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Pokemon Arena de Hybries



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» Auteur : Hybries - Voir le profil
» Créé le 22/08/2016 à 19:33
» Dernière mise à jour le 16/10/2016 à 03:41

» Mots-clés :   Fantastique   Suspense

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Arena- Le dernier chant des anges- Part II (Finale)
« We can be heroes, just for one day » -David Bowie, Heroes





Une main tâtonne dans la nuit. Elle cherche avec frénésie. Mais quel est l’objet de sa quête ? Le sait-elle elle-même ? La main n’est bien sûr pas désincarnée, et elle n’est pas vraiment dans la nuit. A l’extrémité du membre se trouve un jeune homme vêtu en ermite, et malgré cette révélation, sa frénésie ne s’arrête pas.
Qu’est-ce qui pourrait bien se trouver dans cette nuit si profonde que l’œil humain ne peut rien y distinguer ? Et qu’est-ce qui a amené le héros dans cette dernière quête, cette dernière action dévouée de sens ?
Au loin, on entend le dernier chant des anges.

Onze ans, voilà le temps que le Maître passa à chercher Eden, lieu originel, source du pouvoir de l’univers. Onze ans sans péripéties aucunes, passées enfermé dans sa tour de métal sombre pendant qu’il rasait la planète à la recherche d’un passage vers cette source de pouvoir. Il avait déjà, il y a si longtemps, détruit totalement son univers en quête de l’Eden, et resté seul survivant, avait dû établir une connexion avec un autre univers pour continuer sa quête, mettre en place l’Arena pour accumuler le pouvoir des mages en compensation de la découverte d’Eden.
Et tout cela, des décennies perdues, des milliards de vies sacrifiées, tout cela pourquoi ? Quelqu’un le savait-il encore ? Lui ? Il n’osait pas y penser. Il avait trop peur de se rendre compte que sa quête n’avait plus de fondement.
Onze ans passés sur Terre donc, à dégringoler dans l’ennui et la folie. Et puis un jour, lors de la dernière aube, il sentit un pouvoir se matérialiser non loin. Le pouvoir de la foudre, celui qu’il ne sentait plus depuis si longtemps. Un sourire étira son visage pâle et fatigué. Il le tourna vers le soldat à la gauche de son trône, susurrant :
-Ouvrez la citadelle. Faites place. Yuri Mac Lane est de retour en ville.

