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Vengeance ! de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 25/05/2010 à 20:25
» Dernière mise à jour le 24/10/2012 à 20:54

» Mots-clés :   Sinnoh

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Une amie ?
Dix ans auparavant, école primaire de Litorella

« Léo ! »

Encore ? Pitié, dîtes-moi que non…

« Je te provoque en duel ! Tu acceptes ou…
– Oui, je veux bien relever le défi… » je fais, d'une voix lasse.

Pourquoi, mais pourquoi cherche-t-on toujours à me provoquer en duel ? Je me retourne pour découvrir la fillette qui m'a adressé la parole, et qui, désormais, hurle à haute voix, à l'attention de tous les élèves présents dans la cour de récré, qu'un énième défi contre moi va se dérouler. Elle se tourne ensuite vers moi. Il s'agit encore de Sarah.

« Bon, tu connais les règles, inutile de te les rappeler… Quoique…
– Non, battons-nous tout de suite. Je les connais parfaitement !
– Tu es si pressé de perdre ? ironise la petite peste.
– Tu sais aussi bien que moi que… je siffle entre mes dents.
– Que quoi ?
– Non, laisse tomber… »

Un cercle dense d'enfants nous entoure à présent.

« Bon, combat avec un seul Pokémon… Le premier qui tombe K.O. ou qui est retiré du combat par son dresseur perd. C'est clair ? »

J'approuve d'un signe de tête. Les règles habituelles, quoi !

« Tu sais, tu peux encore renoncer… »

Des ricanements s'élèvent de la foule environnante.

« Bon, j'ai choisi mon Pokémon… continue-t-elle sans me laisser le temps de répliquer. Et toi ? »

Je reste silencieux.

« Que le combat commence ! » s'exclame Sarah, en lançant sa Pokéball d'où jaillit un Pichu qui, si les circonstances avaient été différentes, j'aurais trouvé mignon.

Je saisis ma seule et unique Pokéball – difficile d'élargir son équipe avec un Magicarpe –, cherche le moyen de faire tourner cette mascarade à mon avantage, pour enfin y renoncer. Comme d'habitude. Mais je trouverai bien le moyen. Un jour. Je lance donc la Pokéball en disant :

« Magicarpe, go ! »

Apparition de mon Pokémon, aussitôt suivi des habituels ricanements des élèves nous encerclant, tel un troupeau de Medhyena affamé ayant enfin coincé une proie potable – voire alléchante. Magicarpe se débat sur le sol fraîchement goudronné de la cour, afin de pouvoir rivaliser avec son adversaire actuel. Mais, comme d'habitude, il n'y arrive pas.

« Pichouchou, attaque Éclair ! »

Magicarpe essaie de lutter contre l'éclair qui s'abat alors sur lui. En vain. Ça ne m'étonne pas. Un Pokémon pareil, de type Eau, qui plus est, comment pourrait-il résister contre un quelconque adversaire qui soit différent de lui ? Lorsque je ne peux plus supporter le spectacle de mon Pokémon agonisant, je lève ma Pokéball, hésite, puis le rappelle. Les rires goguenards des autres me suivent jusqu'à l'infirmerie.

« Encore ? Tu pourrais prendre plus soin de ton Magicarpe, quand même ! Va jouer avec les autres. Tu viendras le récupérer à la fin de la… »

Je suis déjà parti. Je connais par cœur ses paroles, à force de revenir à chaque récré. Je monte les escaliers qui me mènent sur le toit du bâtiment. Heureusement que les surveillants n'arpentent pas les couloirs pendant les récréations…

Lorsque j'atteins la dernière marche de l'escalier, je cours m'allonger sur le vieux banc, qui, à son habitude, grince sous mon poids, et là, je m'effondre. Je pleure silencieusement – il ne manquerait plus que l'on me traite de fillette. Je suis tellement occupé à me lamenter sur mon sort que je n'entends pas que l'on vient vers moi.

