Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Shiney de Alabama



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Alabama - Voir le profil
» Créé le 21/09/2012 à 19:53
» Dernière mise à jour le 09/11/2012 à 22:47

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
VII
Anna, sauvée in extremis et inexplicablement d'un interrogatoire, d'une amende et sûrement de procédures judiciaires par la providentielle intervention d'un ranger membre de la Confrérie des shiney hunters, conduisait sa camionnette. Elle avait bien vu que Woland, l'Arcanin de Flynn, avait mis le feu à la forêt. En théorie, son maître devait comparaître devant la justice, mais toute investigation même rudimentaire avait été rendue impossible par les fausses déclarations de David Durang.

Le ranger avait montré à Anna sa bague de la Confrérie, telle que celle qu'elle avait déjà vue au doigt de son employeur. Ce geste discret avait clairement pour but de rassurer et de renseigner la jeune femme sur son identité. Mais en rien son appartenance à l'organisation ne justifiait son aide. La Confrérie devait disposer d'agents dans beaucoup de puissantes administrations, mais leur solidarité n'allait pas jusqu'à couvrir leurs infractions respectives.

Par ailleurs, le ranger n'aurait jamais pu deviner à la seule vue de Wattouat qu'Anna et son passager assoupi étaient de véritables shiney hunters. A ce problème et au premier, il n'y avait qu'une solution : le ranger avait reconnu Flynn. Cela signifiait qu'il connaissait son père, voire qu'il travaillait ou avait travaillé avec ou pour lui, suffisamment pour étouffer les accidents pyromanes de son fils.

Elle gara la camionnette près de l'entrée de la ferme, à côté des autres. Flynn s'était réveillé après l'entrevue avec les rangers et contemplait Woland et sa proie avec l'air de ne pas y croire.

-J'ai capturé un shiney...

C'était pour lui le seul fait étrange de la journée.

-Et provoqué un incendie ! dit Anna.

Flynn se tourna vers elle, se rappelant son existence.

-Merci, fit-il timidement. Nous n'avons pas eu d'ennuis ?
-Eh bien...

Anna se lança dans le récit de leur fuite.

Flynn réfléchit à ces propos et conclut :

-Ca devait être David Durang.
-C'est le nom du vieux ranger ? Tu le connais vraiment ?
-C'était un bon ami de mes parents. Il faisait quelques commandes pour mon père. Mais ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu. Je pensais qu'il était fâché avec ma famille...
-Il n'a pas fait d'histoires pour nous laisser passer, ce qui présage d'assez bonnes relations... je ne savais pas que ton père était aussi puissant...

Flynn secoua la tête.

-Nous avons surtout eu beaucoup de chances !
-C'était ta première capture, tu ne pouvais pas faire les choses parfaitement.
-J'ai capturé un shiney...

Flynn ferma les yeux en se maudissant.

-Ca n'est pas si terrible, commenta Anna. Pas de nausées, de vertiges... ?
-Tu dois me faire visiter la ferme en entier, répondit Flynn.

Elle hocha la tête : elle n'avait pas oublié sa promesse.

Flynn décrocha deux pokéballs de sa ceinture. L'une était celle de Woland, l'autre devait lui servir à capturer le Wattouat shiney.

Il lança ses pokéballs à l'arrière des sièges. Le Wattouat shiney, complètement assommé, n'opposa aucune résistance.

Anna, et Flynn après avoir récupéré ses pokéballs, descendirent de la camionnette et allèrent à l'annexe.

Flynn se souvint après la douche qu'il avait un rendez-vous. Il avait dit à Michel et Karen qu'ils se retrouveraient ce soir. Il était déjà 19h45, plus aucun bus ne passerait.

Il enfila une chemise et une belle veste, mit du parfum et alla se présenter à la porte d'Anna.

Elle ouvrit et découvrit Flynn.

-Que me vaut le plaisir ?
-On sort ce soir ? proposa-t-il cavalièrement. Je t'invite...

Anna eut une surprise similaire à celle éprouvée devant le ranger Durang.

-Ce soir ? A Céladopole ?
-Exactement ! dit Flynn. A L'Antre.
-L'Antre ? Je ne suis pas sûre d'y passer...
-Mais si, habille-toi bien, si tu n'as rien d'assez convenable pour eux, je peux aller chercher des vêtements de ma mère.

