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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 11/12/2011 à 15:43
» Dernière mise à jour le 11/12/2011 à 16:05

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Chapitre 4 : Batailles en cascade
Le lendemain matin, la sonnerie de mon portable me réveilla. J'ouvris péniblement un oeil et réussis à m'emparer de l'objet sans sortir de sous mes couvertures - un art dans lequel j'étais devenue maître. Quelle heure était-il ? Sept heures, disaient les chiffres bleus affichés sur le cadran. Une heure trop tôt, au grand minimum. Qui pouvait bien m'appeler comme ça à l'aube ? Le portable ne reconnaissait pas le numéro.

- Allô ? grognai-je chaleureusement.

- Yo, Léa ! Encore au lit ?

Zack. Évidemment. Comment diable avait-il obtenu mon numéro ? Par le prof Chen, sûrement.

- C'est pas comme ça que tu vas devenir une grande dresseuse, continua-t-il. Moi, je suis levé depuis une heure déjà, et je suis en train d'entraîner mes Pokémon.

- J'ai eu une journée éprouvante hier. Je les mérite, mes huit heures de sommeil.

- Ha ouais ? Le Mont Sélénite c'est du gâteau, pourtant. Tu es bien à Azuria, rassure-moi ?

L'envie de lui raccrocher au nez monta en moi.

- Oui, répondis-je sèchement. Je suis à Azuria. Et toi, tu as le badge Cascade ?

- Hein ? Non, pas encore. Pourquoi, tu l'as ?

L'étonnement était clairement perceptible dans sa voix.

- Oui. Et celui d'après, et puis encore celui d'après également. En fait, j'ai les huit badges, et j'ai déjà battu la Ligue Pokémon. Quoi que tu fasses, tu ne pourras jamais me rattraper.

Je l'entendis rire à l'autre bout du fil.

- C'est bon, te vexe pas... C'est juste que t'es un peu lente, parfois.

- Je suppose que tu as une raison pour m'appeler de si bonne heure. Elle a intérêt à être bonne.

- Je me disais qu'on pourrait se faire un petit duel, révéla-t-il. Les gamins avec leurs Pokémon insectes ne présentent pas beaucoup d'intérêt. Toi au moins, je sais que tu me donneras du fil à retordre.

Mes pensées avaient plus ou moins suivi le même cheminement. Les batailles contre le rival étaient un des éléments importants du jeu, non ? Parfois, non, trop souvent, j'oubliais qu'il s'agissait de ça : un jeu. Ce monde était tellement réel, les gens qui y vivaient, aussi étranges que soient certains d'entre eux, étaient réels, et leurs souffrances et leurs peines l'étaient tout autant. Cela ne faisait que deux jours que j'avais débarqué ici, mais j'avais l'impression d'être là depuis deux semaines. Ce qui ne signifiait pas pour autant que j'avais envie de m'attarder dans ce monde, bien sûr, mais pour en sortir, il fallait que je termine le jeu - du moins l'espérais-je -, et mon chemin passait par les duels avec le rival.

- Si tu veux, répondis-je donc.

- Génial. Dans une heure, au pont Pépite ?

J'émis un bruit à mi-chemin entre étranglement et rire.

- Deux heures ?

- Zack, déjà il n'est pas question que je me lève avant huit heures, et ensuite, je viens littéralement de débarquer en ville, je n'ai pas eu le temps de visiter, et je n'ai absolument aucune idée d'où se trouve ton pont Pépite.

- Bon, je t'attends là-bas à dix heures alors, concéda-t-il.

- Je ferai de mon mieux.

Après ça, je me recouchai mais ne parvins pas à me rendormir, et me levai finalement à sept heures et demie. Une demi-heure plus tard, fin prête pour une nouvelle journée, je descendis dans la cuisine en m'efforçant de ne pas faire de bruit, au cas où les autres occupants de la maison dormaient encore. J'échouai lamentablement, marchant sur la queue d'un Persian qui sommeillait dans l'escalier. Il poussa un miaulement strident suffisamment puissant pour réveiller la moitié de la ville et s'enfuit en crachant de colère.

Au final, il s'avéra que mes efforts avaient été inutiles, puisque Léonard et sa grand-mère étaient déjà levés. Je pris le petit-déjeuner avec eux, tandis que mes Pokémon s'ébattaient dans le jardin avec ceux de Léonard. Leur arrière-cour était aménagée de façon à pouvoir accueillir tous les types de Pokémon, et même Plouf disposait d'une petite mare pour barboter. Il ne me restait plus beaucoup de nourriture pour Pokémon, constatai-je en allant fouiller dans mon sac pour trouver de quoi les nourrir. Une visite au Centre Pokémon était de mise.

- Alors, quel est le programme de la journée ? me demanda Léonard en se beurrant une énième tartine - sa grand-mère m'avait prévenue à propos de son appétit, affirmant que j'allais devoir cuisiner pour dix.

- Je pensais découvrir Azuria, et peut-être défier son champion si mes Pokémon se sentent partants.

- Championne, rectifia-t-il. Ondine est une maîtresse des Pokémon eau, ton équipe ne devrait pas rencontrer de problèmes. Évite juste de te servir du Sabelette.

Je hochai la tête. De toute façon, Grignotte était bien trop faible pour l'instant, une séance d'entraînement ou deux était requise avant qu'il puisse jouer dans la cour des grands, tout comme pour Souris.

- Et toi, qu'est-ce que tu comptes faire ?

- J'ai rendez-vous avec mon maître de thèse à Safrania pour le déjeuner. Avec un vrai fossile à étudier sous la main, les choses deviennent sérieuses.

- Il y a une arène à Safrania ? voulus-je savoir.

- Oui, mais les Pokémon de Sabrina sont des vrais monstres. Il vaut mieux affronter les champions d'arènes dans l'ordre... et de toute façon, Sabrina refuserait le combat tant que tu n'auras pas le bon nombre de badges. Après Ondine, il faudra que tu ailles à Carmin-sur-Mer.

- Carmin-sur-Mer... répétai-je, faisant mine de savoir de quoi il parlait. C'est au...

-...sud de Safrania, c'est ça. T'as juste à descendre la route qui part d'Azuria, y a rien de plus simple.

- Léa, tu reprendras bien un peu de confiture ? intervint la grand-mère, me tendant un pot énorme de confiture de myrtilles. Il ne faut pas avoir peur de prendre du poids, tu sais. Avec le bébé, tu vas forcément grossir, alors autant commencer maintenant.

Léonard s'étouffa avec sa tartine dans un râle rauque.

- Merci, madame, répondis-je en acceptant le pot avec un sourire.