« Je… C'est toi Léo ? »

J'ai envie de répondre que non, que Léo, ce n'est pas moi, mais malheureusement, je n'ai pas été élevé ainsi; en effet, on m'a toujours poussé à dire oui, à exaucer le moindre vœu qu'autrui pouvait avoir. Je suis si chamboulé que la présence d'une personne ici ne me surprend même pas.

« Alors ? s'impatiente la nouvelle venue.
– Oui… c'est moi… je fais, en sanglotant, la mine sombre. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu me veux ? »

À travers mes yeux embués, je parviens à distinguer la silhouette féminine de mon interlocutrice. Je suis étonné du fait qu'il s'agisse d'une fille de mon âge.

« Je suis nouvelle ici… »

Super… Une ennemie de plus…

« Pourquoi est-ce que tu pleures ?
– Ne me dis pas que tu n'as pas assisté à ce qui s'est passé…
– Eh bien, je ne suis pas vraiment du genre à vouloir me faire remarquer… Autrement dit, il était hors de question de me mêler à cette foule d'élève. Et puis, comme tu étais seul et que la foule ne se dispersait que très lentement, je t'ai suivi… Désolée de t'avoir surpris…
– Il n'y a pas de mal…
– Je tenais quand même à m'excuser… C'est une question…
– … de principe… je finis, à sa place.
– Mais tu n'as pas répondu à ma question…
– Tu aurais mieux fait de te mêler à la foule… Heureusement pour toi, les autres ne t'ont pas encore remarquée… Tu peux encore rebrousser chemin…
– Pourquoi devrais-je rebrousser chemin ?
– Eh bien, disons que tu te feras plus remarquer si tu… si on… enfin, tu saisis, non ?
– Hum, pas vraiment…
– Tu gagneras plus en discrétion en te mêlant à la foule que tu as fuie…
– Comment ça ?
– Tu verras par toi-même… Mais crois-moi, tu ferais mieux de suivre mon conseil…
– Je ne fais pas confiance aux inconnus… me dit-elle, avec un mystérieux sourire.
– Je t'aurais prévenue... »

La sonnerie retentit alors, je me lève du banc, m'essuie les yeux du revers de la main et me rend à l'infirmerie, suivi de cette étrange fillette.

« Tu t'appelles comment ? je lui demande en dévalant les escaliers, sans ralentir ma course.
– Loraine… »

Joli nom…
Je récupère mon Magicarpe, puis je me dirige vers mas salle de classe, Loraine sur mes talons. Lorsqu'elle m'interroge sur la raison de la présence de mon Magicarpe à l'infirmerie, je ne lui réponds pas. Elle le saura bien assez tôt…

Lorsque nous ne sommes plus qu'à quelques pas de la porte de notre classe, je me stoppe net.

« Qu'y a-t-il ? me demande alors Loraine, en s'arrêtant à ma hauteur. Tu es déjà essoufflé, ou bien tu détestes les cours ? »

Sans s'en douter, elle n'est pas loin de la vérité.

« Rien de tout cela.
– Alors pourquoi tu t'arrêtes ?
– Pour que tu passes devant… »

Loraine me lance un regard bizarre, signifiant qu'elle ne comprend pas. Je la pousse alors doucement vers la porte, en faisant mine de la suivre. Bien entendu, je la laisse entrer toute seule dans la classe. Je compte cinq secondes dans ma tête, puis je pénètre dans la salle de classe. Loraine accapare toute l'attention – la maîtresse n'a pas daigné m'attendre, n'ayant pas remarqué mon absence –, si bien que, pour la première fois depuis longtemps, j'ai l'impression de redevenir… normal. N'ayant pas pris le temps de détailler Loraine, je lui jette un rapide coup d'œil. Rousse, mince, intelligente, bien élevée… une fille un peu moins banale que la normale, voilà tout…

« Bien, va t'asseoir maintenant… » lui dit la maîtresse après avoir présenté la nouvelle élève.

