Chapitre 12
Le grand laboratoire au nord d’Illumis était situé à un endroit plus que stratégique. La grande centrale était à moins d’un kilomètre et la capitale de Kalos à moins de trois. Les rendez-vous étaient possibles mais le lieu était relativement isolé et bien fourni en énergie. Anthony ne le voyait rien qu’en regardant le terrain. Les steppes d’Illumis, un endroit fascinant.
Il était en effet difficile de croire qu’un endroit aussi aride et sec se trouvait juste en dessous de la grande capitale de Kalos et au sud de Port tempère qui était plutôt vert et bleu.
Même si le cambrioleur n’était pas originaire de Kalos, il avait appris à connaître le moindre mètre carré de cette région. Il referma les yeux et repensa à sa région natale, Alola. Son climat exotique et la façon dont la région était organisée était tout bonnement unique. Il avait été surpris que les traditions soient aussi différentes en dehors d’Alola.
Mais il s’était bien adapté au fil du temps même si parfois, explorer les îles sauvages de son enfance lui manquait.
Son Lucanon émit un sifflement ce qui le coupa dans ses pensées nostalgiques, ce en quoi il lui en fut reconnaissant. Il ne voulait surtout pas repenser à son passé, alors que celle qui avait tout gâché était encore en vie.
Évidemment qu’il avait menti au groupe. Son territoire de chasse était la nuit. Il allait s’infiltrer dans le laboratoire et voler les plans, saboter leurs installations et libérer le professeur Corzoma seul, sans l’aide de personne surtout pas celle de cette… femme. Réunir une armée ? à quoi ça allait bien lui servir si le but c’était se torcher le cul sur une chaise pendant des heures ?
Anthony haussa les épaules et se mit en action. Lucanon avait remarqué une trappe d’aération par laquelle il allait pouvoir passer. Ce dernier le porta car ces membres de « Legendary miracle » ils étaient loin de débuter. La trappe se trouvait à une dizaine de mètres du sol. Heureusement qu’il avait l’habitude de faire des trucs dangereux parce que sinon, forcer une entrée en plein milieu du vide aurait été compliqué voire impossible. Mais il était « les doigts de fée ». Aucune entrée ne pouvait lui résister peu importe sa nature.
Le tunnel dans lequel il rampa pendant une dizaine de minutes le conduisit à un couloir obscur vide et froid aux murs totalement unis. Il lui fallait tout d’abord trouver la salle des vidéos de surveillance. Il avait envoyé son Trousselin en reconnaissance pour faire ce boulot mais il préféra rester prudent. Il longea les murs et, grâce à ses lunettes de vision nocturne (merci les clients fortunés), il évita soigneusement d’apparaître sur une des caméras, ce qui fut compliqué. Les gars avaient vraiment bien bossé sur leurs bâtiments.
Mais il avait eu tort de se faire du souci. Son Pokémon avait été plus qu’efficace. Il avait trouvé la bonne salle, avait éliminé les surveillants et avait pris soin de détruire les vidéos de surveillance. Anthony pu alors se faire plaisir et récolter les plans globaux de l’endroit ainsi que de noter les emplacements intéressants à visiter.
Le vol des informations fut un véritable jeu d’enfant. Anthony vola de pièces en pièces comme une danseuse et à chaque fois, il trouvait ce qu’il cherchait. Il put même récolter les dossiers informatiques sensibles de la société, cryptés certes mais il les avait récupérés.
Il s’apprêtait à repartir en constatant que le jour n’allait pas tarder à pointer quand il vit une porte qui n’aurait pas dû se trouver où elle était. Dans le sens où cette porte menait à une pièce qui n’apparaissait pas sur la carte ni sur les plans informatiques qu’Anthony avait piraté. Il sentait que ce n’était pas une bonne idée mais la curiosité et surtout, l’envie de fermer le caquet de cette pimbêche de Louglaciale en lui mettant sous le nez des informations importantes était si forte.
Il ne mit que quelques secondes pour forcer l’entrée verrouillée par un digicode et entra dans ce qui ressemblait à une armurerie. En effet, il y avait de nombreuses armes à feu stockées dans cette salle. Anthony fut d’ailleurs intrigué par ces armes et en prit une en main. Cette arme faisait penser à un pistolet mais elle était plus légère, plus fine et une sorte de viseur automatique était intégré.
