De nouveau ... une lettre
Le trajet sembla durer une éternité pour Thomas. Maxime ne voulait pas lui dire de quoi il s'agissait mais avait insisté sur le fait que Marie allait bien… en tout cas physiquement.
Qu'est-ce que tu fais en ce moment ? Ma chérie, pourquoi est-ce que le destin s'en prend à toi ? Après tout ce que tu as vécu… Cette lettre, cette agression… Et maintenant, les deux à la fois. Comment peut-on vouloir te faire du mal… Pourquoi ?
En arrivant à la gare de Monche-Ville, il sortit précipitamment du train et courut vers sa maison. Maxime ne jugeait pas opportun de l'imiter et se contenta de le suivre en marchant assez vite. En quelques minutes Thomas était arrivé devant chez lui. Le souffle court, il ouvrit la porte. Il entendit des chuchotements dans le salon et s'y rendit. Marie était sur le canapé, recroquevillée, les mains sur les genoux et la tête penchée, tremblante. Juste à côté d'elle, Léa qui lui parlait doucement et lui caressant les cheveux et, de l'autre côté, Luna, qui lui frottait le dos. En voyant Thomas, Marie sauta précipitamment du canapé et courut vers lui pour se jeter dans ses bras. Là, elle fondit en larmes. Tom la serra contre lui, la sentant trembler. Maxime venait d'entrer dans la maison et referma la porte. Il rentra dans le salon et prit un bout de papier qui était posé sur la table. Il le tendit à Thomas mais Marie releva la tête :
-Non Maxime, ne lui fais pas lire ça !
-Du calme choupinette, chuchota Thomas en la caressant.
Toujours debout, Marie dans son bras gauche, il parcourut la lettre. Elle n'était pas très longue, et l'écriture était petite et nerveuse :
Cher ami,
Il n'est pas de sentiment plus éternel que la haine. Ce fluide brûlant qui parcourt le corps se propage jusqu'à l'extrémité des membres comme une crue soudaine envahit la moindre ruelle d'un village maintenant ravagé et se retire en ne laissant que désolation et misère. Et, en cet instant, je me souviens. Je me souviens d'un homme qui me fit envahir lui aussi par la haine, qui ravagea pensées, projets, désirs, envies. Marc Bratin ne pouvait qu'engendrer une créature aussi dévastatrice, voire plus, que lui-même.
Thomas, tu me causes beaucoup de soucis, car tu vis. Elle aussi, elle vit, et ne devrait pourtant pas. Je sais ce qu'il adviendra de toi. Dans quelques années tu reprendras le flambeau de ton défunt père et viendra recréer ce Triumvirat qui me fit tant souffrir. Cette vision m'est insupportable, aussi devons-nous y remédier, pour le bien de ton amie, de tes amis, de ta famille, de tout ton entourage. Je te propose un rendez-vous à l'adresse indiquée sur le petit plan joint à cette lettre, le 3 Avril, à 15 heures. Il va de soit que nous serons seuls, non armés, ni de ses choses que tu dresses, ni d'armes à feu. Si tu n'es pas présent lors du rendez-vous, ton entourage diminuera.
Amicalement.
Jack Hannot
-Nom de dieu, soupira Thomas.
Un grand silence suivit sa phrase. Mais, contrairement à toute attente, le jeune homme se mit à rire. Marie recula et le regarda, étonnée.
-Tom ?
-Ne t'inquiète pas ma puce.
-Que… Tom, tu ne vas tout de même pas y aller ?
Elle avait ouvert de grands yeux pleins d'effroi. D'ailleurs elle n'était pas la seule car Laetitia et Luna le regardait, effarées. Maxime eut un petit sourire, car il comprenait parfaitement ce que ressentait son rival de tous les jours.
-Bien sûr que si. Il faut en finir une fois pour toute.
-Mais Thomas !
-Marie. Tu ne me fais pas confiance ?
-Je…
-Quand il a fallut aller les exploser dans leur usine je suis revenu, quand il a fallut te sauver, je suis revenu.