Mais Yuri Mac Lane, si c’était encore le nom qu’il portait, n’était pas seul lorsqu’il revint sur Terre pour la première fois depuis onze ans. Entouré par une grande femme à la crinière blonde, Opale, et une autre observant le monde d’un regard mordant encadré par des mèches sauvages, Sylvestra, ce fut un choc pour lui lorsqu’il constata l’état de son monde. Un monde qu’il avait abandonné pour prendre soin de son enfant, voulant au moins lui accorder une enfance au-delà de la guerre qu’il savait inéluctable. Un monde au ciel sombre et la terre de cendre. Le décor apocalyptique parfait, mais il n’en attendait pas moins de l’œuvre du Maître.
-Il n’y a même pas de vent… constata-t-il à haute voix.
Sylvestra vint se placer devant lui, forçant son regard rêveur à se poser sur elle.
-Ni d’eau… Mais il y a un éclair qui vient de revenir. Un éclair qui peut ramener à la vie ce corps sur lequel nous marchons. Un éclair qui est l’espoir.
Yuri sourit.
-La nature est aussi revenue. Je serais le choc, mais nous avons besoin de toi pour que ces terres prospèrent de nouveau. Bien sûr ce sera… Ce sera si l’on réussit.
Un silence prit place. Sylvestra voulait les presser mais elle comprenait la douleur que le couple devait ressentir à la vue de ces ruines.
-Il n’y a pas de musique non plus, pas de chant… remarqua alors Opale. Depuis combien de temps personne n’a ri sur cette terre ? Depuis combien de temps n’y-a-t-il pas eu d’enfants ?
Les questions firent mal, mais elles étaient nécessaires, signifiantes d’une incompréhension fondamentale chez ces deux êtres qui avaient vécus dans leur bulle pendant une décennie. Ils en voyaient maintenant les conséquences.
La philosophie fut cependant coupée court lorsque le bruit retentissant d’une sirène se fit entendre. Au loin, un rayon de lumière aveugla le trio, en un rien de temps une dizaine de soldats étaient sur eux, jonchés sur divers Pokémons rapides et violents. L’un d’eux en descendit et s’avança vers les rebelles, vêtu de blanc jusqu’à son masque, si semblable à celui du Maître. Sa présence fit réagir Yuri.
-Je vous connais ! Vous êtes…
Mais le nom lui échappait. La raison était que l’homme lui faisant face n’en avait jamais eu. Cela ne l’empêcha pas de parler, d’une voix vive qui semblait cependant si ancienne.
-J’étais autrefois Numéro Deux. Mais cela ne veut plus rien dire maintenant. Maintenant il n’y a plus que le Maître et ses serviteurs. Plus d’arène mais un temple à sa gloire, plus de gladiateurs mais des soldats prêts à mener la dernière guerre : celle contre toi, Yuri. Le Maître t’invites, viens.
Le jeune homme observa l’être lui faisant face. Une simple robe portant un masque. Pas d’individualité, juste un mécanisme huilé, des mots répétés.
-J’ai passé tant de temps à combattre, et encore plus à me cacher. Mais jamais je n’ai essayé de comprendre. Et bien plus maintenant. Qui es-tu ? Pourquoi suivre un homme qui a détruit deux univers ? Pourquoi cela semble normal pour toi ? Pour vous tous ?!
Cette dernière question était adressée à tous les soldats derrières qui n’eurent même pas le temps de comprendre qu’on leur parlait avant que l’ancien Numéro Deux ne réponde.
-Cela a-t-il de l’importance ? Si je te dis que j’ai une dette éternelle envers cet homme, cela changera-t-il tes plans de l’affronter ? Qu’autrefois il fut un homme bon ? Que ma vie est sienne et qu’en conséquence je disparaitrais pour lui permettre d’atteindre son but ? Non, tu ne comprendrais rien à tout cela parce que ça repose sur l’honneur, et tu n’en as pas, toi qui t’es enfuis devant la mort ! Toi qui as fui ton destin !
Yuri allait répondre, mais ce fut Opale qui fit un pas en avant pour se placer devant l’homme vêtu de blanc.
-Et il ne faut pas avoir de notion de justice pour permettre au Maître de faire ce qu’il a fait. Vous n’êtes pas nobles, aucuns de vous ! Ne parle pas de destin, tu ne sais pas ce que c'est ! Moi j’ai été élevée par le destin, on ne m’a laissé aucun choix, un caillou jeté dans la rivière pour que la houle touche le rivage, destiné à couler après coup ! C’est ça que j’ai fui, c’est pour ça que Yuri a fui, pour échapper à un destin cruel dans le but de sauver une vie. Pourquoi êtes-vous restés ? Par lâcheté. Vous avez plus peur de la mort que nous, et la preuve est : nous sommes revenus. Nous sommes prêts à faire le dernier sacrifice pour ce en quoi nous croyons. Et vous ?
Sylvestra lança un regard impressionné à Yuri, l’air de dire qu’il avait bien choisi sa compagne, auquel il répondit d’un léger sourire. Puis il posa ses yeux sur Opale, et une compassion infinie les peint.
L’homme en blanc allait répondre, mais Opale le coupa court.
-Quant à savoir si on vous accompagnera auprès du Maître, je pense que la réponse est non. Nous irons de nos propres moyens. Des questions ?
-… Vous devez penser que je suis que l’ultime fanatique, irraisonné et irraisonnable. Mais je comprends ce que vous dites. Je compatis presque. Il y a bien longtemps, le Maître… Non, Ygsadrill, puisque c’était son nom, était mon ami. Et j’étais le sien. Mais je me suis perdu en cours de route bien avant lui. Il n’y a rien derrière ce masque que je porte, sinon le portrait de l’être que je fusse autrefois. Je ne peux plus m’opposer à lui, seulement espérer secrètement que l’on mette fin à sa folie. Je vous souhaite donc bonne chance. Mais sachez également que mes actes ne seront pas en concordance avec ma pensée, et que jusqu’à la mort Ygsadrill restera mon ami. Aussi, si vous ne voulez pas me suivre, je serais obligé de vous amener par la force.
Alors qu’il parlait, il avait pris une pokéball qu’il pointait désormais comme une arme en direction du trio. Tous reculèrent un peu, voyant désormais en l’homme habillé en blanc le pantin qu’il était vraiment, mais aussi l’âme en peine qui l’habitait. Le conflit entre une promesse faite dans un autre univers et la réalité horrifique qui l’entourait. Il apparut alors très clair qu’il réclamait ce combat, qu’il ne se retiendrait pas, mais que la défaite ne lui serait pas amer.
Au moment où un gigantesque Dracolosse apparaissait devant Numéro 2, Braségali était devant Sylvestra, Capidextre devant Opale et Absol devant Yuri. Les soldats du Maître ouvrir alors le feu, mais d’un geste de main Sylvestra fit apparaitre un champ protecteur. Déjà les pokémons se lançaient dans la bataille alors qu’Opale, armait de deux dagues, profitait de l’obscurité pour se débarrasser des soldats. Sylvestra la rejoint dans sa lutte, les deux femmes semblaient danser tant par l’élégance que la dangerosité de leurs mouvements, et les soldats tombaient les uns après les autres, incapables de suivre des yeux l’agilité forgeait par des années d’entrainement. Yuri, lui, faisait face à Numéro 2 et ordonnait aux trois pokémons devant lui qui menaient une terrible bataille contre Dracolosse. Des rayons d’énergie volaient dans tous les sens alors qu’un vent ancien se levait autour des combattants. Bien vite il sembla que pokémons et dresseurs ne furent plus qu’un, alors que la cadence des ordres s’accélérait et que les prises d’initiatives se faisaient de plus fréquentes. Bien vite, un Leviathor et un Dracaufeu vinrent rejoindre l’équipe de Numéro 2, mais c’était à ce moment que Sylvestra et Opale reprirent leur position après avoir éliminé tous les soldats, permettant à Yuri de se concentrer sur les mouvements d’Absol. Celui-ci se battait exceptionnellement bien aux côtés de Capidextre, signe du lien qui unissait leurs dresseurs. Braségali était moins coordonné mais tout aussi efficace.
