-13- : Discussion (Partie 1/2)
- Tu veux me montrer que tu m'aimes ? Touche Ponyta.
- Alors là, nous avons précisément un cas d'utilisation niaise des Pokémon dans les séries tout aussi niaises...
Éclats de rire.
- Et si on revenait à notre exposé ?
- Oui. T'as raison. On a pris suffisamment de retard pour trainer.
- Oh, mais que se passe t-il ? Ponyta ! Pourquoi t'illumines-tu ?
- "Les Pokémon dans le simulateur de combats, contrairement aux Pokémon réels, possèdent des statistiques. Ces statistiques chiffrées régissent tout le système de combat par simulateur. Mais elles peuvent les fausser car elles ne rendent pas compte de la…" Non, sans blague, son Ponyta évolue, là ?
- Apparemment.
- Non, et en plus, la fille est éleveuse de galopas et elle ne comprend pas que son Pokémon est en train d'évoluer ? Un ponyta de quelques mois à peine, en plus…
- Et si tu continuais, Sandra ?
- Ah, oui, pardon…
Cela faisait deux jours qu'Emma venait de se réveiller. Alex s'était empressé d'appeler le père de Emma, de même que les parents de Sandra. Quant aux siens... Avec une mère absente, occupée toute la journée à son travail au Centre Pokémon et un paternel pour ainsi dire mort... bah, ce n'était pas ça le problème... Le problème venait du père de Emma. Parti en voyage d'affaires sur Kanto. Et Safrania était plutôt loin de Carmin-Sur-Mer, sans compter le trajet en Ferry pour faire le voyage du port de Kanto à l'île Sevii Un, Sessei, où sa fille était hospitalisée. En plus de ça, les vols à dos de Pokémon étaient interdits à l'intérieur des villes de Kanto et sur la plupart du territoire des Iles Sevii. Résultat, cela faisait plus de quarante-sept heures et cinquante minutes qu'ils attendaient, chez eux ou à l'hôpital... Alex jeta un œil à sa montre pour la énième fois. Quarante-sept heures et cinquante-deux minutes maintenant...
Cependant, Emma ne semblait pas s'en inquiéter outre mesure. Même l'avant-veille, lorsque Sandra lui avait expliqué la situation, elle n'avait pas réagi, préférant « rattraper le retard énorme que cet incident avait provoqué dans ses devoirs ». Peut-être ne se rendait-elle pas compte, manquait-elle de recul à cause de son réveil encore tout frais ? Quoi qu'il en fût, Emma débordait d'énergie. C'en était même à se demander si elle dormait la nuit... « Après tout, ils avaient suffisamment pris de retard ces deux derniers mois, non ? » Et si les leveinards étaient capables de ce genre de miracle, après tout ? Ce n'était pas si étonnant que tous les hôpitaux du monde soient capables de payer des fortunes pour en avoir quelques spécimens...
Alex se ressaisit. Dire qu'il s'était gentiment vu interdire l'entrée de la chambre par Sandra. « Il ne faut pas la brusquer. », comme le disait si bien cette dernière. Depuis deux jours qu'Emma était sortie du coma, il n'avait pas réussi à lui parler. Parce que Sandra ne le voulait pas, mais surtout à cause de la fatigue que celle-ci pensait détecter sur la figure de Emma. Mais elle était réveillée… C'était ainsi qu'il avait été obligé de regarder par l'entrebâillement de la porte pour pouvoir établir un quelconque lien avec elle. Dire que tout cela était de la faute de Pierre. Son comportement de l'avant-veille était tout bonnement incompréhensible. Pourquoi ? Pourquoi cette haine ? Qu'avait-il fait ? Alex avait tourné le problème plusieurs fois dans sa tête. Mais...
- Excuse-moi, Alex. Emma est bien dans cette chambre ?
Celui-ci se retourna à l'entente de son prénom, interrompant sa réflexion. Il resta même figé devant la personne qui se tenait devant lui.