- Oh, appelle-moi Mamie ! Mon petit Léonard, que t'arrive-t-il ? Tu es tout rouge !

- Tout va bien, souffla-t-il d'une voix étranglée. J'ai juste... avalé un morceau de travers.

- Hé bien, fait donc plus attention. Il ne faudrait pas que ce bébé grandisse sans un père ! Et que graverait-on sur ta pierre tombale, mmh ? "S'est étouffé avec un morceau de tartine" ? Ce serait ridicule ! Tu imagines ce que diraient les gens ? Pense un peu à nous, veux-tu, Léonard.

- Plus sérieusement, reprit Léonard lorsqu'elle se fut détournée pour s'occuper du grille-pain, si tu es sérieuse à propos du dressage de Pokémon, tu devrais aller voir Léo. Il habite pas loin d'ici, au nord-est après le pont Pépite. C'est un expert en Pokémon rares. Il est riche et légèrement excentrique, mais on peut dire qu'il connaît son sujet.

- Merci de l'info.

- C'est la moindre des choses. Je suis désolée pour Mamie, si j'avais su qu'elle réagirait comme ça, je t'aurais prévenu... C'est plutôt...

- Marrant ? suggérai-je.

Il grimaça.

- 'Embarrassant' était le mot que je cherchais.

- C'est sûr, ça dépend pour qui...

Dans le silence qui suivit, je regardai mes Pokémon qui gambadaient dans le jardin. Salade s'était installé dans une flaque de soleil matinal, et, les yeux fermés, savourait ce qui pour lui s'apparentait à un bon gros steak/frites. Ficelle, Souris, et Teigne jouaient à se poursuivre, dans une sorte de complexe ballet à trois dont je n'étais pas sûre de saisir les règles - j'étais juste heureuse de voir que Teigne avait accepté la présence d'un Nosferapti dans les environs de Ficelle. Grignotte était en train de creuser un trou au fond du jardin, et Plouf n'avait pas bougé de sa petite mare, nageotant vaguement de ci de là. L'équipe au complet.

Mes Pokémon...

Des petites bêtes bien vivantes, et non pas un tas de pixels.

- À quoi tu penses ? me demanda Léonard.

- Si je te le disais, tu me croirais encore plus folle que ta grand-mère.

Ses sourcils grimpèrent jusqu'au plafond.

- À ce point-là ?

- Oh oui.

- Bon, d'accord, je n'insiste pas.

Il se leva de table.

- Je peux te faire visiter Azuria si tu veux, j'ai quelques heures de libres devant moi avant de devoir prendre la route de Safrania.

- C'est pas de refus.

Nous rappelâmes nos Pokémon, quittâmes la maison après avoir dit au revoir à sa grand-mère ('Vous êtes libre de revenir dormir ici quand vous voulez, jeune fille', me dit-elle. 'Toute amie de mon petit Léonard est la bienvenue chez moi.'), et durant les deux heures qui suivirent, Léonard me montra tous les endroits de la ville, y allant de ses petits commentaires persos.

- Bon ça, c'est l'arène. Impossible de la rater, c'est le plus gros bâtiment de la ville... ce qui prouve bien que l'économie actuelle de la région est centrée sur les batailles de Pokémon, et non pas sur la recherche de nouvelles technologies, comme mon père s'obstine à le penser...

La ville était calme à cette heure, s'éveillant lentement. Des gamins jouaient plus loin dans la rue, en face du centre Pokémon. Un vent frais soufflait, faisant danser les fleurs multicolores des parterres qui bordaient le chemin.

- Ici, la boutique Pokémon. Elle est mieux fournie que celle d'Argenta, mais ne t'attends pas à des miracles, c'est pas ici que tu trouveras des Ultraballs...

Nous passâmes devant un magasin de vélos. Intriguée, je m'approchai. Se déplacer à bicyclette me tentait bien : ça reposerait mes pauvres pieds, et puis c'était quand même plus rapide...

- Euh, attends de voir le prix d'un vélo avant de faire des projets, m'avertit Léonard.

- Pourquoi, c'est combien ?

J'avais cinq mille Pokédollars dans ma sacoche, et je me sentais prête à tous les débourser si ça pouvait m'éviter de choper des ampoules.

- Entre, tu verras bien, me dit-il en souriant.

J'entrai. Et ressortis une dizaine de secondes plus tard.

- Un million ? Un simple vélo coûte un million de Pokédollars ?

- Le mec qui tient la boutique n'a pas toute sa tête, expliqua Léonard avec un haussement d'épaules.

- Sans blague...

Nous terminâmes la visite par le pont Pépite, où Zack m'attendait déjà.

- Ah, te voilà enfin, me lança-t-il bien qu'il ne fut même pas dix heures. C'est qui, l'autre guignol ? Tu t'es trouvée un amoureux ?

- Tu vas pas t'y mettre toi aussi, maugréai-je.

- On donne vraiment cette image là ? s'étonna Léonard.

- Non, il me taquine. C'est sa façon de dire bonjour.

- Ouais, renchérit Zack. Et de toute façon, t'es trop vieux pour elle.

- Et tu es qui, pour décider ainsi de sa vie privée ? riposta Léonard. Son frère ?

Durant un bref instant, je songeai à Vivian, et ma gorge se serra.

- Non, je suis celui qui va mettre une raclée à ses Pokémon.

- Ha ouais ? J'en serais pas si sûr si j'étais toi. Je les ai affrontés, ses Pokémon, ils sont plein de surprises.

- Mes Pokémon sont pas des faibles comme les tiens.

Si je ne les arrêtais pas, ils allaient continuer comme ça jusqu'à ce soir. Je les coupai donc en faisant rapidement les présentations. Ils se serrèrent la main, chacun essayant de broyer les phalanges de l'autre, puis dix heures sonnèrent, et Léonard dut partir pour Safrania. Nous échangeâmes nos numéros de portables avant de nous séparer, et je promis de passer le voir lorsque mon voyage Pokémon m'amènerait à Safrania.

- On y va ? fit Zack en brandissant une Pokéball dès que Léonard se fut éclipsé.

Je remarquai qu'il n'en avait que trois autres à sa ceinture.

- Seulement quatre Pokémon, Zack ? Tu me déçois.

- Tu sais ce qu'on dit, c'est la qualité qui compte, pas la quantité.

Impossible de disputer cette affirmation, surtout avec un Pokémon comme Plouf dans mon équipe.

- Allez, choisis un de tes Pokémon, et on les libère en même temps, comme ça ce sera équitable. Le hasard décidera s'il y a avantage du type d'un côté ou de l'autre.

