Le sauvetage d'un professeur ou la quête de la tueuse qui se prenait pour un écrivain de louglaciale1

4 ans plus tard.


Le bateau arriva au port d’Ekaeka en douceur. Le soleil commençait à descendre, rendant la température tropicale de la région plus agréable. A peine le bateau eut terminé son « créneau » un dresseur sauta sur le quai et commença à marcher d’un grand pas. Mais un policier d’Alola l’interpella d’un geste.

- Hé vous ! Montrez-moi vos papiers.

Le jeune homme obéit sans rien dire et donna au flic sa carte de dresseur.

- Monsieur Aerandir, originaire de Kalos. Pour quelle raison avez-vous fait le voyage à Alola ?

- Visite principalement, répondit le dénommé Aerandir. Et j’ai entendu dire qu’une ligue venait d’ouvrir. J’ai envie de tenter ma chance.

- Eh bien, bonne chance à vous pour vaincre le premier maître d’Alola.

- Oui j’ai entendu dire qu’il était vachement fort.

- Ça, c’est rien de le dire, le railla le policier, dans un sursaut d’orgueil.

Le dresseur n’ajouta rien et s’éloigna sans un mot. Bien sûr que Sun était fort, Il s’y était frotté quatre ans auparavant. Et son équipe s’était fait démolir. En même temps, il n’avait que trois Pokémons dans son équipe à l’époque.

Le jeune homme fut de nouveau accosté mais cette fois par un visage familier.

- Alors le jeune ? Tu t’es bien marré chez la Parigote ?

- Et toi le voleur ? Toujours aussi honnête ?

- Touché.

Anthony prit Lief dans une belle embrassade de camaraderie et les deux hommes se réunirent devant un excellent cocktail dans un bar d’Ekaeka.

- Alors ? Ton voyage à Kalos ? Tu as pu bien t’entraîner ?

- Je pense être prêt, répondit Lief. J’ai pu obtenir l’enseignement de l’héritière de la Méga évolution, tu sais, Cornélia. Et j’ai pu obtenir plusieurs autres
Pokémons. Cette fois, je vaincrais Sun. Et de ton côté ? Et Louglaciale ?

- Moi j’ai enfin trouvé ma place, déclara Anthony un sourire aux lèvres. C’est un soulagement et une très bonne surprise. J’aurais jamais cru être bon dans un autre domaine que le vol.

- Bah en même temps, t’étais pas un super bosseur.

- Permets-moi de te contredire. Je ne suis pas un feignant. Je mets toujours beaucoup d’efforts pour faire quelque chose. Il faut juste que j’aime ce que je fais. Et jusqu’ici, ce qui m’avais fourni tout ce que j’appréciais, c’était le cambriolage. Et pour Loulou, bah le mieux c’est que t’aille la voir toi-même. Après sa séance d’hypnose chez Gladio elle rentre à la maison à la sortie d’Ekaeka.

- Tu ne viens pas ? S’étonna Lief.

- Nan, je peux pas ce soir, marmonna Anthony. J’ai un rituel pour un gosse qui doit commencer son tour des îles. C’est mon devoir de doyen de Melemele. Mais j’aurais aimé venir crois moi. Loulou elle a besoin de soutien. Ça va lui faire plaisir ton retour en tout cas Ç’a m’a fait plaisir de te revoir le jeune.

- Moi aussi l’escroc.

Anthony commença à partir, puis se retourna.

- Euh, au fait, pourquoi Aerandir comme pseudo ?

- Ça signifie « vagabond des eaux » en elfique. Ça vient de mon vécu à Hoenn. J’ai dû affronter la team Aqua qui voulait augmenter le niveau des mers. Et j’ai toujours aimé les légendes sur les hauts elfes.

- Ah ouais, le seigneur des anneaux, souffla Anthony avant de quitter le bar pour de bon, laissant Lief seul.

Le dresseur savoura un deuxième cocktail aux fruits avant de partir à son tour. Il choisit d’écouter les conseils de l’ex cambrioleur et se dirigea vers la maison que Louglaciale avait acheté à peine débarqué à Alola. C’était une grande maison mais pas très voyante, dissimulée par un grand jardin très touffu. Chaque membre du groupe possédait plusieurs pièces personnelles à l’exception de la cuisine, du terrain du sous-sol et du salon. Lief possédait une chambre confortable mais modeste ainsi qu’un petit bureau avec un ordinateur et une collection de manga.