Elle secoua la tête énergiquement.
-Tu as raison ! On va pas se laisser impressionner par eux !
-Ouaip ! Au fait minable…
Il se tourna vers Maxime puis continua :
-Félix est au courant ?
-Ouais. Il t'attend.
-Ok, tu viens avec moi ?
-Ca roule.
-Et toi Marie ?
-Si ça ne te dérange pas, j'aimerais rester ici.
-Je reste avec elle ! Firent en même temps Laetitia et Luna.
-Très bien.
Quelques minutes plus tard, Maxime et Thomas arrivèrent devant l'entrepôt de Spliffman. Celui-ci n'était pas seul, Léon, Razor et Sylvain étaient tous assis dans un coin de la salle principale en train de discuter. Ils s'arrêtèrent en voyant arriver les deux jeunes hommes.
-Salut tout le monde !
-Il n'a pas l'air très affecté, chuchota Razor.
-Il a beaucoup appris de ses expériences, répondit Sylvain qui semblait absent de la conversation.
-Alors Thomas. Comment as-tu réagis ? Demanda Félix.
-Je sais pas… Energiquement ? Tiens, voici la lettre, et le plan du rendez-vous.
-Fais voir…
Après lecture de la lettre, Spliffman regarda ses collègues et tous firent un hochement de tête à l'exception de Sylvain qui semblait se désintéresser de l'affaire.
-Si j'ai bien compris, le lieu de rendez-vous se trouve à Bordeaux ? Demanda Thomas à qui on avait rendu la lettre et le plan d'accès du rendez-vous.
-Exact, pas loin du nouveau QG des Rockets, marmonna RaZoR.
-Ah… Hannot ne prends pas beaucoup de risque. Il va falloir que je fasse attention.
-Attention à quoi ? Demanda Léon.
-Et ben, attention à moi lors du rendez-vous.
Léon eut un sourire.
-Mais il est hors de question que tu t'impliques de nouveau dans nos affaires. Tu as beaucoup trop risqué et tu as faillis tout perdre.
-Justement. Les risques je les prends si je ne vais pas à ce rendez-vous.
-On va s'occuper de protéger ta maison et…
-Et ? Marie et moi allons devoir vivre la peur au ventre toute notre vie ?
-Juste le temps d'aller au QG de Bordeaux et de mettre un terme définitif aux agissements d'Hannot.
-Et j'irai avec vous.
-Et si on n'accepte pas ? Demanda Razor.
-Je n'ai pas besoin de votre avis, encore moins du tiens.
-Tss tss. Tu penses pouvoir affronter l'univers entier depuis que t'es champion de France.
-Garde tes remarques.
-Si tu es si fort que ça Bratin, alors prouve-le moi !
-C'est un défi ?
-Je crois.
Félix prit alors la parole, visiblement irrité :
-Nous n'avons pas besoin de nous battre entre nous ! Je comprends que la situation actuelle vous stresse mais nous ne pouvons pas nous permettre de…
-Combat un contre un ? La victoire n'en sera que plus éclatante, demanda Thomas à Razor sans écouter Félix.
-Ca marche. Sablaireaux, allez.
-Tygnon.
Le combat ne dura pas longtemps. Razor ordonna à son Pokémon de ne pas se laisser approcher par le Tygnon de Thomas. Celui-ci tenta plusieurs fois de contourner la défense de son adversaire mais ne parvint pas à l'approcher. Le Sablaireaux lança plusieurs fois ses Dards-Venin sur son ennemi et le terrassa avec un splendide Séisme. L'affrontement avait duré à peine 5 minutes. Thomas rappela son Pokémon sans un mot. Razor resta debout, espérant répliquer à une invective du jeune homme, mais celui-ci se contenta de retourner s'asseoir.
-Mouais, pas mal.
-Champion de France, hein ? Tss…
-Oh bravo, grand Razor. Tu es mon dieu et mon idole.