- D'accord. Teigne, vas-y, m'écriai-je au même moment où Zack s'exclamait 'Roucoups !'

Pas de chance pour moi : le type vol était efficace face au type combat. Zack avait le sourire aux lèvres.

- Allez Roucoups, Jet de Sable !

- Teigne, essaye un Ultimapoing.

Le Roucoups se mit à battre des ailes vigoureusement, projetant du sable vers la Férosinge. D'un bond, elle s'élança au-dessus du nuage de poussière et fit tournoyer son poing dans les airs. Le Roucoups tenta de l'éviter, mais elle ajusta sa trajectoire et son poing fermé vint percuter le flanc de l'oiseau tel un boulet de canon lancé à pleine vitesse. Le Roucoups piailla de douleur tandis que Teigne se laissait retomber au sol.

- Moi aussi je peux jouer à ce petit jeu... fit Zack. Roucoups, Tornade, pleine puissance.

J'ordonnai à Teigne de recommencer la même manoeuvre. Ce coup de poing avait l'air diablement puissant, j'avais bien fait de le choisir... Elle fit mouche une seconde fois, touchant le Roucoups juste sous le bec. Cette fois, le volatile riposta : ses ailes créèrent une tornade miniature dans laquelle Teigne se retrouva prise au piège. Les vents violents la balayèrent en tout sens, tordirent son corps comme celui d'un pantin, tandis que je la regardais, impuissante. Le Roucoups poussa un cri de victoire et donna un dernier battement d'ailes.

Projetée à terre, la Férosinge heurta le sol, roulant sur elle-même, et resta sans bouger. Quelques secondes s'écoulèrent, puis elle se releva et fusilla l'oiseau du regard. Sa fourrure était en bataille et sa poitrine se soulevait furieusement, signe de son épuisement. Le Roucoups s'était posé, respirant difficilement lui aussi.

Un dernier coup suffirait à le mettre K.O, songeai-je.

Mais c'était également le cas pour Teigne... Pouvais-je prendre le risque ? Il suffisait qu'elle frappe en premier...

- Teigne, Griffe, décidai-je finalement, croisant les doigts.

La réponse de Zack me glaça le sang :

- Vive-attaque.

Rapide comme la foudre, le Roucoups fonça sur la Férosinge, la cognant en plein dans le ventre. Teigne roula des yeux, sonnée par la violence du choc. Elle tituba, puis tomba à genoux. Je vis sa patte partir malgré tout, et imprimer un sillon sanglant dans les plumes du Roucoups. L'oiseau recula et tomba sur le dos, épuisé. Teigne demeura effondrée à terre, trouvant quand même la force de proclamer sa victoire :

- Singe.

Je la rappelai en me fustigeant mentalement. C'était passé trop près.

- Je crois que je comprends pourquoi tu l'as surnommée comme ça, déclara Zack. Elle ne renonce jamais ?

- Elle est têtue, y a pas à dire, reconnus-je. C'est ce qui fait tout son charme.

Il ricana.

- Si tu le dis. Bon, mon prochain Pokémon est un petit nouveau, ajouta-t-il en s'emparant d'une autre de ses Pokéballs. Je viens juste de l'attraper. On va voir ce qu'il donne en combat.

- Je vais aussi me servir d'une nouvelle, alors.

Je fis sortir Souris. Zack lui opposa un Pokémon que je n'avais encore jamais vu. Il avait presque figure humaine avec ses pieds et ses mains, sauf que sa tête de forme triangulaire était surmontée par deux petites oreilles rondes, et qu'il avait la peau jaune, et une queue.

- Abra, Abra, Abra, fredonna-t-il en restant assis par terre.

- On dirait un bébé, remarquai-je. Tu es sûr qu'il peut se battre ?

- Contre ton Nosferapti tout rabougri ? Sans problème.

- OK. Bon, Souris, lance un Vampirisme.

- Abra, Téléport !

La Nosferapti émit un cri si aigu qu'il en devenait à peine audible, et des étincelles argentées quittèrent l'Abra pour se diriger jusqu'à elle. Le Pokémon de Zack cligna des yeux mais ne bougea pas, s'affaissant sur place.

- Abra, j'ai dit Téléport !

- Abra, couina le Pokémon.

Son image frémit, et tout à coup, il disparut pour réapparaître de mon côté, juste sous Souris. La Nosferapti se gorgea à nouveau de son énergie vitale sur mon ordre, et le Pokémon psychique s'écroula face contre terre en gémissant.

- Abra...

- Super efficace, ton nouveau Pokémon, raillai-je.

- Pfff... Tu dis ça maintenant, mais une fois qu'il sera convenablement entraîné, il fera des ravages. En attendant... Rattata, vas-y !

Je rappelai Souris et envoyai Ficelle. Le rongeur chargea la Papilusion en sifflant, crocs découverts. Elle encaissa le coup sans broncher et répondit par une nuée de spores blanches qui tombèrent en pluie sur le Rattatta. Il tituba, réussit à faire quelques pas de travers, puis s'affala de tout son long. Deux Chocs mentaux le mirent hors de combat, et il retourna dans sa Pokéball après une brève minute de combat.

Zack s'empara de sa dernière Pokéball, celle qui contenait son Salamèche. Ou bien son évolution, rectifiai-je mentalement. Ficelle n'était pas équipée pour faire face à un Pokémon feu. Qui pouvait la remplacer ?

- Salamèche, Flammèche !

Zack avait apparemment décidé d'exploiter mon instant d'hésitation. Un jet de flammes crépitantes sortit de la gueule du Salamèche et vint frapper Ficelle. Ses ailes s'enflammèrent avec un craquement sec. Elle poussa des cris d'affolement en volant dans tous les sens alors qu'une odeur de brûlé se répandait dans l'air.

- Ficelle, dans l'eau ! lui criai-je.

Elle m'obéit et partit s'écraser dans la rivière qui bordait le pont. Je la rappelai dans sa Pokéball, me traitant d'imbécile. Si j'avais réagi plus vite, elle n'aurait pas été blessée... Je passai une main sur mes six Pokéballs, considérant mes options. Tout comme Ficelle, Salade ne ferait pas bon ménage avec le feu. Grignotte était trop faible pour s'opposer au Salamèche, et ne parlons même pas du Magicarpe. Quant à Teigne, elle était trop mal en point pour survivre à ne serait-ce qu'une égratignure. Restait Souris. Elle avait fait ses dents sur les Pokémon insectes des dresseurs rencontrés au Mont Sélénite, mais elle n'était pas encore au niveau des autres, je le savais. Je n'avais plus qu'à espérer qu'elle tiendrait face au Salamèche le temps que je remette Teigne sur pied.

