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Shiney de Alabama



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» Auteur : Alabama - Voir le profil
» Créé le 14/09/2012 à 18:49
» Dernière mise à jour le 21/09/2012 à 19:57

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VI
La camionnette s'arrêta dans la cour, juste devant la dépendance des Kenny. Anna coupa le moteur, et Flynn sortit sans un mot.

Anna lui avait dit que les pokéballs étaient dans un coin de sa chambre. Flynn n'eut aucun mal à les trouver, il vérifia que c'étaient bien ses Pokémons, puis les mit à sa ceinture.

Une idée lui vint à l'esprit lorsqu'il sortit de l'annexe. Pour ne pas rester trop longtemps en compagnie d'Anna, il pouvait s'aider d'un gadget qui avait fait ses preuves. L'objet convoité devait être chez son frère.

Anna l'observa, intriguée, aller à la porte de l'annexe de l'autre côté de la grande dépendance. Flynn y frappa plusieurs fois. Personne ne vint ouvrir, Flynn entra alors dans le bâtiment principal, à côté.

Flynn remarqua les clefs accrochées au mur, il ne s'était pas abusé : celles de Frédéric étaient bien là. Il s'en empara, et ainsi muni retourna devant l'annexe de son frère.

Il ouvrit la porte et entra : une odeur désagréable lui saisit les narines. Il s'avança un peu, l'architecture de l'annexe était en tout point pareille à la sienne. Il alla dans la chambre de Frédéric.

Il fut surpris par son état. Les affaires étaient sens dessus-dessous, le lit n'était pas fait... mais rien d'important n'avait été laissé ici, pas d'ordinateur, pas de portable, l'armoire grande ouverte n'avait clairement pas tous les habits qui y étaient habituellement rangés. Il apparaissait que Frédéric avait quitté sa chambre quelques jours avant pour un voyage assez long... Sans toutefois prendre la peine de la ranger. Il y avait une femme de ménage qui venait chaque semaine nettoyer la dépendance, et qui s'occupait aussi de l'annexe de l'aîné des Kenny, Flynn ayant voulu s'occuper seul de son annexe.

Sous une pile de vieux vêtements sales, il mit la main sur ce qu'il cherchait. L'objet était assez lourd et ne tenait pas dans une main : Flynn le mit dans son sac, et poussé par la curiosité, décida de s'aventurer dans le reste de l'annexe.

La cuisine était immonde : des restes de nourritures peu diététiques s'étalaient sur la table, et un tas de vaisselle sale étendait une ombre menaçante au-dessus de l'évier. De plus en plus surpris, Flynn passa à la salle de bain.

Elle était impeccable. Flynn remarqua qu'une grande plaque de bois peinte en blanc était restée sur la baignoire. Il détailla ce qui lui semblait être une table à langer et s'approcha...

Il toucha doucement la plaque de bois et regarda ses doigts. De la poudre blanche s'y était déposée. Il observa attentivement cette substance, avant de la renifler : plusieurs années à avoir côtoyé Eliott, et parfois à l'accompagner dans ses plus ténébreuses expériences, ne pouvaient l'abuser : c'était de la cocaïne.

Flynn avait l'impression de découvrir qu'il avait été adopté. Que signifiaient cette poudre, le départ apparemment précipité de son frère, l'état aussi lamentable de cette annexe ? Avait-ce un rapport avec l'absence prolongée de son père ? Tous ses éléments se combinaient en un scénario si évident que le cerveau de Flynn se refusait à l'imaginer.

Anna était dans l'encadrement de la porte quand il commença à sortir : elle ne le voyait pas revenir et se demandait ce qu'il se passait. Flynn la regarda et la devança jusqu'à la voiture sans une parole. Elle embrassa les lieux du regard, constatant la saleté, puis rejoint Flynn.

Ils ne s'adressèrent pas la parole durant le trajet. Mais, rendus à Céladopole, alors qu'elle allait se garer, Flynn dit :

-On mange ? J'ai faim... je vous offre un libanais...