Sylvain applaudissait dans l'ombre du coin de mur près duquel il se trouvait.
-On dirait que le coach est plus vexé que le petit champion.
-Oh non. Je trouve juste que tu es quelqu'un de très fort. Tu as gagné mon respect, tu as battu le Champion de France sur un match. Ouais !
-Ecoute, je te connais même pas et je me fiche de ce que tu as fais par le passé, garde tes commentaires.
Félix haussa le ton :
-Bon, arrêtons, de toute façon nous devons êtres solidaire les uns les autres.
Léon approuva.
-Il a raison.
-Et pourquoi ? Demanda Sylvain.
-Et bien parce que nous devons être tous soudés pour aller donner un coup final aux Rockets dans leur QG de Bordeaux !
-Nous ? Qui t'as dit que je venais Félix ?
-Je… Arrête tes bêtises Sylvain !
-Arrête les tiennes Félix, je n'ai jamais dit vouloir rejoindre les Antis.
-Mais enfin, s'indigna Léon, on a besoin de vous !
-Ce n'est pas de moi dont vous avez besoin, mais de Bratin. Sans leader, vous n'êtes rien.
Léon le regarda stupéfait. Il était l'actuel leader de l'organisation et la pique lui était visiblement destinée. Ou pire, si elle ne lui était pas, c'était que le grand Sylvain Flanel ne le considérait pas même comme un chef des Antis. Ce fut cependant Razor, toujours debout, qui tua le silence.
-Dire qu'on m'a vanté vos qualités. Vous êtes plus un semeur de désordre qu'autre chose…
-Une question me vient à l'esprit, répondit Sylvain qui fit basculer sa chaise jusqu'à ce qu'elle touche le mur et qu'il puisse reposer sa tête contre la paroi, qui a commencé à vouloir se battre ici ?
-C'était pour prouver à Thomas qu'il n'avait pas à aller risquer sa vie là-bas.
-Que je sache, sa vie lui appartient et il est libre de venir ou pas.
-Que je sache, répliqua Razor en imitant Sylvain, il n'est pas un Anti et ne saura rien faire s'il se trouve nez à nez face à un monstre comme Hannot !
-Parce que toi tu as su faire quelque chose face à lui ? Je croyais que c'était grâce à l'arrivée d'une tierce personne, complètement hors du groupe des Antis, que vous avez pu avoir la vie sauvée en Mars 2004 ?
-Vous… Tu n'as rien à dire. Moi je n'abandonne pas mes amis quand ils en ont besoin.
La voix de Sylvain et son regard se firent alors glaciaux :
-A quoi tu fais allusion là ?
-Tu le sais tout comme moi.
Sylvain se leva d'un coup et sortit une Pokéball.
-Combat un contre un.
Félix et Léon s'indignèrent :
-Non, vous allez pas recommencer ! Razor, arrête tout de suite !
-Oh, après l'élève voici le coach. Si ça lui permet de rabattre son caquet !
-C'est pour te faire plaisir, fit Sylvain en souriant. Vu que les simples d'esprit comme toi croient régler les problèmes par un match.
-Simple d'esprit ? Tss… Je ne serais pas là où j'en suis si j'étais un simple d'esprit.
Sylvain se pencha et son visage s'éclaircit soudainement. Il venait d'allumer une cigarette et rangea avec une rapidité impressionnante son briquet.
-Le temps d'une clope et je te fume, c'est le cas de le dire.
-Tu ne sais pas contre qui tu te bats.
-Je crois que c'est surtout à toi de te poser cette question.
-Sablaireaux !
-Ténéfix !
-Sablaireaux, Tranche !