Après quelques intenses minutes de combat, un ultime assaut de la part d’Absol mis au tapis Dracaufeu, le dernier des pokémons de Numéro 2 encore debout. Ce dernier soupira, désormais seul face aux trois héros. Yuri s’avança.
-Ça ne sert plus à rien de se battre. Nous allons voir le Maître de toute façon, comme vous le vouliez. Pas la peine de mourir pour rien.
-Qui a dit que je risquais ma vie en vous affrontant ? Ne soyez pas présomptueux.
Il fit un mouvement de l’épaule et aussitôt un revolver était dans sa main, pointé sur Yuri.
-Je pourrais vous tuer maintenant. Dit Numéro 2.
Mais alors qu’il disait ça, la barrière de protection de Sylvestra enveloppa les trois compagnons. Cette dernière avait un sourire malin au coin des lèvres.
-Vous pensiez vraiment qu’une arme à feu nous intimiderait ?
-Ah ! Bien sûr que non. C’est pour cela que je n’ai pas amené une arme à feu. Mais un détonateur à magie. Le nom est un peu ridicule, mais imaginez un concentré de magie noire venue directement du Maître, mise sous pression, prête à exploser à tout moment, et l’envie de rire vous passera.
Yuri se tourna, inquiet, vers Sylvestra.
-Tu peux nous protéger de ça ?
Le sourire de cette dernière avait disparu pour laisser place à une grimace incertaine qui valait toutes les réponses possibles. Opale, elle, gardait son attention sur Numéro 2.
-Pourquoi vous n’avez pas encore tirés ?
-L’explosion me tuera également. J’essaye juste de trouver un souvenir auquel me raccrochait lorsque j’appuierais.
-Et vous avez pensés au fait que vous ne voulez probablement pas mourir ? Qui plus est, pas pour un fou qui, comme vous l’avez dit vous-même, est perdu depuis bien longtemps ?
-On dirait que vous n’avez pas écoutés. Je ne mourrai pas pour le Maître, mais pour mon ami. Pour Ygsadrill.
-Vous avez aussi dit que votre individualité n’existait plus, et vous voilà à chercher un visage agréable auquel penser avant de mourir. Je pense que vous vous mentez à vous-même. J’ai été comme ça autrefois. Persuadée de n’être qu’un jouet du destin, un pion voué au sacrifice. Mais c’est faux. Au-delà du grand jeu cosmique et du livre du destin, je suis quelqu’un. Et vous êtes quelqu’un, quoi que vous disiez. Et toute votre poésie ne changera pas le fait que le Maître est ce qu’il est, plus l’ami que vous aillez eu il y a bien longtemps mais le destructeur des mondes. Vous n’avez aucune raison de nous tuer, parce que vous savez que nous allons faire ce qui doit être fait.
Numéro 2 ne dit rien pendant un moment. Il sembla même qu’il baissa légèrement son bras tenant l’arme. Lorsqu’il parla, sa voix était calme, mais pas rassurante.
-Je sais ce que vous voulez faire. C’est pour cela que je vous tue au lieu de vous ramener comme Ygsadrill me l’a demandé. Même si vous avez raison, je ne peux me tenir à vos côtés contre lui. Ni l’abandonner. Vous avez raison, je suis encore un individu, et c’est de là que vienne tous les problèmes de cette situation. Si j’étais un soldat, tout cela serait déjà réglé.
-Mais vous n’en êtes pas un, dit Sylvestra. Aucun de nous ne l’est. Les circonstances nous forcent à agir comme cela. Mais au fond nous sommes tous les mêmes humains qui tentent juste de goûter un peu au soleil. Et ça n’a pas d’importance si pendant des années vous avez été un monstre, parce que le choix le plus important est devant vous, maintenant. Laissez-nous voir le Maître, laissez-nous en finir avec tout ça. Tant d’âmes sont en peine. Il faut que ça cesse, et vous le savez.
Numéro 2 ne dit rien pendant un moment puis, au soulagement de tous, baissa son arme.
-Alors vous croyez en la rédemption ? Il n’y en a pas pour moi. Je choisis la voie du lâche en abandonnant mon ami. Que les choses soient claires, vous ne m’avez en rien convaincus. Mais… J’ai trouvé dans ma mémoire un visage que je ne veux pas oublier. Un visage que je ne veux pas voir souffrir. Je crois… je crois que vous avez raison quand vous dites que l’on cherche tous le soleil. Je crois surtout que cela s’applique aussi à Ygsadrill. Je vais vous laisser partir, pas par gentillesse, mais pour que vous vous rappeliez de ces mots : vous avez espérés ma rédemption, et je veux que vous croyez en celle d’Ygsadrill. Je n’ai pas pu l’atteindre depuis des années, mais peut-être le pouvez-vous ?
Sylvestra dissipa son champ de protection alors que Yuri s’avançait furieux vers Numéro 2.
-Alors tout ça n’était qu’un test pour vous ? Pour nous persuader de sauver le Maître ?
-En quelque sorte. J’aurais aussi pu vous tuer. Mais je préférais que cela se passe comme ça. Vous ne semblez pas convaincus.
-Vous croyez que je laisserais le Maître vivre après tout ce qu’il a fait ? Regardez autour de vous. On ne parle pas d’une erreur de jeunesse.
-Vous étiez prêt à m’épargner pour atteindre votre objectif, Ygsadrill. Et si l’épargner vous permet d’atteindre la paix ? Vous pensez vraiment pouvoir sauver le monde par un acte de violence ?
Yuri était décontenancé, mais toujours le poing serré à quelque mètres de son adversaire.
-Je ferais ce qu’il faut faire.
-Alors qu’il en soit ainsi. Si vous y croyez vraiment, la fin sera peut-être positive. Mais ne désespérez pas Yuri Mac Lane. Le destin vous a mis au centre de cette tragédie, mais vous n’êtes pas seuls. Tant que vos amies sont avec vous, je crois fondamentalement que vous ferez le bon choix.
Numéro 2 laissa alors son pistolet tomber au sol, puis leva son visage vers le tableau sombre qu’on appelait ciel.
-Suivez les traces de notre voiture. Vous serez à la forteresse du Maître dans moins d’une heure. La sécurité ne pourra rien contre vos pouvoirs. Mais lui est plus puissant que jamais.
Alors que Yuri allait lui poser une autre question, soudain sa cape blanche commença à partir en lambeaux. A travers la voute noire, les contours de la lune se firent visible pour la première fois depuis des années. Toute la tunique de Numéro 2 partie en lambeaux, semblant emporter son corps avec. Bientôt il ne resta plus que son masque, flottant seul dans le vide pendant une seconde, dernier point d’interrogation, puis lui aussi disparu, laissant les trois compagnons seuls au milieu des corps inertes des soldats.