Anna ne put cacher son étonnement. Mais elle avait faim aussi... Elle accepta donc et se retrouvèrent dans le libanais de l'avenue de la Liberté tant affectionné par Flynn. Il n'était pas d'humeur à revenir à l'arène, et était accaparé par le problème Chester et la disparition mystérieuse de son frère, et les traces de cocaïne qu'il avait laissées...

Anna prit un kébab au fromage, Flynn choisit des falafels.

-Pourquoi vous... pourquoi tu voulais m'inviter ? demanda-t-elle.

Elle était mieux disposée à l'endroit de son « client » et lui faisait savoir en optant pour le tutoiement.

Flynn avait les yeux dans le vague. Il réfléchit quelques instants et avoua :

-Je n'avais pas envie de retourner tout de suite à la fac, et je pensais qu'on pourrait... se réconcilier autour d'un petit repas, repartir sur de bonnes bases...

Anna hocha la tête, ravie du changement opéré par Flynn.

-Alors... je voulais savoir... depuis quand vous travaillez à la ferme... Et pourquoi vous avez accepté de vous occuper de mon cas ?

Anna lui raconta tout, ses études, le travail de ses parents qu'elle avait ralliés pour gagner un peu d'argent, la couveuse et Antoine, comment Marcus lui avait proposé le nouveau poste (elle omit cependant ses craintes premières lors de l'entrevue et leur fondement)... Flynn écouta tout ceci, silencieux.

-Tu reprendras ton boulot après mon premier shiney ?

Anna acquiesça.

-Ton père voulait que je te fasse entrer dans la Confrérie, mais je n'irai pas jusque là... Antoine et mes parents me manqueraient trop...

A l'évocation de l'organisation, Flynn ne put réprimer une grimace.

-Soyons clairs, dit-il au risque d'ébranler le climat de confiance qu'il avait péniblement installé pendant le repas. Je capture un shiney aujourd'hui, parce que j'ai besoin d'électricité. Mais après ça, tu me laisses tranquille et mon père renonce à me considérer comme son héritier.

Anna, la bouche pleine, confirma d'un signe de tête.

-Exactement. Je ne peux rien garantir pour ton père, mais je continuerai à toucher mon gros salaire six mois et nous serons tous les deux libérés de l'autre.

Flynn hocha la tête, content qu'Anna ne prévît pas de s'entêter, et surtout qu'ils pussent arriver à s'entendre malgré tout le mal qu'ils pensaient de l'autre peu avant.

Flynn laissa Anna, qui comptait aller voir ses anciens professeurs et des amis, et prit le chemin de l'arène le ventre plein.

Il fit irruption dans le TD consacré à « l'exploitation de capacités », sous l'autorité de la chargée de TD responsable du groupe de Karen.

Michel lui fit un grand sourire tandis que son M. Mime faisait de l'exercice. La journée passa doucement...

Jusqu'au coup de cinq heures.

Michel et lui trainaient dans le hall.

-C'est ok, donc ? Ce soir à L'Antre ?

L'Antre était un club extrêmement huppé de Céladopole. Flynn n'osait plus aller au Crazy Kecleon, où on lui aurait sûrement refusé l'entrée : Eliott lui avait raconté qu'il avait eu une violente altercation avec un barman avant de sortir, le soir de la rentrée.

-Ramène Eliott, et d'autres personnes si possible, ordonna Michel.

Karen les aborda, radieuse.

-Les mecs ! lança-t-elle. On fait la fête ce soir ?

Flynn émit un « ouais » béat, et Michel décocha son sourire de circonstance : le sourire discret, asymétrique, en plissant légèrement les yeux. Il faisait partie de son attirail de séduction qui sans cesse échouait avec Karen.

Ils quittèrent l'arène ensemble, et se dispersèrent à la sortie du parc. Flynn se rendit à la camionnette où Anna l'attendait. Il perdit un peu de son humeur guillerette à l'idée de commettre ce qui le rebutait depuis toujours.