- Alors, tu te décides ? me pressa Zack.

Je libérai Souris pour la deuxième fois de la matinée.

- Contente-toi de lancer des Ultrasons, gagne du temps, lui dis-je.

Puis je tournai le dos au combat et fis sortir Teigne de sa Pokéball. La Férosinge me lança un regard surpris; elle devait se dire qu'elle en avait déjà fait assez... et elle avait entièrement raison.

- J'ai encore besoin de toi, ma grande. Tu es la seule à ne pas être hautement inflammable.

Derrière moi, j'entendis le crépitement d'une langue de feu, et le cri aigu de Souris en réponse. Serrant les dents, je me dépêchai de m'emparer d'une potion et de l'appliquer sur Teigne. Le marchand m'avait assuré qu'elles étaient super efficaces, deux fois plus qu'une potion normale. En effet, j'avais à peine terminé de vaporiser la Férosinge qu'elle sauta sur pieds en beuglant son nom. Sa fourrure luisait étrangement, comme si elle venait tout juste de prendre un bain.

Je me retournai et constatai avec soulagement que Souris avait tenu bon. Désorienté par ses ultrasons, le Salamèche avait manqué plusieurs fois sa cible. Je la ramenai dans sa Pokéball tandis que Teigne s'avançait.

- Encore elle ? observa Zack en faisant la moue. Ok, Salamèche, continue tes Flammèches.

- Teigne, tu sais quoi faire.

La Férosinge bondit sur le lézard, fouettant l'air de son poing. Et seulement l'air. Le Salamèche avait habilement esquivé l'attaque ; il enchaîna en vomissant un long jet de flammes sur son adversaire. Teigne roula au sol pour éteindre l'incendie, et se releva, le poil roussi.

- Bien, recommence.

Zack et moi avions prononcé la phrase en même temps. Ce fut Teigne qui réagit la première, ramenant son poing droit derrière elle et le propulsant à nouveau vers le Salamèche. Elle manqua encore sa cible, passant au-dessus de la tête du lézard lorsque ce dernier se baissa pour lui souffler du feu sur les pieds. Teigne gronda de douleur, et son poing gauche jaillit, porteur de toute sa rage. Il y eut un craquement affreux qui résonna dans l'air quand il percuta la mâchoire du Salamèche, l'envoyant voler trois mètres plus loin. Le lézard orange heurta le sol en roulant dans la poussière, et ne se releva pas.

Je soupirai.

- Bien, Teigne, reviens.

Malgré moi, ma voix tremblait. J'avais l'impression de m'être battue moi aussi, l'adrénaline courait dans mes veines et mon coeur battait trop fort, comme si je venais de courir un cent mètres. Maintenant que j'avais gagné, mon inquiétude avait disparu, pour laisser place à une sensation que j'apprenais lentement à connaître, et que je ne pouvais qualifier que de 'rush de la victoire'.

- Ouais, pas mal, admit Zack. Mais tu mises tout sur un seul Pokémon, c'est pas très malin.

- Je sais. Il me faudrait un Pokémon d'eau pour contrer ton Salamèche. J'ai bien un Magicarpe, mais...

- Oh, ne me dis pas que tu t'es laissée avoir par ce mec au manteau noir qui en vendait avant le Mont Sélénite ?

- Ben...

- Ah, t'es vraiment trop naïve. Et maintenant te voilà coincée avec un Magicarpe, conclut-il avec un rire. J'espère que tu es patiente, parce que jusqu'à ce qu'ils évoluent, ils valent rien, ces Pokémon.

- J'avais remarqué.

- Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai un badge à remporter, moi, dit-il en secouant la tête. On se reverra ptet à Carmin-sur-Mer si tu traînes pas trop.

Je le regardai s'éloigner. Au bout d'une dizaine de pas, il s'arrêta et se retourna.

- J'allais encore oublier. Décidément... (Il fouilla dans sa poche et me balança un rouleau de billets froissés.) Tiens, attrape.

Je réceptionnai le paquet et comptai rapidement l'argent.

- Euh, ça fait beaucoup, non ?

- Je suis un dresseur d'exception, déclara-t-il avec un sourire carnassier. Me battre rapporte beaucoup d'argent... et puis, c'est pas comme si j'avais galéré pour le gagner. Allez, à plus.

Il leva la main en guise d'au revoir et reprit son chemin, se dirigeant vers le Centre Pokémon en contrebas. Je restai immobile, ne sachant que penser. Le moins qu'on puisse dire, c'était que ma relation avec Zack n'était pas facile à définir. Nous n'étions pas amis, non, loin de là. Pas ennemis non plus, pourtant. Plutôt un étrange mélange des deux qui penchait tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Je secouai la tête, chassant Zack de mes pensées, et m'engageai sur le pont Pépite. Je me donnai jusqu'à midi pour parvenir chez Léo, et peut-être affronterais-je Ondine dans l'après-midi si je me sentais d'attaque. La journée s'annonçait chargée.

Le pont Pépite portait bien son nom, comme je le découvris lorsqu'un homme à l'autre bout m'offrit une pépite d'or pour avoir triomphé des dresseurs du pont. Je la soupesai ; elle devait faire dans les trois cents grammes. Serait-ce assez pour me payer cette bicyclette ?

- Elle se vendra cinq mille Pokédollars chez n'importe quel marchand, m'informa l'homme lorsque je lui posai la question.

Bon, c'était déjà ça. Petit à petit, l'oiseau fait son nid... Je le remerciai et commençai à me détourner.

- Tu as l'air de savoir t'y prendre avec tes Pokémon, poursuivit l'homme. Que dirais-tu de rejoindre la Team Rocket ? Je suis sûr que tu deviendrais un sous-chef en un rien de temps !
Je fis volte-face.

- Qu'est-ce que vous venez de dire ?

Ma voix était polaire. L'homme ne se démonta pas.

- La Team Rocket, fillette. T'as deux choix : soit tu nous rejoins, soit tu te fait écraser comme tous les autres.

- Non, merci. Mais j'ai une contre-proposition à vous faire. Vous allez cesser d'essayer de recruter des dresseurs à Azuria et déguerpir d'ici en vitesse.

- Joli discours, fit-il en ricanant. Tu as les Pokémon qu'il faut pour appuyer tes propos, j'espère ? Parce que moi, oui.

