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Héritage (One-Shot) de dragibus57



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Informations

» Auteur : dragibus57 - Voir le profil
» Créé le 25/02/2010 à 12:56
» Dernière mise à jour le 03/06/2010 à 02:47

» Mots-clés :   Absence de combats   Drame   One-shot   Song-fic

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Héritage
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Version pour les lecteurs qui n'ont pas le temps…
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« Benjamin Balza ! Arrête de faire ta mauvaise tête et écoute-moi jusqu'au bout !»
La voix venait du fond du lit, frêle, mais encore ferme et autoritaire.
L'adolescent assis sur le bord de la couette, 14 ans et la mine boudeuse, était en train de tournicoter consciencieusement un coin du drap. Il consentit néanmoins à lever ses yeux gris vers sa grand-mère, mais garda les sourcils froncés en signe de protestation.

Ah ! Elle reconnaissait bien là un trait de caractère familial… L'entêtement… Qui pouvait aussi se révéler une qualité : de l'entêtement à la persévérance, il n'y a qu'un pas…
« Voilà, c'est mieux… Mon petit Benji, il faut regarder la vérité en face : je n'en ai plus pour longtemps. Je te demande ça comme un service… »

La vieille dame se tenait bien droite, le dos calé par plusieurs oreillers, et parlait d'un ton radouci mais déterminé. Elle offrait une image très digne dans sa chemise de nuit blanche brodée et garnie de dentelles. Le matin-même, elle avait insisté pour faire une toilette complète et avait tenu à se faire coiffer en prévision des visites. Il était hors de question qu'elle offre une image négligée à sa famille, même dans ses derniers moments.

Car il s'agissait bien de cela, ses derniers instants de vie. Elle le savait, elle le sentait au plus profond d'elle-même. La Grande Lumière, l'Appel de Dieu, l'Au-Delà, l'Autre Côté, le Grand Saut … Peu importe le nom qu'on lui donne, le moment était venu pour elle de quitter cette Terre et surtout, surtout … ceux qu'elle chérissait.

Son petit-fils en particulier, chair de sa chair et fierté de sa vie. Unique et dernier descendant de la famille, promesse de la perpétuation du nom, symbole de la jeunesse et de l'avenir.
Ce petit-fils qui se tenait actuellement près d'elle, qu'elle avait en partie élevé alors que ses parents travaillaient, à qui elle avait donné du temps, de la patience et de l'amour. Et plus encore.
Ce petit-fils à l'esprit leste, prometteur, en qui elle retrouvait des traits familiers si chers à son cœur. Déjà grand pour son âge, beau gosse, il serait plus tard le portrait craché de son grand-père.
Ce petit-fils qu'elle avait une envie folle de prendre sur ses genoux, comme lorsqu'il était encore un tout-petit. Mais qu'elle était à présent trop faible pour ne serait-ce que le serrer dans ses bras, se contentant de lui ébouriffer la crinière et de lui déposer un léger baiser sur le front au moment du départ.

Visiblement, le jeune garçon ne comprenait pas ce qu'elle était en train de lui annoncer. Ou refusait de comprendre.
« Mais Mamie ! Pourquoi je devrais m'occuper de ton Pokémon ? Pourquoi tu ne le gardes pas avec toi ? Ils les acceptent bien ici !
Décidément, elle allait devoir se montrer plus explicite…
- Benjamin, tu n'as pas écouté ce que je viens de te dire. Je n'en ai plus pour longtemps, ça signifie que je vais bientôt mourir… Et j'aimerais que ce soit toi qui prennes soin de Beauty.
- Non ! Non, non et non ! Je ne veux pas de ta feunarde !
- Mais pourquoi ? C'est un bon Pokémon, que j'ai déjà commencé à entraîner et dont les résultats sont très encourageants.

Les mots se bousculaient sur les lèvres tremblantes du garçon, mais ils enflaient, mordants, rageurs, gonflés de colère contenue :
- J'ai déjà un Caninos… J'ai pas besoin en plus d'un Feunard… Je veux aussi garder du temps pour moi… Et puis… Je veux devenir dresseur… Pas coordinateur comme toi… Et d'abord… J'aime pas ton Pokémon !... Il a un nom débile !!... Et… Et… Je… Je veux pas que tu meures !!!
Le garçon lança à sa grand-mère un dernier regard brûlant de ressentiment et de frustration mélangés...
… Et finit par s'écrouler en larmes sur le lit, ses jeunes bras aux muscles déjà fermes enserrant convulsivement le corps amaigri et fragile de la vieille dame.
- Là, là… Pleure… Mon petit… » murmura-t-elle plusieurs fois en lui caressant doucement les cheveux.

La scène l'avait épuisée. Physiquement et nerveusement. Mais elle était nécessaire. Il fallait qu'elle passe la main, le relais : son cœur ne tiendrait plus longtemps.
Ses problèmes cardiaques ne dataient pas d'hier, elle avait déjà subi une importante opération, mais elle ne s'en remettait pas vraiment. Oh, elle était bien soignée, elle ne pouvait pas dire le contraire ! Cependant, elle avait perdu ce petit quelque chose, cette étincelle de vie qui l'avait jusque-là poussée vers l'avant.
Elle qui en son temps avait été une battante, une coordinatrice d'exception, ne ressentait plus cette soif de vivre, cette envie de voir plus loin et de faire des projets.
Elle était lasse. Tout simplement.