Alors que Lief s’aventurait sur le terrain boisé et recouvert de verdure, Un Pokémon familier se mit devant lui et grogna un peu. Le dresseur reconnut Lucian, le Lougaroc de Louglaciale. C’était un spécimen assez fier et puissant, quoiqu’un peu sauvage, ce qui s’expliquait par le fait que le Pokémon et sa dresseuse avaient été séparé pendant six ans. Lucian était fidèle et obéissait sans poser de questions à sa dresseuse mais son caractère en avait légèrement pâti. Il était plutôt solitaire et agressif quand on l’embêtait plus que nécessaire.

Mais le Lougaroc reconnut Lief et le laissa passer. Le jeune homme put voir dans l’œil bleu du Pokémon un peu de soulagement et de satisfaction à son retour à la maison. Le dresseur entra dans la demeure en fermant les yeux. L’odeur de la soupe de légumes et de plat qui mijotait le fit saliver. C’est presque inconsciemment qu’il se dirigea dans la cuisine et qu’il croisa Will en train de remuer la soupe pour qu’elle ne brûle pas.

Lief ne se fit pas remarquer tout de suite et observa l’époux de Louglaciale un court instant. Quand le groupe avait débarqué à Alola, Will s’était retrouvé bloqué dans un corps de Luxray à cause d’une expérience venant de la Team L. Mais, avec le temps, il avait commencé à redevenir humain, de façon progressive. De cette période, le flic ne conservait que des yeux dorés, des cheveux noirs plus touffus et indomptables et, bien sûr, la capacité d’utiliser les capacités d’un Luxray de haut niveau. Il avait tenu à s’entraîner pour pouvoir protéger Louglaciale, qu’il n’avait pas tardé à épouser. Lief avait été heureux pour son mentor. Will était un type bien, un bon dresseur, excellent cuisinier et, quoi qu’un peu renfermé sur lui-même, était sincère dans ses actes et ses sentiments.

- Alors on est de retour ? Plaisanta Will sans se retourner.

Lief se douta que le flair de Will était toujours aussi affuté et qu’il avait été grillé dès son entrée dans la maison.

- Oui et prêt à devenir maître d’Alola, répondit Lief en souriant.

Il avait toujours réussi à s’entendre avec Will. Ils avaient à peu de choses près le même caractère leurs conversations avaient toujours été agréables et
enrichissantes.

- Eh bien tant mieux ma foi, répondit l’homme aux yeux d’or. Je te sers un bol de soupe ?

- Avec plaisir. Où est Louglaciale ?

- Au paradis Aether, répondit Will. Pour sa séance d’hypnothérapie. Elle devrait revenir d’ici une heure. Elle sera ravie de ton retour tu sais ?

Lief acquiesça et commença à savourer la soupe que le mari de son mentor lui tendait tout en continuant la conversation. Oui, Lief était bel et bien rentré chez lui et ça lui réchauffait le coeur.




Louglaciale ferma les yeux et prit une grande inspiration avant d’expirer tout aussi lentement et elle recommença. Elle tâcha de détendre chacun de ses muscles, c’était nécessaire de se trouver dans un état de grande sérénité si on voulait être hypnotisé. Une musique douce et entêtante parvenait à ses oreilles et la projetait dans son sanctuaire intérieur. La bibliothèque avait changé depuis la dernière fois où la dresseuse s’y était rendue quatre années auparavant. Les rayonnages de livres étaient plus petits et plus éparpillés car la passion des livres n’était plus sa seule passion. A présent il y avait un lecteur vinyle avec une petite collection de disques et un meuble où était posées plusieurs cadres photos. Will, Lief, Anthony et leurs Pokémons.

La voix de Gladio aussi douce qu’autoritaire, parvient jusqu’à elle.

- Bien, je constate que tu es dans ton sanctuaire. Je vais te demander de ne pas prêter attention à tout ce qui s’impose à ton regard. Je te demande de regarder plus loin, de t’éloigner un peu de ce lieu. Car ce n’est pas ton sanctuaire qui nous intéresse aujourd’hui mais tes souvenirs impurs, ceux que tu souhaites faire disparaître car ils te détruisent, ils te rongent. Il faut les affronter et non les cacher. Où te trouves-tu actuellement Louglaciale ?

- Je suis devant les deux portes, murmura la dresseuse.

En effet, devant elle, deux portes fermées se tenaient devant elle. Elles étaient noires, vieilles et délabrées. A l’intérieur de ces portes se trouvaient les souvenirs que Louglaciale avaient enfouis au plus profond d’elle-même ? Ceux qu’elle avait fini par oublier ou qu’elle souhaitait oublier.

L’une des portes était en bois et était couverte de toile de Migalos, moisie, avec des Mimigal et autres insectes qui la regardaient avec un air méchant, dissuasif. La seconde ressemblait à un coffre-fort mangé par la rouille et l’humidité.