Je sens le cauchemar recommencer lorsque je vois la nouvelle se diriger vers moi. Il y a effectivement une place libre à côté de moi, mais ce n'est pas une raison pour la prendre ! Je lance un bref regard dissuasif à Loraine, qui l'ignore. N'aurait-elle pas suffisamment de jugeote pour remarquer que, si deux tables ne sont occupées que par un élève chacune, et que si l'une de ces deux tables est visiblement isolée des autres tables occupées, c'est qu'il règne une certaine… tension entre cet élève isolé et le groupe classe ? Elle me semble pourtant l'avoir remarqué. Que lui passe-t-il donc par la tête ? Je sens les regards des élèves se poser sur elle puis sur moi, et inversement. Ils ne comprenaient pas.

« Tu vas regretter d'avoir fait ça… je chuchote à ma voisine, lorsque la maîtresse commence son cours.
– D'avoir fait quoi ? réplique innocemment la fillette.
– Tu vois très bien de quoi je parle… Enfin… je t'aurais prévenue… »

Je sens le regard de Loraine m'observer attentivement. Bizarrement, la maîtresse ne semble pas remarquer sa distraction ; je le regrette presque. Les deux heures de cours passent si vite que je m'attarde inhabituellement à ranger mon sac, pendant que Loraine m'attend dehors. La maîtresse semble d'abord surprise, puis elle reporte son attention sur la feuille sur son bureau. Je sens les regards dédaigneux de mes camarades se poser sur moi avant de quitter la classe. Alors que je m'apprête moi aussi à sortir de la salle de classe, la maîtresse m'interpelle.

« Léo ? »

Je me retourne nonchalamment.

« Oui madame ?
– Il paraît que tu as encore fait soigner ton Magicarpe à l'infirmerie ? »

Décidément, les nouvelles vont vite… À moins qu'elle ne soit tellement habituée à ce que j'aille à l'infirmerie qu'elle ne sait plus si on lui a dit ou pas qu'aujourd'hui, j'y suis encore allé. Ma réflexion me tire un sourire.

« Oui madame…
– Que lui fais-tu donc pour que…
– Vous le savez bien madame…
– Non, pas du tout !
– Si madame, vous savez bien que les combats Pokémon sont une banalité, et que je ne suis pas vraiment très disposé à refuser les défis qu'on me lance… »

Elle me contemple, éberluée. Je suis moi-même étonné de la longueur de ma phrase.

« Peut-être, fait-elle finalement, mais à force de toujours sortir K.O. de ces combats, ton Magicarpe finira par…
– Ne vous en faîtes pas pour lui, M'dame, il ne risque rien… » je lui assure, en sortant précipitamment de la classe.

Une fois dans le couloir, je me retourne et demande à Loraine :

« Pourquoi est-ce que tu m'as attendu ?
– Pourquoi es-tu si agressif, toi ? »

Soudain, on m'interpelle. Et ça continue…

« J'arrive ! je lance par-dessus mon épaule.
– Ainsi, ce n'est pas la première fois que ton Magicarpe est K.O. ? m'interroge Loraine.
– On peut dire ça comme ça… Bon, maintenant, écoute-moi ! Tu te trouves dans un sacré pétrin, et si tu veux sortir de l'école ce soir dans… dans un état convenable, tu as intérêt à faire ce que je vais te dire… D'accord ?
– À quoi riment tes paroles ?
– Il va falloir à tout prix que tu te fondes dans la foule d'élèves qui va bientôt se former…
– Mais… De quoi tu parles ?
– Écoute-moi ! Ce n'est pas une question de vie ou de mort, c'est bien pire que ça, tu m'entends ? je m'emporte. Tu me jures d'imiter la moindre attitude du premier élève moyen que tu rencontreras une fois dans la cour, quelle qu'elle soit ? Tu me jures que dès que l'on sortira, tu t'éloigneras le plus vite possible de moi ?
– Mais… pourquoi je ferais ça ?
– Écoute, si tu ne veux pas le faire, ne le fais pas, mais je tiens vraiment à ce que tu suives mon conseil… Ignore tous les autres que je pourrais te donner à l'avenir si ça te plaît, mais celui-là, suis-le !
– Mais… Pourquoi je…
– Pour ton bien-être… je la coupe. Simplement pour ton bien-être…
– Tu ne réponds pas encore à ma question ! »