Salade et Teigne se firent un plaisir d''appuyer mes propos', et le Rocket s'en alla en maugréant, après m'avoir averti que je n'aurais pas toujours autant de chance. Sa prédiction me laissa un goût amer dans le bouche. Je décidai de me changer les idées en capturant un nouveau Pokémon, puisque je me trouvais sur une nouvelle route. Après quelques minutes passées à crapahuter dans les hautes herbes, je repérai un bout de carapace marronâtre du coin de l'oeil.

Non, ça ne compte pas, tu ne l'as pas vraiment vu, tu peux continuer à chercher... Ne tourne pas la tête, ne tourne pas la tête...

Je tournai la tête. Le Conconfort me rendit mon regard. Foutus réflexes. Bon, autant le capturer maintenant, des fois que Ficelle veuille un copain. Il se ne débattit même pas lorsque la Pokéball se referma sur lui. J'allais la ramasser quand elle disparut brusquement. Au même instant, mon Pokédex bipa.

- Limite maximum de six Pokémon atteints, déclara-t-il de sa voix métallique. Le Pokémon en trop a été transféré au Centre Pokémon, où des ordinateurs sont disponibles si vous désirez effectuer un échange avec l'un de vos Pokémon actuels.

Ah oui, ça me revenait maintenant. On pouvait stocker les Pokémon dans un ordinateur. Une idée extrêmement bizarre - comment ça pouvait bien fonctionner ? - mais plutôt pratique, il fallait l'admettre. Bzzz allait donc faire un petit somme digital en attendant que je me décide à l'utiliser. Parfaitement, Bzzz. Tout le monde peut tomber en panne d'inspiration, non ?

Je repris ma marche, me dirigeant vers l'est. Il y avait pas mal de dresseurs sur la route, ce qui fournit de l'entraînement à mes deux nouvelles recrues, Souris et Grignotte. La Nosferapti m'obéissait à la perfection, sans toutefois prendre la moindre initiative. J'avais l'impression qu'elle n'aimait pas se trouver sur le devant de la scène, et préférait largement observer les trois autres se battre, apprenant par procuration. Grignotte, lui, passait son temps à se cacher derrière tout ce qu'il trouvait : herbes hautes, rochers, mes jambes, tout était bon du moment qu'on ne le voyait pas. Il répondait bien à mes ordres, mais il n'avait tout simplement pas envie de se montrer.

J'arrivai chez Léo aux environs de midi. Il ne vivait pas dans une maison, non, le mot était trop faible. C'était plutôt un manoir, sombre, imposant, et qui proclamait 'regardez comme j'ai des sous !' à tout vent. 'Riche et excentrique', avait dit Léonard. S'il était aussi excentrique qu'il était riche, je craignais le pire.

Je toquai, mais n'obtins aucune réponse. J'hésitai.

J'entre, j'entre pas ?

Je posai la main sur la poignée; la porte n'était pas fermée. Trop tentant.

Allez, j'entre.

Mes pas résonnèrent dans l'immense hall damé de marbre. Des chandeliers en diamant pendaient du plafond, éclairant l'endroit de mille feux. De somptueux tableaux dans des cadres d'or pur s'alignaient le long des murs, et comme si cela ne suffisait pas, les rideaux qui bordaient les fenêtres se révélèrent être en soie. Ce type n'était pas seulement riche, il était multi-millionaire. Au minimum. Une ribambelle de portes s'offrait à moi, sans compter le deuxième étage. Avoir trop de choix, c'était possible.

- Y a quelqu'un ?

Une voix étouffée me répondit. Je tendis l'oreille. J'aurais juré avoir entendu...

- Par ici !

Ça venait de la troisième porte à gauche. Derrière, un escalier biscornu plongeait en sous-sol. Je descendis les marches, attentive à ne pas me casser la figure, et débouchai dans une petite pièce sombre qui n'avait rien à envier au labo du prof Chen. Le fouillis y était même décuplé : des cartons débordant de trucs non identifiés s'entassaient dans tous les coins, des livres gisaient au sol, certains d'entre eux dans un triste état, et le seul bureau de la pièce, encombré d'un gros ordinateur, disparaissait sous les papiers et autres emballages plastiques de sandwiches. Était-ce une règle pour les experts Pokémon d'être bordélique ?

Un petit Pokémon rose assis sur une chaise en face de l'ordinateur était en train de tapoter sur le clavier. C'était quoi le nom de cette espèce, déjà ? J'en avais vu au Mont Sélénite. Mélofée, ça me revenait.

- Salut, toi, lançai-je au Pokémon. Ton dresseur est dans les parages ?

Le Pokémon quitta l'écran des yeux pour se tourner vers moi. En lieu et place du 'Mélofée !' auquel je m'attendais, ce qui sortit de sa bouche fut :

- Ha, enfin, te voilà !

Et moi qui pensait que ma vie ne pouvait pas devenir plus bizarre.

- Euh, bonjour, répondis-je, prise de court.

Avais-je affaire à un Pokémon qui parlait notre langue ?

- Tu es en retard de cinq micro-secondes, jeune fille. Enfin, peu importe, maintenant que tu es là, tu vas pouvoir m'aider.

- Vous m'attendiez ?

Le 'vous' semblait plus approprié : la voix du Mélofée était empreinte d'autorité, et à mille lieux du cri aigu que produisait habituellement cette espèce de Pokémon.

- Mon Alakazam avait prédit ta venue.

Sur cette réponse cryptique, il descendit de sa chaise.

- Attends que je sois dans le téléporteur et enclenche le programme sur le PC, tu veux bien ?

Satisfait de mon hochement de tête hésitant, il se dirigea vers une grosse machine qui ronronnait au fond de la pièce. Constituée de deux containers cylindriques reliés par une multitude de tubes, elle me faisait penser à ces chambres de décompression dans laquelle on enfermait les plongeurs lorsqu'ils remontaient des profondeurs. Le Mélofée entra dans le container de droite, et la porte se referma derrière lui avec un chuintement. Le PC bipa.
"Enclenchement de la procédure de téléportation", lus-je sur l'écran. "Oui/Non".

Je cliquai sur le Oui. La machine se mit à trembler, toute la pièce tremblant avec elle. De la poussière tomba du plafond. La bâtisse allait-elle nous s'écrouler sur nos têtes ? Le suspens fut de courte durée, car le tremblement cessa quelques instants plus tard. Nouveau chuintement, et un homme émergea du caisson de gauche. Les cheveux bruns en bataille, la trentaine à vue d'oeil, et l'air de quelqu'un qui avait l'habitude de se faire obéir. Je venais de trouver Léo ou je ne m'y connaissais pas.

- Ah, je suis pas mécontent de retrouver mon corps, dit-il en s'étirant. J'étais un peu à l'étroit en tant que Mélofée.

