Chapitre 8 - Kiss me Goodbye
Voilà.
Tout est terminé. Pragése a expié ses crimes, Nésepe est vengée, mais les deux castes ont disparu à jamais. Je ne pourrai jamais me présenter à la dernière guilde, j'ai également trahit la loi principale. Et de quoi aurais-je l'air ? Avec mes bras maculés de sang jusqu'au coudes, mes yeux et mon esprit détruits par tout ce que je viens de voir, mon âme maudite pour tout ce que j'ai fais. Je suis condamné à finir seul pour toujours.
Enfin bon, mes compagnons sont vengés. Je porte en mon cœur les pensées de plus de deux cents morts, seul rescapé d'une véritable boucherie. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Tout cela à cause d'une histoire d'assassinat. Et d'ailleurs, celui-ci étant la cause même, pourquoi a a-t-il été provoqué ? Et ici encore, les coupables ont-ils été châtiés, ou sommes-nous dans l'erreur depuis le début ?
Et je n'ai vu aucun signe de Faivore. Qu'a-t-elle bien pu devenir ? J'ai toujours cet anneau à mon oreille. Que dois-je en faire ? Bah, je vais déjà essayer de trouver un endroit paisible depuis lequel je pourrai me retirer du monde et méditer sur tout cela. Peut-être que la vérité sera un jour dévoilée...
***
Teilaste fit les premiers pas vers la sortie, mais il se heurta contre une sorte de barrière violette qui apparut comme par magie. Il fit volte-face, sortant de nouveau ses griffes pour une ultime bataille. A travers les ombres, il vit la porte de la bâtisse qu'il n'avait pas réussie à identifier à son entrée s'ouvrir. Un Magirêve en surgit lentement, traînant le corps d'un de ses camarades à l'abdomen explosé qu'il balança au milieu de la place. Le meurtrier était suivit d'une autre personne qu'il ne voyait pas dans l'obscurité, malgré les flammes qui éclairaient la scène.
Il se prépara à se battre quand le Pokémon violet lui fit un signe.
- Tut tut tut... Pas si vite ! Tu es quelqu'un d'important, et si tu es en vie, c'est un signe... Teilaste !
Il fut surpris que l'autre connaisse son nom et par le contact si brutal.
- Le nouveau dirigeant clairvoyant, le devin médium, je présume ? rétorqua-t-il sans se débiner.
- Tout juste !
Un sourire malsain étira ses lèvres, tandis que sa voix rauque et éraillée reprit.
- Tu es perspicace, mon garçon. Alors autant faut-il que je t'apprenne quelques choses avant que ne soit venue pour toi l'heure... du trépas !
Le Lucario n'en fut pas émut le moins du monde. L'autre parlait lentement, comme s'il voulait donner de l'importance à chacun de ses mots, et semblait enthousiasmé par ce qu'il allait lui révéler.
- Je t'écoute.
- Très bien...
- Pour commencer, mon tout petit, être un être pensant n'est pas toujours évident. On a des besoins à satisfaire. Chez moi, c'est la soif de pouvoir qui dicte mes actes.
Vois-tu, j'occupais déjà ma place de conseiller chez Pragése bien avant ta naissance, et je servais également de devin à toute ma guilde. Un jour, je me suis vu, resplendissant, au faîte de ma puissance avec une influence quasi-divine sur mon peuple. Tout ce monde m'appartenait, et mes loyaux sujets exécutaient le moindre de mes désirs. Cette vision du futur si jouissive était tellement claire que je ne pouvais avoir que la certitude qu'elle se réaliserait. J'ai donc mis en place mon plan de conquête, et tout semblait un ordre avant qu'une nouvelle vision tout aussi certaine vint m'interrompre. Un Lucario et un Gardevoir venaient, main dans la main, m'interrompre sur ma prise de pouvoir et me destituait afin de conserver l'ancienne démocratie. Je me suis donc mis à entreprendre les recherches et il s'avérait qu'il s'agissait de toi et de ton amie Faivore. Je vous ai souvent suivi sur vos derniers jours à l'école préparatoire, et ma couverture a même failli être éventée la fois où vous vous êtes destinés à devenir Combattants, peu après ton évolution. Puis j'ai laissé le destin suivre son cours pour voir comment ces deux enfants pouvaient éradiquer mes projets. Le fait que vous vous destiniez à la même carrière m'avait un peu effrayé, je ne te le cache pas, mais vous sembliez si inoffensifs... jusqu'à ce fameux test dans la forêt. Quand je vous ai vu battre sans aucun problème vos deux camarades, j'ai décidé qu'il était temps de vous détruire. Déjà, la veille au soir, j'avais des doutes et avais entrepris de détruire votre abri, faisant croire à un accident suite à la tempête. Mais le toit gelé a malheureusement résisté à mes assauts, et je voulais que cela ait l'air d'un accident. Le lendemain, j'ai opté pour une solution plus radicale...