Je me dirige vers la porte de sortie et me retrouve dans la cour de récré.
Elle saura bien assez tôt le pourquoi de mon conseil…

« Je suis prêt ! » je lance à Nicolas, le camarade qui m'avait auparavant interpellé.

Les élèves forment peu à peu un cercle autour de nous. Je scrute l'assemblée discrètement, espérant apercevoir Loraine. Mais je ne la vois pas. Tant mieux ; d'un côté, plus elle sera à l'abri du secret, plus elle sera « en sécurité ». Je reporte mon attention sur mon adversaire. Si mes souvenirs sont bons, il possède un Rattata. Si je veux le battre, il me faudrait donc un…

Voilà que je mets une stratégie en place, maintenant ! Ça, pour une surprise ! Mais je ne possède qu'un Magicarpe et, par conséquent, inutile de penser qu'un jour, je puisse agrandir mon équipe Pokémon !

J'ai l'impression de débloquer. Bizarre. C'est vrai que c'est la première fois que je songe à une stratégie…

« Pourquoi souris-tu ? me demande Nicolas. Tu prends plaisir à perdre, maintenant ? »

Je souriais ? Ça me fait une belle jambe, tiens…

« Bon, en place ! » ordonne-t-il.

Je me mets en position.

« À mon signal, celui qui sort le premier son Pokémon de sa Pokéball commence avec un bonus ! »

Un bonus ?

« Go ! » dit le garçon, sans me laisser le temps de demander des explications.

Bien entendu, c'est lui le premier à faire apparaître son Pokémon.

« Hahahaha ! J'ai gagné !
– Le bonus ! Le bonus ! Le bonus ! » scande la foule.

Mais quel est donc ce fameux bonus ? Suis-je le seul à ne pas être au courant des règles du jeu ?

« Comme mon Pokémon est apparu le premier, j'ai le droit de choisir un élève afin qu'il m'aide à mettre K.O. ton Pokémon ! »

Si ça peut lui faire plaisir… Soudain, j'ai comme un mauvais pressentiment ; une idée se fraye un chemin dans mon esprit fermé au maximum à toute douleur morale. Mais je n'ai pas le temps de prendre connaissance de cette idée : elle éclate au grand jour avant que je n'aie eu le temps de l'analyser dans mon esprit.

« Je choisis Loraine ! »

Oh non ! Tout mais pas ça ! Elle était vraiment là, alors ? Mais comment une idée aussi diabolique, aussi vilaine peut-elle être le fruit d'un cerveau d'enfant ? Je vois la fillette aux cheveux roux être poussée par les autres élèves. Elle est apeurée. Dans quel pétrin l'ai-je donc entraînée ? Et d'abord, que fait-elle ici ? Pourquoi est-elle tout à coup dans cette école ? Des tas de questions sans réponses se bousculent dans ma tête.
Je ferme très fort les yeux, pense très fort à Loraine, en espérant que, si je pense très fort un message, elle le percevra…

« Loraine, désormais, ton sort est entre tes mains… De la scène qui va suivre dépendra toute ta vie. Ta destinée. Fais le bon choix. Obéis-lui. Même si cela implique quelque chose de… de méchant, susceptible de me blesser… »

Je répète plusieurs fois le message dans ma tête. Pourvu qu'elle le reçoive. Mais bon, obstinée comme elle est, elle serait capable de n'en faire qu'à sa tête, et donc, de me désobéir. Je m'arrête par conséquent d'essayer de l'avertir de ce qui va se passer. Laissons-là choisir elle-même sa voie… et pourvu que cette voie soit la bonne…

