. Louglaciale tient beaucoup à lui et il a été comme un grand frère, un conseiller, un libérateur pour elle. Je n’ai pas plus envie d’avoir à le combattre qu’elle.
- Ok, conclut Lief. Je vais patrouiller pour voir ce qu’ils font. S’ils campent devant le restau il vaut mieux qu’on le sache.
- Non, rétorqua Will. Les employés vont s’en occuper. Nous, on partira via Téléport.
Lief haussa les épaules, l’air de dire « c’est toi le chef » et alla rejoindre les membres de la fondation. Anthony partit à son tour. Will en profita pour rejoindre son épouse qui était allée se réfugier dans les loges du restaurant après avoir rappelé son Floramantis.
Il la trouva en train de se rhabiller. Elle ne portait qu’un soutien-gorge et une chemise blanche à peine boutonnée. L’ex flic remarqua que ses mains tremblaient. Sur scène elle avait fait preuve d’un sang-froid admirable mais elle avait été secouée par cette vision. Louglaciale était une femme extrêmement sensible mais qui tentait de le cacher pour ne pas paraître faible.
Mais elle n’avait plus à faire semblant, pas avec sa famille en tout cas. Elle retourna vers le dresseur et se jeta littéralement sur lui en éclatant en sanglots. Will l’enlaça tendrement, la laissant exprimer toute la tristesse qu’elle avait sur le cœur.
- Oh Will, sanglota-t-elle. Pourquoi nous ont-ils retrouvés ? Pourquoi a-t-il fallu qu’ils nous retrouvent ? Nous allons devoir partir encore…
- Certainement pas, répliqua l’ancien cobaye d’une voix forte. C’est chez nous ici. Assez de fuir. S’ils essayent de nous faire partir nous nous battrons. Notre vie est ici, point final. Tu te rappelles qu’on veut un bébé ?
- Je ne veux pas qu’ils gâchent tout, murmura Louglaciale en collant sa tête contre le cœur de son époux. Je ne veux pas que notre bonheur soit détruit.
Will fixa son reflet, le reflet d’un homme aux yeux de Pokémon parce qu’il s’était battu pour le bonheur de beaucoup de gens. Il ne laisserait pas le sien disparaître. Au grand jamais. Les yeux se durcirent sur le miroir, semblèrent lancer des éclairs.
- Je te protégerais, lui jura Will. Je protégerais notre vie, je protègerais notre amour… Je t’en fais la promesse.
Louglaciale ne répondit pas. Elle se redressa et embrassa son époux qui lui rendit son baiser. Les mains puissantes mais délicates du dresseur commencèrent à descendre les courbes du dos de sa femme jusqu’à atteindre ses fesses qu’il caressa. Il sentit les mains de sa femme descendre également avant de remonter sur son torse mais sous sa chemise. Le contact froid et délicat de ces mains réveilla une partie de Luxray qu’il garderait toujours en lui et ses assauts se furent plus forts, plus pressés, plus sauvages. Et sa femme ne le repoussa pas. Au contraire…
A peine le groupe fut dehors qu’Alex péta un câble envers Julie.
- On peut savoir ce qui t’as pris ? Hurla-t-il.
- Le monstre était devant nous, répliqua Julie sur le même ton. On est ici pour le détruire, pas pour le baiser.
- TOI, tu es ici pour la tuer, rétorqua Alex. Oh et puis tu sais quoi ? J’en ai ras-le-bol de tes conneries ! Démerde-toi pour foutre la merde et détruire ce qu’il te reste comme famille ! Moi j’en peux plus.
Le professeur commença à s’éloigner quand le cri de Julie lui renvoya ses conclusions.
- Alors tu es pour le monstre toi aussi ? J’aurais dû le savoir ! Tu n’es qu’un emmerdeur qui se mêle de ce qui ne le regarde pas ! Louise n’est pas ta famille et elle ne le sera jamais. Tu es comme UC-010, un parasite!
Alex ne répondit pas. Il n’avait plus rien à dire à cette… Pouvait-on vraiment considérer cet être comme une femme ? Comme un être humain ? Difficile à dire. Le jeune professeur se rendit jusqu’à la plage d’Ekaeka. Il avait grand besoin d’air frais et le contact de l’eau sur ses jambes ne pouvait que l’aider. A cette heure-ci, l’étendue de sable fin était presque déserte à part quelques Comcombaffes et Ramoloss.
« Tant mieux, j'ai envie d'être seul »
Alex regarda le ciel étoilé en se disant qu’il aurait dû avoir la capacité de faire ça il y a des années. Jamais il n’aurait dû s’allier avec la famille biologique de Louise. Après tout, n’était-ce pas lui qui l’avait aidé à s’échapper de la prison familiale ? Il s’était toujours considéré comme un mentor pour la fillette et un ami. Jamais il n’aurait dû douter d’elle.
- Jamais je n’aurais dû la rejeter, sanglota-t-il, sentant le remord l’envahir avec autant de force qu’un tsunami.
- Il n’est jamais trop tard pour se racheter une conduite Doc.
Alex se retourna vivement et croisa le regard d’Anthony, un cambrioleur qui, après avoir séduit Louise, s’était empressé de vouloir la tuer, la poussant à l’exil pendant six ans. Comment pouvait-il se retrouver aux côtés de son amie ?
- Comme vous j’imagine, le railla Alex.
Anthony haussa les épaules.
- Je ne fais que rembourser la dette que j’ai contracté envers Louglaciale. Et, au risque de vous surprendre, je l’aime bien Loulou. Elle a eu une chienne de vie mais elle est toujours restée forte et pure d’esprit. Elle veut paraître insensible et tout le blabla mais au fond, c’est une gamine sensible qui veut juste être heureuse.