- Le tronc d'arbre...
- Exact ! Mais cette petite peste avait tout vu ! Et après, ton histoire d'aura m'a toujours tenu en retrait, de peur d'être démasqué. Je me suis donc arrangé pour vous séparer, quand j'ai appris que vous vouliez tous deux venir à Pragése. Je me suis dit qu'une fois l'un loin de l'autre, je n'avais plus rien à craindre, et que je pouvais même transformer un probable ennemi en un puissant allié ! J'ai assisté à votre séparation, devant l'école de combat, vous ne pouviez pas imaginer à quel point j'étais soulagé.
Une fois ce problème résolu, j'entamais la suite du programme. Tout d'abord, il fallait que j'étende l'influence de ma guilde afin que les autres Combattants tombent en désuétude et soient rejetés. Et quelle meilleure idée que celle du meurtre pour que tout le monde se détourne de vous ?
- C'était vous ?
- Oui, c'était moi. J'ai empoisonné mon unique supérieur en accusant Nésepe, une soi-disant rivale ! Puis j'ai entrepris de vous détruire sous le prétexte de l'escorte des négociations, afin de diminuer vos effectifs, et j'ai fait exploser votre bâtiment. Mais mon bon ami a échoué pour votre assassinat, et je ne pensais pas qu'il y aurait autant de survivants... Vous êtes culotés d'être revenus en si petit nombre pour faire de si grands dégâts ! Dorénavant, il faudra que je change un peu mes plans... Enfin bon, le problème restait vous deux, et il est désormais résolu depuis longtemps. Ton amie manquait de potentiel, en fait...
Teilaste eu le souffle coupé.
- Vous... vous l'avez tuée ?
- Hahahaha ! Non... c'était envisageable, mais non... J'ai fais mieux...
A ce moment, la personne demeurée dans l'ombre s'avança. Une robe blanche surgit soudain, et une splendide Gardevoir se plaça à côté du Magirêve. Elle portait un plastron, et sur chacune de ses épaules était ajusté un cercle de fer, l'un contenant un lame reliée à l'autre par un chaîne en acier qui s'y enroulait. Mais ces yeux étaient sombres comme la nuit. Quelque chose d'étrange émanait de cette créature. Néanmoins, elle semblait embarrassée elle aussi par la situation.
- La voilà, ton amie !, s'esclaffa l'autre
Teilaste n'en était pas si sûr. Il avait posément sondé cette personne, et même si elle avait en effet une aura qui ressemblait à celle de Faivore, une part sombre de l'âme prenait pleinement part sur le reste. Il l'examina lentement, et le Magirêve attendit patiemment, savourant son petit effet. Si c'était réellement celle qu'il avait aimée, son évolution rendait plus difficile la reconnaissance physique. Et l'esprit était souillé par cette chose qu'il venait de sentir. Soudain, il se figea quand il remonta au niveau de ses cheveux. Là brillait le petit anneau turquoise qu'il y avait lui-même glissé. Le spectre s'en rendit compte et éclat de rire.
- Alors ? C'est bien elle, non ? Mouahaha !
- Comment se fait-il que son aura ait tellement changé ? Que lui as-tu fait, monstre ?
- Hahaha ! Je t'ai dis qu'elle manquait de puissance. Grâce à une puissance occulte des temps oubliés, j'ai réussi à décupler sa puissance en échange d'un esprit torturé à jamais !
Le Lucario n'en revenait pas. Il était paralysé par ce qu'il entendait. Elle, en proie à une existence de souffrance infinie !...
***
Merde ! Pourquoi elle ? Pourquoi nous ? J'aurais autant préféré qu'elle soit tuée avant, au moins pour sauver son âme !
Pourquoi... Dans un tel charnier, en proie aux flammes, comment se fait-il que cela soit ici que je la retrouve ! Après tout ce temps ! Pourquoi ce vent de ténèbres plane-t-il ici ? Pourquoi ce regard sombre et profond planté sur moi, totalement opaque ? Où est passé ce cœur qui battait à la même mesure que le mien ? Englouti par la nuit ?
