Chapitre unique : Laboratoire
Enfermée... enfermée...enfermée...
La routine, si je puis dire. Le matin se lève. Une cage, voilà mon milieu actuel. Je ne suis qu'un cobaye, ces humains n'ont que faire de moi. Ils passent leur temps à me placer dans des salles futuristes, à m'injecter des produits étranges, à m'observer, à me placer des électrodes sur le corps, et à attendre mes réactions. Je pourrais me défendre, vu le poids de mon imposante musculature, Kangourex de mon état, mon caractère est pourtant celui d'un Togepi, et puis, à quoi bon ? Si je me révoltais, j'aurais affaire à de nombreux dresseurs. Pour le moment je suis « au repos » qu'ils disent, je n'ai cependant fait aucun effort. La salle dans laquelle je me situe est entièrement bleue, du mur qui me borde jusqu'à la porte de l'autre côté. C'est un bleu métallique. Il y a d'autres cages, dans lesquelles, des Pokémon sont endormis. Je ne sais pas leur nom, étant donné que je suis née ici, personne ne m'a expliquée à quoi ressemblait tel ou tel Pokémon.
L'obscurité est presque pleine en ce lieu, il y a des lampes murales, certes, mais n'émettant qu'un faible rayon. La seule que l'on distingue dans cette pièce est celle venant du couloir, qui passe par le dessous de la porte. Il n'y a aucune fenêtre, je suis certainement dans un sous-sol. Un espace rectangulaire est au centre de la pièce, il est délimité par des lignes brillantes rouges; des fioles sont disposées dans des étagères, certaines sont vides, d'autres contiennent des liquides assez répugnants.
Un claquement sec m'indique que quelqu'un vient de pénétrer dans le couloir, le bruit de ses pas s'arrête devant la porte de la salle. La poignée bascule et un homme apparaît dans l'encolure de la porte, un scientifique très certainement. Je ne peux cependant pas l'examiner plus, car il est à contre-jour. La clarté venant du couloir envahit la pièce et m'éblouit pendant un instant. L'homme referme la porte et appuie sur un interrupteur. Les lampes s'allument et ma vision s'améliore. Il est de taille moyenne, porte de grosses lunettes rondes et une blouse blanche. Oui, c'est un scientifique. Celui qui s'occupe de moi depuis tant d'années.
« Alors Kangourex ? En forme ?
- Kangou !
- Bien, et toi Tortank ?
- Tortank !
- Et toi Drascore ?
- Score !
- Ok ! Et bien on va commencer les analyses ! »
Après avoir pris des notes, l'homme ouvre une cage et le dénommé Tortank en sort. Le scientifique lui demande gentiment d'aller se placer dans l'espace rectangulaire. Tortank obéit et s'assied dans le rectangle. Il a l'air de s'ennuyer. L'homme revient vers lui avec des fioles à la main. Il lui en fait boire une, puis attend un résultat, aucun. Il lui en fait avaler une autre, toujours aucun résultat. C'est ce qui se passa toute la matinée. Quand vient mon tour. Assise dans le rectangle rouge, le scientifique me fait avaler une potion verte, qui n'a pas un très bon goût. Je ne sens rien changer en moi. Il m'en fait boire une autre, bleue cette fois. Elle a un goût bien pire que la précédente. Je me force à l'avaler. Quelques secondes passent, et aussitôt, je commence à suffoquer. Le scientifique s'en rend compte et appuie immédiatement sur un émetteur qu'il avait dans sa poche. Une alarme se met à retentir, des hommes entrent dans la salle, je sens mes poumons se contracter. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Les hommes ont du mal à me soulever, même à huit. Je suffoque, toujours plus. Quel est ce poison que ce fou m'a fait avaler ? Je commence à avoir la tête qui tourne. Les hommes essaient de me mettre debout mais mes jambes flageolent. Je trébuche, et tombe, tête la première. On essaie de me porter tant bien que mal. Je souffre de plus en plus. Je brûle intérieurement. Je crache du sang. J'entends des cris; d'autres hommes entrent dans la salle. Je vomis littéralement du sang. Je ne survivrai pas.
Je suis à l'agonie, dans quelques instants ce sera l'absolution, donnée par le Seigneur.