Je m’arrêtais. Un instant. Une semaine. Six mois, un an. Quel était le sens de tout cela ? Pourquoi m’entêtait à finir les aventures de Yuri Mac Lane, des années plus tard ?
Car oui, tout cela n’est qu’une histoire, même pas une fable, à peine une légende. Inventé par une personne : moi. L’auteur.
Est-ce que quelqu’un se rappelle encore de cette histoire ? Veut encore en connaitre le dénouement ? J’espère au fond de moi que non… J’espère être seul à jamais lire ces lignes. Et toi, lecteur, ressens-tu un plaisir coupable à lire mon intimité ?
Qui veut encore savoir la fin de l’histoire, mais moi ? Pour comprendre la fin, il faut savoir pourquoi je l’écris. Pour comprendre pourquoi la confrontation contre numéros 2 est diffusée, avec beaucoup de difficulté, il faut comprendre la difficulté de joindre le fond et la forme, de plaquer des thématiques qui me tiennent à cœur aujourd’hui à un travail irréfléchi datant d’il y a déjà quelques années, précieuses années, années formatrices.
Pourquoi revenir sur Arena ? Pour finir quelque chose. Apporter un point final fictif pour aider une transition bien réel dans ma vie. Mais voilà tout le problème. Je transite, j’évolue, je suis action et mouvement. Arena est figée depuis des années dans une pseudo-fin ne me convenant pas, puis dans une demi-fin expédiée. Mais dans tous les cas, figée. Et après la parution de cet ultime chapitre, figée pour de bon. Alors autant s’amuser ? Arena peut vivre au-delà. Par cet écart, par cette ouverture, je peux l’amener à se questionner elle-même. La faire revivre dans le contexte actuel. Dénoncer le paradoxe de ses inspirations. Le combat épique contre numéro 2, prévu depuis des années, devient une impasse narrative monstrueuse. Pourquoi est-ce que ces personnages se battent ? Comment conclure l’histoire si ce n’est lors d’une confrontation gigantesque contre le Maître, une fin attendue et convenue ?
Comment ne pas décevoir un public inexistant ? Comment… Donner un poids réel, pour moi, à ces derniers mots ?
Je connais les règles de l’écriture désormais. Le jeu peut commencer.
Bienvenue, dans le dernier chapitre. Mon terrain.
La dégradation d’une narration.

Les murailles de la forteresse du Maître explosèrent. Derrière elles, trois héros, sortis tout droits d’un récit épique, travaillés par le temps et les combats. Alors que les soldats du Maître se jetèrent sur eux, Yuri leva le bras et un orage déferla sur ses ennemis, libérant immédiatement la voie.
-Il faut libérer les prisonniers du Maître. Informa Sylvestra. La plupart sont dans la tour Nord.
Puis elle la désigna du doigt, alors que d’autres vagues de soldats et de pokémons déferlaient sur eux. Les héros s’avancèrent, ripostant avec tous ce qu’ils avaient. Des lumières bleues et vertes éclairaient la scène, et même Opale, dépourvue de magie, compensait par la puissance de ses pokémons.
Les soldats du Maître ne représentaient aucune difficulté. C’était même trop simple. De simples pions posés sur leur chemin pour donner une illusion de progression. Mais ils ne s’en soucièrent pas et continuèrent leur avancée, pénétrant dans la tour en question.
-Est-ce que tu sais s’il y a un moyen de libérer tout le monde d’un coup ? demanda Yuri.
-Non, il va falloir y aller à la dure.
-Yuri, Sylvestra, je ressens la présence d’un mage ici… Il est enfermé au dernier étage.
Les deux intéressés questionnèrent Opale du regard, puis se regardèrent, ayant eu la même idée.
-Tu crois que…
-Yamaguchi ?
Il faut noter que tout ce dialogue se déroulait au beau milieu du chaos général, et devant la longue réflexion de son mari et nouvelle amie, Opale décida de prendre les rênes de l’opération.
-Une seule façon de le savoir, non ?
Elle se précipita vers les escaliers, menant la marche. Le groupe découvrit à chaque étage deux larges couloirs contenant chacun des centaines de cellules. La respiration de Sylvestra s’accéléra en se rappelant du temps qu’elle y avait passé.
A coup de magie et d’attaques pokémons, ils explosèrent les murs, libérant des individus de tous âges et toutes époques qui les regardaient comme s’ils étaient des figures divines, des anges venant les sauver. Au milieu de la confusion, Opale tentait de leur parler.
-Fuyez si vous le voulez. Prenez les armes si vous le pouvez. Aujourd’hui tout cela se termine pour de bon, quel que soit l’issue.
Au bout du troisième étage, Sylvestra se rendit compte que beaucoup avaient choisis de se battre avec eux, et les suivait désormais comme s’ils étaient des chefs de guerres. Yuri, lui, commençait à s’impatienter.
-Combien d’étages encore ?
-Désolé Yuri, mais on va encore y passer du temps.
-Tant pis. Où est le Maître ?
-Tu ne veux quand même pas…
-Le monde va mourir Sylv. Il n’y a pas de temps à perdre. Libère Yam et rejoignez moi. Je vais tenter de l’affaiblir jusqu’à ce que vous arriviez.
La jeune femme hésita, soupira, puis posa sa main sur l’épaule de Yuri.
-A quoi tu t’attends avec un mégalomane pareil ? Il est dans la seule tour plus grande que celle-ci. Dernier étage aussi j’imagine.
Yuri la remercia du regard, et commença à redescendre les escaliers. A contre-courant, il finit par se retrouver en face d’Opale. Il ne dit rien, et elle comprit. Elle se contenta de l’embrasser, posant sa main sur sa joue.
-Laisses m’en un peu, tu veux ? Lâcha-t-elle avec un faux sourire.
-Tu sais que je ne peux pas te dire non.
Un dernier regard échangé, puis chacun repris sa route.
Yuri se retrouva bien vite seul dans la zone de guerre que représentait la forteresse du Maître. Le sol était jonché de soldats inconscients, ou pires. Yuri n’avait pas trop régulé sa magie. Ce n’était pas le moment.
Il commença sa route vers la plus haute tour, faite d’un métal noir qu’il reconnaissait comme celui impénétrable de l’Arena. Il allait devoir monter les marches de façon régulière.
Il arriva en bas du bâtiment, mais ne trouva comme aucunes portes. Il en fit le tour, rien. Avec appréhension, et ressentant une forte influence magique provenant du bâtiment lui-même, il posa sa main sur le métal brute. Aussitôt celui-ci ondula, comme si on avait lâché une pierre dans un étang. Yuri recula par réflexe, mais il avait compris la situation. Il n’y avait pas de temps à perdre. Il prit son courage à deux mains, et s’avança dans le bâtiment, disparaissant dans l’étrange matière, vers la confrontation finale.
A l’extérieure, il ne restait que le silence.