Pourquoi ces ombres dansent-elles sur elle, lui donnant des allures de fantôme ? Ais-je réellement perdu Faivore.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Pourquoi a-t-il détruit notre amour ?
***
Loin de ce tumulte, dans un petit jardin à l'arrière d'une vieille abbaye à moitié en ruine, une blanche fleur aux allures immortelles perdait soudain les arabesques couleur émeraude et saphir qui s'extirpaient avec grâce de son cœur pour prendre une teinte rouge d'encre, uniforme et sans vie...
***
- Et j'imagine que vous ne lui avez pas demandé son avis ? reprit Teilaste, offusqué par ce qu'il venait d'apprendre et fixant la personne concernée qui ne semblait pas vraiment écouter ce qui se disait, le regard dans le vide.
- Exact. Cette petite a le sommeil très profond, tu dois le savoir. On invoque et hop ! Le tour est joué.
Teilaste sentit quelqu'un qui tentait de percer les barrières mentales qu'il dressait en permanence autour de son esprit. Il reconnu celui du Gardevoir, hésita un instant, puis le laissa passer en tentant de jouer la diversion.
- Et que va-t-il se passer maintenant ? Elle va me tuer ?
- Hahaha, oui !! Cruel destin que le tiens, non ? Etre déchiqueté par un proche, qu'y a-t-il de plus désespérant ? Et ensuite, je vais m'enfuir avec elle, et je mettrai en place la seconde phase de mon plan.
- Qui consiste en... ?
- Bah, je peux bien te le dire. Alors tout d'abord...
C'est bon, il était parti pour un long monologue. Le Lucario n'écoutait plus et se concentrait sur cette pensée qu'il venait de faire pénétrer dans son cerveau. Elle semblait faible et déséquilibrée.
- Tei... Teilaste ?
Le son de la voix de Faivore le fit tressaillir. Depuis tant de temps qu'il espérait en secret l'entendre de nouveau.
- Oui, c'est bien moi...
- Mon maître, il veut que je...
- Il me l'a dit à l'instant.
- Oui, c'est vrai, pardon.
Même lors de ce contact simplement mental, elle semblait bouleversée.
- Il ne faut pas qu'il y arrive ! Je l'ai longtemps côtoyé, il n'a de soif que de combats et de puissance. Il réduira le monde à feu et à sang s'il en prend le contrôle.
- Mais que veux-tu que je fasse ? Et toi ?
- C'est vrai qu'il contrôle une bonne partie de mes agissements, et toi tu es déjà en difficulté... Il faut que tu gagnes contre moi. Tu me donneras un coup en direction d'une zone sensible, en haut du cou par exemple.
- Mais je ne peux pas te frapper !
- J'éviterai ! Tu ne connais pas mes nouveaux pouvoirs, Teilaste. Je me laisserai ensuite tomber, comme si j'étais morte ou simplement inconsciente. Après, il y a des chances qu'il soit affolé si jamais tu es capable de me battre en un seul coup. Et je pense que si tu as survécu jusqu'ici, tu devrais être capable de le battre.
- ... D'accord. Mais toi, tu es déjà perdue.
- Pas totalement. Si tu arrive à l'annihiler, il emportera le mal dans sa tombe.
- Mmh. Une dernière question. Elle est cruciale.
- Oui ? Vite, j'ai mal. Ce pouvoir sombre me torture d'heures en heures.
- As-tu participé à la destruction de Nésepe ?
- Nésepe a été détruit ?!? Comment cela est-il possible ?
Si ce n'était pas de la véritable surprise, c'était très bien simulé.
- Tu n'étais pas au courant ? C'est pour venger mes frères que je suis venu ici !
- Mais mon maître m'a assuré que vous vouliez juste nous détruire car vous ne pouviez plus supporter la domination de Pragése dans le domaine du combat !
- Il t'a encore manipulé. Même quand tu étais encore consciente. Je t'explique tout dès qu'on en a fini avec ce salaud. Il a dit que notre union était la cause de sa défaite.
- Si tu le dis. Au revoir.
- Au revoir...
Il se prépara à couper le contact quand il entendit son cri désespéré.
- Je t'aime !!!
***
- Voilà, maintenant tu sais tout ! Machiavélique, non ?
Teilaste n'avait rien écouté.
- Très. Bon, finissons-en, trancha-t-il.
Le Magirêve fut surpris.