- Et vous me voulez quoi ? Demanda Alex, surpris de voir à quel point Anthony connaissait bien Louise.
Il l’avait peut-être jugé un peu vite. Ça arrivait même aux meilleurs.
- Je sais qu’elle tient pas mal à vous, répondit l’ex cambrioleur. Et que si vous vous ne vous réconciliez pas elle s’en voudra toute sa vie, et je pense que vous aussi.
- Aucune chance qu’elle me pardonne, lâcha Alex d’un ton amer. Après tout ce que j’ai pu lui dire…
- Si vous la connaissez aussi bien que moi, l’interrompis Anthony en souriant. Vous savez qu’elle vous pardonnera. Vous êtes amis. Vous êtes un des seuls qu’elle ait jamais eu dans sa vie.
Le doyen tendit sa main et Alex, après une hésitation, la serra. Il n’espérait pas un pardon de la part de Louise. Mais elle méritait qu’il s’excuse dans les règles.
- Ah, une dernière chose, ajouta Anthony. Louise, c’est un nom qui appartient au passé. Un passé malheureux. Dorénavant, son nom est Louglaciale. Louglaciale Carter.
23 ans auparavant, Romant-sous-bois, Kalos.
Louise avait été autorisée à partir en voyage, enfin. Grâce à Alex, elle pouvait enfin réaliser son rêve. Et elle ne commençait non pas avec un Pokémon mais avec deux. Son petit Obscuro et un Evoli qu’elle venait d’obtenir de la part de son ami humain. Ce dernier l’attendait à Illumis pour commencer leur voyage.
La jeune fille en avait pour à peu près une heure pour faire le trajet si elle ne se perdait pas et si elle ne croisait pas de Pokémons sauvages. Mais elle était si excitée. Elle allait pouvoir finalement explorer le monde avec ses amis à ses côtés.
Ses deux Pokémons cheminaient à ses côtés, impatients de partir à l’aventure.
Arrivés enfin à l’entrée de la route 14 et donc à la sortie de Romant-sous-bois, elle se tourna vers ses Pokémons et ‘exclama d’une voix riche en émotions.
- Aujourd’hui notre vie va changer. Nous allons découvrir chaque parcelle de ce monde, nous nous trouveront un endroit parfait où vivre et nous deviendront les plus fort. Nous deviendrons les maîtres Pokémons les plus puissants du monde. Nous serons libres !
20 ans plus tard, Romant-sous-bois, Kalos
La nuit était tombée, la ville était silencieuse. Plusieurs maisons étaient encore allumées, témoignages de vie tardive au sein de la ville forestière. Un vrombissement de moteur vint soudainement briser la sérénité nocturne si apaisant à écouter, si brillant de vie.
Les phares aveuglants découpaient au couteau une partie du paysage. Une resplendissante de lumière, une autre dévorée par les ténèbres. C’était un couple qui se trouvait dans cette voiture. La femme, blonde, la cinquantaine, portait une paire de lunettes carrées et était vêtue de manière modeste mais assez élégante pour que la plupart des yeux non avertis puissent confondre leur origine. Elle somnolait en regardant la route.
Son époux, un peu plus âgé, conduisait d’une main ferme mais quelque peu imprudente comme à son habitude, ce qui n’inquiétait pas sa femme. Il avait des cheveux blancs qui, peu de temps encore étaient encore noirs et coupés très courts et un visage avenant qui laissait deviner le ventre dodu qu’il possédait de par ses joues rondes.
L’homme et la femme rentraient chez eux après une nuit de détente au restaurant et au cinéma en compagnie de leur fille. Une brillante élève qui terminait le lycée avec les honneurs et commençait de brillantes études de médecine. Elle faisait leur fierté. Une future doctoresse, quel honneur.
Mais l’homme du soudainement freiner soudainement, réveillant sa femme en sursaut.
- Que se passe-t-il ?
- Regarde par toi-même, souffla l’homme, devenant soudainement très pâle.
La femme tourna la tête et regarda la route. Elle failli d'ailleurs ne pas le remarquer. Sans les feux de la voiture, elle n'aurait vu que deux yeux rouges comme le sang. Elle poussa une exclamation de terreur quand elle le vit, quand elle le reconnut. Ce fut à cet instant qu’il agit.
Un torrent de flammes arrosa la voiture, transformant petit à petit l’habitacle en four. Le couple fut étouffé par la chaleur. Une mort lente et très douloureuse. La voiture se remplit des cris et des gémissements de l’homme et de la femme avant d'être peu à peu remplacés par le crépitement des flammes.
L’attaque Lance-flamme cessa quand la voiture fut l sur le point d’exploser. Il s’approcha alors, sortit les couples de la voiture, étendit les corps sur le sol et utilisa ses griffes pour les taillader.
Obscuro étendit alors ses grandes ailes et s’envola loin du massacre qu’il avait perpétré, loin de la vengeance qu’il avait effectuée.
Quand les corps furent découverts au petit matin, les policiers n’eurent pour indices que les mots inscrits sur les corps mêmes : « Méditez vos péchés ». Mais malgré l’assiduité de la police, le coupable ne fut jamais retrouvé et il ne fut jamais arrêté.
Ce fait divers fut considéré comme le plus horrible que connu la petite ville et traumatisa profondément les habitants, au point que les dresseurs possédant des Pokémons feu connurent toujours une méfiance maladive, comme une tâche dans leur esprits. La fille unique du couple, elle, fut complètement anéantie par cet évènement. Au point de devenir folle selon certaines rumeurs mais pourquoi apporter encore plus de malheur à une jeune femme à peine sortie de l’adolescence ?