Elle avait progressivement perdu l'appétit, trouvant le même goût à tous les plats. Et elle avait commencé à perdre du poids, jusqu'à devenir bientôt trop faible pour pouvoir sortir de son lit.
Chaque geste du quotidien, la toilette, les repas, exigeait un effort de la part de ses muscles atrophiés.
On la portait encore quotidiennement sur le grand fauteuil de la chambre, devant la fenêtre, mais elle y restait de moins en moins longtemps.
Elle était si fatiguée…

« Là, là… Pleure… Mon petit… »
Les mots et le geste, répétés encore et encore, agirent comme un baume apaisant.
Les sanglots s'espacèrent peu à peu et le garçon se redressa. Il essaya de se redonner une contenance, renifla un peu et s'essuya les yeux d'un revers de manche avant d'oser regarder à nouveau sa grand-mère.
D'un air résigné, mais serein cette-fois.
De son côté, elle l'accueillit d'un sourire affectueux, mais usé.

**************************************************************
Le lendemain matin, dans la maison des Balza :
« Benji, mon grand, je n'ai pas de bonnes nouvelles : Mamie nous a quittés cette nuit… »
Le garçon resta un bon moment sans voix, incapable du moindre mot tant l'émotion étreignait sa gorge.
Puis la mère et le fils tombèrent dans les bras l'un de l'autre, pleurant longuement, se réconfortant mutuellement, jusqu'à ce que les larmes soient taries et laissent place à la douleur de l'absence.

L'adolescent sortit alors une Pokéball de sa poche, s'accroupit et en fit jaillir un superbe Feunard au pelage mordoré et soyeux. Ils se regardèrent longuement, les yeux dans les yeux, en silence.
Puis le jeune garçon ouvrit les bras et la femelle vint s'y blottir, posant son museau délicat et humide au creux de l'épaule de son nouvel ami.

Dans les jours qui suivirent, Benjamin s'enfonça dans le chagrin.
Il dormait peu, mangeait peu, ne sortait quasiment plus, passant de longues heures seul dans sa chambre, à ruminer sur son lit.
Il était assailli par toutes sortes de sentiments, qu'il n'arrivait pas toujours à identifier. Remords, regrets, nostalgie, manque…

C'était aussi le moment où les souvenirs affluaient en masse. Il y avait d'abord ceux de la petite enfance.
Cette odeur de lavande que sa grand-mère avait l'habitude d'utiliser pour parfumer les draps de son lit. Le goût de ce gâteau qu'elle faisait régulièrement parce qu'il en raffolait. Ce geste si particulier pour remonter la mèche de cheveux qui glissait de sa coiffure. Cette manie qu'elle avait d'ajouter « comment dire ? » au milieu de ses phrases. Cette façon exaspérante de s'arrêter au moment le plus palpitant des histoires qu'elle lui racontait avant de s'endormir…

Des conversations plus récentes lui revenaient également en mémoire.
Les qualités que sa grand-mère attendait d'un bon Pokémon de Concours. La façon dont elle entraînait ses protégés, en tenant compte de la nature et de la personnalité de chacun. Ce respect qu'elle avait pour tous, quelles que soient leurs performances. Les devoirs qu'elle exigeait de tout coordinateur ou dresseur qui se respecte.
A commencer par elle-même.

Durant tout ce temps, la femelle Feunard resta à ses côtés.
Elle se couchait contre lui, le réconfortant de sa chaleur et de sa présence. Elle lui léchait affectueusement la main quand les larmes débordaient de ses yeux fixés au plafond. Elle jappait gentiment pour lui rappeler l'heure des repas et le tirait par la manche quand il rechignait à se lever.
Patiente, attentive et aimante, elle attendait qu'il ait fait son deuil.

Finalement, il sortit de sa léthargie, comme après une longue hibernation. L'esprit encore titubant, mais déterminé, il s'occupa de ses Pokémon comme il ne l'avait encore jamais fait jusque là.
Il commença par leur donner un petit nom affectueux, les baigna, les brossa, les câlina.
Il les sortit régulièrement, quel que soit le temps ou l'heure, leur cuisina lui-même des repas équilibrés et goûteux.
Il leur donna tout l'amour dont il était capable. Et ils le lui rendirent bien.
Il mit en pratique les précieux conseils que sa grand-mère lui avait donnés avant de mourir et suivit le chemin qu'elle avait patiemment tracé pour lui.

Quand il remporta son premier Concours, il prit la décision qui allait changer le cours de sa vie.
Il deviendrait historien : Prof. Balza, historien scientifique de la Cinquième Génération.
Il graverait l'Histoire des Pokémon.
Pour la transmettre aux générations futures.

Lorsqu'il passa le Ruban au cou de la feunarde, il la serra très fort dans ses bras, enfouissant ses larmes dans le pelage doux et odorant.
« Ma Didou… » murmura-t-il.
Elle représentait pour lui le plus précieux des héritages.


Dédié à un Ami