Le cambrioleur voulut voir quel genre de projectiles une arme pareille pouvait projeter mais il eut beau fouiller la pièce de fond en comble il ne trouva aucune trace de munitions.
« Bon, elles doivent être stockées ailleurs » pensa-t-il en plaçant le pistolet modifié dans son sac.
Mais il s’aperçut qu’il avait trop tardé quand il entendit un clic qu’il avait appris à connaître. Il avait été repéré et on le menaçait d’une arme.
- Qui es-tu ? Demanda le sbire. Qu’est-ce que tu fous ici ?
Anthony réagit aussitôt. Il avait l’habitude de ce genre de situation, il était THE cambrioleur à Kalos après tout. Son Trousselin qui était caché derrière le sbire utilisa Cage Éclair. L’homme tomba à genou en grognant mais ne perdit pas connaissance. Il pointa son arme dans la direction d’Anthony. Mais ce dernier sauta pour esquiver et profita pour prendre des mains l’arme à feu du sbire avant de fermer la porte.
Il se mit alors à courir. Il avait peu de temps avant que l’effet de l’attaque électrique ne disparaisse, encore moins avant de sa « victime » ne donne l’alerte et encore encore moins de temps avant qu’Anthony ne se retrouve avec toute la garde aux fesses. Par chance la trappe qu’il avait empruntée n’était pas loin et il avait réussi à parcourir la moitié du tunnel avant que l’armée présente ne parvienne à l’emplacement de la trappe, remise en état par les soins de Trousselin.
Ce n’est que lorsqu’il revint dans les rues d’Illumis qu’il se détendit et se remit à marcher tranquillement. Il avait fait du bon boulot.
Mais ce que notre cambrioleur ignorait, c’était qu’un petit aiguillon s’était logé dans son bras Et cet aiguillon avait déjà libéré le poison qu’elle contenait.
10 ans auparavant, sur l’île de Mele mele, à Alola.
Anthony croisa le regard de son Chrysapile. Il était prêt à agir. Le jeune homme lui envoya le signal de départ. Le Pokémon insecte lança une secrétions en direction de la vitre du boulanger. La substance collant recouvrit totalement la vitrine ainsi que la porte d’entrée. Les personnes présentes eurent beau se dépêcher, ils se retrouvèrent coincés. Les sécrétions de Chrysapile durcissaient très vite. Mais ils n’avaient pas beaucoup de temps. Le garçon de vingt ans fit le tour du bâtiment, escalada le mur jusqu’au toit où son ami Eric l’attendait, avec son Archéomire.
Ils n’eurent pas besoin d’échanger de mots. L’Archéomire se mit en mouvement. La trappe du plafond ouverte, le Pokémon acier tomba et usa de son attaque Hypnose et s’assura que les vidéos de surveillance ne marchent plus.
Les deux jeunes hommes se faufilèrent dans la boulangerie et mirent plusieurs pains, pâtisseries et bonbons dans des sacs avant de ressortir par le même chemin avant l’arrivée de la police. Le vol n’avait pas dépassé les dix minutes. Les deux amis sortirent ensuite de la ville et se réfugièrent dans leur abri, situé dans la forêt alentour.
Ils ne se dire pas trois mots que les deux garçons se mirent à dévorer plusieurs croissants et pains au chocolat.
C’était des garçons très pauvres, qui avaient dû voler pour survivre. Ils ne volaient pas pour s’enrichir ou même pour se faire un nom. Ils voulaient juste pouvoir manger. Ils avaient donc passé leur vie à voler quand ils avaient besoin de manger. C’étaient des orphelins après tout.
- Ah c’était trop bon, déclara Anthony après son troisième pain et en déballant une sucette.
- Ouais, on a assuré sur ce coup, acquiesça Eric. Mais bon, ça reste du vol…
- Oh, ça va, tu ne vas pas remettre ça sur la tapis, le coupa le dresseur au Chrysapile. On en a déjà discuté. On est tout seul, on a que dalle. On vole de quoi manger pour survivre. Ce n’est pas bon ou mauvais, c’est juste ce que nous faisons pour survivre.