- Qu'est-ce qui se passe ? Tu es pressé de mourir ?
- Si c'est sans issue, autant en finir tout de suite...
- Comme tu voudras. Faivore, vas-y. Tue-le !
Elle ne bougea pas. Des larmes coulaient sur ses joues.
- Allez !
- Non...
Sa voix était toujours très faible. L'autre reprit lentement.
- J'ai dit : TUE-LE !!
- J'ai dit NON ! Je ne peux pas !
Elle haussait le ton tant bien que mal.
- Ah, c'est comme ça ? Très bien.
Il étendit les bras. La Gardevoir fut parcourue de frissons et lança un hurlement qui déchira les ténèbres. Un éclair ambré passa dans ses yeux.
- Bien maître ! fit-elle comme un robot.
Puis l'emprise se relâcha. Elle trébucha, se releva et fit quelques pas vers Teilaste. Celui-sortit ses griffes et s'avança à son tour. Ils demeurèrent face à face un instant, se regardant droit dans les yeux.
- Vas-y, n'aie pas peur.
Immédiatement, il fit un rapide mouvement vers sa gorge. Et, plus vive que la foudre, elle se décala très légèrement vers la gauche, si bien qu'il faillit la toucher au menton. Du sang glissa et se détacha d'une des lames, ajoutant encore plus de réalisme à la scène. Dissimulant son déplacement, elle fit mine de chuter pour ne plus se relever. Le Magirêve était abasourdi.
- Comment ? Comment as-tu pus la battre en un seul coup ? Comment peux-tu tuer de sang-froid tes proches ?
- Il faut croire que je suis encore plus détestable que toi, et que ce n'est pas pour rien que j'ai survécu jusqu'ici.
Il rassembla toutes les forces qui lui restaient.
- VOICI VENU LE MOMENT D'EXPIER TES CRIMES !!!
***
Le Lucario s'était jeté en avant. Mais il passa à travers son ennemi.
- Tsst tsst, tu es puissant mais trop sûr de toi !
- Merci, ça ne se reproduira plus...
La lutte fit rage. Aucune des attaques, principalement physique, du Lucario n'atteignirent leur cible. Celle-ci évitait en se dématérialisant sans cesse pour réapparaître dans son dos et lui porter un coup surpuissant. Néanmoins, le Pokémon bleu arriva à repousser toutes les attaques mentales et balaya quelques Ball'Ombre qui manquèrent alors de toucher leur lanceur. La partie semblait presque équilibrée.
Une fois de plus, Teilaste s'était lancé contre son ennemi, qui se téléporta dans son dos. A ce moment, le Combattant envoya la vague noir du Vibrobscur sur le médium, qui fut alors projeté dans les flammes.
- Tu vas me le payer ! hurla-t-il en surgissant tel un démon du feu
Il prépara un Rafale Psy qui se promettait dévastateur. Concentrant toutes ses forces, le Lucario chargea un Aurasphère qui se voulait surpuissant. Il évita d'un bond le rayon multicolore que lui envoya son adversaire et qui rasa une partie du sol, et lança sa boule d'énergie. Celle-ci fit mouche le temps que le Magirêve arrive à localiser où il était, et le spectre fut balayé par la puissance de l'attaque. Avant qu'il ne touche le sol, Teilaste l'attrapa et l'immobilisa en le maintenant fermement entre ses deux bras, dans le dos du Pokémon violet qui en fut ébranlé.
- Mais ? Je n'arrive plus à me dématérialiser !
- Oui, une petite idée de Torm comme quoi une puissante charge d'aura serait capable de solidifier un esprit. Tu es mal barré, maintenant.
Une goutte de sueur perla sur le front du fantôme. L'autre poursuivit.
- Tu connais le principe du Vibrobscur ? Une charge tirant sa force d'idées noires. De sombres pensées. On va rappeler tous les morts que tu as sur la conscience !! Notre dirigeant !
Il lança un Vibrobscur d'une puissance supérieur à ceux qu'il avait l'habitude de faire, à bout portant.
- Mes amis ! Tous les Nésepiens ! Et les Praségistes ! Et tous ceux que tu pensais éradiquer après !
Un autre. Il ponctuait chacune de ses phrases par une attaque supplémentaire. Il était dans un état de fureur qui ne lui était pas coutumier et contrôlait plus sa force. Le maître perdit connaissance suite à la violence des chocs répétés et trop forts pour que son organisme ne puisse les supporter.