-Allons-y... dit-il, amer, en prenant place aux côtés de la conductrice.
-Tu as une idée de ce que tu vas attraper ?
-Je vais essayer d'obtenir un Wattouat violet... Normalement mon père prend des commandes précises, il sait ce qu'il lui faut, ce qu'il va capturer, ou plutôt ce que ses associés doivent lui apporter. Là, il m'oblige à capturer un shiney, je ne sais pas ce qu'il deviendra !

Anna n'eut pas de réponse.

-J'ai pris ça chez mon frère...

Flynn sortit l'objet qu'il avait pris, une grossière gameboy à l'aspect rétro. Anna jeta un regard distrait tandis qu'elle s'apprêtait à quitter la ferme.

-Mon père l'a volé au Professeur Sorbier, dit Flynn. A chaque repas de famille, il se vante de la façon dont il l'a subtilisé au nez et à la barbe du savant ! Avouez qu'on pourrait nourrir des soupçons sur l'innocence d'un type comme ça...

Il tenta d'établir une façon d'utiliser l'appareil.

-Il y aura des Wattouat par ici ? s'interrogea Anna alors qu'elle sortait de Céladopole.
-Prends la direction de la ferme, je t'indiquerai un endroit où il y en a énormément.

Ils roulèrent une quinzaine de minutes avant de se retrouver en rase campagne.

Enfant, Flynn aimait à se rendre dans ce lieu pour jouer avec les troupeaux de Pokémons sauvages. Une vingtaine d'années auparavant, les responsables d'un programme de diversification des espèces sauvages à Kanto avait importé des Wattouat qui s'étaient durablement implantés, et avaient vite pullulé sur ce petit terrain.

Deux Pokémons étaient déjà là quand la camionnette s'arrêta. Flynn sortit, suivi d'Anna, le Pokéradar à la main.

-Et maintenant ? demanda Anna.

Elle n'avait aucune idée, même vague, de la façon d'attraper un shiney.

Flynn était aux prises avec l'appareil.

-Nous devons suivre le troupeau jusqu'à tomber sur un shiney... Ce qui prendrait un temps fou si on ne pouvait pas disposer de techniques ou d'équipements spéciaux.

Les deux Wattouat commencèrent à se frotter affectueusement à eux.

-On va devoir provoquer des Wattouat pour créer un effet de meute. Puis l'appareil nous révèlera la position des Wattouat et la présence de shineys...

Flynn regarda Anna. Elle était plutôt étonnée, et lui-même était confus de constater son niveau dans la chasse au shiney. Gêné, il toussa :

-Nous allons sûrement nous enfoncer dans les arbres, tout ça... J'espère que tu n'as pas de vêtements trop précieux...

Anna haussa les épaules en pensant à son salaire.

-... et que tes Pokémons sont assez bons. Sors-en un pas trop grand...

Anna appela son Pachirisu. Flynn appela un Evoli nommé Waren.

-Attaque, Waren.

Waren donna un vigoureux coup de griffe à un des Wattouat qui se roulait par terre devant Flynn. Le Pokémon sauvage rugit de douleur et battit en retraite. Son compagnon fit grésiller sa fourrure : Waren lui fonça dessus, l'atteignant à la tête. Wattouat chancela et répliqua avec une décharge électrique.

-Anna !

Pachirisu s'interposa trop tard, Waren avait été grièvement électrocuté et peinait à se remettre sur pattes.

Flynn oublia la précaution de discrétion et appela Woland l'Aracanin.

-Lance-Flammes !

Aracnin mit le Wattouat hors d'état de nuire. Flynn rappela Waren. A ce moment, l'autre Wattouat, blessé en premier, s'enfuit en rugissant à la ronde.

-Il appelle le troupeau ! Suivez-moi ! dit Flynn.