« Bon, les règles sont simples, commence Nicolas, en s'adressant aussi bien à moi qu'à Loraine et la foule. Léo va lancer sa Pokéball, et son Pokémon en sortira. Nous devrons
essayer de nous en débarrasser avant qu'il ne le rappelle. C'est d'accord ? »

J'acquiesce. À quoi bon refuser l'offre ? Nicolas se tourne alors vers Loraine. Elle ne comprend rien à ce qui se passe. Elle nous regarde tour à tour, Nicolas et moi. Elle devait sans doute se demander à quoi on jouait. Je lui lance un regard las, légèrement teinté de haine, histoire qu'elle se décide, et dans le sens que je souhaiterais qu'elle avance. Je ne me fais pas non plus beaucoup d'illusion. Mais bon, on peut toujours rêver…

« Mais… je n'ai pas de Pokémon… » fait timidement Loraine.

C'était à mon tour de me demander à quel jeu elle jouait. À présent, la foule tout entière la huait.

« Vraiment ? Quel est alors cet objet qui est accroché à ta ceinture ? Une balle de ping-pong, peut-être ? » ironise Nicolas.

Tous les élèves éclatent de rire. Tous excepté moi. Quant à Loraine, elle rougit. Qu'est-ce qui lui prend de mentir, tout à coup ?

« Alors ?
– Cette Pokéball-ci est vide…
– Vraiment ? Dis plutôt que tu as peur que tout le monde se moque de ton Pokémon… »

J'espère qu'elle dit vrai, que sa Pokéball est bel et bien vide. Et si Nicolas a en fait raison, j'espère que son Pokémon n'est pas un Magicarpe…
La fille aux longs cheveux roux plonge son regard dans le mien. Il faut avouer que ces élèves peuvent paraître assez… déroutants. Mais bon… on s'y habitue ; j'en suis la preuve vivante. Je rends son regard à Loraine, un regard désolé, afin qu'elle comprenne que je ne peux rien pour elle. Il va falloir qu'elle se tire toue seule de cette situation inhabituelle. Elle pose sa main sur sa Pokéball… Ainsi, Nicolas disait vrai, elle possédait un Pokémon ? Elle la prend dans sa paume, la fait rouler dans sa main, la frôle de chacun de ses doigts. Elle semble hésiter… mais entre quoi et quoi ? Elle lance finalement sa Pokéball d'où sort… rien.

« Bon, très bien, fait mon adversaire. Est-ce que quelqu'un veut bien prêter son Pokémon à Loraine, pour qu'elle nous montre de quoi elle est capable ? »

Aucune main ne se lève.

« Dois-je vous rappeler qu'à chaque fin de match, le Pokémon sortant vainqueur obtient des points d'expérience, et que plus votre Pokémon en aura, plus il sera puissant ? »

Aussitôt, des Pokéball fusent de partout pour atterrir aux pieds de Loraine. À présent, tout le monde la fixe. Elle sait ce qu'on attend d'elle, mais hésite visiblement à le faire. C'est ce qu'on appelle une « grande indécise », je crois…

Elle se penche, ramasse l'une des Pokéball avant de la manier délicatement entre ses doigts. Elle la jette en direction de la foule. Comme par hasard, elle atterrit dans les mains de son dresseur. Elle en saisit une autre, la soupèse, la renvoie à son propriétaire. Le manège se répète jusqu'à ce que seulement une seule Pokéball reste – elle avait auparavant récupéré la sienne. Les élèves – moi y compris – sont figés, stupéfaits par ce dont ils viennent d'être témoins.

Elle se relève enfin, un maigre sourire aux lèvres. Elle est satisfaite de son choix. J'ai l'impression qu'elle sait exactement le Pokémon que la Pokéball choisie contient. J'ai un nouveau mauvais pressentiment. Elle lance la Pokéball. Tous les élèves retiennent leur souffle. Moi le premier.