- Et ça vous arrive souvent, de vous changer en Pokémon ?

- J'étais en train de tester un nouveau set de calibrations pour mon téléporteur, expliqua-t-il. Il y avait un risque de dysfonctionnement, comme toujours, bien que je n'ai pas prévu de me retrouver de la taille d'un enfant de cinq ans, couvert de fourrure rose. J'ai mis une demi-heure rien que pour réussir à grimper sur la chaise... Cependant, comme Présage m'avait informé que j'allais avoir de la visite, je savais que je n'avais rien à craindre.

- Présage ? relevai-je.

- Mmh ? Oh, Présage est mon Alakazam. Il ne se trompe jamais lorsqu'il s'agit de prédire l'avenir, même si ses prophéties sont parfois formulées bizarrement. Il parlait d'une "jeune fille provenant d'un autre monde"...

Une décharge électrique me traversa de part en part.

- ...ce qui est tout bonnement ridicule. Tu ne m'as pas l'air d'être une extra-terrestre !

- Non... acquiesçai-je faiblement. Enfin, je veux dire, oui, c'est ridicule. Serait-ce possible de parler à Présage ?

- Intéressée par ton avenir, mmh ? fit-il en souriant, et je me gardai bien de le détromper. Il doit être à l'étage, comme à son habitude. Mais dis-moi, qu'est-ce qu'une jeune dresseuse vient faire chez moi ?

- On m'a dit que vous étiez un expert en ce qui concernait les Pokémon rares...

- Ah, ma réputation me précède. Malheureusement, je vais devoir décevoir tes attentes. J'ai beaucoup trop de travail en ce moment, surtout avec ce fiasco Méloféeique... Méloféesque ? Enfin, bref, ça va m'obliger à revoir tous mes calculs. Je ne vais pas dormir avant une semaine, minimum !

- C'est pas grave... Je vais vous laisser à vos équations, alors, répondis-je, curieusement pas trop déçue.

Il hocha la tête.

- Laisse-moi cependant t'offrir quelque chose en guise de remerciement. (Il se détourna, considérant son bureau.) Hum, voyons voir, où ai-je bien pu ranger ce foutu ticket ?

Il souleva un papier d'un demi-millimètre, ce qui endommagea l'équilibre précaire de la pile toute entière, déclenchant une avalanche.

- Ce serait pas ça ? demandai-je en pointant du doigt un rectangle de papier doré scotché bien en vue sur l'écran de l'ordinateur.

- Ah, si. (Il s'en empara sans ménagement et me le tendit tel quel, avec le bout de scotch qui pendait toujours.) Voilà, avec ça tu auras accès à l'Océane, le célèbre paquebot qui se trouve en ce moment à Carmin-sur-Mer pour leur escale annuelle. Moi, ce genre de réceptions m'ennuie, et j'ai trop de boulot pour me permettre d'aller faire la fête avec ces marioles.

Je le remerciai, même si je ne savais pas trop ce que j'allais bien pouvoir faire sur un paquebot, après quoi il m'expulsa manu militari de son labo, prétextant qu'il devait travailler, et je me retrouvai à nouveau dans le hall de l'immense manoir. Je levai les yeux. Le deuxième étage... Prenant mon courage à deux mains, j'entamai l'ascension des escaliers. J'ignorais où aller, aussi me laissai-je guider par le hasard.

Par pure chance, la première porte que j'ouvris se révéla être la bonne : dans une pièce vide, je découvris un Pokémon assis en tailleur, les yeux fermés. Il possédait une lointaine ressemblance avec l'Abra de Zack - même peau jaune et brune, même longs membres étirés, même apparence humanoïde - sauf qu'il n'avait rien d'un enfant. Une aura de puissance émanait de tout son être, et en y regardant de plus près, je me rendis compte qu'il n'était pas assis mais qu'il lévitait à quelques centimètres du sol.

- Présage ?

Il ouvrit les yeux et me fixa de ses prunelles d'or.

Bienvenue, jeune Léa.

Une voix claire et teinté d'un soupçon de froideur venait de retentir dans ma tête. Ma bouche s'assécha. Malgré moi, je tremblais. Les mots se bousculèrent dans ma bouche :

- Je... Comment... Pourquoi...

Ses yeux étincelèrent.

Tant de questions encombrant ton esprit... mais hélas, je ne puis y répondre.

Ou comment doucher mes espoirs en trois secondes chrono.

- Quoi ? Pourquoi ? m'écriai-je, incapable de contrôler mon indignation.

Si je vois clairement l'avenir, je ne suis pas en mesure d'expliquer ton passé. (Il inclina la tête, comme pour s'excuser.) Cependant, si tu le souhaites, je peux t'offrir une vision de ce qui t'attends.

- Ce qui consisterait en quoi ?

Il n'y a pas de demi-mesure. C'est tout, ou rien. Choisis la vision, ou repars d'où tu es venue.

Je serrai les poings.

- Très bien. Je choisis la vision.

Qu'il en soit ainsi.

Sans avertissement, je me retrouvai ailleurs - ou du moins en eus-je l'impression. Il faisait un noir complet, et l'obscurité me pressait de tous côtés, étouffante. Une bourrasque glacée vint me frapper de plein fouet, me tétanisant, tandis qu'un son strident s'élevait.

- Ssssss...

Le son, qui n'était pas sans rappeler le sifflement d'un serpent, prit de l'ampleur, glissant dans les aigus, jusqu'à atteindre la limite du supportable. Si ça continuait, mes tympans allaient finir par éclater. Une voix humaine retentit, sonnant minuscule et dérisoire face à l'horrible sifflement :

- Au secours ! Non ! Non, pas ça...

Un cri de douleur abominable, et la personne se tut brusquement. Le sifflement persista.

- Misssss...

Changement brutal de décor. Dans un bureau à demi plongé dans l'ombre, un homme assis sur un divan était en train de porter nonchalamment à ses lèvres un verre de vin. Soudain, la porte vola en éclats. Comme dans un rêve, je me vis entrer, et foudroyer l'homme du regard.

- Qui êtes-vous ? lança l'autre moi d'une voix haineuse que je ne reconnus pas.

L'homme eut un sourire.

- On m'appelle Giovanni.

La scène se modifia à nouveau. J'étais agenouillé près d'un Pokémon qui ne pouvait être que l'évolution finale de Salade, le visage ruisselant de larmes. La gigantesque masse verte était immobile.

- Vous l'avez tué...

Ma voix, rauque.

- La Masterball nous appartient, déclarait Giovanni avec un sourire triomphant.

