Chapitre 8
Ceci sera le dernier chapitre de ce qui fut une aventure improbable. Je n'arrive pas à poser un adjectif capable d'exprimer ce que j'ai ressenti pendant cette traque.
Il y avait bien sûr la peur mais aussi l'adrénaline, l'espoir... Cependant ces mots ne suffisent pas.
Après UC-02 Beauté, plus aucun danger n'était devant nous. Enfin, je le croyais. Je m'étais soustrait à la Fondation, à la Team Skull puis aux deux Ultra-Chimère envoyés à nos trousses. Que pouvait-il m'arriver de plus terrible après ça ? Connaître l'identité du dresseur de Lougaroc.
La femelle louve avait dans l'intention de m'emmener auprès de son propriétaire. Je ne pouvais rien faire d'autre que de la suivre ; j'aurai pu m'enfuir, l'envie ne m'en manquait pas. Lougaroc ne m'aurait pas attaqué ni retenu de force après les preuves d'affection qu'elle m'avait donné tout au long de cette aventure. Elle ne m'aurait pas seulement laissé filer avec le Cœur, qui était son but, tout comme cela avait été le mien. Il était hors de question pour moi de laisser le Cœur entre les mains d'un individu dont je connaissais rien.
La curiosité seule me résignait à attendre la lumière au bout du tunnel. L'envie de remercier ce gardien, sans qui je n'aurai pas survécu, fut plus forte. A aucun moment je n'étais tenté de fausser compagnie à Lougaroc. Il se faisait tard, j'étais fatigué.
Le trajet fut long. Nous traversâmes toute la forêt, en passant à côté du rocher où j'avais entendu le chant de la louve pour la première fois. Elle s'arrêta quelques secondes, détailla de haut en bas, de son regard cinglant, cette pierre qu'elle n'allait sans doute plus revoir avant longtemps. Après cette traque, elle rentrerait avec son dresseur.
Peut-être le premier soir que j'avais passé sur l'île, durant lequel j'avais écouté son concert sous les lumières de la lune, n'avait-elle pas eu encore de dresseur ?
En même temps que Lougaroc s'arrêta au pied du rocher, le Cœur de Zygarde, à sa façon, fit ses adieux à cette scène sur laquelle étaient montées de sombres notes musicales. Sa couleur devint éclatante, m'éblouit presque.
Le vent agitait les branches dans un murmure de recueillement. La nature priait-elle pour un de ses résidents qui allait la quitter ?
Puis le silence fit place nette lorsque nous nous éloignâmes.
Le soleil disparaissait sous une couche nuageuse. Il irradiait le ciel de teintes rougeâtres tandis que perçait l'obscurité naissante.
J'entendis le bruit des vagues se rapprocher au gré de la course de ma monture ; elle m'emmenait à la plage. Ce devait être le point de rendez-vous que s'était fixé le Pokémon et son dresseur.
Je ne m'étais pas trompé. Quelqu'un nous attendait, immobile, sur le sable qui noircissait à cause de la nuit qui tombait. L'allure de Lougaroc changea, si bien qu'il accéléra sa course pour rejoindre cet homme solitaire, le visage tourné vers l'océan.
Je ne voyais que son dos mais son blouson noir m'apprit son identité. Ses mèches blondes, malgré le vent qui s'était levé, restait figées devant ses yeux qu'il ne tarda pas à braquer sur moi.
« Bonsoir, Weston. »
Ce n'était qu'une demi-révélation que d'apprendre l'identité du dresseur de Lougaroc. Je me doutais que celui qui tirait les cordes ne pouvait être qu'un homme intelligent, dressé contre le projet de la Fondation. Je ne m'étais pas trompé. Gladio était cet homme.
Je descendis de la monture qui avait pris soin de moi pendant de longues heures, pour fouler le sable. J'eus l'impression de ne pas avoir touché terre depuis des jours.
« Vous avez de la chance d'avoir Lougaroc auprès de vous.
- C'est un Pokémon loyal. Il a décelé en vous des qualités qui méritaient d'être défendu.
- C'est vous qui lui avait demandé de veiller sur moi ? »
Il répondit que non. Il avait seulement ordonné à son Pokémon de dénicher le Cœur avant la Fondation. Lougaroc avait croisé ma route et m'avait secouru ; ce fut un hasard que nos chemins se croisèrent dans la résolution d'un but commun.
Néanmoins, il fallait que je reconnaisse le peu de place que j'avais tenu dans cette histoire ; ma salvatrice aurait trouvé le Cœur sans mon aide puisque son chant avait attiré le morceau manquant de Zygarde.
« Vous avez empêché Æther de mettre à exécution son projet. Quel est le vôtre, à présent ? »
Ma question eut l'air de le surprendre. Il s'approcha, me tendit une main blanche dans l'obscurité répandue. Son regard me rappelait la couleur que dégageait le Cœur lorsqu'il éclatait en une myriade de teintes émeraudes.
« Tout ce que je veux, c'est priver Æther de cette arme. La Team Skull n'est pas un exemple ; nous n'avons pas l'ambition que souhaite à tout prix la Fondation.
- Vous ne chercherez pas à récupérer les autres fragments de Zygarde en possession de votre ennemi ? »
Il haussa les épaules dans le crépuscule.
« Pour quoi faire ? La Fondation réussira très bien à défendre ceux qu'ils ont déjà. Nous ferons de même pour empêcher l'équilibre de se rompre.
- Vous resterez sur vos positions ?
- Vous avez ma parole.
- Je veux, à mon niveau, défendre le Cœur. »
Je pris dans ma main restée libre, celle de Gladio.
J'avais réfléchis à cette proposition ; elle ne me semblait pas dépourvue de sens. Je ne m'engageais et ne cautionnais en aucun cas les méfaits de la Team Skull. Il fallait reconnaître qu'elle ne jouait pas dans la même cour que la Fondation. Sa dangerosité était minime.
Cela me permettrait de garder un œil sur le Coeur et de m'assurer que Gladio respecterait bien sa part du marché.
Il est inutile,à présent, de m'étendre plus avant dans la suite de ce journal. Je quittais l'île à bord d'un hélicoptère de la Team Skull. Lorsque je découvris que j'étais le seul scientifique dans cette planque de bandits, je voulus révolutionner les choses.
Je fis installer un laboratoire dans lequel j'expérimentais des moyens de protection ingénieux garantissant la sécurité du Coeur de Zygarde. Le seul compagnon qui me soulagea la tâche fut Lougaroc qui s'impliqua plus que nécessaire et servit parfois de sujet de test.
J'ai enfin trouvé un but à mes pérégrinations scientifiques ; à la place de faire le mal -je parle ici de la création des Ultra-Chimères-, je protège l'harmonie d'Alola et du monde, menacées par la Fondation Æther.
Je m'en vais ranger ce carnet dans un tiroir et peut-être le ressortirais-je un jour, pour faire éclater la vérité sur les intentions encore peu connues d'Æther.