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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 27/12/2013 à 22:35
» Dernière mise à jour le 27/12/2013 à 22:35

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Chapitre 28 : Une rangée de crocs
Timmy était un gentil garçon de huit ans qui aimait la lecture et les goûters d'anniversaire. Entre une mère secrétaire et un père chauffeur de taxis, ce jeune homme menait une vie simple et ne manquait de rien. Il avait chaque soir une histoire avant de s'endormir et un baiser déposé sur le haut du front avec tendresse. L'école n'était pas un problème pour lui et son professeur était toujours très fier de son travail. Mais au-delà de tout cela Timmy avait un don pour le dessin et tout ce qui touchait l'art en règle générale.
Ses parents étaient très étonnés de ce qu'il pouvait faire avec la seule aide d'un crayon de papier et tout ce qu'il pouvait dessiner à son âge. Eux s'en avouaient incapable et cela augmentait la fierté qu'ils ressentaient à son égard.

Le matin de la chasse aux œufs Timmy s'était habillé d'un pantalon en jean et d'une chemisette, il avait pris un petit-déjeuner composé de deux œufs et d'une tranche de bacon et s'était fait embrasser par sa mère avant d'accompagner son ami Ben au parc.
Difficile d'imaginer que du petit Timmy ne persistait qu'un morceau de cuisse sur le bord d'une rivière.

C'était le sang de ce garçon que venait de voir Tony, une vision qui lui retourna les tripes et lui fit vomir son repas d'un seul coup. Le raclement de gorge et le flux intestinal écrasé contre le sol alerta Camille qui stoppa sa course. La petite s'inquiéta avant tout pour son ami, ainsi elle ne remarqua pas directement la flaque de sang dans laquelle elle pataugeait.
« Tony… »
Le nom s'étouffa de lui-même au fond de sa bouche et le garçon la repoussa de la main, lui demandant de fuir.

Pourquoi agissait-il ainsi alors qu'ils étaient des amis ? S'il était malade il…
Mais la pensée était totalement absurde et elle s'en rendit compte d'elle-même avant qu'elle n'ait pu l'exprimer clairement dans son esprit. Tony n'était pas malade, ce n'était pas ce genre de mal qui habitait le corps du garçon au moment présent et la fillette comprit que tout était lié, elle le savait depuis le début.

Sous ses pieds quelque chose de gras et de visqueux qu'elle n'osait pas regarder, sans doute ce qui mettait son ami dans cet état, tout son être gouverné par un seul mot qui résonnait d'un commun accord dans leurs deux esprits : peur.
Un sentiment plus puissant que tous les autres les contrôlait au beau milieu de ce parc dans lequel courraient des dizaines d'enfants, un mot qui ne faisait pas partie de ce monde quelques secondes avant. Et pourtant il était plus que réel et les contrôlait. Tony ne pouvait plus bouger, Camille n'osait regarder vers le bas.

Quand le petit parvint à reprendre une partie de ses esprits, une minute après avoir recraché sur le sol tout le contenu de son estomac, ce fut afin de prononcer un mot, retentissant comme un glas dans la tête de Camille malgré le murmure dans lequel il s'échappa des lèvres de son ami : « Cours… »
Et elle baissa les yeux.

Elle faillit déglutir à l'image de son camarade mais se retint, la peur qui s'immisçait dans tout son être la tétanisait et allait jusqu'à empêcher le moindre vomissement. Une envie de fuir, voilà ce qui dominait. Elle devait le faire. Mais pas seule ; non. Tony devait la suivre.
Sans dire un mot elle s'empara de sa main et le tira dans sa direction. Il résista, elle insista.
« Je ne te laisserais pas ici ! hurla-t-elle cette fois d'un ton qui en aurait convaincu plus d'un. Tu n'as pas le choix. »

Tony leva le regard et plongea ses yeux dans les siens, au fond de ses pupilles qui l'envoûtaient depuis qu'il l'avait rencontré et pour lesquels il aurait déplacé quelques montagnes. Il hésita un instant puis s'avoua vaincu.
Le garçon se redressa et laissa derrière lui la flaque de sang mêlé à ses vomissures. Ils devaient faire au plus vite et s'éloigner du fleuve vers lequel se dirigeaient les traces du mort, tué par ce qui hantait le parc chaque année.