Et encore. Cette fois-ci, je faisais face à Zack, deux petites silhouettes perdues dans une immense arène. Les hurlements de la foule en délire formaient un bruit de fond continu tandis que quelqu'un annonçait au micro :

- Et maintenant, nos deux dresseurs tout deux originaires du Bourg Palette vont s'affronter pour le titre de champion de la Ligue Pokémon ! La challenger, Léa Norelle, contre le tenant actuel du titre, Zack Oak !

Zack se saisit d'une de ses Pokéballs avec des mouvements délibérés.

- Tu n'aurais pas dû me défier, Léa. Tes Pokémon ne sortiront pas vivants de ce combat, je te le promets.

L'arène disparut, pour laisser place à une grotte mal éclairée. Un étrange Pokémon au pelage blanc et violet, se tenant debout comme un humain, me fixait de ses yeux de braise.

- Vas-y, dresseuse, fit-il d'une voix sépulcrale, une voix qui résonnait jusque dans les moindres recoins de ma tête. Lance ta Masterball. Ensemble, nous dominerons le monde.
Je brandissais une ball stylisée, rose et violette, et...

J'ouvris les yeux. Quelque part durant la vision, mes jambes avaient flanché : j'étais à genoux sur le carrelage. Les images encore vivides tourbillonnaient dans mon esprit, une pellicule de sueur couvrait ma peau.

- Qu'est-ce que...

Présage me retourna un regard impassible.

Le futur n'est pas gravé dans le marbre, jeune Léa. Ce ne sont que des possibilités, des avenirs probables parmi tant d'autres.

- Probables ? répétai-je en grimaçant. J'espère bien que ce n'est que "probable" ! Qu'est-ce que c'était que ce bruit ? Et...

Je m'arrêtai, la gorge serrée. Mon esprit renâcla face au souvenir des images. Et la haine dans le regard de Zack ? Le corps inerte de Salade ?

- Ça ne se passera pas forcément comme ça...

Tes choix façonneront ton destin, répondit Présage.

- Ça ne se passera pas comme ça, répétai-je d'une voix plus assurée.

L'Alakazam inclina la tête, mais n'ajouta rien de plus. Je quittai la pièce, fermant la porte derrière moi, et, plus que jamais dans l'incertitude, je pris le chemin du retour vers Azuria.

***

L'après-midi était déjà bien entamée lorsque je me présentai devant l'arène d'Azuria.

Le bâtiment rectangulaire, tout aussi impressionnant que celui d'Argenta, donnait l'impression de chatoyer sous le soleil, comme si des vagues de couleur irisée le traversaient et refluaient sans cesse. J'entrai, et crus un instant m'être trompée d'endroit, avant de repérer les deux statues sur lesquelles des plaques jumelles annonçaient en lettres dorées "Arène d'Azuria". N'empêche, ça ressemblait davantage à une piscine qu'à une arène. La salle entière était inondée. Il y avait bien un chemin monté sur des pilotis qui menait jusqu'à la championne, mais ils avaient oublié d'inclure des rambardes, et ça avait l'air drôlement glissant.

Une fille aux cheveux roux me toisait depuis le fond de la salle. Ondine. Je m'avançai dans sa direction, posant mes pieds avec une précaution infinie. J'avais réussi à arriver à mi-chemin lorsque des remous dans l'eau attirèrent mon attention. Qu'est-ce que c'était que ça encore ? Des requins ? Un bref flash-back vers les Dents de la Mer me fit frissonner. Mais mon inquiétude se dissipa bien vite, car ce qui surgit de l'eau fut une tête humaine et non la gueule d'un gros poisson décidé à faire de moi son casse-croûte. Ce qui ne m'empêcha pas d'être surprise.

- Euh... commençai-je.

- Eh oui, c'est ça d'être à fond dans les Pokémon eau ! s'exclama le nageur en retirant ses lunettes de plongée. Faut se mouiller, on peut pas se contenter de tremper le bout des pieds !

Je grimaçai face à l'horrible jeu de mots. Heureusement, il n'en rajouta pas et se contenta d'envoyer ses Pokémon à l'attaque. Souris les écrasa sans trop de difficulté, ce qui me valut un salut aquatique de la part du nageur, puis Teigne s'occupa d'une fille habillée tout de vert et de son Poissirène, et je me retrouvai devant la championne.

- Salut, toi ! Tu dois être Léa, c'est ça ? m'accueillit-elle.

Je répondis par une grimace.

- Zack t'a parlé de moi, à ce que je vois.

- Oui, mais rassure-toi, seulement en bien, ajouta-t-elle.

- Ah bon ?

- Non.

- Je me disais aussi...

Un ange passa.

- Ne le prends pas mal, mais une championne d'arène en bikini, ça fait pas très sérieux.

Elle sourit.

- Attends de voir mes Pokémon avant de dire ça.

Elle brandit une Pokéball d'une main aux ongles parfaitement manucurés.

- Prête ? s'enquit-elle d'un ton sérieux.

- Prête.

Comme Teigne était déjà sortie de sa Pokéball, je lui fis signe d'avancer.

- Allez, ma grande, en piste.

- Stari, à toi !

Un Pokémon aux allures d'étoile de mer géante se matérialisa. La carapace brune qui lui servait d'armure naturelle avait l'air particulièrement solide, ce qui m'occasionna une pointe d'inquiétude, mais le joyau rouge qui brillait en son centre, lui, éveilla un tout autre sentiment. La couleur riche et lustrée me fit irrésistiblement penser à ces petits gâteaux avec un coeur fourré à la confiture. Mon ventre gargouilla, envoyant un message à mon cerveau : Chère Léa, je sais que tu es très occupée par ta quête Pokémonesque, mais ce serait chouette que tu n'oublies pas de te nourrir, histoire d'arriver jusqu'au bout en vie. Amicalement, ton estomac. Je sortis une barre céréalière achetée plus tôt ce matin-là et entrepris de remédier au problème.

Ondine jaugea Teigne du regard.

- J'espère que ton Férosinge aime l'eau, parce qu'elle est sur le point de prendre une douche !
Nouvelle grimace de ma part.

- Les jeux de mots sont fournis en même temps que les Pokémon aquatiques ou quoi ?

- Bhen, j'essayais juste de détendre l'atmosphère. Mais on peut passer directement au combat si tu veux !

- Si ce n'est pas trop demandé.

- Alors, allons-y.

