L'affaire du manoir hanté de Conan219

- Cette fois, Luxray, je crois bien que nous sommes perdus…
Le Pokémon répondit à son dresseur par un grognement témoignant son agacement, ce qui n'échappa pas au jeune garçon :
- Oui, tu dois être aussi énervé et épuisé que moi… Conan leva la tête et ajouta dans un soupir : … et ce temps qui n'arrange rien !
Cela faisait en effet plusieurs heures que Conan et Luxray marchaient dans une forêt de conifères sur laquelle la neige tombait perpétuellement. Les sapins dont regorgeait cette forêt en étaient recouvert et leurs aiguilles givrées paraissaient être figées en pleine chute. On aurait dit que le temps s'était arrêté, peut-être pour épargner la beauté de cette nature sauvage qu'il altérerait. Ce paysage paralysé n'émerveillait pas le jeune dresseur, bien au contraire : le soleil se couchait derrière la cime des hauts conifères, plongeant ainsi les sous-bois dans une pénombre grandissante inquiétante. Même Luxray ne cessait de regarder à droite à gauche, comme s'il guettait quelque chose, méfiant.
- Il va bientôt faire noir et nous n'avons toujours pas trouvé notre « villa de rêve », gagné à ce fameux concours. Ce n'est pas la vision que je me faisais de cette nuit de Noël ! Conan grimaça. Il se rappelait le slogan de l'animateur et était énervé : ils étaient loin de toutes ces promesses d'un Noël inoubliable !
Une rafale de vent fit grelotter le jeune homme qui releva son col et enfonça les mains dans ses poches.
La nuit était désormais tombée et le blizzard venait de se lever. Conan progressait maintenant recroquevillé, dos courbé, dents serrées, luttant à la fois contre le vent glacial qui lui parvenait de face, comme pour l'empêcher d'avancer, et contre le sommeil, qu'il sentait poindre malgré les températures glaciales qui sévissaient dans la région. Pourtant, refusant de passer la nuit dehors, il s'obstina.

***

- R-reg-garde Lu-luxray ! Une m-maison ! s'écria-t-il quelques temps plus tard avec difficulté, le froid faisant claquer ses dents malgré lui. On est ar-rivés !
Luxray lui répondit d'un grognement enthousiaste et les deux amis, désormais euphoriques à l'idée de se retrouver au chaud, se sentirent emplis d'une énergie nouvelle et se mirent à courir en direction du château.
Une silhouette se découpa derrière une fenêtre et semblait scintiller. Pourtant, Conan, dont rien ne pouvait plus entacher la bonne humeur, ne remarqua rien. Il stoppa néanmoins sa course et pivota sur ses talons. Le Pokémon du jeune garçon s'était arrêté et fixait la fenêtre avec intensité. Il ne réagit pas lorsque son dresseur l'appela :
- Que se passe-t-il Luxray ?
Devant l'absence de réponse de son ami, Conan le rejoignit, suivit son regard mais ne vit rien. Il posa alors une main sur son partenaire et lui chuchota :
- Hé ! Qu'est-ce qui t'arrive mon vieux ?
Cette fois, Luxray détourna le regard qu'il plongea dans celui de son ami et cria pour le rassurer. Il se secoua, comme pour chasser une image de sa tête et repartit vers la porte du château, accompagné par le jeune garçon, visiblement préoccupé par le comportement de son Pokémon.
Une fois sur le perron, Conan saisit le heurtoir et le cogna à trois reprises contre la porte puis attendit. Un ange passa, et personne ne répondit. Le jeune homme réitéra son action, qui n'eut pas plus de succès que la précédente.
- Il n'y a donc personne dans cette maison ?
Le dresseur, en dernier recours, appuya donc sur la poignée de la porte… qui pivota d'elle-même sur ses gonds dans un sinistre grincement. Conan ne se laissa pas démonter et entra dans le manoir.
« C'était sûrement un courant d'air qui a poussé la porte », pensa-t-il.
Les deux amis empruntèrent un corridor sans fenêtres dont les murs étaient parsemés de candélabres diffusant une chaude lumière tamisée et le sol recouvert d'un long tapis rouge. Il n'y avait pas d'autre décoration, si ce n'étaient les moulures dorées aux murs et au plafond.
Le long couloir déboucha dans une vaste pièce éclairée par les même candélabres que le corridor et par un lustre de cristal imposant qui pendait au plafond. Conan se plaça au centre de la salle et pivota sur lui-même pour en admirer la beauté. Les murs étaient décorés de tapisseries et parsemés de grandes fenêtres encadrées par d'élégants rideaux de velours rouges. Au fond de la pièce se faisaient face deux grands escaliers de marbre qui entouraient une lourde porte bardée de clous de fer dorés fixant des tentures vertes émeraude. Au centre de la pièce, se trouvait un symbole étrange gravé dans le marbre froid du sol. Ce n'est qu'en se retournant que Conan le remarqua. C'était un étrange tableau qui donnait froid dans le dos : il représentait un paysage dominé par une ombre ayant la forme d'un Darkrai. Une forêt enneigée plongée dans les ténèbres dans laquelle on pouvait voir un château. Ce château. Avec la même silhouette que Luxray a aperçu à leur arrivée. Conan la remarqua pour la première fois et n'y prêta pas attention. Ce qui attirait son regard, c'est plutôt le corps allongé dans la neige et le Pokémon près de lui : c'était eux ! En le réalisant, le jeune garçon eut la chair de poule. « Qu'est-ce que cela signifie ? » songea-t-il. Auprès de lui, Luxray avait les yeux rivés sur la porte entre les escaliers. Conan détacha ses yeux du tableau qui lui donnait des frissons et reporta son attention sur son Pokémon qui était désormais devant la porte, à la fixer intensément.
- Qu'est-ce qui t'arrive, Luxray ? s'inquiéta le garçon. Conan rejoignit son Pokémon, préoccupé par l'attitude qu'il affichait depuis leur arrivée au château.
- Je me demande ce qu'il y a derrière qui attire tant ton attention…
Le jeune homme approcha alors la main de la poignée dans le but d'ouvrir la porte. Il sentit comme un courant d'air invisible émanant de derrière la porte et il ressentit une sensation de malaise. Son cœur et sa respiration s'accélérèrent et il suspendit son geste. L'air était soudain devenu lourd, presque visible, presque palpable. Conan haletait. Luxray regardait son dresseur avec inquiétude mais le jeune garçon n'avait ni conscience du regard insistant de son ami ni de son état. Il eut soudain une étrange pensée : l'étrange conviction de ne pas devoir ouvrir cette porte. Il se secoua et, d'un geste brusque, lança sa main en avant, comme si elle allait rencontrer une quelconque résistance et la posa sur la poignée, qu'il actionna. Rien ne se passa : la porte était fermée…