« Pourquoi ? demanda simplement Camille alors qu'ils fuyaient vers la colline où devaient encore attendre tous les parents. »
Tony ne répondit pas, ne sentant pas assez de courage en lui pour oser franchir le pas. Il savait que la chasse aux œufs était un suicide aménagé pour tous les enfants et ce d'année en année, ce qu'il ne craignait pas le moins du monde. Son père lui répétait chaque fois qu'il ne craignait pas, que ses amis le protégeaient et qu'il ne pouvait rien lui arriver. Il avait pensé que ce serait pareil pour Camille, que la bête écailleuse, comme l'appelait ceux qui se vantaient de l'avoir vu, ne toucherait jamais à une petite touriste.
Son opinion avait brusquement changé en voyant tout ce sang s'étaler sous ses pieds.

« Pourquoi ? insista-t-elle alors qu'ils passaient derrière une multitude de buissons devant lesquels ils étaient passés en venant.
– Je… »
Le garçon ne termina pas sa phrase, celle qui devait introduire une explication rationnelle à toute cette folie. Sans qu'il ne sache pourquoi la fillette semblait lire en lui, ouvrant son cœur et décelant le mensonge. Elle savait qu'il mentait et qu'il avait des informations sur ce qui avait fait cela.
Mais il n'alla pas au bout, il ne put même pas commencer. Un cri venait de s'élever de derrière les buissons, un cri d'enfant auquel succédèrent un grognement bestial et le son d'une déchirure. Un bruit de chair mise à nue et écrasée.

« Pitié, demanda la voix d'un enfant avec difficulté. Pit… »
Le bruit s'étouffa dans un craquement lugubre, celui d'os que l'on brise avec violence contre de la pierre, un crâne que l'on foule à coups de bottes. Puis le grognement, venu des profondeurs d'une gorge dans laquelle s'infiltraient les restes de sa victime. Les cris de la bête s'étouffaient au fur et à mesure qu'elle semblait se repaître du fruit de sa chasse.
Ce n'était plus les œufs qui étaient proies des enfants mais les enfants qui étaient proies d'une force sans nom.

Camille tira la main de son camarade sans prendre le temps de réfléchir et changea de direction, repartant vers la rivière. La créature à laquelle ils étaient confrontés semblait se diriger vers la colline, il ne fallait pas aller dans son sens et fuir.
Tony sembla résister, s'opposant à cette décision. Il savait qui était la bête, son père lui en avait parlé une fois pour le rassurer. Sur terre elle était terrible, dans l'eau elle devenait simplement le pire engin de guerre que l'on ne pourrait jamais imaginer.
Mais ses tripes remuaient et il ne pouvait rien faire pour résister à la fillette. S'opposer c'était prendre le risque de se séparer d'elle et il ne le pouvait pas s'il voulait qu'elle puisse s'en sortir vivante. Il était son bouclier contre le monstre.

Ils prirent la fuite, dévalant la pente à toute vitesse pour échapper à cette créature destructrice qui avalait tout sur son passage. Autour d'eux d'autres cris semblaient s'élever, d'autres enfants qui venaient sans doute de croiser leurs chasseurs.
La pensée qui traversa l'esprit de Tony à ce moment précis le dégoûta. « Tant mieux, ce n'est que les autres. » Il chassa cette idée et suivit la fillette qui le traînait dans son sillage.

En peu de temps les deux enfants marchèrent de nouveau dans les flaques de sang et de vomi qu'ils avaient laissé derrière eux, n'osant pas se retourner de peur de voir le monstre les suivre le long de la pente. Courant dans les flaques, le mélange immonde sauta sur leurs vêtements et la robe blanche de Camille devint bientôt un mélange de pourpre et d'un marron tendant vers le verdâtre. Mais ils s'en moquaient.
« Il y a un pont plus loin, lui lança Tony, on pourrait se cacher dessous ! »
Elle se retourna et approuva avant de reprendre sa course ; ils n'avaient plus le temps.

En quelques secondes ils aperçurent le pont vers lequel ils coururent de plus belles, le rythme de leurs cœurs se mêlant au souffle saccadé qui s'échappait de leurs lèvres. Sur le chemin ils croisèrent les restes d'un petit corps flottant à la surface de la rivière, la face vers le ciel. Tony eut simplement le temps de remarquer l'œil vide qui pendait de l'orbite de l'enfant avant d'être rappelé à l'ordre par son amie.
Elle aussi avait vu le corps ensanglanté flotter mais il fallait qu'ils s'en détournent. Cette vision pouvait causer leur perte.