Anna se départit de sa circonspection pour esquisser un petit sourire. Jamais Antoine ne l'emmenait dans de pareils endroits.

-C'est d'accord, dit-elle. Je me prépare, à dans quelques minutes.

Elle ferma la porte : Flynn s'était trouvé un chauffeur.

Anna reparut quelques instants après, en frappant à la porte de Flynn.

Elle s'était maquillée et portait un petit gilet en coton très chic qu'elle avait acquis le jour même avec son nouveau salaire. Flynn se laissa aller à la contempler quelques secondes avant qu'elle ne dise amusée :

-On y va ? J'imagine que c'est moi qui conduit ?

Flynn toussa pour masquer son embarras.

-On va prendre la voiture de mon frère, dit-il. Plutôt que la camionnette...

Ils sortirent tous les deux. Flynn avait un air décidé mais Anna n'arrêtait pas de le regarder d'un air songeur.

-Attends deux secondes, ordonna Flynn, je vais chercher les clefs.

Il rentra dans la dépendance et prit d'autres clefs sur un autre crochet. Son frère l'aurait tué s'il savait qu'il utilisait sa voiture de sport.

Ils allèrent au parking devant l'entrée de la ferme. Le soleil couchant et l'air sans haleine donnait un aspect vaporeux à leur geste, tout à fait romantique. Cependant Flynn n'avait d'yeux que pour le chemin, au grand dam d'Anna qui multipliait les œillades à son endroit.

La voiture de Frédéric Kenny était une Ferrari décapotable rouge très nerveuse achetée après un juteux contrat qui attirait quotidiennement le regard des employés de la ferme.

-Tu sauras la conduire ? demanda Flynn en tendant à sa camarade de soirée.

Elle monta dans la voiture et mit le contact. Le moteur commença à vrombir furieusement.

Les cheveux dans les vent, ils rallièrent Céladopole en moins de dix minutes. Anna se gara dans un parking des quartiers de l'est, et ils prirent le métro jusqu'à la place de la Liberté, où Flynn avait prévu de rencontrer Eliott.

La silhouette désinvolte d'Eliott était découpée par les rayons lunaires dans l'obscurité, statique quand tout le monde se pressait sur la place. Le point rouge de sa cigarette s'agrandissait lorsqu'il en tirait une bouffée, avant de redevenir une lueur inexistante.

-C'est du tabac ? s'interrogea Anna.

Eliott tira une longue bouffée avant de laisser choir son bras et détailla Anna entre ses paupières. Il recracha lentement la fumée.

-Pas seulement, confessa-t-il. A qui ai-je l'honneur ?
-Anna Chester, se présenta-t-elle. Tu dois être Eliott...
-Lui-même.

Flynn sentit darder le regard inquisiteur de son ami.

-C'est mon... assistante de chasse, expliqua-t-il.

Eliott émit un « oh » à mi-voix et hocha sentencieusement la tête.

-On va manger ? demanda-t-il. Je crois que L'Antre n'ouvre qu'à 23h...
-Tout à fait, confirma Flynn. Je n'ose pas vous inviter au libanais, on y est trop allés dernièrement...
-Snack, suggéra laconiquement Eliott.

Flynn fronça les sourcils.

-Ce n'est pas un endroit pour une dame, déclara-t-il.

Ils échouèrent finalement dans un petit restaurant hoennais dans une ruelle qui partait de la rue de l'université.

-Vous êtes amis depuis longtemps ? s'enquit Anna une fois que les trois compères eurent passé commande.
-Depuis qu'on est gosses... se remémora Flynn. Nos pères avaient travaillé ensemble et on est allés à la même école. A l'époque, on n'avait pas encore emménagé dans la ferme, elle existait mais mon père n'y allait que pour travailler. On habitait dans un appart près de l'avenue de la Liberté.

Eliott ne fit aucun commentaire. Flynn lui jeta un bref regard et continua pour une Anna passionnée :

-On jouait tout le temps ensemble, et, quand on en a reçu, on entraînait nos Pokémons tous les deux.
-Ton père est aussi shiney hunter ? demanda Anna.

Flynn et Eliott échangèrent un drôle de regard : la jeune femme crut déceler un malaise.