Un bruit infernal bourdonnait à ses oreilles. Il ne semblait pas pouvoir poser ses pieds, pris dans un tourbillon ne lui laissant le temps de prendre repères. Yuri se força à ouvrir les yeux, et ne comprit pas vraiment ce qu’il vit.
C’était un lac… Puis l’eau en devint noire. Le ciel, qu’il reflétait, rouge. Une déchirure entre les dimensions, et le Maître était là, prêt à détruire l’essence même du monde pour obtenir ce qu’il cherchait.
Puis c’était lui, Yuri, jeune, arrivé à l’Arena. Yamaguchi et Sylvestra… Et tous ses pokémons. Tous les gladiateurs qu’il avait affronté, défilant sous ses yeux, jusqu’au dernier : Karder Mosyra. Et son frère…
L’illusion se brisa. Au centre des ténèbres, Yuri aperçu une forme recroquevillée sur elle-même, chétive. Il s’approcha, ou du moins eut l’impression de s’approcher, et se rendit compte qu’il contemplait l’être qui fut autrefois Draker, son presque rival.
Ce dernier releva la tête en sentant Yuri, un visage qui n’avait plus aucun sens, déchiré par les vagues du continuum espace-temps.
-Je devais être son bras droit… Le servir pour qu’il me donne le pouvoir de te détruire ! Mais regarde ce qu’il a fait ! Je suis réduit à ma seule haine, un moteur pour son monde de fous ! REGARDE CE QU’IL M’A FAIT !
Yuri eut un mouvement de recul. Les ténèbres commencèrent à engloutir Draker. Il tendit sa main vers Yuri, qui l’attrapa et le tira avec toute la force qu’il possédait.
-Draker… Tu n’étais qu’un gosse stupide… Tu mérites une chance… Ne le laisse pas te consumer…
Mais tous ses efforts ne servirent à rien. L’être qu’il avait autrefois connu disparu sous ses yeux. Yuri ne savait pas si ce qu’il venait de voir était véritable ou une illusion. Mais cela l’avait affecté.
Les ténèbres firent de nouveau place à des images. Mais elles n’appartenaient pas à Yuri. Bien vite il comprit… C’était les souvenirs du Maître.
Il vit un jeune garçon au milieu d’un village en ruines. Il le vit traverser tout un pays pour retrouver le responsable. Il vit sa haine s’effacer à mesure des rencontres faites sur le chemin. Il vit sa haine revenir à mesure que ses amis tombaient au combat. Il vit un homme impuissant face à la mort. Un homme puissant, juste assez pour s’aventurer dans un chemin dangereux.
Des expériences. Une chasse aux pokémons légendaires. Le contrôle du temps, de l’espace, des dimensions, mais jamais de la vie. Il vit une créature… Une créature qu’il avait lui-même rencontré : le Bahamut. Il savait que ce monstre avait était emprisonné au cœur de l’Arena. Il était le dévoreur de mondes. Il le vit dévorer le monde d’Ygsadrill, et vit ce dernier le mettre en cage et créer l’Arena autour de lui pour le conserver. Il le vit se tenir au-dessus de la bête défaite et dire.
« Incline toi, car désormais je suis ton Maître. »
Puis, les pieds de Yuri touchèrent le sol. Il était dans une longue salle sobre et noire, devant une grande vitre avec vue sur le champ de bataille qu’était la forteresse.
Puis Yuri se retourna. Face à lui, portant son masque, sabre à la main, le Maître noir.

