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Le dormeur du val [One-Shot] de Soundlowan



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Informations

» Auteur : Soundlowan - Voir le profil
» Créé le 24/07/2011 à 19:05
» Dernière mise à jour le 01/03/2012 à 15:34

» Mots-clés :   Absence de combats   Drame   One-shot   Poésie   Terreur

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Chapitre unique
Les humains du village sont agités. Nerveux. Leur tension se fait presque palpable ces derniers jours, elle fourmille sur les murs et s'engouffre dans les maisons, ployant les têtes en étouffant même les rires des enfants.
J'aimais entendre les rires des petits humains. Et j'aimais sentir leurs petites mains caresser ma belle fourrure violette, j'adorais les biscuits et les fruits qu'ils partageaient parfois avec moi.
Mais les humains sont devenus méfiants. Pas envers moi bien sûr, mais ils sont devenus méfiants. J'en suis certain.
Et je suis sûr que c'est à cause de l'annonce faite par les autorités. De l'annonce et de la disparition. L'annonce a été faite il y a quelques jours, pour avertir tous les humains qu'un dangereux tueur était probablement dans les parages. De ce fait, tous les humains pensent que le jeune homme disparu est une nouvelle victime du tueur.
Alors je m'éloigne du village. J'y retourne.

C'est un trou de verdure ou chante une rivière

Je retourne près de l'eau. Près de l'eau qui coule et qui chante. Qui m'offre sa mélancolie, calme et harmonieuse. Toujours et jamais la même. Je retourne au calme, loin de l'homme et de la tension. Près de l'eau, au beau milieu de la végétation. C'est la période de l'année ou la nature s'éveille dans un soupir d'aise, toute de grâce et de finesse silencieuse.
Je retourne à la nature.

Accrochant follement aux herbes des haillons

Je retourne à la nature, je m'éloigne des hommes. Pour écouter le silence, pour savourer l'absence d'émotions, pour admirer le monde immobile, pour sentir le vent dans ma fourrure.
Je laisse souvent des poils violets ou beiges accrochés aux buissons, dans l'herbe ou je m'allonge parfois. Comme tout les moufflairs, je perd ma fourrure au printemps. Je préfère me dire que j'en offre un peu à la nature, pour la parer de mes couleurs.
Aujourd'hui, j'y retourne.

D'argent; où le soleil, de la montagne fière,

Les hommes ne savent pas apprécier la beauté de la nature.
Ils préfèrent se terrer dans leur angoisse, dans leurs sentiments. J'avais pu noter ce détail en allant jusqu'au village, ou désormais tout les humains m'apprécient. Particulièrement une petite fille, blonde. Qui m'appelle son « gentil Moufflair ». Je crois que c'est la petite sœur du jeune disparu. Mais je ne pense pas au beau jeune homme, ni à la petite fille.
J'observe le paysage de tous mes yeux, de toute mon âme. Le paysage dominé par toute la masse de la montagne, qui isole cette région du reste du monde. Avec le soleil qui laisse éclater la végétation et pare toute chose de nouvelles couleurs, le monde est magnifique.
Je retourne là-bas.

Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.

Je retourne là-bas. Dans la clairière isolée. Elle est souvent éclaboussée de lumière, c'est l'endroit idéal. Avec des dizaines de fleurs colorées, je suis sûr que la petite fille les aurait aimées.
Le disparu aussi, probablement.
J'y retourne.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Oui, le disparu les aurait sûrement aimés, ces fleurs. Comme il aimait sa petite sœur. Il m'aimait bien aussi d'ailleurs.
Il ne refusait jamais de me caresser lorsque je venais au village, il me donnait souvent de quoi manger. Je peux bien sûr subvenir à mes besoins seul dans la nature, mais je ne refuse jamais la nourriture des humains.
Le disparu aurait sûrement aimé la clairière aussi d'ailleurs. Lui qui me parlait parfois de son amour de la nature, il aurait aimé cet endroit. Il y aurait peut-être emmené sa sœur.
Je retourne dans la clairière.

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Les humains ont cherchés le disparu. Longtemps. Ils sont allés loin, très loin dans la forêt. Mais pas assez loin pour atteindre la clairière. Très peu d'hommes s'aventurent aussi loin dans la nature, cet endroit reste le territoire des pokémons.
Ils pensent que le jeune disparu est la proie du dangereux tueur. Ils pensent qu'il est mort. Moi, je ne pense pas. Je sais.
Je sais qu'il est mort. Comme toutes les autres victimes du tueur. Je sais qu'il n'admirera plus jamais le monde, je sais qu'il ne lèvera plus jamais le regard vers le ciel.
Et je n'y pense pas. Aujourd'hui, je regarde la nature majestueuse de toute ma force, de toute ma volonté.
Et j'y retourne.

Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,

Les humains sans vie ne sont guère différents de ceux qui dorment. Le jeune disparu mort est semblable à sa petite sœur endormie. Dans ces instants, ils ont tout deux la même expression béate de félicité silencieuse. Leur tension s'évapore de la même manière, laissant leur deux corps baignés d'un bonheur parfait.
Tout deux ils irradient le même calme que le paysage, et semblent sublimés comme la nature ensoleillée.
Le jeune disparu, une fois mort s'est embelli. L'expression de l'éternité, imprimée à tout son être, le rend radieux comme le soleil, frais comme toute la végétation réunie, et infini comme le ciel. Il en est devenu digne, digne de s'allonger dans l'herbe, de contempler le monde. Il est devenu digne d'appartenir à la nature.
C'est peut-être pour cela que j'y retourne.