-Oui, il est shiney hunter, dit Eliott. Mais... pas du genre de Marcus Kenny. C'est pas un commerçant, plutôt une petite cogne. Il a fini par se faire pincer par les rangers, il refilait des shineys au marché noir, à des organisations de malfaiteurs. En fait il capturait des shineys jeunes, sa spécialité c'était de dérober des bébés pour pouvoir les entraîner intensivement dès leur plus jeune âge et les rendre plus agressifs, plus combattifs. Il a commencé à se disputer avec ma mère quand ses clients se sont détournés de lui parce qu'il réclamait de plus en plus d'argent, alors que les shiney hunters qui travaillaient avec les Kenny proposaient des meilleurs prix. Enfin... il a fini par essayer de battre ma mère et ils ont divorcé il y a deux ans. Je le voyais de temps en temps, j'allais chez lui un week-end par mois environ, mais il s'est tiré définitivement il y a pas longtemps.

Anna eut le souffle coupé par ce portrait, ou plutôt par la façon monocorde de le dresser qu'adoptait Eliott.

-Et depuis... j'ai des problèmes de drogue, dit-il d'un ton sinistre, ce qui provoqua l'hilarité de Flynn.
-Votre père... tu ne le vois plus du tout ?
-Non, je pense qu'il est parti. Mais ma mère va très bien, elle a un boulot normal. Et elle est amoureuse de Flynn.

L'humour d'Eliott ne trouvait pas de public chez Anna. La jeune femme fronça les sourcils et se répéta l'histoire d'Eliott.

-Il est en mauvais termes avec les Kenny ? Il ne voulait pas que tu voies Flynn ?
-Il aimait bien Flynn parce qu'il pensait qu'il désapprouvait son père à cause de ses manières de mafieux. En fait Flynn le déteste tout autant que sa famille.
-Et toi ? Tu détestes ton père ? Je trouve que tu en parles comme d'un étranger...

Eliott haussa les épaules et garda un air neutre.

-Tu vois Anna, c'est un peu à cause de l'histoire d'Eliott que je ne veux pas devenir shiney hunter...

Le serveur arriva avec le plat d'Anna, une purée de baies.

-Je continue à penser que c'est surtout pour faire chier tes parents, déclara Anna en entamant son plat.
-J'aime bien mes parents et j'aimerais leur faire plaisir, seulement... c'est pesant de devoir les suivre. De faire absolument ce qu'il pense être au mieux pour moi. En fait, ils aimeraient se servir de moi comme ils se servent de Fred. Est-ce que t'aimerais que tes parents t'utilisent ?

Anna accusa le coup. Sa présence à cette table, l'aide qu'elle avait apportée à Flynn aujourd'hui, le contrat qu'elle avait signé avec Marcus Kenny lui apparaissait soudain sous un autre jour, d'une autre couleur, celle de l'intéressement. Elle pensa aux paroles d'Antoine : « mais tu me quittes ! » et leur médiocrité égoïste lui parut bien moindre que celle de l'accord de ses parents pour aller travailler auprès de Flynn.

Eliott remarqua ce soudain silence d'Anna et devina ce à quoi elle pensait. Il soupira un grand coup et tenta de ramener la conversation à des sujets plus gais.