Les cris retentirent encore plus haut sur la colline et Camilla pesta. Pourquoi n'avait-elle pas écouté Brume et n'avait-elle pas convaincu ses parents de rester à la maison ?
« Parce que vous seriez morts sans aucun espoir de sortir vivants de ce cauchemar, car il ne faut pas quitter cette ville sans en résoudre les mystères. »
Cette pensée traversa son esprit et elle fut d'accord avec elle. Ils ne pouvaient pas faire autrement, les forces qui agissaient de concert dans cette ville auraient empêché qu'elle refuse ce voyage auprès de ses parents.

« Camille ! »
Tony hurla son nom d'un coup, la tirant de sa rêverie alors qu'ils se précipitaient vers le pont sous lequel il pensait qu'ils seraient enfin en sécurité.
La fillette se tourna vers son ami, alerté par son cri. Le garçon ne regardait plus devant lui et s'était arrêté, pointant du doigt le haut de la colline. Camille se tourna dans cette direction et son visage prit une teinte horrifié. Elle le vit enfin.

Un énorme reptile arpentait le sommet du monticule, un enfant se trémoussant dans sa gueule sanglante sans aucun espoir de s'en sortir. Sa queue recouverte d'écailles fauchait le sol dans son dos et attrapait au passage un second gamin qui ne pouvait rien faire, une petite fille cette fois. Son long museau s'ouvrait et découvrait une rangée de crocs tranchants comme des rasoirs et sans aucun doute redoutables. Une morphologie proche d'un Crocorible mais un être de couleur verte, plus fin, plus grand et plus rapide à la fois ; une créature naît pour tuer.

Camille se figea et ne sentit plus ses membres. En l'espace d'un instant elle ne fut plus capable de bouger et ce malgré Tony qui tirait sur son bras pour qu'elle le suive sous le pont, loin du regard de ce monstre.
« Vite, cours, murmurait-il en insistant sur cet ordre. Il va nous voir, vite. »
Pendant ce temps le reptile dévorait l'enfant qu'il avait attrapé par la queue, finissant son repas avant de reprendre la chasse, la meilleure depuis des années. Et Tony tirait sur le bras de son amie, priant pour qu'elle réagisse.

Mais elle ne fit rien.
La créature engouffra la tête du gamin dans sa gueule puis son corps tout entier. Bientôt il ne resta plus rien de ce gamin qui avait pourtant une vie quelque part, des parents qui l'attendaient pour partager des chocolats qu'il ne ramènerait jamais. Il était mort dans un souffle, aspiré par la gueule béante d'un redoutable prédateur. Ce dernier, avide de poursuivre sa traque, tourna le regard aux alentours.
Et ses yeux se figèrent ; il venait de les voir. Eux, deux gamins en bas d'une colline devenaient les proies d'un monstre bipède aux bras musclés.

« Camille ! »
La main de l'enfant tira plus fort sur son bras et elle sortit enfin de sa torpeur, le suivant dans sa course folle vers ce pont qui devenait le seul refuge qui s'offrait à eux. Ils devaient le rejoindre et s'y cacher. Quel intérêt à cela à part se faire prendre comme de vulgaires rongeurs ? Aucun. Mais il y avait tout de même un espoir.

Alors que le monstre se mettait sur ses quatre pattes pour plus de rapidité, un coup de feu retentit et les deux enfants l'entendirent stopper sa course. Un homme venait à leur aide. Malgré tout ils ne tournèrent pas les yeux et poursuivirent ; peu importait qu'il se fasse tuer à leur place tant qu'il détournait son attention pendant qu'ils se cachaient.
Les deux gosses gagnèrent l'ombre du pont sous lequel ils s'arrêtèrent, tendant l'oreille aux sons de la course de la bête. Elle s'était arrêtée.

Mais Tony ne voulut pas attendre ici de se faire tuer et il désigna du doigt une bouche d'égout qui représentait une porte de sortie. Camille approuva.
D'un commun accord les deux enfants y descendirent et s'enfoncèrent dans les ténèbres.