Training
Un lac gelé, une forêt maculée par la blancheur de la neige. Quelques canards et autres cygnes engourdis marchant sur cette banquise improvisée semblaient avoir fusionné avec ce décor neigeux. Le printemps allait bientôt montrer le bout de son nez fleuri de bourgeons et de chants d'oiseaux, mais voilà que depuis plusieurs semaines la neige ne cessait de tomber sur toute la France, peu soucieuse des dérangements en tout genre qu'elle provoquait. Pauvres Français incapables de survivre aux petits caprices de la nature, affolés par les changements et préférant certainement l'été, les plages, le sable fin, l'entassement sur les cités balnéaires polluées de la côte d'Azur, les mélanomes malins de la peau, le taux d'ozone qui monte… Mais calmons-nous, inutile de débuter ce Tome 9, qui avait pourtant pris un départ ma foi fort poétique, sur des démonstrations d'idéaux, surtout lorsqu'il s'agit juste d'un goût plus ou moins prononcé sur les saisons… et les styles de vie… OUI J'AIME L'HIVER. Enfin bon, passons et retournons à nos canards et autres cygnes et surtout à ce qui se passe autour, et faisons en sorte que le narrateur se terre et laisse place à l'histoire principale. Comme nous l'avons vu, le décor est planté : un lac gelé et une forêt recouverte de neige. Dans ce paysage paralysé quelques silhouettes tranchaient avec l'immobilité du décor, elles avançaient rapidement, les unes à côtés des autres, tournant autour du lac.
-Sylvain j'en peux plus ! On s'arrête !
-Encore deux tours ! Allez !
-Je vais mourir arrête !
-Allez Tom ! Encore un effort.
Marie accéléra et le frappa aux fesses d'un rapide coup de pied. Maxime, qui courait lui aussi, ne put s'empêcher de sourire en voyant ce geste. Thomas fit un prodigieux bond en avant et s'écroula dans la neige. Sylvain s'arrêta, imité par les autres. Ils éclatèrent de rire alors que le jeune homme tentait de se relever mais glissa sur le sol glacé et tomba à nouveau. Prise de pitié, Marie l'aida à se redresser.
-Je vous hais tellement, grogna Thomas.
-C'est pour ton bien ! Répliqua Sylvain.
-Et pourquoi je dois courir avec ces énergumènes ?
Il pointa du doigt Marie et Maxime.
-Parce qu'ils sont très gentils de bien vouloir t'aider à t'entraîner, ces énergumènes, répondit Marie, indignée.
-Mais lâchez-moi ! Je suis un dresseur, pas un athlète !
-Thomas, je veux que tu gardes ces muscles ! Rétorqua la jeune femme. Tu as réussi l'exploit de les garder depuis cet été, et je veux que tu les aies encore longtemps !
-Mais je... Ca fait des mois que Sylvain m'entraîne chaque week-end ! Le championnat d'Europe c'est dans plusieurs mois que je sache !
-Justement, fit Sylvain, ça t'évitera de te préparer au dernier moment, allez, on redémarre !
-Rolala…
Voilà maintenant plusieurs mois que Thomas était le champion de France attitré. Nous étions en Mars 2005 et il poursuivait ses études en BSC (Biologie et science du combat) pour la troisième année tandis que Marie en était à sa seconde année de stylisme. Cet été aurait lieu le Championnat d'Europe qui regroupait les champions de chaque pays du continent, prêts à tous s'affronter et obtenir une place pour la légendaire Coupe du Monde de 2006. Thomas comprenait parfaitement l'enjeu mais n'avait pas envie de s'en soucier en se stressant outre mesure. Sylvain n'était pas non plus une personne très affolée mais prenait à cœur son rôle de coach officiel du nouveau champion de France.
* * *
-Arrête de te marrer Daniel !
-Allez Tom, fais pas cette tête ! T'es la star de la fac ! Notre beau champion de France !
-Justement, j'estime que j'ai le droit au repos le week-end. C'est monstrueux de vouloir me faire courir comme ils le font !
-Cette troisième année de fac est pas terrible, on a 22 heures de cours par semaine, c'est pas l'horreur !
-Je me plains pas de ça !
-Bah alors, il est où le problème ? Tu joues les fines bouches Bratin ! Bon allez, bonnes vacances vieux.
-Toi aussi. Tu restes à Paris ?
-Je sais pas, certainement. Et toi ?
-Je reste sur Monche-Ville, mais mon coach m'a promis de me laisser tranquille ! Pas d'entraînement pendant deux semaines !
-Bah tu vois, c'est le pied.
-Mouais… En tout cas amuse-toi bien !
-Toi aussi Tom, bye.
Thomas sortit de son université. La faculté de BSC se trouvait en bordure de Paris. Arrivé devant la station du RER, le jeune homme fut surpris d'apercevoir Maxime. Celui-ci semblait encore plus amère que d'habitude et Thomas le remarqua immédiatement :
-Qu'est-ce que tu fous là ?
-…
-Max ? Qu'est-ce qu'il y a ?
-C'est Marie…
Le monde se figea alors, de même que son cœur. Une avalanche de souvenirs tranchants dévalèrent les pentes de son esprit et vinrent frapper son âme avec la plus grande des brutalités. Avalanche d'images de montagnes, de froid, de faim, d'absences… Maxime, voyant qu'il venait de paralyser son ami, se pressa de poursuivre sa phrase :
-Elle a reçu une lettre…
-Elle va bien ?
-Oui, désolé de t'avoir fait peur.
-Une lettre… J'aime pas ça, mauvais souvenirs.
-Je sais. Mais elle ne la concerne pas qu'elle… vous deux… enfin, tout votre entourage.
-Quel genre de lettre ?
-Une lettre de Hannot.
-…