- Mais toi tu n’as jamais eu envie de faire autre chose ? Demanda Eric. Quand on était petits, je dis pas, c’était nécessaire mais maintenant ? Regarde-nous Antho, on est des adultes. Qu’on ait fait des études ou pas on doit pouvoir trouver un boulot qui nous donne de quoi survivre tu ne penses pas ?
Anthony haussa les épaules. Il ne voulait pas se disputer avec son ami mais ils étaient totalement en désaccord sur ce point. La société dans laquelle ils vivaient les avaient mis au rebus. Pourquoi tenter de s’y intégrer ? Et puis, ils n’avaient pas de contraintes en vivant ainsi. Mais oui, s’ils le voulaient, ils pouvaient tout à fait reconstruire leur vie de façon plus honorable. Personne n’avait encore, à ce jour, vu leurs visages. Le métier de dresseur rapportait bien et c’était amusant. Mais Anthony ne voulait pas changer de vie. Tant qu’il avait Eric et son Pokémon, il était heureux.
Mais heureusement, ils n’en vinrent pas à une dispute. Eric changea de sujet.
- Eh, t’as fait attentions aux affiches ?
- Mmmh non ? Pourquoi ? Y a un truc important de prévu ?
- Et comment, s’exclama Eric. Y a une dresseuse chanteuse étrangère qui va donner un concert gratuit dans toute la région et c’est ce soir.
- Un concert gratuit dans toute la région en une nuit ? S’étonna à moitié Anthony. Elle va s’y prendre comment ?
- Son concert va être filmé en direct et retransmis également en direct sur de gros écrans. J’ai vu la fille, elle est canon.
Cette dernière phrase réveille Anthony qui senti une jalousie monter en lui. Anthony aimait profondément son ami mais il n’avait jamais osé le lui avouer jusqu’ici. Et le voir s’extasier devant une « star » étrangère qui débarquait pour se faire bien voir.
- Et elle va être filmée où ce concert ?
- Sur l’île artificielle de la fondation Aether. Je sais pas ce que t’as prévu ce soir mais moi, je vais voir ce concert.
- Hé mais tu la connais même pas.
- Mais je suis fan d’elle, riposta Eric. J’écoute ce qu’elle fait. Contrairement à toi je fais autre chose que dormir et voler. Ecoute, je ne te force pas à m’accompagner. Je t’ai dit que j’y allais, pas qu’on y allait tous les deux.
Eric soupira avant de faire son sac. Il y mit deux sandwichs et un paquet de bonbons avant de retourner en ville, sans un regard en arrière.
- Bon, la première chose à faire pour vous améliorer en combat, avant même de faire combattre nos équipes entre elles, ça va être d’augmenter leur endurance et donc leur vitesse naturelle. Vos partenaires peuvent être aussi fort que ceux d’un maître de ligue, s’ils n’ont aucune endurance ils s’écrouleront au premier choc ou au bout de cinq minutes à courir. Bon, montrez-moi vos équipes.
Lune, Hermes et Juliadora obéirent sans broncher. Louglaciale s’y connaissait en entraînement et il valait mieux ne pas lui désobéir sur ce domaine. Lune fit sortir ses quatre Pokémons qui prirent une position artistique à plusieurs kilomètres de ce qu’ils allaient subir.
Julie fut la seconde à faire sortir son équipe. Son Teddiursa, son Roucarnage, son Nymphali et son Lokhlass se matérialisèrent, prêt à s’entraîner. La jeune femme avait déjà remarqué que son oiseau avait gagné en force grâce à sa sœur.
Hermès fut le troisième. En plus d’un Voltali, ce fut un Moufflair nauséabond qui se matérialisa ainsi qu’un Oniglali. A part le Voltali, ces Pokémons faisait un peu peur.
- Bon, je vois que vous avez des Pokémons à la fois différents et semblables, intervint Louise une fois avoir observé les différents Pokémons. Le premier exercice va être simple et va sûrement durer un moment.
- En quoi va-t-il consister ? Demanda Juliadora.