Pichouchou jaillit de la Pokéball.

La totalité des élèves a les yeux rivés sur Loraine. Comment a-t-elle donc su à qui appartenait chaque Pokéball ? Et surtout, pourquoi a-t-elle choisi ce Pokémon particulier ? Avait-elle été finalement témoin de ma défaite ? Est-ce que…

L'atmosphère se détend soudain ; j'ai l'impression que tout le monde a miraculeusement oublié la prouesse – si on peut appeler ça comme ça – de la fillette. Tout le monde sauf moi. Mais que se passe-t-il donc ?

Je me concentre tant bien que mal sur le combat qui va à présent se dérouler. Tout semble se passer comme s'il n'y avait eu que Sarah à proposer sa Pokéball. Personne n'a plus trace de cette surprise croissante dans son regard. Aurais-je rêvé ?

« Bon. Vous êtes prêts ? » nous demande Nicolas.

Je fais oui de la tête.

« Oui, dit simplement la petite fille rousse.
– Alors vas-y, Léo, lance ta Pokéball ! »

J'obéis.

« Rattata, go ! lance le garçon tandis que Magicarpe sort de sa Pokéball.
– Vas-y Pichouchou ! »

Personne ne paraît troublé du fait qu'elle connaisse le surnom du Pokémon de Sarah.
Rattata bondit et… Quoi ? Je rêve ou Pichouchou vient de lancer l'attaque Éclair sur Rattata ? Ce dernier se redresse péniblement, presque K.O. Je n'en crois pas mes yeux. Les autres élèves non plus. Sarah émerge de la foule pour rappeler son Pichu, catastrophée. Quant à Nicolas, celui-ci récupère son Rattata et se dirige lentement vers l'infirmerie. Une fois encore, personne ne saisit la situation. Mais que se passe-t-il donc ? La foule se dissout sans un mot, comme si de rien n'était. Loraine ne bouge pas d'un pouce. Moi non plus. J'essaie de comprendre la cause de cette situation inhabituelle. Je n'y parviens pas. Je ne sais combien de temps nous restons ainsi, Loraine et moi. Toujours est-il qu'à un moment, elle se dirige vers moi.

« Je suis désolée de t'avoir causé autant de soucis… » me confie-t-elle.

Quels soucis ?

« Eh bien… le fait d'être intervenue dans ta vie t'as pas mal perturbé, pas vrai ? Je tenais simplement à m'en excuser, voilà tout… »

Je… Elle vient de lire mes pensées, là, non ?

« Bon, eh bien, il est temps de nous dire au revoir…
– Au revoir ? Comment ça ? P…
– Ne me dis pas que tu… »

Que je quoi ?

« Je… je suis réellement désolée. Ça n'aurait pas dû… Je… Nous n'aurions jamais dû… »

Mais de quoi parle-t-elle ?

« Il est impératif que l'on se sépare…
– Pourquoi ?
– Je… Tu n'aurais jamais dû t'attacher autant à moi… »

Mais… je ne suis pas attaché à elle !

« Tu ne le sauras que lorsque je serais partie…
– Mais… »

Elle me tourne le dos et se rend d'un pas énergique vers le portail. Je l'y devance.

« Ne m'empêche surtout pas de m'en aller !
– Pourquoi ?
– Il est vital pour toi que je m'en aille ! Fais-le pour moi… Pour nous… »

Je suis déconcerté par ses paroles. Comment ça… pour nous ?

« Nous reverrons-nous bientôt ? je lui demande, incrédule, alors qu'elle ferme le portail derrière elle – comment l'a-t-elle ouvert d'abord ?
– Nous nous reverrons… dit Loraine. Mais pas aussi tôt que tu le penses… »

Elle s'en va, sans un regard en arrière, tandis que je la regarde s'éloigner, toujours derrière le portail, après avoir vainement essayé de l'ouvrir.