-Nous y voilà enfin… murmura sa voix brisée par le temps et la folie.
-Ce serait plus sympa si je pouvais avoir quelques explications… Et voir ton visage, Ygsadrill.
Il y eut un petit silence, puis dans un long mouvement, le Maître découvrit son visage. Il avait sans doute eut l’air humain il y a bien longtemps. De loin, on aurait même pu lui trouver une ressemblance avec Yuri. Mais aujourd’hui, il n’était que blafard et encadré de longs cheveux gras et sombres, seulement coloré par un affreux sourire distordu révélant des lèvres d’un rouge sanguin. Ses traits étaient creusés, et ses yeux n’étaient plus que deux globes noirs sans iris.
-Et quelle explication Yuri ? Tu n’as toujours pas compris ? J’ai cherché Eden toute ma vie pour y trouver le pouvoir de conquérir le grand inconnu, la mort. Enfin devenir Dieu ! Mais toi… Tu l’as trouvé n’est-ce pas ? Tu as passé ces onze dernières années sur Eden ? Dis-moi comment y accéder.
-Ca n’a plus aucun sens Ygsadrill. Regarde autour de toi. Il n’y a plus de monde sur lequel vivre, tu as tout détruit. Tu veux ramener tes amis à la vie c’est ça ? J’ai bien compris ? Tu veux vraiment les ramener dans ce monde ?
Alors, le Maître se mit à rire. Un rire dément qui fit froid dans le dos de Yuri.
-Tu penses que je m’intéresse encore à eux ? Ils ne sont que des souvenirs qui s’effacent chaque jour un peu plus… Je veux ce pouvoir pour moi. Est-ce que tu sais tout ce que j’ai appris au cours de mes voyages ? Toutes les connaissances que je possède ? De quoi créer une toute nouvelle culture ! Je rebâtirai le monde en héros, et le gouvernerai pour mille générations !
A son tour, Yuri émit un petit rire qui ne déstabilisa pas le Maître.
-Même toi tu ne peux pas être aussi aveugle. Il n’y a plus rien sur quoi reconstruire. Et personne ne t’adorera jamais.
-Tu sais ce qu’on dit. L’histoire est écrite par les gagnants… Maintenant, dis-moi où est Eden.
Et, à la surprise du Maître cette fois, Yuri s’avança vers lui, les bras ouverts, sans armes.
-Je ne te le dirai pas. Et si tu me tue, tu ne le sauras pas. Alors, comment on fait ?
Ygsadrill parut agacé pendant une seconde, puis un large sourire barra son visage.
-Oh Yuri… Tu ne sais décidément rien. Tu ne sais pas pourquoi je t’ai toujours traité de façon si spécial n’est-ce pas ? Quels étaient mes plans avec toi ?
-J’ai bien eu ma petite idée au fil des années… Tu ne te faisais pas si jeune, hein ?
Une fois de plus, Ygsadrill rit.
-En effet. Tel que tu me vois maintenant je suis… En forme. J’ai drainé l’énergie du monde pour cela. Mais à l’époque j’avais besoin d’un nouveau corps… Un sujet pour tester l’expérience ultime : le transfert d’âme. Qui d’autre pour réceptionner mon âme, que celui qui partage mon sang ? L’as-tu appris, Yuri ? Que mon frère, avant de mourir sous mes yeux, a eu le temps de créer une descendance ?
Yuri ne répondit pas, impassible.
-Oui… Tu le savais déjà. Eden t’as tout appris, n’est-ce pas ?
-Ça ne change rien. Tu es dans une impasse.
-Tu n’écoutes donc pas ? Je te chasserai de ton corps, j’infiltrerai tes souvenirs et parasiterai toutes tes relations. Et je te garderai conscient, à peine, pour que tu assistes à ma victoire complète.
Alors le Maître, d’un geste d’une rapidité inouïe, posa sa main sur le torse de Yuri et une substance noirâtre s’en écoula, liant les deux êtres. Le jeune homme poussa un cri de douleur, voulut se dégager… Il tomba à la renverse, le Maître au-dessus de lui, le fixant d’un regard dément.
-Tu n’as jamais été qu’un pion Yuri, un personnage ! Tu n’as toujours pas compris ? Tout cela n’est qu’une histoire et j’en suis l’Auteur ! Tu crois que c’est toi qui as décidé, après onze ans, de revenir et d’en finir ? C’était moi ! Maître du temps, de l’espace, des dimensions, de la réalité même ! Moi qui ai décidé qu’aujourd’hui serait le dernier jour ! J’ai épuisé les ressources du monde, il ne me manquait plus que toi pour me mener à Eden, le nouveau monde !
Yuri continuait d’hurler de douleur alors que la matière noire l’enveloppait. Bientôt, elle le recouvrait entièrement, et il se retrouva une fois de plus dans les ténèbres. Mais sa conscience ne s’effaça pas, et il aperçut quelque chose au loin. Une forme familière… Impossible…
Il s’en approcha, et le doute n’était plus permis : l’arène. Celle dans laquelle il avait tant de fois joué sa vie.
Sous forme éthérée, il s’y posa. En face de lui, Ygsadrill, avec des traits plus charmants, lui ressemblant bien plus.
-Tout se finit maintenant Mac Lane. Merci d’avoir contribué à mon ascension. Merci de m’avoir amusé pendant toutes ces années.
Yuri repensa à la promesse qu’il avait faite à Numéro 2. Impossible de la tenir maintenant. Ou plutôt… Ce n’était pas vraiment le Maître qu’il avait devant lui, mais son âme. S’il y avait un moment pour le sauver, ou du moins confronter son essence même, c’était maintenant.
Il repensa aussi aux mots prononcés par Ygsadrill quelques secondes plus tôt. Des paroles de fous… Sauf si ? Yuri s’était toujours senti prisonnier d’un destin. Lui comme Opale. Et Sylvestra. Et Yamaguchi. Et s’il n’y avait pas de destin ? Mais seulement une force manipulatrice et maléfique qui avait ruiné leurs vies pour son seul plaisir ?
Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir, qu’une seule façon de briser le carcan qui l’avait restreint toute sa vie. Yuri s’était battu, avait fui, était revenu. Il n’était pas un héros parfait, avait fait des erreurs et son monde en avait payé le prix. Mais là, à ce moment même… Il était temps de tout réparer une bonne fois pour toute.
C’était le combat de sa rédemption.
Son sabre apparu dans ses mains.
Une épée sombre dans celles d’Ygsadrill.
Ils se jetèrent l’un sur l’autre
Ballet expert, deux âmes se rencontrent.
Les lames virevoltent alors que le monde s’écroule autour d’eux. Ygsadrill était le plus expert, acharné, si proche de son but.
Yuri ne démordait pas, se battant avec la rage du poids des responsabilités, sachant qu’il n’avait pas le droit à l’erreur…
Un coup lui entailla la joue. Ygsadrill en fut heureux, et baissa ainsi sa garde pendant une seconde, suffisant pour que Yuri lui entaille l’épaule. Le bonheur fit place à la haine alors que les assauts devenaient plus violents et risqués. Les coups portés, chacun son tour, bientôt les deux corps étaient en sang, mais toujours debout.
-Qu’est-ce que tu essayes de prouver Yuri ? Tu ne gagneras pas. Même si c’est le cas, ton monde a disparu.
-Et toi alors ? Tu dois bien réaliser que tu t’es donné beaucoup de mal juste pour devenir le maître du monde ?
Les deux combattants prenaient une pause, épuisés.
-C’est mon rôle. Le grand méchant. Voulais-tu essayer de me sauver ? Extraire de moi de la sympathie ? Oui il y a bien longtemps j’avais des buts nobles. Mais sur le chemin de la recherche du pouvoir, on finit par aller trop loin, par se perdre. J’accepte et embrasse mon rôle, et toi ? Jusqu’où es-tu prêt à aller pour être le héros ?
-Tout pour te stopper !
Yuri se jeta de nouveau sur son ennemi. Mais c’était comme si Ygsadrill avait repris toutes ses forces. Il para aisément les attaques de Yuri, le poussa dans un coin, et…
La lame sombre transperça l’abdomen de Yuri. Il lâcha son sabre et s’agenouilla, incrédule, alors que sa vision se troublait. Ygsadrill le fixait, sourire aux lèvres, tenant toujours son épée plantée en lui.
-Tu vois Yuri, le problème est que tout ceci est mon monde. C’était dans mon nom depuis le début. Je suis le Maître. L’Auteur. Je ne peux pas perdre, car c’est moi qui choisit comment se finit l’histoire. Il n’y avait qu’un être au-dessus de moi, le Bahamut. Je l’ai relâché, il a détruit ton monde, puis je l’ai enfin tué. Absorbant ses pouvoirs… Je suis presque Dieu depuis. Et maintenant, tu vas mourir, et me donner un corps neuf, seulement une vingtaine d’années d’existence… Et je trouverai Eden. Merci Yuri. Tu m’as bien amusé.
Yuri sentait que sa conscience s’en allait, alors il lutta comme jamais il n’avait lutté. Il devait sauver son âme. Par tous les moyens.
-J’ai vu…Vos amis… Il y avait une femme… Vous avez pleurés pour elle…
Le souvenir était là. Ygsadrill était si proche de Yuri, leurs êtres liés par l’épée. Il voyait une vie défilé devant ses yeux, mais ce n’était pas la sienne. Et il y avait cette femme, irradiant au fond des ténèbres. Un bruit que le Maître avait dû apprendre à ne plus entendre, mais qui déchirait la vision de Yuri.
Le Maître ne riait plus.
-Son nom… était Blanche…
Ygsadrill recula, lâchant l’épée.
-Blanche est morte depuis des siècles. Ça n’a plus d’importance… NE REDIT PLUS JAMAIS CE NOM !
Mais c’était trop tard pour lui. Yuri, avec ses dernières forces, s’empara du pommeau de l’épée, la sortie de son corps, et dans le même mouvement la planta dans le cœur d’un Ygsadrill incrédule qui n’avait rien vu venir, embué par l’émotion.
Alors que ce dernier poussait un cri de douleur et qu’une fumée sombre s’enfuyait de sa plaie, Yuri sentit inexplicablement ses forces revenir. Il s’approcha de son ennemi pour continuer à le tourmenter, criant plus fort que ses cris pour être sûr qu’il l’entendre, continuant d’appuyer sur la lame.
-Ton ami avait raison Ygsadrill ! Non… Même cela n’est pas ton vrai nom. Je l’ai vu. Aonios, voilà comment tu t’appelais avant de renier ton identité de petit paysan ! Aonios ! Rappel toi de Blanche ! Fais le pour elle ! Abandonne les ténèbres !
Le cri de l’entité ténébreuse aux multiples noms se fit de plus en plus fort, avant d’exploser en rire. Les murs de l’arène se mirent à s’écrouler, alors que le monde tournait autour d’eux. Yuri sentait l’espace se distordre. La fumée sombre continuait de sortir de sa plaie. L’intensité du rire devint la seule chose sur lequel il pouvait se concentre, puis…
Yuri ouvrit les yeux.