- C’est simple. Ça va être un jeu de chasse. Vos Pokémons sont les proies et mes Pokémons les chasseurs. Vos Pokémons vont être lâché un peu partout dans la ville. Mes partenaires vont devoir chercher vos Pokémons et s’ils les trouvent, ils les affronteront. Si vos Pokémons parviennent à éviter, fuir, tenir face aux miens au bout de deux ou trois heures, ils ont remporté une manche. S’ils se font vaincre, ils ont perdu. Si un Pokémon est vaincu il revient vers son dresseur.
- Vous voulez dire que c’est un jeu de survie ? Intervint Hermes.
- C’est exactement ça. Vos Pokémons sont libres de toute action pour remporter les manches.
- Mais en quoi ce jeu va-t-il entraîner nos Pokémons ? Demanda Lune, sceptique et honteuse de l’être.
- Un jeu de survie met nos Pokémons à l’épreuve d’une situation extrême. Plus ils la subiront, plus ils maîtriseront la situation et plus ils s’endurciront. Et, une fois bien endurcis, nos Pokémons pourront se pencher sur autre chose.
Louise acquiesça. Elle libéra toute son équipe qui, de toute évidence, s’amusaient déjà.
- Bon, je donne le départ pour les proies. Elles ont environ dix minutes d’avance sur les chasseurs. Et je répète, cet exercice doit durer le plus longtemps possible. Et il est interdit aux dresseurs d’aider ses Pokémons. Prêt ? C’est parti !
Dans les marécages, à la frontière entre Romant-sous-bois et la route marécageuse menant à Illumis, bien à l’abri derrière les buissons, un Pokémon observait Louglaciale avec intensité. Il fut tenté de la rejoindre mais il se retint au dernier moment. Il ne pouvait pas la retrouver, il ne le pouvait plus. Elle ne pouvait plus le reconnaitre après tout ce temps et puis, elle l’avait sûrement oublié depuis tout ce temps. Cela faisait combien de temps qu’il était parti ? Sept ans ?
Il avait dû la quitter pour achever son évolution mais il n’avait pu y arriver qu’au bout d’un très long moment. Et elle était partie, très loin et pendant très longtemps. Et elle était enfin revenue…
Il bailla légèrement et observa le jeu qui venait de commencer. Comme il avait aimé y jouer. Il vit les Proies s’éloigner le plus vite possible, le Voltali en première position. Il paria que s’il avait participé au jeu, le Voltali n’aurait eu aucune chance. Il l’aurait rattrapé en moins de temps qu’il en fallait pour dire « perdu ».
Il s’allongea un peu et se mit à repenser à sa première rencontre avec Louise mais ces souvenirs heureux furent interrompus par une voix familière.
- Lucian ? C’est toi ?
Le Pokémon se redressa vivement et, par pur réflexe, montra les crocs avant de se calmer. Devant lui se trouvait son père spirituel, Nocta. Il l’avait aidé à s’intégrer à l’équipe et l’avait également permis de s’améliorer. Mais, en grandissant, il avait commencé à se séparer de ses liens affectifs. Il le regrettait à présent.
- Salut papa, murmura-t-il honteusement.
Lucian s’était attendu à un rejet de la part du Noctali, alors il fut totalement surpris quand ce dernier se jeta sur lui en pleurant de joie.
- Oh bon sang, pleura l’évolition de type ténèbres. Mais où étais-tu passé espèce d’idiot ? On s’est tous inquiétés pour toi ! Notre dresseuse t’a vraiment cherché pendant des semaines. Chui tellement soulagé que tu ailles bien !
Des larmes commencèrent à couler sur les joues de Lucian. Alors il n’avait pas été oublié… Il était si heureux qu’il en perdit les mots. Il avait enfin retrouvé sa famille.
Louglaciale avait lancé le chrono pour l’exercice des Pokémons mais cela ne voulait pas dire qu’elle et les autres dresseurs allaient se la couler douce. Elle leur demandait de donner toutes les informations relatives à chacun de leurs compagnons. Leur nature, les capacités qu’ils maitrisaient… Il fallait que les dresseurs connaissent leurs créatures aussi bien qu’eux-mêmes voire plus.