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- "C'est ainsi qu'en 1158-ère de Kanto, le fameux Grand Défi lancé par Peter contre le Maître du Conseil des Quatre de l'époque, aurait dû, à s'en fier au système de simulation des combats Pokémon de l'époque, le Système Bleu, être largement emporté par le Champion. Or, comme chacun le sait, ce ne fut pas le cas et l'on assista à la plus grande victoire jamais remportée contre un Maitre de Conseil des quatre, à raison d'un score de 6 à 0. Cet exemple, comme tant d'autres à sa suite, car l'amélioration des Systèmes de Simulation qui a suivi n'a pas endigué le problème, remet encore aujourd'hui en cause le principe même de l'utilisation du simulateur dans les Compétitions Nationales mais également dans les méthodes d'apprentissage des Stratégies Pokémon de la Première Année à la Sixième Année. C'est ainsi que nous allons aborder... "
Emma, qui était en train de répéter, à moitié allongée dans son lit, n'entendit pas le bruit de succion des portes coulissantes. Elle ne remarqua pas la personne qui était entrée dans la chambre de l'hôpital, ce qui fut le cas de Sandra. Elle était grande, le visage émacié, les joues creusées par les années d'angoisse et avait des yeux verts émeraude dont l'éclat avait fini par ternir avec les épreuves que la Vie infligeait à tous. Les rides creusaient son visage qui paraissait plus vieux qu'il ne l'était. Cet effet était largement accentué par une calvitie précoce qui commençait à découvrir petit à petit le haut du crâne de l'homme qui venait d'entrer. Cet homme que Sandra et les autres avaient attendu depuis deux jours complets. Celui qui n'avait pu venir que trois fois durant ces deux mois de coma.
- Emma... interpella t-elle d'une voix affaiblie par la surprise.
Un « moui » détaché coupa le silence concentré dans lequel son amie se trouvait, le visage caché par le dossier dans lequel elle était plongée.
- Emma. Je crois que tu as de la visite.
Elle posa le porte-document bleu sur ses cuisses et leva la tête. Le silence concentré fit place à un autre type de silence. Ému.
- Bonjour, ma fille, dit l'homme simplement.
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Sandra avait fini par sortir de la chambre, retrouvant Alex dans le couloir, assis sur une de ces chaises qui étaient si rares dans les couloirs des hôpitaux, la tête dans les mains.
- Alex, l'appela Sandra.
Il leva la tête vers elle doucement, sans répondre. Il resta quelques secondes comme ça à regarder son amie avant qu'elle ne finisse par dire en souriant :
- Tu me fais une petite place ?
Il s'exécuta dans le silence, lui offrant une bonne moitié de chaise.
- C'était bien... ? finit-il par demander, comme si l'apparition du père de Emma n'était ni plus ni moins qu'un mirage.
- Oui, confirma son amie. Heureusement. Tout cela est terminé, à présent.
- Ou ne fait que commencer.
Elle soupira. Il était énervant avec son pessimisme si vrai... Il y eut un silence qui dura quelques secondes, mais suffisamment longtemps pour que Sandra crut de nouveau sentir le nœud à l'estomac qui l'avait accompagné durant les deux derniers mois.
- Pourquoi tu ne m'as pas laissé la voir ? Finit par lui demander son ami, de sa voix faible.
- Parce que. Emma est déjà suffisamment déboussolée comme ça. Tu imagines, elle vient de sortir du coma, sans que son père ne soit là pour l'accueillir – car elle n'a peut-être rien dit, ni rien fait paraître, mais je ne crois pas que cela soit très facile à vivre – tout en apprenant qu'elle et ses meilleurs amis ont été les témoins de...
Bonjour ! S'interrompit-elle en voyant une infirmière passer.
… les témoins de la transformation d'un Magneton en Pokémon Légendaire par un scientifique qui va sûrement vouloir les faire se taire, finit-elle par reprendre en chuchotant et en répétant ce à quoi ils avaient conclu avec Emma à son réveil, deux jours auparavant. Ajoute à ça l'angoisse de ne pas savoir si elle va être capable de marcher de nouveau correctement, car c'est pas évident de pouvoir se servir de ses jambes quand elles sont restées immobiles depuis deux mois... Et j'en passe. Je ne crois pas que ce soit le moment pour elle de te voir, et encore moins à cause de ta brouille avec Pierre pour des conneries. Si je lui ai dit d'aller au CLUB, c'est bien pour que Emma ne vous voie pas comme j'ai pu vous voir avant-hier.
Elle avait dit ça très calmement, très posément. Alex ne protesta pas. Il aurait pu le faire, essayer de dire que tout ce dont avait besoin Emma était de voir ses amis, ses proches, surtout dans une situation comme celle dans laquelle ils étaient tous. Il aurait pu s'indigner, signalant que Sandra n'était pas la seule qui tenait à elle, qu'ils avaient tout autant droit qu'elle de lui parler. Que la dispute qu'il y avait entre Pierre et lui n'était que de la faute de l'autre garçon. Mais il ne le fit pas, touché par la vérité des mots de son amie. Il lui fallut d'ailleurs un temps pour digérer tout ça, si bien qu'il ne répondit pas tout de suite :
- Je voulais te dire... finit-il par lancer.