Le Lucario relâcha son emprise et le laissa s'effondrer. Il était totalement à plat et était exténué par ce combat qu'il venait de mener.
Il regarda le corps au sol. Etait-il mort ?
Il se dirigea pas à pas vers Faivore et l'aida lentement à se relever.
- Merci. Je... je...
Elle ne se sentait visiblement pas bien. Elle bascula, ses longues jambes vacillantes ne semblaient plus pouvoir la porter. Ses bras tremblaient. Soudain, elle hurla de douleur sans que son ami ne sache quoi faire pour la soulager.
- HAAAAAAAAAAAAAAAAA !
Son cri se perdit dans les cieux. Quand elle se tut enfin, elle ne bougeait plus, semblant fixer le sol. Brutalement, elle releva la tête. Ses yeux étaient désormais couleur jaunâtre, comme ceux du Magirêve, et une sorte d'aura noire et rouge l'enveloppait.
- Nous y voilà enfin... murmurèrent deux voix sortant du même corps.
Teilaste trembla.
***
Parfois, la vie ne tient qu'à un fil. Une facétie du destin, et c'est toute une existence qui est détruite en un instant.
Après avoir expliqué qu'il avait constaté une énorme différence de puissance entre le court combat avec Faivore et le sien, le Magirêve, par le biais du Gardevoir, expliqua qu'il avait eut en tête de prendre possession du corps de la jeune Pokémon afin de pouvoir profiter de l'épuisement du Lucario pour le détruire à jamais, en cas de besoin. Il avait pu y penser car, si la force de Teilaste était de beaucoup diminuée entre les deux combats, c'est que le premier n'était que du vent, et que le Pokémon Psy s'en était sorti indemne. Sa déduction était juste et il pensait gagner le combat. Mais la présence de deux esprits dans la même enveloppe était un statut instable et diminuait leur avantage sur la fatigue de Teilaste, et ils furent en réalité au même niveau.
Le Lucario évitait bon nombres d'attaques, déviant parfois la lame ennemie au dernier moment, mais il n'arrivait pas à se persuader de frapper Faivore quand il en avait l'occasion. Pourtant, elle était totalement possédée, et on voyait que son âme était pervertie rien qu'aux capacités qu'elle utilisait : par deux fois, il avait failli sombrer dans un Trou Noir, et trois Revenant avaient manqué de le frapper par surprise. Un quatrième l'avait même atteint en pleine poitrine avant de le projeter dans une mare de poison créée par un Toxic, et dont il ressortit complètement intoxiqué, ayant absorbé une bonne dose d'acide en y plongeant.
Il n'en pouvait plus. Il s'était battu toute la nuit, et aussi endurant soit-il, il ne pourrait plus tenir. Il était résolu à empêcher son adversaire de bouger plutôt que de la tuer, et enfin en finir avec le Magirêve. Il était haletant et chancelant, n'ayant presque plus d'énergie pour ses capacités énergiques. Soudain, la Comète d'Argent lui frôla l'oreille droite et alla se planter entre deux pierres du mur derrière lui. Il sauta sur l'occasion. Il passa sa Tornade Occulte gauche en mode lanceur de projectile, et visa patiemment le bras de Faivore qui s'évertuait à tirer sur la chaîne d'acier afin de décoincer la lame. De sa précision dépendait sans doute l'issue du combat. Il posa la patte sur la poignée sensée lancer la lame dès qu'il la tirerait et empêcher que le Gardevoir puisse continuer d'utiliser son membre, et donc son arme, s'il l'atteignait. L'alignement était parfait, il donna un coup sec de poignet, un léger déclic se fit entendre et... rien. L'engin était vide, il avait déjà tout lancé. Il se rappela de l'Insecateur dans la tempe duquel était fiché ce dernier bout de métal. Dans un mouvement circulaire, la femelle dégagea la lame et envoya ses chaînes vers le mâle qui n'eut pas le temps d'esquiver.
5 générations s'étaient écoulées depuis leur dernier combat. Mais cette fois-ci, le danger était réel. Les témoins n'étaient pas des tuteurs bienveillants et des élèves hystériques, mais des murs de pierre sombre et des flammes qui léchaient sans cesse leur peau et pelage. Les deux Combattants ne se frappaient plus avec harmonie, mais avec technique et un désir de blesser, sinon de tuer. Ce n'était plus leur avenir qu'ils mettaient en jeu, mais leur survie. Et pourtant, suite à cette erreur de tactique, Teilaste trouva qu'il y avait une sensation de déjà-vu dans cette situation critique.