Heureusement pour elle, ses « élèves » lui obéissaient en silence. Elle n’avait pas l’habitude d’enseigner et avait toujours peur des probables mauvaises réactions des « écoliers ». Cette pointe de gêne, c’était tout ce qu’il restait de sa timidité maladive d’autrefois. Jamais elle n’aurait pu prendre ce genre de décision étant petite et étrangement, ce changement n’avait pas commencé avec sa fuite. C’était plus ancien. Mais, pour une raison qui lui échappait, l’élément déclencheur lui échappait. Le souvenir était presque totalement effacé. Quand Louise voulait s’y plonger, elle tâtonnait dans un brouillard dense et lourd. C’était à peine si elle distinguait quelque chose. Une image, une voix parfois, rien de plus.
Elle soupira et se pencha de nouveau sur l’exercice en cours et chassa ses pensées floues et inutiles.
Lief n’en pouvait plus. La route 14 était devenue son pire cauchemar. Il haïssait les eaux boueuses, glacées et collantes, il haïssait les Pokémons insectes, plante et poison omniprésents, il haïssait ce paysage monotone, long et labyrinthique. Comment pouvait-elle vivre dans un coin aussi inhospitalier ?
- Espèce de conne, ne cessait-il de répéter en marmonnant dans sa barbe.
- Ko ! Masssko !!
Lief releva la tête. Son partenaire était revenu de sa mission de reconnaissance. Le petit Arcko que le jeune homme avait reçu au laboratoire du Professeur Seko avait bien grandi. Le Massko était d’ailleurs proche de sa dernière évolution. Et, une fois cet acte réalisé, le dresseur partirait en quête de la méga évolution à Yantreizh. Rapide et aussi discret qu’un Ninja, Massko était un véritable espion.
- Alors mon vieux, tu as trouvé l’entrée de Romant-sous-bois ?
Le Pokémon acquiesça avec entrain et pointa une direction avec un doigt. Il était presque arrivé.
Lief accéléra le pas guidé par son partenaire et il finit par l’apercevoir au bout de dix minutes de marche. Elle se trouvait à quelques mètres de lui, les cheveux plus courts et le visage fatigué.
- Je t’ai enfin trouvé… déclara-t-il de manière à la faire sursauter.
Louglaciale eut un sursaut de surprise quand elle entendit cette voix. Elle se retourna vivement et fit face au nouveau venu. Elle ne mit que quelques secondes pour le reconnaitre et des souvenirs douloureux lui revinrent encore en mémoire. Elle commençait à en avoir assez de devoir se souvenir encore et encore surtout quand ces souvenirs étaient tous ou presque lié à des regrets profonds.
- Lief… C’est toi ? Murmura la dresseuse.
Ce fut le déclic. Le garçon fonça vers elle et la serra contre lui en pleurant.
- Chui tellement heureux que t’aille bien, sanglota-t-il. Espèce d’idiote mais où est-ce que tu es allée te fourrer comme ça ? On s’est tous fait un sang d’encre bordel.
Sans qu’elle puisse savoir comment, des larmes vinrent embuer les yeux de la dresseuse et c’est en sanglotant à son tour qu’elle rendit à Lief son étreinte. Il ne cessait de la traiter d’idiote, ce qui la faisait pleurer derechef. La seule personne qui pouvait la traiter ainsi et l’aimer comme une sœur c’était lui. Elle avait voulu l’accompagner durant son voyage initiatique pour lui donner quelques bases mais au final, ils s’étaient si bien entendu qu’elle l’aida à remporter son premier badge avec Brice, l’actuel maître d’Hoenn et un champion d’informatique et Flora, une fanatique des concours Pokémons. Ils avaient composé un bon quatuor, presque une famille…
Mais tout était parti en vrille à la sortie de l’arène de Mérouville. Bon sang ce qu’elle pouvait regretter ce passage de sa vie. Ils avaient dû se séparer et louise n’avait plus revu le trio que par intermittence et encore. Et ce n’était pas toujours de bons moments pour discuter. Au final, tout ce qu’elle avait gagné en faisant ce qu’elle avait fait, c’était se mettre à dos la police d’Hoenn pour rien.
« Non ! Pas pour rien ! »
Oui, si ses protégés avaient pu arrêter la team Aqua et Magma, c’était grâce à elle, elle le savait.