Il jeta un œil au Pokéradar : déjà d'autres points lumineux rejoignait l'écran et semblait se diriger vers eux. Il commença à courir à la poursuite de Wattouat qui s'était replié dans les fourrés.

Pachirisu monta sur le dos d'Aracnin, qui avec Anna s'enfonça dans les broussailles à la suite de Flynn.

Une lueur suivit d'un éclair fit peur au groupe entier. Flynn se maudit d'avoir appelé un Pokémon feu dans un environnement pareil. Il regarda l'écran : plusieurs Wattouat les encerclait.

D'autres Eclairs terrifièrent le groupe. Flynn recula, pour former un agglutinement au milieu des ronces et des arbres.

-C'est dans le plan ? s'inquiéta Anna en se serrant à Arcanin.
-C'est mon premier jour ! se justifia Flynn non sans peur.

Une tête de Wattouat surgit entre deux grosses racines : un Eclair atteignit Arcanin à la cuisse. Celui-ci répliqua aussitôt avec force flammes, qui mirent KO l'assaillant.

Quelques braises tombèrent au sol et se mirent à faire une fumée inquiétante. Des ronces séchées prirent alors feu.

-Fuyez ! cria Flynn en pressant le groupe vers ses arrières.

Ils retroussèrent chemin en courant, s'écorchant les jambes et ses bousculant le long de l'impraticable chemin.

Quand ils revinrent dans la clairière, un incendie se profilait déjà dans la petite forêt. Des Wattouat échaudés quittaient les sous-bois en grand nombre.

Flynn se retourna et observa les volutes de fumée qui se déployaient en colonnes menaçantes, avec l'odeur de brûlé charrié par le vent.

-Vous avez un Pokémon eau ? demanda-t-il à Anna.

Médusée, elle appela un Carabaffe. Celui-ci comprit à l'ampleur du désastre ce qu'on attendait de lui, et se jeta dans les fourrés en projetant de l'eau en tous sens.

C'était sans compter les Wattouat qui avaient toutes les raisons d'en vouloir à Flynn. Ils se jetèrent sur lui comme une seule bête féroce. Arcanin aidé de Pachirisu contint leurs assauts, et le dresseur appela Woody pour assister le duo.

Avec l'énergie du désespoir et du ressentiment, les Wattouat libéraient toute la tension de l'air enflammé pour se jeter sur les Pokémons de Flynn en bombe statique qui créait la décharge à chaque contact. Arcanin les contrait d'un lourd coup de patte, ou les dispersait avec des grosses flammes. Altaria, en l'air, les neutralisaient avec des Dracosouffles puissants mais il avait de plus en plus de mal à éviter les foudres des Pokémons et volait péniblement.

Des arbres commencèrent à tomber dans la forêt, et Carabaffe s'en échappa, noir de suie et titubant vers sa maîtresse. Il n'avait pu contenir l'incendie.

Le Pokéradar se mit à vibrer dans la poche de Flynn. Une étoile s'affichait sur l'écran : un shiney était tout proche !

Des Wattouat en colère encerclèrent Carabaffe à l'orée des bois. Ils commencèrent à la rouer de Tonnerres et d'Eclairs. Anna, horrifiée, courut vers son Pokémon en criant. Flynn le vit du coin de l'œil.

C'est alors qu'au milieu de cette scène apocalyptique, un Wattouat violet fit son apparition. Il barra le chemin à Anna et l'envoya au loin avec une violente décharge.

-Woody, sur lui ! dit Flynn au Pokémon affaibli.

Altaria vola lourdement jusqu'au Wattouat violet. Arcanin contrait le flot de Wattouat kamikazes par de larges flammes, n'ayant plus peur de causer un incendie : il créa un second foyer au commencement de la forêt, qui eût tôt fait de se propager jusqu'à rejoindre l'autre. Le ciel s'embrasait et les Wattouat mouraient par dizaines : dorénavant la plupart fuyaient, laissant du répit à Arcanin qui s'affaissa, essoufflé.