Dès que les chaînes l'eurent atteint, il se retrouva alors empêtré dans les solides maillons sans pouvoir faire un geste. Quand l'arme eut finit de l'encercler et de l'immobilier, il se retrouva avec la lame sous la gorge et blêmit légèrement. Les deux iris ambre de son ancienne compagne, mélangés à la teinte de ceux de l'assassin qui la possédait, se posèrent sur lui. Il déglutit. Délicatement, la Gardevoir posa sa main sur le manche, passant le bras derrière son cou. Il sentit son souffle tiède et léger sur sa nuque, et la pupille de Teilaste se rétracta.
Tout était fini...
Faivore approcha lentement la tête de son oreille, comme si le Magirêve qui siégeait en son corps voulait lui communique un dernier message avant son acte final. Ses cheveux effleurèrent l'anneau turquoise qui y était accroché. Brutalement, les yeux du Gardevoir redevinrent couleur rubis, le temps qu'elle l'embrasse une ultime fois sur la joue. Tout allait lentement, le temps n'avait plus d'importance. Même le feu semblait danser au ralenti, et les flammes s'élevaient avec grâce et agressivité.
- Gagné... souffla-t-elle en signe d'adieu.
Violemment, l'éclair jaune reprit possession de son regard et la força à tirer sur son bras qui tenait le manche.
Un hurlement de douleur, de tristesse, d'incompréhension et de désespoir emplit les cieux alors qu'une vie s'éteignait et que l'âme de Teilaste s'envolait à tout jamais, détruit par la main impuissante de Faivore.
***
Au même instant, devant l'aurore, une fleur déjà noircie par une âme détruite se fana totalement alors que l'amour qui l'avait fait naître était maintenant anéanti.
***
Faivore était à genoux au sol. Elle avait les épaules qui se soulevaient brutalement chaque fois qu'elle étouffait un sanglot. Elle regardait fixement la lame entre ses mains, tâchée du sang de Teilaste, dont elle tournait le dos à la dépouille. Elle avait perdu la seule personne qui lui restait au monde. Celle qu'elle aimait. Et c'était elle qui l'avait tuée... Elle ne pouvait pas se faire à cette idée. Ce mot... tuer. Elle en comprenait enfin le sens. Et il faisait mal. Très mal.
Face à cette âme en peine, le Magirêve, toujours à terre, lâcha un râle.
- Allez, fit sa voix éraillée, c'est fini, va ! Plus rien ne te retiens dans ce monde, tu pourras me seconder à merveille sans te soucier du lendemain et des autres. Arrête de pleurer...
Elle ravala un sanglot.
- Viens m'aider à me relever, continua le spectre.
Faivore se releva comme elle put, trébucha, retomba à genoux, se releva. Elle arriva devant lui, et quelques larmes perlaient toujours sous ses yeux.
- C'est bon, on s'en va. Aide-moi et tout sera terminé.
Elle cessa de pleurer, petit à petit.
- Donne-moi ta main, fit-il en tendant le sienne.
Elle ne bougea pas. Un temps. Puis elle reprit la parole pour la première fois depuis le meurtre :
- Teilaste avait oublié trois morts tout à l'heure, quand il a failli te tuer, lâcha-t-elle d'une voix neutre, malgré son bras tremblant qui tenait toujours sa Comète d'Argent.
- Oui, c'est vrai, il ne s'était pas compté, ricana l'autre, toujours cloué au sol par ses forces qu'il tentait de rassembler pour se relever. Mais qui sont les deux autres ? reprit-il.
- Toi...
- Comment... ?
Il ne finit jamais sa phrase. Dans un mouvement rageur, la Gardevoir fit un mouvement du bras, qui entraîna la chaîne et qui projeta alors la lame dans le cœur impie de son maître qui l'avait manipulée. Celui-ci émit un gargouillis immonde en trépassant, de l'écume s'accumulait au niveau de sa bouche et ses deux yeux perdirent leur éclat perfide. Tout se passa très vite, et Faivore ne fut pas plus perturbée par son acte que si elle avait fait quelque chose de tout simplement naturel.
- ...et moi, acheva-t-elle.
Puis elle le laissa dans cette position, fit quelques pas vers la sortie sans lui jeter ne serais-ce qu'un regard. Elle disparut dans le néant, emportant le souvenir du Lucario dans son cœur, seul endroit où il demeurerait à jamais vivant.