Nous donnâmes nos ordres en même temps, et nos deux Pokémon réagirent eux aussi de manière synchro. L'étoile d'Ondine tourbillonna dans les airs alors que sa peau prenait une teinte métallique ; Teigne bondit, son poing lancé en avant. Durant un instant fugace, ils furent suspendus l'un en face de l'autre, comme si la gravité avait soudain disparu, puis l'Ultimapoing de Teigne fit mouche, envoyant le Stari s'écraser au sol. Elle heurta le ponton avec un bruit spongieux, roula sur elle-même, pour finir aux pieds d'Ondine.

- Stari ! Bon sang, ça commence bien...

Elle s'empara d'une potion et pulvérisa la substance régénératrice sur le joyau du Pokémon, lequel se redressa instantanément, puis elle se pencha pour lui murmurer ce que je supposais être une série d'instructions.

- Teigne, fais atten...

Je n'eus pas l'occasion de terminer ma phrase : une immense vague d'eau glacée vint me frapper de plein fouet. Déséquilibrée, je glissai sur le revêtement mouillé et me retrouvai bien malgré moi à prendre un bain forcé après un magnifique plongeon involontaire. J'attendis que mes pieds touchent le fond du bassin. Une impulsion plus tard, je refaisais surface en crachotant.

- Je pensais que c'était les Pokémon qui étaient censés se battre, pas les humains ?

- Désolée, répondit la championne avec un large sourire, Stari a encore du mal à ajuster ses attaques.

"Du mal à ajuster ses attaques", mon oeil. Je me hissai tant bien que mal sur le ponton et cherchai Teigne du regard. Elle n'était nulle part en vue.

- À ma décharge, Stari a également touché ton Pokémon, précisa Ondine.

Zut. Je scrutai la surface de l'eau. Rien. La tranquillité de l'onde démentait la violence de ce qui venait de se passer. Le doute m'étreignit. Les Férosinges savaient-ils seulement nager ? Je triturai sa Pokéball pensivement. La rappeler ou ne pas la rappeler ? Telle était la question. Je n'eus pas à prendre de décision, car la seconde suivante, le ponton trembla alors que Teigne jaillissait hors de l'eau tel un démon vengeur. Elle gratifia son adversaire d'un coup de poing virevoltant dans la foulée, et ce fut au tour du Stari de boire la tasse. Le Pokémon aquatique sombra, coulant jusqu'au fond de la piscine.

- Stari ! s'écria Ondine en s'avançant jusqu'au bord. D'accord, le premier round est pour toi, concéda-t-elle en rappelant son Pokémon. Voyons voir comment tu te débrouilles face à son évolution.

Elle libéra un Pokémon qui ressemblait en effet plus ou moins à un Stari, mais en beaucoup plus imposant, doté d'une double rangée de bras étoilés, et violet, en prime. Teigne s'ébroua en le fixant du regard, parvenant je ne sais comment à transformer son geste anodin en un défi.

- Je sais que tu en es capable, ma grande, mais celui-là c'est pour Salade, tempérai-je en la renvoyant dans sa Pokéball - ces trucs-là fonctionnaient même mouillés, incroyablement.

Au sortir de sa Pokéball, Salade considéra d'un oeil circonspect l'imposant Pokémon qui le dominait de toute sa taille, puis attendit mes ordres.

- Ah, j'aurais dû me douter que tu avais un Herbizarre. Ça explique ta confiance en toi.

- J'ignorais que je serais avantagée pour les deux premières arènes lorsque je l'ai choisi, remarquai-je, ce qui me valut un haussement de sourcil de sa part.

- Vraiment ? Pourtant d'habitude les dresseurs se renseignent avant de commencer leur voyage Pokémon.

- Disons que mon cas est un peu particulier...

Voilà qui devait être l'euphémisme du siècle. Elle hocha la tête face à ma réponse évasive sans exiger plus de détails, puis se tourna vers son Pokémon.

- Staross, mets en oeuvre la stratégie habituelle.

Intéressante façon de s'exprimer. Peut-être que moi aussi je devrais développer mes propres moyens codés pour donner des ordres à mes Pokémon : l'élément de surprise pouvait être décisif dans une bataille...

- Salade, protège mes cheveux ! lançai-je, pris d'une inspiration subite.

Bon, ce n'était pas encore ça... Mais ça valait le coup, rien que pour voir la tête que faisait Ondine. Le Staross s'éleva dans les airs en tourbillonnant, éjectant vers Salade une série d'étoiles brillantes qui fendirent l'air en sifflant. Trois d'entre elles touchèrent au but, et écorchèrent la peau de Salade, l'une d'elles coupant même en deux une des pétales de sa fleur. Heureusement, il avait compris mon ordre voilé et réagit en lançant ses lianes à l'assaut du Staross. Elles claquèrent contre la peau métallique du Pokémon aquatique.

- Vise le joyau !

Je savais que ma voix n'aurait pas dû être aussi triomphante, mais dans l'euphorie du combat, cette objection fut bien vite balayée. Il y eut un dernier claquement dans l'air tandis que la liane de Salade venait frapper de plein fouet le joyau central du Staross, puis le gigantesque Pokémon bascula dans l'eau avec un Plouf sonore, et le silence retomba sur l'arène. Ondine se passa la main dans les cheveux, poussa un soupir, pour finalement éclater de rire.

- "Protège mes cheveux" ? répéta-t-elle en imitant mon intonation emphatique.

Je haussai les épaules.

- Ça a marché, non ?

- Ouais... Je constate en effet que tu es très particulière, comme dresseuse.

- Je te retourne le compliment. Finalement, le bikini, ça marche pour toi.

Nous échangeâmes un sourire de connivence.

- Tu as l'intention d'aller jusqu'au bout ? me demanda-t-elle, redevenue plus sérieuse. Jusqu'au plateau Indigo ?

- C'est le but du jeu, non ? répondis-je, goûtant à l'ironie.

- Je te souhaite bonne chance, dans ce cas. Ce ne sera pas une partie de plaisir, crois-moi.

Une lueur sombre au fond de ses yeux indiquait qu'elle parlait d'expérience. Je la remerciai, faisant de mon mieux pour ignorer le malaise que ses paroles avaient réveillé en moi, et je ressortis de l'arène d'Azuria quelques minutes plus tard avec un nouveau badge et une CT contenant une attaque aquatique.

Si j'en croyais Léonard, la prochaine arène se trouvait à Carmin-sur-Mer. Je levai les yeux au ciel, vers le soleil. D'après sa position, j'avais probablement le temps d'atteindre la ville portuaire avant qu'il ne se couche. Après un rapide passage au centre Pokémon pour soigner Teigne et Salade et changer de vêtements, je pris la route menant vers le sud, avec l'impression tenace que je n'étais pas au bout de mes peines.

***

Équipe actuelle :
SaladeTeigneFicellePloufSourisGrignotte