Le Wattouat shiney tenta de s'enfuir mais Woody le prit entre ses serres. Son corps se gonfla d'électricité, arrachant un cri douloureux à Altaria. Il dût lâcher la proie : aussitôt au sol, il se mit à courir pour rattraper les siens.

De grosses braises apportées par le vent cinglaient le visage de Flynn. Se couvrant de ses mains, il vit, ébloui par la lumière du feu, Anna qui courait vers la camionnette, son Carabaffe dans les bras.

Un arbre enflammé tomba entre Arcanin et Flynn. Woody s'écrasa au sol quelques mètres plus loin, vers le véhicule : Flynn chercha le shiney des yeux, dos à l'incendie effroyable.

Il ne le vit pas : il était parti.

-Vitesse Extrême ! cria-t-il à Arcanin. Rattrape le shiney !

Arcanin courut vers l'endroit où avaient fui les Wattouat, laissant Flynn seul près de l'incendie. Toussant, il essaya de courir jusqu'à la camionnette mais trébucha.

Autour de lui, l'incendie gagnait du terrain et la clairière, où plusieurs troncs incandescents s'étaient entassés, allait être encerclée par le feu.

Il se releva non sans mal, toussant à cause de la fumée. La tête lui tournait. Il vit deux lumières avancer vers lui : c'étaient les phares de la camionnette.

Elle arriva à sa hauteur. Les flammes rendaient la carrosserie orange.

Flynn agrippa une pokéball qu'il lança pour rappeler le corps inanimé de Woody, quelques pas devant lui.

La portière de la camionnette s'ouvrit.

-Monte, vite ! fit la voix d'Anna.

Flynn grimpa dans le véhicule mais glissa sur le marchepied. Il se fit très mal à la cheville et s'affala sur le siège.

-Accroche-toi !

La camionnette fit une furieuse marche arrière alors que devant elle un autre arbre en feu se détachait pour frapper le sol. Flynn manqua de tomber du véhicule.

Anna le prit par l'épaule, l'installa sur le siège et ferma la portière. Dans la clairière embrasée où l'on ne pouvait rien voir distinctement, elle continua en marche arrière jusqu'à se dégager du théâtre de flammes.

Elle entendit un bruit sourd répété à sa portière.

Arcanin, qui traînait un Wattouat violet inanimé dans sa gueule, et avait Pachirisu juché sur sa croupe, tambourinait à la camionnette.

Anna ouvrit le passage et le grand Pokémon s'y engouffra d'un bond, investissant l'arrière du véhicule.

Incrédule, Anna reprit le chemin de la ferme Kenny en laissant derrière elle l'incendie. Sa survie lui était plus importante que l'environnement des Pokémons délogés.

Elle allait s'engager sur la route vicinale qui menait à la ferme, quand elle fut arrêtée par un ranger. Visiblement courroucé, il surgit en plein milieu de son champ de vision et avec des gestes nerveux lui demanda de s'arrêter.

Il s'avança jusqu'à la fenêtre qu'il lui fit signe d'ouvrir.

Le ranger était plutôt jeune et la colère gravait ses traits que la lueur lointaine rendaient inquiétants.

-Bonjour, dit-il sèchement. Que faisiez-vous dans le domaine de Céladopole-campagne ? Vous savez quelque chose sur l'incendie ?

Anna ne sut que répondre. Devant sa mine effrayée, le ranger affermit sa grimace de mécontentement.

-Laisse, Edgard, fit une autre voix.

Un autre ranger, bien plus vieux, rejoignit son collègue. Il avait longé le camion d'une démarche nonchalante.

Quelques médailles et écussons de plus qu'Edgard brillaient sur l'uniforme de David Durang. Le vieux ranger avait été promu un an auparavant responsable de tout le secteur naturel à l'est de Céladopole, poste qui le mettait en première ligne pour la succession à l'actuel N°1 de la section kantoise des Rangers, le chef des opérations pour Céladopole et Carmin-sur-Mer. Les cheveux grisonnants du ranger Durang était couverts d'un chapeau de paille typique, son uniforme délavé par les années de service laissait entrevoir un polo vert. David avait un grand nez, quelques rides et de petites lèvres, mais ce qui marquait le plus chez lui, était la clarté de son regard pénétrant.