-Vous avez suivi l'affaire de la succession d'Auguste, à Cramois'Île ? Compliquée, apparemment. Plusieurs champions avaient postulé, mais lui ne voulait pas en entendre parler et avait formé une sorte de disciple en secret, contre l'avis de la Ligue. Mais 'y a eu un truc pas très clair, il a refusé le titre à la cérémonie d'investiture et s'est même pas pointé ! D'ailleurs, vous savez de quoi est mort Auguste ? Je suis même pas sûr de ce que j'avance, mais il paraît qu'il avait chopé le SIDA. Incroyable, non ? Et au moment de sa mort, la Team Rocket a débarqué sur l'île, ils ont encerclé son hôpital, et il paraît qu'elle intervenait pour le compte d'un champion lésé, lequel, on sait toujours pas ! Ca a fait un vrai scandale, tout le hall de l'hôpital détruit, une famille tuée... un véritable imbroglio politique, parce que plusieurs membres haut-placés de la police sont aussi mouillés, voire même - vous allez pas me croire - des membres du conseil des quatre !*
-Eliott, tu sais que c'est que des rumeurs, l'interrompit Flynn. Je vois mal quel champion aurait convoité l'arène d'Auguste, à part pour l'échelon, elle est complètement isolée. Je vois pas non plus pourquoi Auguste l'aurait écarté de sa succession, ni comment il aurait attrapé le SIDA. Ca doit être son ex-femme qui a demandé à des journalistes de faire courir des ragots sur son compte pour prendre une vengeance posthume sur lui, tout à fait mesquin. J'avais lu une interview d'elle quelque part, je suis sûr que cette femme était une vraie harpie. Mon père a déjà fait une commande pour elle... elle fait partie d'une des familles les plus riches de Kanto, son père était un des actionnaires principaux de la Sylphe. C'est lui qui a fait construire la ferme...
-Peut-être, répondit Eliott en faisant la moue, n'empêche que ça m'occupe, ces histoires. Je te signale qu'il y avait des centaines de personnes et toute la presse le jour de l'investiture, le conseil des quatre était prêt à investir la personne indiquée par Auguste, mais le type a décliné l'offre en sortant un truc sur le secrétaire d'Auguste, ça a jeté un froid ! Ca c'est vrai, tu peux pas le contester !

Flynn leva les yeux au ciel.

-Moi aussi, j'ai entendu parler de cette histoire, intervint Anna.

Le repas se déroula ainsi, Eliott s'efforça de parler des dernières nouvelles pour ne pas revenir au fâcheux sujet des occupations parentales respectives.

Le repas fini, ils prirent le chemin du boulevard de Safrania, où se trouvait L'Antre. Michel, Karen et Jeanne leur avait fait savoir au début de la soirée qu'ils les attendraient dans un estaminet de la rue.

L'Antre n'ouvrait pas encore ses portes, il était 22h35. Les trois amis se trouvaient à la terrasse du bar « Leuphorie zen » et rivalisaient d'élégance. Tout le monde s'était mis à l'heure de L'Antre, à l'exception d'Eliott qui arborait l'éternel T-Shirt imprimé et le jean. Karen et Jeanne, maquillées à outrance, et parées de tenues affriolantes, s'étaient vues offrir un verre par presque chaque client, et Michel avait enfilé une tenue de candidat à une élection. Tous les trois se jaugeaient d'un air furtif et étaient passablement ivres, en particulier Michel et Karen qui avaient troqué les habituelles conversation mielleuses pour une controverse houleuse.

-Ah ouais ? AH OUAIS ? tonnait Michel, regard dans le vague et tête vers le ciel quand ils arrivèrent.

En face, Karen secouait lentement le haut du corps. Flynn annonça leur arrivée :

-Salut ! On est là !

Jeanne tourna la tête vers eux en manquant de tomber de sa chaise mais Michel et Karen restèrent à se regarder en bougeant bizarrement. Flynn se demandait s'ils allaient pouvoir rentrer dans le dancing.

Ils s'assirent à leur table, Anna regardait avec étonnement les amis de Flynn.

-Salut, comment tu t'appelles ? lui demanda Jeanne, qui, très avenante, semblait pouvoir encore se maîtriser.
-Anna, dit-elle.
-Je m'appelle Jeanne, sourit-elle.

C'est le moment que choisit Karen pour hurler, la tête entre les mains, un long et tonitruant « OUAIS » qui attira tous les regards sur elle.

-Ils ont commencé à boire à 20h, dit Jeanne. Quand je suis arrivée, ils faisaient un concours de shots. Ils sont en train de se disputer pour savoir qui est le meilleur en combat.

Flynn contempla la table et la terrasse jonchées de verres et de shooters vides.

-Je sais pas si on va nous laisser rentrer, dit-il inquiet. C'est la première fois qu'on vient en plus...

Michel se leva et déclara chancelant qu'il allait faire un combat. Eliott le rassit en lui faisant calmement observer qu'il était interdit de se battre ivre.

Flynn alla chercher des boissons pour lui et Anna et attendit l'heure d'ouverture de L'Antre en empêchant Michel et Karen de boire plus. Finalement, à 23h10, il se leva et incita les autres à le suivre.