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Je ne sais pourquoi les humains abandonnent la chaleur de leur corps lorsqu'ils meurent, pourquoi ils perdent leurs couleurs. Il est possible qu'ils offrent le tout à la nature, qui en rayonne un peu plus de vie.
Le disparu est désormais blanc, ou plutôt il n'a gardé aucune couleur de vie. Même ses cheveux si blonds semblent moins dorés, plus ternes. Qu'importe, cela ne le rend que plus beau au regard scrutateur du soleil, qui l'honore de ses rayons.
C'est pour cela qu'on peut le voir, comme on voit la nature.
Alors je retourne dans la clairière.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Dans la clairière emplie de fleurs, qui vit au fil de l'eau qui coule. Les fleurs l'entourent, ne le sublimant que davantage. Toutes les couleurs qu'il a perdu, lui sont de nouveau offertes par la nature. Et son expression, si parfaite, si éternelle, était la seule qui pouvait convenir à tant de majesté naturelle. On peut croire qu'il va rire, qu'il va pleurer, qu'il va gémir. Qu'il va vivre.
Bien sûr, il n'en fera rien. Son expression de mort m'évoque réellement celle de sa petite sœur, si blonde, lorsqu'elle s'endort.
Mais je ne pense pas à la petite sœur blonde. Et si peu au jeune disparu. Aujourd'hui, j'observe la nature.
Aujourd'hui, je retourne là-bas.

Sourirait un enfant malade, il fait un somme:

Je me souviens que le jeune disparu avait un semblant de sourire sur le visage, même dans la mort. Un sourire qui ressemblerait beaucoup à celui de la petite fille blonde.
La petite fille sera sûrement triste en apprenant la mort de son frère disparu. Elle en tombera peut-être malade de chagrin, peut-être même l'éternité viendra la prendre pour qu'elle rejoigne le disparu. Et elle aura le même sourire éternel que lui.
Et pourtant, ce jeune disparu semble si prêt à s'éveiller... Il semble à peine endormi, à la limite de la conscience. Si je ne savais pas, je pourrais jurer le voir respirer.
Malgré l'absence de son souffle, l'absence de couleurs, tout son être qui s'est laissé prendre par la nature.
Et j'y retourne.

Nature, berce-le chaudement: il a froid.

Le jeune disparu a donné son âme et sa vie, ses couleurs et ses mouvements à la nature. Toute son étincelle de vie a été absorbée par le silence, la beauté du paysage. La nature est devenue plus animée, plus joyeuse, plus agitée, plus rafraîchissante à mesure que le disparu était privé de sa vie.
Le jeune mort aurait pu se trouver vide. Vide de tout, après avoir été vidé de sa vie, de sa chaleur, de sa conscience. Mais la nature, après s'être nourrie de tout son être, l'a empli de sa beauté majestueuse, de sa beauté silencieuse. Elle a effacée ses imperfections, ses traits les plus brutaux, et l'a nimbé de calme et de grâce. Désormais, il est plus beau.
Le tueur l'a privé de sa vie, mais lui a offert une beauté nouvelle et immortelle, apportées par la nature. Je le sais. Je sais que je peux désormais le voir, le regarder. Le regarder de toute ma force, de toute mon âme.
Alors bien sûr, j'y retourne.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;

J'y retourne sans y penser. Je connais trop bien le chemin qui mène à la clairière pour avoir besoin d'y réfléchir. Je ne sais que trop bien ou je vais, et ce que je vais y trouver.
Je sais que le jeune disparu est mort. Je sais que toute vie a désertée son corps meurtri, que son âme s'est offerte à la nature.
Que le tueur a fait de lui sa dernière victime. Je sais.
Je sais qu'il n'admirera plus jamais le paysage. Je sais qu'il n'ouvrira plus jamais les yeux pour contempler le monde. Je sais qu'il ne rentrera plus jamais au village, qu'il ne rejoindra plus jamais sa belle maison blanche. Je sais qu'il ne sentira plus jamais le vent sur sa peau ou dans ses cheveux, qu'il n'appréciera plus jamais les odeurs les plus agréables.
Je sais qu'il ne rejoindra plus jamais la petite fille blonde.
Et je n'y pense pas. Je n'y pense pas en y retournant.
Je retourne le voir, là-bas dans la clairière.

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Je n'y pense pas, et pourtant je sais.
Je sais qu'en retournant à la clairière, je vais trouver le jeune disparu. Je vais le trouver sans vie, pâle comme la mort. Avec son semblant de sourire si particulier sur le visage. Je vais le trouver, la main encore sur le cœur comme pour se défendre. Avec la gorge ouverte, son sang ruisselant sur sa poitrine en un fleuve gracieux, et qui se perd dans l'herbe. Pour que le mort appartienne à la nature, qu'il en fasse partie.
Peut-être qu'après y être retourné, je rentrerais une nouvelle fois dans le village. Peut-être que j'avertirais les hommes, que je les mènerais jusqu'au corps. Peut-être qu'ils me remercieront, avant de repartir à la recherche du tueur. Peut-être que la petite fille blonde me caressera en pleurant, et en m'appelant son gentil Moufflair. Peut-être qu'elle me sera reconnaissante de lui avoir ramené son frère, de lui avoir laissé un élément de réponse. Peut-être.
Je retourne voir le disparu dans la clairière.

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Comment je sais ? Comment je sais que le jeune disparu est déjà mort ? Qu'il est devenu une nouvelle victime du tueur ? Qu'il ne rentrera plus jamais veiller sur sa sœur ? Qu'il appartient désormais à la nature ?
C'est pourtant simple, c'est pourtant évident.
C'est moi qui l'ai tué.