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Premières neiges (version modifiée pour le concours de l'hiver 2010) de dragibus57



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Informations

» Auteur : dragibus57 - Voir le profil
» Créé le 24/11/2009 à 07:29
» Dernière mise à jour le 27/11/2009 à 13:41

» Mots-clés :   Absence d'humains   Absence de combats   Drame   One-shot

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Première neige (première version)
Écoute...

Encore...

Écoute ce silence...

Immaculé.
Dense.
Lumineux.

Il a neigé.

Il a neigé cette nuit sur la steppe immense.
Les dernières étoiles luttent avec les premières lueurs de l'aube pour faire scintiller le manteau de diamants éphémères.
Rien ne bouge.
Tout s'accorde à préparer ce moment parfait de la naissance du jour, quand le soleil pointe son premier doigt de lumière sur la terre endormie.

Tout s'accorde à préparer ce moment parfait de la naissance, quand l'œuf se fendille, libérant le petit qui cherche la chaleur de sa mère endormie.

Couché dans une anfractuosité de la roche, l'imposant Mammochon offre son flanc protecteur au Marcacrin nouveau-né, soufflant doucement sur lui pour sécher la soie humide de ses longs poils.
Le bébé goûte l'instant délicieux de cette intimité chaude et nouvelle.
Ses yeux sont encore fermés.
Bientôt il les ouvrira sur le monde.

********************
Il a choisi une matinée ensoleillée pour commencer la merveilleuse découverte de la vie... Les premiers pas.

L'air est transparent, uniquement troublé par les petites nuées qui s'échappent des minuscules narines. La démarche est hésitante, expérimentale.

Une patte effleure précautionneusement la surface blanche. Afflux immédiat de sensations.
Douceur au toucher qui rappelle la fourrure de maman Mammochon.
Contact frais, semblable à celui de l'air qui emplit ses petits poumons.
Humidité. Nouveauté surprenante, désagréable au début, mais très vite oubliée.
Nouvelle expérience. La patte s'enfonce. Délicieux frisson d'incertitude. Il la retire et la secoue comiquement pour en chasser les flocons duveteux.
Enhardi par sa réussite, il tente un deuxième pas, puis un autre. Il marche !

Il découvre ébloui l'immensité blanche qui s'ouvre devant lui. Aussi loin que porte son regard, le paysage enneigé dévale mollement le coteau jusqu'à l'horizon, là où le ciel semble s'unir à la terre. Les arbres nus festonnés de givre scintillent sous le soleil hivernal, allumant la plaine de minuscules éclats d'étoiles. Le miroir d'un étang lustré par le vent reflète les filaments cotonneux d'un nuage égaré.

Il s'élance, trottine, puis bondit, chacun de ses pas ponctué d'une petite gerbe poudreuse qui s'élève dans l'air cristallin. Il s'émerveille des traces fraîches qu'il dessine et redouble de cabrioles. Ses arabesques joyeuses composent sur la toile vierge le plus improbable des tableaux.

Maman Mammochon n'est pas loin. Elle veille, couvant d'un regard maternel les exubérances de son fils.

Un effluve particulier attire soudain son attention, ténu, mais proche. Nourriture ? Il plonge sa truffe curieuse dans le tapis ouaté. Mauvaise idée ! Il se redresse, le museau couvert d'une fine pellicule de neige qui lui encombre les naseaux. Tchi ! Le ridicule petit éternuement creuse un minuscule cratère devant lui.

Nouvelle tentative. Impatience ! Il gratte, creuse de façon désordonnée. La neige jaillit d'entre ses pattes arrières et retombe en pluie derrière lui. Il avance un peu, recommence frénétiquement. Rien.
Enfin la patte ramène l'objet tant convoité à la surface. Victoire ! Le petit Marcacrin, très fier de sa découverte, mord dedans à pleines dents... et recrache en grimaçant le trop coriace morceau de champignon brunâtre.

Sa mère esquisse un sourire. Elle le laisse mener ses propres expériences. C'est ainsi qu'il apprendra le mieux.

Plus loin, une petite butte de neige attire son attention. Il caracole maladroitement jusqu'à son sommet et y découvre un trou. Cachette ?
Il plonge tête la première et ressort prestement en couinant, son petit groin constellé de piquants glacés. L'intrusion dans le terrier n'a visiblement pas été du goût de son propriétaire, un Givrali furieux d'avoir été dérangé, qui a hérissé sa fourrure pour déloger l'importun.
Première leçon.

Les petits aiguillons de glace le gênent. Il avise tout près un grand sapin dont les basses branches alourdies de neige s'inclinent vers le sol. Il se frotte les joues et le haut du crâne contre le tronc râpeux. Soulagement délicieux ! Il offre alors son dos et son arrière-train aux rugosités apaisantes... et se retrouve enseveli sous un monticule de neige froide et humide.
Deuxième leçon.

Il s'ébroue énergiquement, de la tête à la queue. Ses longs poils se soulèvent et tournoient gracieusement le long de son corps rebondi. Une pluie de fines gouttelettes s'éparpille autour de lui dans un arc-en-ciel de couleurs, avant de piqueter la neige de minuscules trous d'épingle.
Des lambeaux de neige verglacée sont restés accrochés aux poils de son menton et lui dessinent comiquement une barbichette de vieillard. D'autres se sont agglutinés autour de ses pattes, le chaussant d'encombrantes moufles blanches.

La pente enneigée l'attire irrésistiblement. Il s'assoit sur son derrière et se laisse glisser sur le fabuleux toboggan naturel. Griserie de la vitesse ! Son pelage flotte derrière lui, ses yeux plissés par le vent laissent perler des larmes de froid, une agréable sensation remonte le long de son petit ventre jusqu'à l'extrémité de sa nuque. Son passage soulève une gerbe de neige qui retombe en une multitude de flocons papillonnants.

Il prend de la vitesse, ne contrôle soudain plus rien et commence à tourner sur lui-même. Peur ! Il rebondit sur une bosse, s'envole et atterrit sur l'étang gelé en contrebas. Choc douloureux dans l'arrière train...
D'abord légèrement étourdi, il se remet peu à peu de ses émotions, se redresse sur ses pattes et tente de regagner la rive. Impossible ! Les petits sabots de corne patinent désespérément sur la glace bleutée. Angoisse !
Troisième leçon...

Mais maman Mammochon estime que ce sera la dernière de la journée. Elle s'approche de la surface miroitante, s'agenouille et tend au jeune téméraire l'une de ses longues défenses. Le petit s'y agrippe et grimpe jusque sur le large dos de sa mère. Il se niche sous les longs poils rêches du cou, tout contre la peau odorante, et se cramponne au duvet moelleux. Elle se relève et regagne à pas lents et sûrs son abri à flanc de montagne.

Doucement bercé par le balancement régulier, Marcacrin ferme les yeux, brisé de fatigue et vaincu par toutes les émotions de la journée. Avant de se couler complètement dans le sommeil, il a le temps de se dire que demain, il ira explorer le nid de Cadoizo qu'il a repéré en haut de l'escarpement.
Demain...

Sur la steppe immense, le soleil décline et sa lumière rasante allonge peu à peu l'ombre des rochers et des sapins. Quand il plonge enfin derrière l'horizon en un flamboiement ultime, le ciel se met à égrener lentement quelques flocons blancs et duveteux qui tourbillonnent un instant dans le vent du soir avant de se poser délicatement sur le sol gelé.

Il va neiger cette nuit.