Six années auparavant, Mérouville.
- Arcko, lance Balle graine !
- Tarinor, armure !
Roxanne ne se laissait pas faire, ça se voyait. Elle avait déjà perdue une fois face à Brice la veille, elle ne pouvait pas se laisser perdre une deuxième fois. Elle suivait toujours ses théories contenues dans son cahier ainsi que ses raisonnements stratégiques. Roxanne était quelqu’un qui réfléchissait à ses combats, ce qui était d’autant plus compliqué pour Lief, qui agissait à l’instinct.
Dans les gradins, Flora s’en mordait les doigts tellement le stress avait envahi son corps. Brice, quant à lui, observait et tapait sur sa tablette en même temps, observant et analysant le combat. S’il avait pu remporter le duel hier, c’était parce qu’il avait parfaitement analysé les duels des challengers qui l’avaient précédé. Son Gobou avait été plus qu’efficace mais celui qui avait le plus gros du boulot avait été son Balignon qui avait infligé des problèmes de statut qui se sont révélés cruciaux.
Mais Lief n’avait jusqu’ici attrapé aucun Pokémon. Il avait tenu à se familiariser avec son partenaire avant d’en attraper un autre. D’un côté, ça avait ses avantages mais face à Roxanne, c’était plus qu’handicapant. Les Pokémons roches étaient très résistants et, aussi rapide et agile qu’était Arcko, il commençait à fatiguer. Ses coups ne donnaient presque rien.
Mais Louglaciale avait confiance en Lief, il s’était vraiment donné à fond et lui et Arcko étaient presque autant en phase que Nocta et elle à l’époque. Elle aussi analysait le match mais de manière différente que Brice. Si lui voyait l’aspect technique et en tirait des conclusions, Louise, elle analysait les mouvements, analysait les comportements des adversaires. C’est ainsi qu’elle remarqua la faille qui permettrait à Lief de gagner. Elle se leva précipitamment et hurla au garçon
:
- Lief ! Le nord !
Lief lui jeta un regard ahuri avant d’acquiescer. Il avait compris. Et Roxanne l’avait également entendu.
- Tarinor, lance Tomberoche !
- Esquive avec Vive-Attaque Arcko et enchaîne avec balle Graine dans son dos.
Le petit lézard réagit instantanément. Il était encore suffisamment rapide pour sauter au-dessus du Pokémon roche avant qu’il ne lance son attaque et cette fois, la balle graine fit mouche. Le Tarinor s’effondra d’un seul coup. Lief mit quelques secondes à réaliser qu’il avait gagné. Mais les félicitations du groupe ne tardèrent pas. Roxanne dut elle-même reconnaître l’efficacité du jeune homme.
Alors que le quatuor quittait l’arène, le badge en poche, Lief demanda comment Louise avait vu ce point faible.
- C’est simple, répondit Louise. Tellement simple que je ne l’ai pas remarqué plus tôt. Le nez des Tarinor est en fait une sorte de boussole. Et les boussoles indiquent le nord. Ils ne peuvent tout simplement pas se tourner dans une autre direction sinon ils perdent tout repère. Et cette partie de leur corps est donc moins bien protégée.
- Oh c’est brillant comme stratégie, commenta Brice. J’aurais pas réussi à trouver ça dans mes analyses.
- Ça, répondit Louise en lui caressant la tête, c’est parce que tu passes plus de temps sur ton écran que sur le monde réel.
- Mais c’est tellement passionnant, marmonna le jeune homme d’un ton faussement boudeur.
- Arrêtez-le !!!
Alors que le groupe s’aventurait sur la route principale, quelqu’un leur passa sous le nez, suivit de près par quelqu’un de familier. C’était le scientifique de la société Devon qu’ils avaient sauvé d’une certaine team Magma. Quand le chercheur reconnut le groupe, il se précipita vers eux.
- S’il vous plait, aidez-moi ! On m’a volé le pack Devon !
- Encore, s’exclamèrent les enfants.
- Non, ce n’est pas la team Magma, répondit le scientifique en larmes. C’est une autre bande de voyous qui se fait appeler la team aqua.