-J'ai regardé dans le véhicule, dit-il. Rien d'anormal. C'est une des camionnettes Kenny, ils ont dû aller relâcher des Pokémons dans la nature. C'est bien ça ?

Il jeta un regard qui fit froid dans le dos à Anna. Dans un frémissement, elle répondit :

-Oui...

Elle se retourna pour voir si Arcanin et Wattouat étaient toujours là : les deux étaient couchés à l'arrière et très visibles, eu égard à leurs dimensions. Si le ranger Durang prétendait avoir inspecté le coffre, pourquoi n'avait-il pas trouvé cela « anormal » ?

Anna détailla le vieux ranger. Quelque chose luisait à sa main droite : une bague ?

Durang mit précipitamment sa main dans une poche pour en tirer un talkie-walkie. Ses doigts étaient nus.

La scientifique sonda le ranger du regard. Il lui sembla voir, dans l'imperceptible mouvement de menton, et dans le regard mystérieux du vieil homme, une incitation à la confiance.

-L'incendie est sûrement d'origine accidentelle, dit-il au combiné. Nous venons de fouiller la camionnette qui en venait, rien à déclarer. Papiers en règle. Ce doit être un Caninos...

Le ranger Edgard était stupéfait par le comportement de son supérieur.

-Mais... on n'a pas demandé leurs papiers ! s'exclama-t-il. Les Caninos ne provoquent d'incendies aussi rapides !

David Durang rangea son portable et intima à la jeune recrue de se taire d'un regard.

Edgard, en plus des lois en matière de protection de l'environnement qu'il connaissait à fond, avait appris une chose en entrant chez les rangers à Céladopole : personne ne contestait les décisions de Durang.

-Circulez, madame, dit-il à Anna.

Elle ne se fit pas prier et prit la direction de la ferme.

Durang regarda le véhicule partir au loin.

Trois autres rangers arrivèrent en jeep derrière lui, se garant au même endroit qu'Anna quelques minutes auparavant.

-Incendie maîtrisée, chef ! cria l'un d'eux.

Durang hocha la tête et dit mollement « bien » avant de se diriger vers sa voiture.

Edgard monta dans la jeep, encore bouleversé par la scène à laquelle il avait assisté. Le véhicule partit, laissant Durang seul en contrebas.

Il monta dans sa voiture noire aux vitres teintées, un vieux modèle aux sièges en cuir. Il s'affala sur le siège conducteur et prit son portable. Ce faisant, il sortit de sa poche une bague qu'il remit à son annuaire droit.

Il colla son portable à son oreille et patienta quelques instants en regardant sa bague d'un air pensif.

-Black ? Bonjour, c'est David Durang. (Pause) Bien, et vous ? Parfait. Je vous appelais car je voudrais contacter M. Kenny. (Pause) Non, c'est pour des raisons personnelles. Je pourrais le joindre ? Merci. D'accord, j'attends.

Il regarda dehors en attendant que son interlocuteur lui donne le numéro de portable de Marcus Kenny. David Durang avait son fixe mais le savait en déplacement.

Il se saisit d'un stylo et d'un bout de papier dans la boîte à gants.

-J'ai de quoi noter. Je vous écoute.

Il écrivit le numéro qu'on lui indiquait.

-Merci beaucoup, Black. Vous êtes en chasse en ce moment ? ... Ah, je vois. Bonne chance ! A la prochaine.

Il raccrocha et composa immédiatement le numéro de Kenny ; il remit le portable à sa tempe et attendit en scrutant les environs. Avant que l'on ne répondît, il mit le moteur en marche et roula vers Céladopole.