- Je sais que tu es désolé, Alex. Mais c'est pas à moi...
- Mais comment veux-tu que je m'excuse, si je ne sais même pas de quoi je dois m'excuser ?
- J'en sais rien. C'est toi qui a fait un truc qui l'a mis en rogne, pas moi.
- Mais je n'ai rien fait du tout ! S'écria Alex.
- Je sais, dit-elle en se levant, c'est peut-être ça le problème, en fait.
Elle se retourna vers un Alex pensif, et lui tendit la main.
- Allez, on va dehors. Je ne sais pas pour toi, mais je crois que je suis en train de développer une allergie à l'hôpital.
Il y eut un échange de sourire, l'un plus blême que l'autre. Et Alex se leva.
- Je suis vraiment désolé, Emma. Mais tu sais, le travail n'est pas drôle tout les jours. J'ai des obligations, et pas seulement aux Sevii ni à Kanto. Et il faut absolument que je travaille, sinon, ton frère...
- Je sais, Papa. Ce n'est pas de ta faute. A vrai dire, le fait que tu ne sois venu que très peu de fois durant mon coma n'est pas très grave. L'important, c'est que tu sois là maintenant.
Le père serra sa fille dans ses bras une nouvelle fois. Il la serra comme jamais il ne l'avait fait auparavant. Il l'agrippa même, comme si elle risquait de s'envoler par la petite fenêtre de sa chambre.
Emma, elle, sentait les larmes de son père sur son épaule droite. Pourquoi fallait-il qu'il ne connaisse pas leur situation ? C'était normal pour un parent de le savoir. Mais en même temps, moins il en savait, et moins il n'y aurait de problèmes. Mais après tous ces mois d'attente et de stress... En plus de ça, son travail était du genre très important, si important qu'il serait parti d'ici une à deux semaines... Alors, pourquoi pas ? Non. Il ne le fallait pas. Des personnes au courant étaient des personnes en danger...
La réflexion de la jeune fille fut suivie d'un silence durant lequel ni le père ni la fille ne parvinrent à s'exprimer, à évoquer tout ce temps qu'il avaient perdu. Par émotion, sans doute.
Un bruit de succion se fit entendre, interrompant ce moment. Emma vit un Leveinard arriver, suivi de près par une infirmière vêtue de sa blouse bleu pâle. Le cri joyeux du pokémon força l'étreinte à s'interrompre.
- Je suis vraiment désolée, s'excusa l'infirmière à voix basse, mais c'est l'heure pour votre fille de prendre son traitement. Comprenez que...
- Oui, répliqua le père de Emma en se relevant. Je comprends très bien.
Il se retourna vers sa fille et lui assura de revenir, avant de laisser la Médecine Pokémon faire ce qu'elle avait à faire.
Il sortit de la chambre, pris l'ascenseur et descendit dans le hall, sachant très bien qu'il ne pourrait pas attendre devant la chambre de sa fille sans que la tentation d'y entrer ne fût présente.
Lorsqu'il y arriva, un homme, assit dans les fauteuils de la grande pièce, se leva et marcha dans sa direction. Il était vêtu d'une veste bleue au col rouge, d'un pantalon de la même couleur d'où dépassait une ceinture à Pokéball qui semblait bien fournie. Au fur et à mesure qu'il s'approchait, le prère de Emma put distinguer une plaque dorée qui brillait sur son veston. Elle représentait un canidé, un Arcanin sautant au travers d'un « P », passant au-dessus d'un « i » et venant se jeter sur un grand « S ». Le symbole de la « P.i.S ». La Police des iles Sevii, comme elle l'était si banalement nommée. Il tenait dans ses mains un calepin dont la couverture était frappée du même symbole. Il s'arrêta devant lui, l'empêchant de passer.
- Bonjour, Monsieur, je suis l'Inspecteur Lance de la P.i.S. Vous êtes bien Monsieur Winston ?
- Oui, oui, c'est bien moi, Inspecteur. Que puis-je faire pour vous aider ?
- Et bien, monsieur, dit ce dernier en ouvrant son calepin, voyez-vous, c'est à propos de...
- Mon fils ? L'interrompit-il. Qu'a-t-il...
- Non, non, Monsieur. C'est à propos de votre fille, en fait.