- Bien. Tu vas prendre la porte qui se trouve à ta gauche et tu vas la franchir.

Malgré sa réticence, la dresseuse obéit et s’avança en direction de la porte rouillée. De l’autre côté se trouvait tous les souvenirs liés à UC-010. Louglaciale avait besoin de ces réminiscences pour savoir qui elle était exactement. Elle passa la main sur la surface rugueuse et froide de la porte de métal et celle-ci disparut.
Louglaciale se senti tomber doucement dans un gouffre noir. Plus elle plongeait profondément, plus l’atmosphère se réchauffait et une lumière orangée rouge s’installait. La dresseuse atterrit avec agilité au milieu des ruine brûlantes du village d’Alola qu’elle avait foulé il y a treize ans. Rafiki et Arthas étaient au sol, morts et au-dessus, il y avait UC-010 qui la fixait. Louglaciale sentait ce regard haineux se poser sur elle, comme si elle voulait que la dresseuse disparaisse par la pression de son seul regard. Louglaciale n’était pas la bienvenue c’était une évidence.

- Pourquoi cherches-tu tellement des réponses à des questions qui n’ont aucun intérêt ? Demanda la petite créature.

- Tu sais pourquoi, répliqua la femme aux yeux gris, déterminée à obtenir ce qu’elle voulait. J’ai besoin de savoir pourquoi je suis encore en vie alors que j’aurais dû mourir cette nuit il y a longtemps ? Pourquoi suis-je enfermée dans ton propre corps ?

- Aucune importance, rétorqua UC-010. Tu es encore en vie et tu as obtenu mon corps et ses facultés. Pourquoi savoir le pourquoi du comment ?

- Parce que j’ai besoin de savoir, de comprendre.

- Tu as autant besoin de ces réponses que de gardes du corps, répondit sèchement la créature, décidée à mettre fin à cette conversation. Je te conseille de partir d’ici. Tu n’obtiendras jamais de réponses de ma part tant que tu te voileras la face ainsi.

Suite à ces mots, l’ultra-chimère se jeta sur Louglaciale et, l’aide de ses ailes, commença à l’étrangler. La dresseuse senti son esprit se désintégrer quand la voix de Gladio lui offrit une porte de sortie.

Elle ouvrit les yeux et se redressa vivement. Son premier réflexe fut de mettre sa main devant sa gorge mais il n’y avait aucune douleur, aucune marque. Il lui fallut un moment avant de retrouver un battement de cœur régulier et une respiration calme.

Gladio la regarda se remettre de son expérience. Ça s’était plutôt bien passé selon lui. La première fois qu’elle avait croisé ce souvenir de UC-010, elle était restée inconsciente pendant une heure. Même si ce n’était qu’une projection, un simple souvenir, ce monstre restait excessivement puissant. Il se souvenait très bien du jour où elle et son groupe avait débarqué au Paradis Aether quatre années auparavant, en lui demandant des informations et de l’aide. Le jeune homme avait hérité de l’île artificielle qu’avait construite sa mère, Elsa-Mina à peine une année avant leur venue et s’était fait une place respectable au sein de la région. Ils avaient néanmoins conservé toutes les archives que la fondation avait pu accumuler au fil des années, Gladio sentant qu’elles allaient servir tôt ou tard même s’il aurait préféré les détruire.

Il avait été visionnaire sur ce coup-là, le groupe cherchant de très vieilles expériences que la fondation avait menées il y a longtemps. Le dresseur n’était même pas né quand elles eurent lieu. Apparemment, un ancien scientifique de la fondation avait, avec l’aide de l’ADN de Mew mélangé à celui de plusieurs ultra-chimères et du Pokémon légendaire Marshadow, créé artificiellement une ultra-chimère tellement puissante qu’elle était capable d’adapter son corps et son type en fonction de ses adversaires. Il avait baptisé sa création « Perfection » car ses caractéristiques physiques le rendaient invincible et donc parfait. La seule chose qu’il manquait pour que sa création soit réellement parfaite, selon le scientifique fou, c’était un esprit capable de libre-arbitre, une âme humaine forte.
Tant de morts pour ça… à côté de cet homme sa mère était une enfant de cœur… Gladio soupira et s’appliqua plutôt à préparer une tasse de chocolat chaud.

Une boisson qu’on faisait habituellement pour les enfants mais le jeune homme avait bien vu que Louglaciale n’était pas une femme ordinaire. Tout ce qui était alcool, café ou boisson adulte, elle ne supportait pas. Un chocolat bien chaud et sucré, ça l’apaisait plus efficacement qu’une nuit de sommeil.