- Ok, je vais m’en occuper, répondit Louglaciale. Prenez soin des enfants jusqu’à mon retour s’il vous plait. Par où est-il parti ?
- Par la route 116 et oui comptez sur moi.
La dresseuse ne perdit pas une seconde et, avec de grandes enjambées souples, se mit à la poursuite du voleur de pack. Elle ne mit qu’une heure pour revenir avec le pack mais elle a fait clairement comprendre aux enfants qu’elle ne continuait plus le voyage avec eux.
Elle avait quelque chose de différent, Lief le vit tout de suite.
- Qu’est-ce que tu as ? Demanda-t-il. Pourquoi tu ne continues pas avec nous ?
- J’ai des choses à faire, très importantes, fut sa seule réponse.
C’est à ce moment que le groupe se scinda en deux : Louglaciale d’un côté, les trois enfants de l’autre. Ces derniers ne la revirent que plusieurs mois plus tard, au musée de Poivressel.
Les deux dresseurs se séparèrent enfin au bout d’un moment et se regardèrent dans les yeux.
- J’ai su pour ta victoire à la ligue Hoenn, commença Louise. Félicitations.
- Merci, répondit Lief. Mais je n’ai pas réussi à vaincre le conseil des 4. Spectra m’explose toujours. J’essaie donc de progresser un peu avant de détrôner notre
informaticien préféré.
Cette remarque fit légèrement rire la dresseuse. Mais le vrai sujet de la conversation devait être mis sur le papier.
- Mais que fais-tu ici ? Tu n’es quand même pas en quête pour ton initiation à la méga-évolution ?
- Non en effet. C’est pour toi que je suis venu.
- Pour moi ?
- J’ignore ce que t’as foutu mais ton dossier est ressorti des archives et la police d’Hoenn est sur ta trace. C’est qu’une question de temps avant qu’elle ne débarque ici pour te coffrer.
- Attendez quoi ? Intervint Julie. La police d’Hoenn ? Arrêter ma sœur ? On peut savoir pourquoi ?
Le regard de Lief se fit tout de suite plus acéré et son Massko se mit en position de combat.
- Non Lief, tout va bien, le calma Louglaciale. C’est ma petite sœur.
Le jeune homme se détendit aussitôt et s’inclina pour s’excuser. Mais cela ne dissipa pas les interrogations de Julie. Mais les deux dresseurs s’éloignèrent tout de même et le Massko se plaça de façon à leur couper la route. Mais la seule qui fut choquée de ce comportement fut encore la petite sœur.
- Mon dossier tu dis ? Demanda Louglaciale une fois qu’ils s’étaient suffisamment éloignés du groupe. Mais je croyais que toi et Brice vous l’aviez détruit le temps. Ce dossier me donne le statut de criminelle internationale.
- On l’avait détruit je te jure, assura Lief, aussi désemparé que son amie. Jamais ils n’auraient dû le retrouver. Déjà que de base retourner à Hoenn t’était exclu, alors là, ça va être une course poursuite internationale.
Louglaciale soupira.
- Dire que ce dossier est factice, du début à la fin… Pour une fois, je regrette que Brice soit aussi doué avec un ordinateur.
- Mais faut dire que déjà, ton idée était bien merdique. Quelle idée de te faire créer un passé de criminelle de A à Z.
- Il fallait bien que j’intègre la team Aqua. Avoir une expérience avant de l’infiltrer était un bon moyen de me faire accepter. Et ça a marché non ?
- Mais à quel prix ? Insista Lief. Et tu as fait ça avec la complicité de Brice qui plus est. Mais ça à la rigueur je n’ai pas à te le reprocher. Chui ni ton frère ni ton
père. Tu fais ce que tu veux de ta vie. Là où je t’en veux c’est pour Angel.
Le regard de Louglaciale s’écarquilla à la mention de ce nom avant que son visage ne se plonge dans une tristesse sans nom.
Évidemment, comment ne pouvait-elle pas se sentir triste ? La main de lief se referma sur la Luxe ball à sa ceinture et la mit dans les mains de Louise. Elle la regarda, les yeux dans le vide, avant que la Pokéball noire ne se mette à vibrer. Lief sut que son hôte avait enfin senti une odeur qu’il n’avait pas senti depuis presque deux ans : celle de sa dresseuse.