Il se retourna quelques secondes vers la porte de l'ascenseur comme s'il espérait y trouver sa fille, et regarda à nouveau le policier :
- Ma fille ? Dit-il, surpris. Mais ma fille est...
- Monsieur, le coupa l'agent, comme s'il voulait parler d'autre chose, avez-vous un Raichu en votre possession ?
Son interlocuteur sembla étonné par la question.
- Je ne comprends...
- Ma question est pourtant très simple, Monsieur. Avez-vous capturé, échangé, relâché un Raichu récemment ? Il n'y en a aucune trace dans le fichier de l'Instance des Optentions Pokémon, voyez-vous, donc il se peut que cette capture eût été faite récemment, ou que vous ne l'ayez pas signalée aux autorités, ce qui, vous le savez, n'est plus obligatoire aux îles Sevii depuis leur détachement de l'autorité de Kanto, il y a deux ans.
- Je n'ai jamais eu de Raichu, mais je ne...
- Connaissez-vous quelqu'un qui a un Raichu, ou en a eu un ?
- Je...
- Je vais vous expliquer, finit par le couper le policier devant son incompréhension. Monsieur, selon les témoignages, il semblerait que votre fille a été admise dans cet hôpital à cause d'une Cage-Eclair, attaque qui aurait été lancée par un Raichu appartenant, toujours selon les témoignages, au propre père de la victime. Le vôtre, donc. Nous avons tenté à plusieurs reprises de vous contacter les deux derniers mois, mais il nous en a été impossible.
Le discours du policier était totalement incompréhensible. Sa fille ? Un Raichu ? Mais jamais il n'avait eu de Souris électrique, John était allergique à son poil. Qui pouvait bien... ? A moins que...
- Ma femme. Elle est morte il y a trois ans de cela. Newton, euh... Raichu était le sien. On a voulu le garder. Pour les enfants,vous comprenez. Et pour lui aussi, il était très attaché à notre famille. Peut-être un peu trop. Il n'a pas supporté... D'où l'accident... On a dû le relâcher. C'est pour cela que...
Il s'interrompit alors que le policier avait semblé plutôt touché par son mensonge.
- Je vois. Je suis vraiment désolé, monsieur. Ce genre de problèmes est assez fréquent, malheureusement. La mort d'un être est toujours très dure, même pour les Pokémon. C'est pour cela que je pense que relâcher un Pokémon est toujours conseillé dans ce cas. Les traditions sont comme les Qulbutoke, comme on dit chez nous si vieilles soient-elles, elles ne se changent pas.
Monsieur Winston acquiesça en silence. Il était vrai que les traditions avaient toujours eu une grande importance sur l'archipel de Poképolis, encore plus dans les petites îles comme les îles Sevii. Et l'une de ces traditions, surtout sur les petites îles Seviiennes, était que la police ne devait que guère se mêler aux affaires des habitants. Les Dresseurs de Pokémon avaient leur façon à eux de réparer des affronts...
- Vous savez, Monsieur, j'ai vécu ça aussi. Le Lippoutou de ma défunte mère n'avait pas supporté ça non plus. Et tout cela doit être suffisamment difficile pour vous. Vous savez, je crois qu'il est mieux de passer l'éponge sur cette affaire.
Comme pour illustrer ses propos, il traça un trait sur toute la diagonale de son calepin.
Permettez-moi de vous souhaiter bon courage.
- Merci. Merci pour tout.
Le policier partit, laissant son témoin devant l'ascenseur. Cependant, celui-ci ne tarda pas à marcher vers la porte d'entrée.
S'il avait raison, il devrait absolument aller rendre visite à quelqu'un. Une visite qui ne pouvait être faite qu'en personne. Les autorités n'avaient pas forcément besoin de s'en mêler. De toute façon, ce genre d'affaires, si la police s'en mêlait, ne menait jamais à bien grand-chose. Alors...
Dans le silence le plus complet, il sortit, le soleil renaissant frappant son visage. Il s'empara d'une PokéBall à sa ceinture, la lança sur le sol.
Un grand oiseau, dont les plumes brunes volaient dans le vent de printemps sortit dans le bruit si caractéristique à l'ouverture d'une Ball. Son cou était très long et mince, de même que son bec, et une crête rouge vif ornait le haut de son crâne. Il fut chevauché par son Dresseur, qui, d'un petit coup de pied contre le flanc du Pokémon, donna l'ordre silencieux à sa créature de battre des ailes.
Et le grand Rapasdepic s'envola, sous le regard médusé des quelques infirmières, patients, familles qui étaient dehors, mais aussi d'Alex et de Sandra.