A certains égards, cette femme de trente-quatre ans ressemblait plus à une enfant qu’une adulte. Elle prit la tasse fumante avec reconnaissance et la savoura doucement, à petite gorgée. Tout en la fixant de ses yeux verts, il se rappela leur première visite. Le jeune homme avait accepté de les aidés sans la moindre hésitation. Après leur avoir fourni toutes les archives concernant UC-010, il s’était proposé pour des séances d’hypnothérapie. Aussi bien pour réparer les dégâts psychologiques de cette femme que pour l’aider à comprendre qui elle était. Cette femme n’était pas un monstre ou une expérience de laboratoire. En un sens, Nikolaï avait réussi son pari. Il avait réussi à intégrer une âme humaine pure dans un corps parfait.

Quand Louglaciale termina son chocolat, elle se releva et posa la tasse sur le bureau.

- C’était comment ? Demanda le jeune directeur du Paradis Aether.

- Horrible, répondit la dresseuse. Elle refuse toujours de me fournir les informations. Apparemment je ne suis pas digne de les recevoir.

- T’a-t-elle dit pourquoi ?

- Non, soupira la trentenaire, dépitée.

- Bon, la prochaine fois on essayera une autre méthode. On va se concentrer sur ton autre problème.

- Très bien… Je suis épuisée.

- Tu as mérité une bonne nuit de sommeil. Ces expériences sont très éprouvantes c’est normal. Au fait, j’ai des nouvelles venant de tes amis de Kalos.

- Ce ne sont pas mes amis, répliqua d’un ton très abrupt la dresseuse.

Gladio fit semblant de ne pas remarquer ce changement. Il savait que la trahison de son ami d’enfance et de sa sœur l’avait profondément meurtrie. Elle n’était pas en colère mais préférait de loin ne pas parler d’eux en termes amicaux ou familiers. Elle préférait garder un ton professionnel.

- Ils ont fait tomber le laboratoire d’Unys la semaine dernière. Ils se concentrent maintenant pour détruire le dernier.

- Celui de Kanto ?

- Ouais. Mais Nikolaï a encore réussi à leur échapper. Mais après le laboratoire de Kanto, il devrait retourner là où tout a commencé.

- Tu veux dire qu’il pourrait retourner sur Alola ? Mais ça va les attirer ici.

- J’en ai bien peur.

- Je ne veux pas qu’ils me retrouvent. J’ai construit ma vie, je suis heureuse ici. Avec Will on essaie même de…

- Je sais, ne t’inquiète pas. Tu as le soutien de la fondation Aether. Je vais mettre une équipe sur le coup. Ils surveilleront le groupe et ils te mettront hors de leur portée.

- Merci Gladio…

- Je t’en prie. Allez vas donc revoir ton mari. Tu ne vas donc pas laisser son repas refroidir.

Ce fut en riant que le jeune homme vit sa patiente quitter les lieux. Il s’étira ensuite avant de retourner à ses occupations. Peut être prendre des nouvelles de sa soeur Lilie...



Louglaciale ne rentra pas chez elle directement. Elle demanda à Wings qui la transportait, de la déposer sur la plage de Melemele. Il faisait déjà nuit mais la nuit était claire, laissant apparaître des milliers d’étoiles sur la voute céleste.

La dresseuse huma l’odeur salée tout en admirant le ciel bleu brillant, laissant son être se détendre, se libérer de l’anxiété qui l’avait envahie quand UC-010 l’avait empoignée. La violence dont elle faisait preuve, Louglaciale avait du mal à s’y habituer. Elle qui avait toujours enterré sa frustration au plus profond d’elle-même, se confronter à son exact inverse dans son propre esprit avait de quoi marquer.

- Heureusement que tout le monde est là, murmura-t-elle. Will, Lief, Anthony, Gladio… Si j’avais dû affronter tout ça sans l’aide de quelqu’un je serais devenue folle.

- Mega Yan, siffla Wings.

- Oui, heureusement que toi et les autres êtes là, répondit la dresseuse en caressant affectueusement la tête de son Pokémon.

- Et moi chui content d’être de retour, s’exclama une personne que la dresseuse n’avait pas vu depuis un an.

Elle se retourna et vit son disciple, celui qu’elle considérait comme son petit frère, de retour chez lui. Ce fut les larmes aux yeux que Louglaciale enlaça Lief, de façon presque maternelle.

- Bienvenue à la maison Lief, déclara-t-elle.

- Je suis heureux de te revoir moi aussi Louglaciale, répondit Lief.