L'Antre était à quelques maisons, coincé entre deux grands immeubles de style néo-classique. Le petit groupe ralentit avant de faire face aux videurs pour demander du calme à Michel et Karen qui continuaient à s'invectiver.

Les deux saisirent la gravité du moment et cessèrent leurs chamailleries.

Il n'y avait pas encore foule sur les pavés devant L'Antre. Le videur, qui ressemblait plus à un portier de grand hôtel, le crâne luisant au milieu d'une courte tonsure et les yeux plissés, les laissa passer sans mot dire, au soulagement général.

Un son électro délicat emplissait la salle. Peu de personnes peuplaient les lieux, mais elles avaient déjà commencé leur habituel concours d'apparences. Les tenues les plus stylisées étaient révélées par l'éclairage tamisé. Personne ne dansait encore, et afin de remédier à cette léthargie de début de soirée, Michel et Karen se lancèrent dans une torride valse au milieu de la piste, sous les regards courroucés des enfants des beaux quartiers qui se faisaient voler la vedette.

Le DJ consentit à maintenir le rythme et d'autres silhouettes s'élancèrent sur le dancefloor, dont Flynn et Jeanne. Anna elle-même esquissa quelques timides mouvements, avant de se diriger vers le bar où Eliott s'attardait.

Elle donna le jeton de sa consommation et commanda un cocktail au jus de fruits. Elle conduisait et ne voulait pas boire.

Songeuse, en sirotant sa boisson, elle ressassa les évènements des deux derniers jours et la conclusion apparemment heureuse : le fils Kenny avait, à dix-huit ans, capturé son premier shiney, et même sympathisé avec elle. Vu ainsi, tout allait pour le mieux. Elle avait rempli son contrat sans frustrer personne, et avec un mirobolant salaire, pouvait envisager l'avenir sous un ciel nouveau et serein. Elle avait rencontré, cet après-midi avant d'aller à la shasse, l'un de ses anciens professeurs à la fac qui avait été son directeur pour son mémoire de maîtrise. Elle lui avait parlé de son poste particulière, et le professeur qui avait toujours apprécié la jeune femme, lui avait promis qu'il accepterait de devenir son directeur de thèse pour un doctorat et même de l'aider à en obtenir un, si elle voulait bien se remettre à ses études.

Elle finit sa boisson et observa la masse maintenant compacte de l'échantillon trémoussant de la jeunesse dorée de Céladopole, dont elle imaginait Flynn et ses amis des membres représentatifs. Malgré sa situation au beau fixe, elle ne pouvait réprimer en elle un certain sentiment de gâchis et un dégoût pour son activité. Elle pensait s'être rapprochée de Flynn, mais celui-ci ne lui témoignait aucun intérêt depuis le début de la soirée. En ce moment, il dansait d'une façon très équivoque avec Karen, noyée dans la foule de jeunes gens en chemises ou jupes haute couture. Anna pensait qu'il avait su tirer parti de son incursion dans sa vie, passé le mécontentement initial de la rencontre. Il avait troqué pour quelques heures son intransigeance de façade pour profiter d'elle comme il le faisait ce soir...

Dépitée, elle s'offrit un daïquiri avec son deuxième jeton.

-Tu ne conduis pas ? lui demanda Eliott, un martini à la main.

Il venait d'arriver devant elle.

-Si, avoua-t-elle. Mais j'avais envie d'un petit daïquiri...

Eliott haussa les épaules.

-Vous pouvez dormir chez moi, j'habite pas loin.

En d'autre termes « bois autant que tu veux/peux ».

Anna sourit en hochant la tête, les vapeurs d'alcool auxquelles elle n'avait jamais pu résister lui échauffait déjà le ventre et le crâne.

-Tu ne vas pas danser ? demanda Anna.
-Et toi ? répondit, brusque, Eliott.
-Je... n'aime pas trop la musique, prétendit-elle.

Eliott s'assit au bar à côté d'elle et scruta la piste pour y apercevoir Michel qui dansait avec deux blondes et Jeanne qui s'était trouvé un cavalier entreprenant.

-Comment va le boulot ? demanda Eliott.

De toute la conversation au restaurant, il n'avait pas osé aborder le sujet en présence de Flynn. Anna fut étonnée par la question de cet étonnant ami qui tranchait tellement avec tous les garçons en costards.