La vache ! Se dit Thomas, c'est la première fois que je vois Sylvain se battre contre quelqu'un d'autre que moi. Même si je le porte pas dans mon cœur, Razor est très fort. Il contrôle parfaitement ses Pokémons…
L'attaque du Sablaireaux coupa en deux le Ténéfix ennemi. Etonné, le Pokémon de Razor regarda partout autour de lui, sachant pertinemment qu'il venait de frapper dans le vide, car déjà l'adversaire qu'il venait de toucher s'était évaporé. Dès qu'il jeta un coup d'œil autour de lui, son sang se glaça. Une vingtaine de Ténéfix entourait le Sablaireaux. Cependant, Razor ne sembla pas impressionné.
-Pas de soucis, utilise ton Jet de Sable, seul l'original restera.
Son Pokémon obéit et une vague de sable recouvrit tous les Ténéfix. Ceux-ci disparurent tous à l'exception d'un seul. RaZoR sourit :
-Héhé, manque de bol, le sable va faire diminuer la précision des attaques de ton Pokémon !
-Ténéfix, ordonna Sylvain, très calme, recommence.
Thomas et les autres ne comprirent pas cet ordre. De nouveau, des dizaines de répliques de l'étrange Pokémon apparurent, mais furent à nouveau balayées par le Sablaireaux ennemi.
-C'est idiot, non seulement tu fatigues ton Pokémon pour rien, mais en plus il continue de perdre en précision. Si tu continues, il ne pourra plus rien voir !
-Tu parles trop, répliqua Sylvain.
C'est alors que Razor s'aperçut de ce que préparait son adversaire. Le Ténéfix tremblait au niveau de sa main droite et une sorte d'aura violette en sortait.
Il prépare une grosse attaque depuis tout à l'heure, pensa-t-il, il faut que je continue de l'aveugler avec mon sable et il ne pourra jamais placer son attaque. Il faut juste faire attention à que ça ne soit pas une Feinte, car il pourrait me toucher quand même. Mais non, on dirait plutôt une attaque Balle Ombre. Je n'ai rien à craindre, il n'arrivera pas à me toucher avec ça.
-Ténéfix, Reflet !
-Encore ? C'est ça le grand dresseur ? Sablaireaux, Jet de Sable à nouveau !
Encore une fois, les répliques de Ténéfix disparurent. Sylvain se mit alors à loucher.
-Hey, ma cigarette est bientôt terminée.
-Et tu n'as pas placée une attaque.
-Exact. Ténéfix, Balle Ombre !
-J'en étais sûr ! Depuis tout à l'heure tu prépares cette attaque !
Je n'ai rien à craindre, pensa Razor, il suffit que Sablaireaux se jette au bon moment. Le Ténéfix a perdu trop de précision pour pouvoir le toucher !
Le Ténéfix tendit d'un coup sa main et une boule d'énergie violette, presque noire, en sortit. Le sable qui flottait dans l'arène rendait presque indiscernable le Sablaireaux, et les Jets de Sable que le Ténéfix avait reçus devaient certainement le gêner pour viser sa cible. Le résultat étonna tout le monde, même Sylvain. L'attaque de Ténéfix toucha le Sablaireaux de plein fouet. Celui-ci s'écroula, inconscient. Razor ouvrit de grands yeux.
-C'est impossible ! Comment l'a-t-il repéré !
-Mais…
Sylvain regarda sa cigarette, il restait encore quelques centimètres.
-Je suis déçu. Moi qui croyait que tu savais.
-Que…
-Que l'attaque Jet de Sable n'affecte pas mon Ténéfix.
-Quoi ?
-Ses yeux ne peuvent être abîmés, t'es bête ou quoi, t'as pas vu qu'on dirait des cristaux ?
-Je…
-Je pensais gagner en envoyant des tonnes de Balles Ombres, mais pas avec une seule ! C'est trop nul.
Il rappela son Pokémon, laissant Razor de marbre. Cependant, Sylvain se permit d'afficher un petit sourire.
-En tout cas, ce fut le temps d'une clope. Bon les amis, je vous laisse à vos plans de conquête du monde, bye.
-Sylvain, tu vas où ? Attends ! Fit Félix.
Mais l'homme était déjà parti et venait de refermer la porte principale de l'entrepôt derrière lui.