Il était de retour dans le bureau du Maître. Ce dernier n’était nulle part dans son champ de vision, mais il remarqua que la vitre donnant sur le reste de la forteresse était brisée.
Alors il le vit, surplombant son domaine, le Maître volait grâce à quatre énormes ailes de démons, manifestation de sa magie noire. Son regard, au grand désespoir de Yuri, était toujours aussi dément.
-Merci Yuri ! Tu as prolongé le lien entre nous assez longtemps pour que je comprenne comment accéder à Eden. Et qu’ai-je vu de plus ? Ton enfant s’y trouve ? Je me ferai une joie de briser sa nuque sous tes yeux ! Tu as cru pouvoir me sauver ? Personne, surtout pas toi, ne peux m’atteindre désormais !
Alors, il tendit ses bras vers le ciel, et une gigantesque faille s’y ouvrit. De l’autre côté, Yuri reconnut le ciel bleu qui entourait l’île paradisiaque contenant le pouvoir de vie et de mort en son sein.
-Non !
Le cri venait d’en bas. Yuri y jeta un coup d’œil et vit des centaines de personnes, tous des résistants. La voie, il l’avait reconnue, était celle d’Opale.
Le Maître regardait avec envie la faille, alors que l’île d’Eden descendait tout doucement, amenée à s’écraser sur ce qui restait de la Terre, à la merci du Maître. Il n’y avait pas de temps à perdre. Il fallait l’arrêter.
Yuri prit une de ses pokéballs et l’activa tout en sautant dans le vide. Son Airmure le réceptionna, et il fila sur le Maître, sabre à la main. Ce dernier était prêt et contra le coup de Yuri d’un seul bras. Il semblait bien plus puissant qu’il ne l’était sous la simple forme d’âme.
-Tu ne m’intéresses plus Mac Lane. Va faire joue-joue ailleurs.
Il claqua des doigts et soudain trois pokémons l’entourait : Dialga, Palkia, Giratina.
-Merde… lâcha Yuri. Mais avant qu’il n’ait pu se mettre en position de combat, une gigantesque boule de feu vint frapper les trois pokémons légendaires. Yuri baissa les yeux et vit quelqu’un qu’il n’avait pas vu depuis bien longtemps : Yamaguchi, désormais jeune homme à la barbe de captif et aux longs cheveux, mais arborant toujours son inlassable sourire. Il montait un Roucarnage.
-Yo Yuri ! On fêtera les retrouvailles plus tard, il est temps de lui casser la gueule !
Alors, Yuri remarqua que tous les rebelles venait vers eux, chevauchant multiples pokémons de type vols. Les menant, Sylvestra et Opale. Il reconnut même dans la masse Quarante-Deux, son ancien entraineur. Et au loin, venant d’au-delà la forteresse, d’autres troupes rebelles, provenant du reste du monde, menées par Cynthia et Drew.
-Ils sont venus finalement ! S’exclama avec joie Sylvestra.
Le Maître sourit en voyant tout ce monde se jetait sur lui et ses pokémons légendaires. Sa cape sombre volait au vent son épée décupla de taille. Il fit face à ses assaillants.
-Un dernier petit jeu ne peut pas faire de mal.
Il se jeta dans la mêlée, machine de guerre, machine de mort, chacun de ses coups faisaient tomber des dizaines d’humains et de pokémons. Les trois pokémons légendaires n’étaient pas en reste, crachant des rayons d’énergie destructeurs.
Opale rejoint Yuri au milieu du chaos, éloignés du Maître.
-Il est peut-être temps que j’utilise mes pouvoirs, tu ne crois pas ?
-Montre leur de quoi tu es capable.
Opale tendit ses bras vers les trois pokémons légendaires, et soudain leurs mouvements devinrent beaucoup plus lents, leurs attaques moins acharnées. Toutes les veines du corps de la jeune femme ressortaient, témoins d’un effort surhumain.
-Allez, on a plus beaucoup de temps !
Yuri sortit toute son équipe de pokémons qui se posèrent sur les nombreux pokémons volant qui avaient déjà perdus leurs maîtres. Il fit pleuvoir les attaques sur les pokémons légendaires, exactement comme le firent Sylvestra, et Yamaguchi, et tous les autres dresseurs. Le Maître finit par remarquer cet effort concentré et tenta de le stopper, tuant avec encore plus d’acharnements les pokémons.
-NON ! hurlait-il dans sa rage.
-Absol ! Cria Yuri. Ultra-laser !
Le premier pokémon de Yuri, son plus puissant, celui qu’il avait entrainé depuis des années, fut alors enveloppé d’une aura blanche. Des ailes lui poussèrent et il quitta le Nosferalto qui le soutenait. Mega-Absol lança alors un rayon d’énergie surpuissante qui frappa Giratina de plein fouet.
-Braségali ! Deflagration !
C’était Sylvestra qui avait parlé. La même lumière blanche enroba son pokémon, et Mega-Braségali émergea, lançant sur Dialga une attaque feu surpuissante.
-Lucario ! Aura’Sphere !
Le Lucario de Yamaguchi devint à son tour Mega-Lucario, et envoya toute sa puissance sur Palkia.
Les trois Megas pokémons prolongèrent leurs assauts alors que leurs maîtres transféraient en eux toute leur puissance. Le Maître tenta de s’en approcher, mais le choc de l’impact était trop grand. Les trois pokémons légendaires tombèrent, vaincus.
Alors, le Maître explosa de rage. Littéralement. Une onde de choc sombre sortit de son corps et envoya valser tous les résistants restants, à l’exception des plus résistants à la magie.
-Très bien, finissons-en. Eden sera là dans cinq minutes. Vous pensez que c’est assez pour m’arrêter ?
Il faisait désormais face à Opale et Yuri, épée à la main. La jeune femme eut une idée, et visa de sa main le vide. Alors, une surface plane et transparente apparue. Elle descendit dessus, suivit par Yuri. Sylvestra, Yamaguchi, Cynthia et Drew les rejoignirent. Tous ceux qui ne l’avait pas vu depuis longtemps adressèrent un petit regard confiant à Yuri.
Le Maître, lui, volait toujours. Il se jeta sur ses opposants, les forçant à éviter ses coups plutôt qu’à attaquer. Les mages firent apparaître leurs armes et commencèrent l’assaut, tentant de toucher le Maître qui restait hors de portée. Yamaguchi le bombardait de boules de feu qui ne semblaient pas affecter son armure. Les lianes de Sylvestra se brisaient contre son épée et les éclairs de Yuri n’avaient pas d’effet. Opale, Drew et Cynthia s’occupaient de commander les pokémons de tout le monde, mais eux aussi n’arrivaient pas à déstabiliser le Maître. Même les Megas qui avaient vaincus les légendaires étaient trop vidés de leur énergie pour apporter quelque chose au combat.
Au loin, les résistants survivants observaient le combat, sachant qu’ils ne pourraient pas vraiment faire la différence, du moins le croyant.
Le Maître s’amusait, sentant sa supériorité. Puis au bout d’un moment, il décida de s’amuser encore plus. Changeant de cible, il se jeta sur Cynthia, épée à la main. Elle ne pouvait pas résister, et ferma les yeux… Avant de se rendre compte que quelque chose avait intercepté la lame. Ce quelque chose, c’était Drew.
Ce dernier tomba au sol après avoir était transpercé par l’épée du Maître. Cynthia tomba à genoux, mais déjà Ygsadrill était au-dessus d’elle, prêt à l’empaler. Yuri arriva cependant à temps, contra le coup, et repoussa son adversaire, laissant le temps à Drew d’expirer en paix.
Ce dernier plongea ses yeux fuyants dans ceux de Cynthia, sa compagne dans le crime depuis plus d’onze ans maintenant.
-J’avais quelque chose à te dire… Trop tard maintenant. Dommage, mauvais timing hein ?
Un sourire tragique s’afficha sur ses lèvres, puis il expira.
Certains pourraient s’atteindre à ce que Cynthia fonde en larme. Certains la connaîtraient mal. Et si peu connaissaient sa relation avec Drew, plus complexe que ce qu’on peut imaginer, il ne faisait pas de doute qu’elle était profonde.
Cynthia se releva. Dans sa main, un revolver. Elle visa le visage du Maître, qui ne pensait déjà plus à elle. Son visage, nu, qui n’était plus protégé par son masque. Elle tira, froide, déterminée. La balle ne tua pas le Maître, protégé par la magie, mais lui déchira la joue, le défigurant totalement et lui faisant pousser un cri de douleur.
Elle tira encore, mais le Maître se tourna vers elle et bloqua les balles avec son épée, le visage en sang.
-Connasse ! Je ne pensais pas qu’il restait des armes à feu dans ce monde !
Il se jeta sur elle et d’un coup de la main, l’envoya voler quelques mètres plus loin, au-delà du périmètre créé par Opale. Le corps de Cynthia tomba sous les regards horrifiés des quatre survivants. Mais le Maître avait baissé sa garde. Déjà Yamaguchi s’était jeté dans son dos et avait agrippé ses ailes, enflammant son corps entier, essayant d’emporter le Maître dans un brasier.
-Yam ! Cria Sylvestra. Qu’est-ce que tu fais ?!
Elle avait en effet compris qu’il poussait sa magie jusqu’au bout, vers les limites que tous les mages savaient qu’ils ne pouvaient pas dépasser.
-Ce qu’il faut faire Sylv ! Finissez-le !
Puis il devint une gigantesque boule de feu, on ne put plus distinguer ni lui ni le Maître, seulement les cris de ce dernier. Enfin, la flamme s’essouffla, et le corps épuisé voire sans vie de Yamaguchi tomba au sol, alors que le Maître, brûlé, posa un genou à terre.
Sans perdre de temps, et malgré la douleur, Yuri et Sylvestra se jetèrent sur lui. Ils le frappèrent de toutes parts avec leur magie, sans que le Maître ne puisse rien faire. Les pokémons s’y mirent aussi, et même si dans sa rage l’ennemi plaça quelques coups d’épées qui firent des dégâts, tuant par exemple le Nostenfer de Yamaguchi ou le Nidoking de Yuri, tous les sacrifices étaient désormais bons pour l’arrêter.
Au loin, Eden avait presque touché la surface de la Terre.
Yuri vit alors une ouverture. Là, le cou nu du Maître. Il avait dans sa main son sabre. Un seul coup… Les mots de Numéro 2 lui revinrent en tête. La vision de Blanche…
Etait-ce donc là la fin ? Il n’avait qu’à faire tomber son sabre, et c’était fini. Aonios mourrait… Et lui vivait. Malgré toutes les prophéties qui disaient le contraire. La victoire était là.
Yuri abaissa son sabre… Que le Maître attrapa d’un mouvement expert de sa main droite. Il serra la lame jusqu’à ce qu’elle explose. Se relevant d’un bond, il attrapa Yuri par le cou et le fixa droit dans les yeux.
-Tu as déjà oublié ? Il est impossible de me tuer !
Il le jeta alors au sol, et se tourna vers Eden, émanant alors d’une aura noire. Aucunes des attaques qui lui étaient portées n’avait d’effets. Tous regardaient, impuissants.
-Eden ! Donne-moi ta puissance, donne-moi le cœur du monde !
Il s’éleva de nouveau, alors que la magie de ténèbres qui l’entourait devenait de plus en plus forte. Eden toucha au loin le sol, et une lumière vive en émana.
-Yuri…
Le héros se retourna vers la faible voix qui l’appelait. C’était Yamaguchi, encore vivant, bien que faible.
-Yuri… Ne le laisse pas faire.
-Mais comment Yam ? On ne peut rien faire… Je ne peux pas gagner… A cause de mon retour, tout le monde va mourir…
-Non… Prend ma main…
Intrigué, Yuri s’exécuta. Aussitôt, une étrange sensation l’envahit. Il comprit bien vite : Yamaguchi lui transférait son pouvoir de mage. Le pouvoir du feu.
Il sentait une autre main posée sur épaule. Il n’eut pas besoin de se retourner pour comprendre qu’il s’agissait de Sylvestra. Le pouvoir de la nature le traversait.
Non pas une main cette fois, mais un baisé. Opale. Le temps et l’espace sur ses lèvres.
Yuri se releva. Devant lui, le Maître était en train de réceptionner la boule de lumière, l'âme d'Eden, à une seconde de devenir l’être le plus puissant de l’univers.
Dans le dos de Yuri, deux ailes blanches se matérialisèrent. Dans sa main, une épée de lumière pure.
Le Maître attrapa la lumière. Son aura noire rayonna.
-Enfi…
Il baissa la tête. Une épée lui transperçait la poitrine.
Yuri retira la lame, permettant au Maître de se retourner pour lui faire face, d’abord incrédule, puis souriant alors que du sang perlait au coin de sa bouche.
-Idiot, tu crois encore pouvoir m’arrêter ? Je contrôle la vie et la mort désormais ! Argh…
Il tomba à genoux alors que la lumière de l’épée combattait les ténèbres qui s’enfuyaient de sa plaie.
Yuri le toisait de haut, ses yeux blancs, omniscients.
-Tu n’as toujours pas compris Aonios ? Le pouvoir d’Eden n’est pas éternel. Tu peux modifier la réalité une fois. Sauve-toi de la mort maintenant, mais tu ne pourras jamais atteindre l’immortalité.
Le sourire du Maître disparu.
-Tu mens. Je n’ai qu’à utiliser le pouvoir pour devenir immortel maintenant !
-Ce n’est pas comme ça que ça marche. Le pouvoir d’Eden permet de faire passer une âme au niveau d’existence qui lui est supérieur. De vivant à immortel. De mort… A vivant. Les ténèbres te maintiennent dans ce monde, mais ton âme première est déjà morte, consumée par mon pouvoir de lumière.
-Même si tu dis la vérité… Idiot ! Ton pouvoir est temporaire, tu ne peux pas garder toutes ces âmes en toi bien longtemps ! Revenu à la vie je vous tuerai tous et personne n’aura rien gagné ! Tu viens de condamner l’humanité toute entière !
-Aonios… Voilà ta rédemption. Tu peux utiliser le pouvoir d’Eden pour faire ce que tu as toujours voulu faire… Ramener tes amis. Ramener Blanche.
Le Maître éclata de rire.
-Tu essayes de me sauver jusqu’au bout hein ? Tu ne supportes pas que ça se finisse mal, à ce point ?
-Comme tu l’as dit, nous sommes condamnés quoi qu’il arrive. Je te laisse juste une chance de te racheter, toi.
Le Maître, Ygsadrill, Aonios… Réfléchit.