-Flynn a capturé son premier shiney aujourd'hui, l'informa-t-elle.

Eliott ne sut pas s'il fallait le prendre sérieusement et fit quelque chose de très rare chez lui : il haussa les sourcils et garda, quelques secondes durant, une expression de surprise sur son visage si inexpressif à l'accoutumée.

Anna ne pouvait se rendre compte de l'instant exceptionnel qu'elle vivait et ne profita pas de la chance pour observer plus attentivement les yeux qu'Eliott maintenait obstinément mi-clos, ni les sourcils peu habitués à tant d'exercice.

Ce qu'éprouvait Eliott était ce qu'aurait ressenti le meilleur ami d'un végétarien qui apprenait que celui-ci avait mangé un hamburger, ou que sa cousine nonne avait couché avec deux hommes et l'avait filmé pour le mettre en ligne.

-Tu es du genre plutôt efficace, résuma-t-il. Qu'as-tu bien pu lui dire pour le faire changer d'avis si rapidement ?
-Je l'ai menacé, dit Anna dans un soupir.
-Voilà qui perd de son éclat, jugea abruptement Eliott. Quelle menace exactement ?
-Je lui ai dit que je lui couperais son électricité.

Eliott eut un rictus méprisant, c'est-à-dire que la commissure droite de ses lèvres s'infléchit imperceptiblement.

-Que Flynn peut faire gosse de riche parfois... commenta-t-il, sans réaliser quel écho ses paroles trouvaient chez Anna. Il fait la grande gueule parce qu'il flippe à cause de mon père, mais je suis sûr qu'il s'en moque, en réalité.

La scientifique se trouva étonnée par cette déclaration. Eliott n'était-il pas le meilleur ami de Flynn ?

-Comme m'avoir traîné ici... enfin, ce doit être Michel... Je suis sûr qu'un de ces types va aller sniffer de la cocaïne dans les toilettes. Ce club est une boîte à clichés... Je parie que tu ne vas pas souvent dans ce genre d'endroits.

Anna secoua la tête.

-Non, effectivement.
-Et moi non plus. Je vais me tirer vite fait. Vous dormirez chez moi ou non ?

Eliott se leva de son tabouret ; Anna avait une furieuse envie d'accepter.

-Je... je pense...

Eliott poussa un long soupir et se rassit.

-Espérons que Flynn ne tarde pas. Je t'offre un verre ?

Anna eut son plus beau sourire en guise d'acquiescement et Eliott lui sourit en retour.

-Qu'est-ce que tu veux ?

Ils furent interrompus dans leur flirt par l'arrivée bruyante de Flynn entre eux. Il s'accouda au bar et y déposa ses deux jetons.

-Deux bières ! lança-t-il.

Anna était outrée. Flynn se tourna vers Eliott, qui était tout aussi gêné.

-Eliott, est-ce que tu sais si mon frère fait du trafic de drogues ?

Cette question mit le taciturne étudiant hors de lui. Son front sembla se parer de quelques petites rides, son nez fit quelques mouvements, et sa bouche se tordit.

-Putain mais... c'est quoi cette question ? Pourquoi tu me demandes ça, comme ça ?

Flynn, inconscient d'avoir rompu la magie d'un instant privilégié, fut très étonné par cette réaction.

-Eh, du calme... t'es tendu ou quoi ?
-Non mais tu déranges, merde ! Tu te pointes comme ça, tu me poses cette question...
-Bah réponds et je te laisserais !
-J'en sais rien ! Pourquoi tu me demandes ça d'abord ?
-Je crois avoir vu de la cocaïne dans sa salle de bains... et il est absent depuis pas mal de temps, il pourrait être en cavale...
-De la cocaïne ! s'exclama Eliott. Mais pour qui tu me prends ! Je connais aucun mec qui vend de la coke, moi ! J'aime la marijuana, je suis pas un junkie !
-Mais...
-J'ai pris de la coke une fois, c'était avec toi, pour essayer ! Alors viens pas me faire chier avec ton frère ! Va plutôt demander au mecs qui restent longtemps aux chiottes !
-D'accord, j'ai compris...

Il battit en retraite avec ses deux bières-pression, laissant Eliott et Anna seul à seule.


(* lire à ce sujet La Flamme des Champions)