Mes paupières sont lourdes, mon cœur bat de plus en plus vite Je ne tiendrai pas. Je suis transportée par des dizaines de bras. Je m'efforce de rester éveillée. On m'emmène dans une autre salle. Un Leveinard m'attend dedans. Je vais mourir. Plus aucun espoir. Je suis ensanglantée. Je suis déposée lourdement sur une grosse table. Le scientifique est à mon côté et me prends la patte. Je vois des gens passer devant moi avec des fils, des fioles, des outils, des tubes, et des aiguilles.
*Bip* *Bip* *Bip* *Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Je ne tiens plus.
« Un défibrillateur ! Vite ! Ce Leveinard ne sert à rien !
- Le voilà !
- Vite ! Utilisez-le ! Allez ! Reste avec nous Kangourex ! Résiste ! Allez !
- Prêt ! Allez !
BRROOOOMMM
- Recharge ! Prêt !
BRROOOOMMM
- Recharge ! Prêt !
BRROOOOMMM
- Allez Kangourex !
- Recharge ! Prêt !
BRROOOOMMM
- Allez bon Dieu ! Tiens bon !
- Recharge ! Pr..."
Le néant, voilà mon milieu actuel. On m'a peut-être prise pour un cobaye, mais je ne doute plus de ce que j'aurais pu faire. J'aurais pu écarter les barreaux de ma cage, j'aurais pu tuer ces scientifiques, j'aurais pu casser tout leur matériel, j'aurais pu détruire des salles entières, j'aurais pu faire tant de choses. Hélas, les forces qu'il me reste sont si faibles. La vie allait me faire payer mon indifférence à son égard. Il aurait fallu que je tente de survivre, plutôt que de me laisser vivre. Etait-il vraiment trop tard ? Ne pouvais-je pas remobiliser mes organes ? Mes muscles ? Etaient-ils déjà atrophiés ?
"Elle revient ! Elle revient ! Son œil a bougé !
- Monsieur, non, Kangourex est partie.
- Non je l'ai vue bouger, elle est là, elle est revenuz !
- Monsieur, calmez-vous, nous avons tenté seize réanimations, sans succès.
- Je l'ai vu vous dis-je ! Regardez ! Elle bouge la patte !
- Ce sont des hallucinations Monsieur, cette Kangourex n'est plus.
- Mais non regardez !
- Venez Monsieur, venez avec nous.
- Mais, mais... »
Des hommes traînaient le scientifique hors de la salle, il criait dans le couloir encore maculé de mon sang. J'avais laissé un beau carnage derrière moi. L'homme s'occupait de moi depuis tant d'années. Il m'affectionnait particulièrement. Je devinais ma perte comme un bouleversement. Il m'avait connue toute petite, puisqu'il s'occupait de ma mère. Cette dernière était partie d'un étouffement, tel celui qui m'avait atteinte. Le destin peut alors paraître, dés la naissance, déjà tout tracé.
Mais ce n'était pas mon avis.
*Bip* *Bip*
J'ouvris les yeux. Je suis toujours dans la même salle, maintenant obscure. Je bouge un bras et l'observe, il est méconnaissable, et ensanglanté. Je suis habillée d'une étrange blouse. Je baigne dans mon propre sang. Je décide de me lever, à chaque geste, ma tête tourne. Je finis par me mettre debout. Mes jambes tentent de me lâcher mais je tiens bon. Je marche. J'ouvre la porte, et sors de cette pièce. Il n'y a personne dans le couloir, j'en profite pour chercher la sortie. Je découvre une porte de secours. Je sors par là. Un escalier se dresse devant moi, je le grimpe lentement, par peur de me voir trébucher à chaque instant. Je découvre une porte, je la franchis et me retrouve face au monde extérieur.
L'air libre me rafraîchit la tête, je fais quelques pas dans la terre molle et constate que c'est plus agréable que le sol de ma cage. Je marche, j'accélère un tantinet, puis commencer à courir. Le vent me fait prendre conscience de ma vitesse. Puis soudain, je trébuche, mais parviens à me rattraper sur une roche. Je me relève, et recommence à marcher. Je me débarrasse de cette blouse immonde, la jette au vent.
Non, le destin n'est jamais tout tracé.