L'affaire du manoir hanté de Conan219

- On dirait bien que nous sommes seuls, Luxray…
Tel était le constat de leur situation après une rapide visite du reste du manoir. Les escaliers du grand hall desservaient un premier étage aussi luxueux que l'entrée. Il comprenait un salon et une cuisine, ainsi qu'une grande salle de réception. Dans toutes les pièces on retrouvait les mêmes candélabres, les mêmes moulures dorées, les mêmes tapisseries et les mêmes fenêtres encadrées par leurs rideaux de velours rouge. Le salon était meublé d'un canapé de cuir chocolat faisant face à une télévision posée sur un élégant meuble en pin. Entre les deux, un élégant tapis pourpre au sol, sous une table basse en pin également, recouverte d'un napperon de coton soutenant un pot de fleur. Et, trônant dans un coin de la pièce, une cheminée éteinte sur laquelle des sujets de cristal figurant des Pokémons réfractaient la lumière qu'ils recevaient en un kaléidoscope de couleurs vives.
La cuisine était sobrement équipée : une gazinière, un four et un réfrigérateur entourés par divers placards de rangement. En ouvrant le frigidaire, Conan constata avec joie qu'il était plein :
- Je vais pouvoir nous faire un succulent repas ce soir, Luxray ! s'écria-t-il avec enthousiasme.
Un cri plein d'entrain de son ami le conforta dans ces talents culinaires.
La salle de réception était sans doute la plus belle pièce du manoir. Décorée des incontournables candélabres, grandes fenêtres à larges rideaux et autres dorures, cette salle pas très large se rattrapait par sa longueur. Une immense table trônait en effet au centre de la salle, et la couvrait de toute sa longueur. De magnifiques napperons recouverts de somptueux pots de fleur et de diverses figurines de cristal la décoraient, et un lustre de cristal aussi impressionnant que celui du grand hall la surplombait.
Le deuxième étage, quant à lui, était constitué de chambres identiques décorées de la même façon que le reste de la maison et meublées d'un large lit aux draps de soie et d'une commode en pin. Point positif que Conan souligna : chaque chambre disposait de sa propre salle de bain.

***

Lorsque les deux amis redescendirent, ils se dirigèrent d'instinct à la cuisine :
- Il est l'heure de manger, avait décrété Conan quand son ventre s'est mis à gargouiller. Et ce n'est pas Luxray qui allait le contredire après un tel périple dans la forêt gelée balayée par le blizzard.
En allant à la cuisine, Conan s'arrêta pour regarder par une fenêtre. Il constata que dehors le blizzard s'était arrêté mais qu'il neigeait toujours. C'est alors que le frisson qu'il a ressentit en voyant l'étrange tableau accroché dans le hall lui parcourut à nouveau l'échine lorsqu'il réalisa un fait étrange : lorsqu'ils se sont approchés du château, celui-ci était plongé dans l'obscurité alors qu'à l'intérieur toutes les lumières sont allumées…
« Bah, tu t'en fais trop ! Ce ne sont que des vitres teintées… » songea-t-il. Son ventre se remit à gargouiller, le tirant de ses réflexions. A côté de lui, Luxray s'impatientait aussi.
- Oui, on va manger ! lui dit Conan dans un sourire. Les deux amis reprirent leur marche vers la cuisine dans un grand éclat de rire du garçon en entendant le ventre du Pokémon grogner.
Une fois la cuisine regagnée, le garçon ouvrit le réfrigérateur et demanda :
- Qu'est-ce qu'on fait à manger ?
Bien sûr, il n'attendait pas de réponse de la part de Luxray, si bien qu'il décida que comme c'était la soirée de Noël, il allait faire une dinde aux marrons. Devant l'absence d'opposition à son idée, Conan se lança.
Lorsque sa dinde fut prête, il la mit au four. En attendant qu'elle cuise, il décida d'aller regarder la télévision. Il l'alluma alors puis se lova contre Luxray dans le canapé auprès du feu. Auprès du feu ? La cheminée était éteinte lors de leur premier passage dans cette pièce, non ? Ce détail n'échappa à Conan qui tenta de se remémorer ses actions de la journée. « Je suis fatigué : j'ai dû l'allumer et je ne m'en souviens pas… Je vais aller me coucher aussitôt après manger : j'ai bien besoin de repos ! » pensa-t-il dans un bâillement qu'il ne tenta pas de réprimer.
Le jeune homme fut tiré de sa somnolence quelques instants plus tard par le four qui sonna.
- Notre repas est prêt, Luxray ! lui dit-il en lui tapotant légèrement le dos pour le faire se lever.
En arrivant à la cuisine, Conan enfila les gants de cuisine et entreprit d'ouvrir le four, en vain. Il ôta alors ses gants pour mieux adhérer à la poignée et essaya à nouveau. Le four s'ouvrit alors et le malaise ressentit devant la porte du grand hall envahit à nouveau Conan. L'air devant soudain lourd, presque palpable, mais cette fois il sentit autre chose : le vide semblait se distordre et l'air devint flou à ses yeux, puis plus rien. Il fixait l'intérieur du four, déçu, pendant que Luxray semblait suivre quelque chose du regard : la dinde était carbonisée. Un pauvre sourire étira les lèvres du garçon et il lâcha :
- Je crois bien que nous allons devoir nous contenter de ça…
Luxray fixait toujours l'ouverture de la porte. L'attitude de son Pokémon préoccupait de plus en plus Conan : pourquoi Luxray fixait-il souvent le vide, ou du moins quelque chose que lui ne voyait pas ?
Les deux amis montèrent se coucher sitôt leur repas carbonisé avalé. Alors que Luxray s'était endormi, Conan se tournait et se retournait dans son lit, ne trouvant pas le sommeil. Il était en effet trop préoccupé par les évènements de la journée pour dormir : le château allumé, la peinture du hall, la cheminée, le four détraqué, ses malaises et le comportement du Pokémon à chaque événement bizarre…
« J'y réfléchirai plus tard » décida-t-il. Il tenta d'éloigner ces pensées de son esprit afin de trouver le sommeil. A son grand soulagement, il ne tarda pas à s'endormir.

***

Le vent ne souffle pas, la neige ne tombe pas. Conan et Luxray marchent dans la neige, errent peut-être. Le regard vitreux perdu dans le vague, les bras ballants, le garçon semble atteint d'un mal insondable. Il s'arrête puis s'effondre dans la neige, au pied d'un grand manoir. Près de lui, le Pokémon le regarde, penche la tête sur le côté comme s'il cherchait à comprendre ce qui atteignait son dresseur puis se redresse soudainement et détourne les yeux vers une étrange petite silhouette se découpant à travers la fenêtre la plus proche. A ses pieds, le garçon gît dans la neige, le visage figé dans un étrange rictus inexpressif, un mince filet d'écume coulant de sa bouche.