Je vois un monde de paix. Prospère.
Je vois l’amour triompher. Je vois l’amour exister.
Un monde où le mal pur n’existe pas… Les ténèbres sont infinies mais toujours ponctués par la lumière.
Une existence passée à se convaincre de sa propre ignominie, le dégoût de soi poussé à l’extrême.
Je suis un monstre, un monstre.
Mais peut-être… Si lui peut le faire, alors nous aussi ?
Peut-être qu’au fond des ténèbres il y a bel et bien une lumière qui ne s’éteint jamais.
Peut-être que les ténèbres, tous les ténèbres, ne sont que la projection de cette lumière unique et singulière, intense.
Je suis l’Auteur. Qui suis-je ?
Voici la fin de l’histoire.

-Blanche… Je ne peux ramener qu’une personne… Blanche… Je suis… désolé.
Et alors, l’impossible se produit. Dans les yeux du Maître noir, des larmes. Pris depuis des années dans une véritable folie, la proximité qu’il partageait à ce moment avec la lumière lui rendit, pendant un bref instant, de la lucidité. Ou du moins, il redevint pendant quelques secondes le jeune garçon qui s’était juré de ramener ses compagnons à la vie. Et il vit tout ce qu’il avait fait qui allait à l’encontre de son but initial. Et ses larmes tombèrent au sol. Puis sa respiration se fit courte, et dans ses dernières secondes de conscience, il vit une forme apparaitre devant lui. Il vit son visage. Il sourit.
Le Maître noir rendit son dernier souffle, la main tendue vers son amour d’antan, redevenu Aonios.
Le règne de terreur était terminé.

Opale alla soutenir la jeune femme qui venait de se matérialiser devant eux, ne comprenant pas trop ce qu’elle venait faire là. Aussi ne remarqua-t-elle pas que Yuri s’approchait de l’âme d’Eden qui était ressortie du corps d’Aonios qui allait reprendre sa place dans le cœur du monde. Mais Sylvestra le remarqua.
-Yuri, qu’est-ce que tu fais ?
Tous les regards se tournèrent vers lui.
Il n’était plus l’ange, il était redevenu… Yuri. Il se retourna et sourit.
-Il faut bien que quelqu’un remette tout ça en ordre non ? Le pouvoir d’un dieu est juste là, autant en profiter.
Sylvestra n’y vit pas d’inconvénient, mais Opale poussa une protestation désespérée.
-Non ! Ne fais pas comme si de rien n’était ! Je peux sentir la magie, tu t’en souviens ? Il n’y a plus rien en toi ! Si tu attrapes cette chose, c’est en simple mortel. Et c’est beaucoup trop d’énergie pour toi.
Yamaguchi se releva avec difficulté.
-Laisse-moi faire ça mec. Je suis encore un mage, ça passera !
-Non. Objecta Opale. Nous sommes tous drainés de magie actuellement. Les âmes des mages en nous mettront des années à se reforger, peut-être même que nous ne retrouverons plus jamais nos pouvoirs...
-Alors on attend ! Proposa Sylvestra.
-L’âme retourne à Eden, Eden retourne dans le ciel. Mon enfant est là-bas, je ne peux pas l’abandonner.
Les mots de Yuri semblaient définitifs. Alors, comprenant ce qui allait se passer, Opale se jeta sur lui. Mais trop tard, Yuri attrapa à pleine main la boule de lumière. Une onde de choc repoussa tout le monde.
Yuri s’éleva dans le ciel, ayant du mal à respirer. On pouvait voir la douleur sur son visage. Pourtant, il se força à afficher un sourire à ses amis.
-Je ne sais pas quoi penser du Maître. Il a causé la mort de milliards, et pourtant son dernier acte fut de donner la vie à autrui. Je ne pense pas qu’il faut le célébrer, seulement se rappeler que personne n’est l’émissaire des ténèbres, et que chacun mérite que quelqu’un croit en lui. De la même façon, ne voyez pas en mon sacrifice une vie entière de lumière. J’ai laissé le monde souffrir pendant onze ans… Je ne fais que repayer mes dettes. Yam… Désolé qu’on n’ait pas pu plus se voir. Tu as été un bon ami et sans toi je n’aurais jamais réussi à avancer. Sylv… Tu es le héros de cette histoire. Rien n’aurait été possible sans toi. Opale… Tu sais déjà tout ce que j'ai à te dire. Prend soin d’Aloisia pour moi. Dis-lui que je suis désolé. Et fier d’elle.
Yuri ferma les yeux, et le sol se mit à trembler. Opale se jeta vers lui, protestant. Puis le ciel s’ouvrit et la lumière tomba sur Terre…
Puis, plus rien.

L’esprit de Yuri se perd dans l’infini de la réalité. Il voit la conception même de son existence et il comprend. Il voit le monde qu’il a quitté rebâti, comme il l’a demandé. Comme si le Maître n’était jamais venu. Mais les morts restent les morts. Les vivants sortent de leurs cachettes, plus nombreux que ce qu’il croyait. Ils repeuplent le monde, les décennies passent, les siècles, les millénaires… Le monde a oublié. Tout est redevenu comme avant. Ils ont oublié la douleur, mais se rappellent de l’héroïsme.
Yuri jette un regard à la fin des temps, mais cela l’intéresse peu. Il aime bien ce qu’il y voit cependant. L’espoir. La lumière dans les ténèbres.
Il revient en arrière. Sylvestra ne retourne pas à son époque. Elle devient présidente du monde et aide à sa reconstruction, l’unie sous une même bannière. Elle apporte la vie, comme elle l’a toujours fait. Il sourit, et n’ose regarder plus loin dans sa vie. Mais il y ressent tout ce qui fait une vie bien remplie : du bonheur, de la tristesse, de la surprise, du contentement… Une vie normale.
Yamaguchi retourne dans son futur grâce au peu d’énergie temporel qu’il reste à Opale. Yuri le voit rétablir l’ordre et mettre fin à la guerre. Mais le soir, il regarde les étoiles et pense à ses amis laissés derrière… A ceux qu’il ne reverra plus. Le public ne connaîtra jamais le profond désespoir de Yamaguchi, et s’en rappellera comme d’un héros. Alors que Yuri commence à s’inquiéter pour son ami, il voit qu’il finit par trouver l’amour, et qu’à travers sa relation, Yamaguchi trouve enfin la paix.
Opale vit avec Blanche. Elles élèvent Aloisia. Yuri voit les trois s’entre-aider pour grandir, pour oublier leurs pertes respectives, pour trouver une place dans ce monde qui leur est toutes étranger. Mais elles trouvent leurs places. Chacune à leur façon. Opale, jamais n’oublie Yuri. Elle devient professeur, un métier normal. Il se risque à aller à la fin de ses jours, sur son lit de mort, entourée de la petite famille qu’elle s’est formée et d’un portrait de Yuri. Elle a enfin eu la vie normale qu’elle voulait. Elle n’aurait jamais pu avec Yuri. Alors, il accepte.
Puis Yuri va plus loin. Au-delà des normes de la réalité. Il trouve la maison du vide, dernière frontière physique, et la transcende.
Il voit tout.
Le cosmos dans la poignée de sa main, la boucle du temps dans son iris.
Il va plus loin.
Au-delà de toute réalité, Yuri s’enfuit. Puis il sent sa conscience devenir autre chose.
C’est là, plus loin qu’aucun être humain n’est jamais allé, que son voyage s’achève.
Il voit la lumière. La joie l’emplit.
La dernière page se tourne,
Tout commence

FIN.