La Luxe ball s’ouvrit en grand et le Pokémon qu’elle contenait se matérialisa.
Il l’avait senti. Son odeur… L’odeur de celle qui l’avait rendu fort, l’odeur de celle qui avait pris soin de lui, l’odeur de celle qui avait pleuré quand il s’était blessé… Il était si heureux…
Le Pokémon senti la fraîcheur du vent lui caresser sa fourrure d’un blanc éclatant. Il prit une grande inspiration et ouvrit ses yeux rubis qui se posèrent sur elle. Elle semblait si triste, si fatiguée. Pourquoi ?
Leurs yeux se croisèrent et son visage se décomposa. Les larmes coulèrent sur ses joues.
« Non, s’il te plait, ne pleure pas ».
Il fit un pas dans sa direction, puis un autre, et encore un autre. Quand il arriva à son niveau, elle lui passa la main sur sa corna cassée et lui caressa la tête, là où ça lui chatouillait.
- Angel, murmura sa dresseuse. Je suis tellement désolée…
- Non, tu n’as pas à être désolée maman…
L’Absol mutilé voulu l’enlacer pour la rassurer mais eu beaucoup de mal à cause de sa prothèse. Mais elle comprit. Elle comprenait toujours. Il senti les larmes mouiller sa fourrure mais il était tellement heureux de l’avoir enfin retrouvé.
- Maman…
Ce fut la gorge serrée qu’il se laissa aux larmes.
Ce fut les cris que Louise poussa qui décidèrent Julie. Elle mit au défi le Massko de l’attaquer et elle rejoignit les deux dresseurs. Mais la première chose qu’elle fit fut de pousser un gémissement d’horreur. L’Absol qui enlaçait sa sœur n’était pas juste blessé, il avait été charcuté. Sa corne avait été brisée, il lui manquait une patte avant remplacée par une prothèse robotique et une énorme cicatrice lui traversait le visage, le dos jusqu’à sa patte arrière gauche.
Sa sœur la rassura néanmoins, enfin, tenta de le faire.
- Tu n’as pas à avoir peur Julie. Angel est très gentil. Il n’a juste pas eu de chance.
- Pas de chance ??? Tu plaisantes j’espère ? On peut savoir ce qui l’a mis dans cet état ?
Louise fixa le sol un moment avant de répondre.
- Je me trouvais à Hoenn quand je l’ai trouvé, mourant. Il était jeune, presque un bébé. Il avait été massacré par ses parents qui le jugeait trop faible. Je l’ai soigné et j’ai pris soin de lui. Mais, ce que j’ignorais, c’est qu’il avait un problème de santé. Une maladie très grave. Il est atteint une dégénérescence osseuse et musculaire. Mais quand je m’en suis aperçue, il était trop tard. C’était quand j’ai participé à la ligue d’Hoenn. Un Aligatueur a utilisé Machouille sur sa patte et…
Une expression de douleur extrême se lut sur son visage et Julie compris. Ce dut être un moment horrible pour elle et pour lui. Mais Angel ne semblait pas en vouloir une seule seconde à sa dresseuse. Il se frottait contre elle et lui souriait tendrement, comme s’il voulait lui montrer que tout allait bien.
- Louise, commença Julie. Tu n’as pas à t’en vouloir pour ça. Ce n’est pas ta faute. Et Angel a l’air de beaucoup t’aimer. Je suppose que c’est vous qui avez pris soin de lui ?
Lief acquiesça.
- Je suis venu le rendre à sa propriétaire et j’ai envie de venir en aide à Louise.
- Sauf que je ne peux pas partir tout de suite, répliqua Louise de son ton redevenu déterminé. J’ai une chose importante à faire avant de quitter Kalos.
- Quoi donc ? Demanda Lief.
Louise soupira avant de tout lui raconter, encore une fois. Julie se demanda si c’était une bonne idée d’intégrer encore quelqu’un au groupe mais elle ne fit aucun commentaire. Ce garçon était son ami après tout. Elle espéra juste qu’il n’amènerait pas plus d’ennuis qu’ils en avaient déjà.