La Grotte Maudite [One Shot] de Shaam

Aux tréfonds d'une grotte, là où l'obscurité et le silence régnaient en maîtres, deux compagnons venaient juste de trouver ce qu'ils étaient venus chercher, à leurs risques et périls.

- Libégon, ce doit être là, dit Amélia. Essaie de briser la roche, pour voir.
Le dragon s'exécuta. D'un violent coup de queue acéré, il fissura la roche, laissant entrevoir une lueur scintillante. Quelques minutes après, Libégon acheva d'extraire l'objet convoité du mur rocailleux. C'était une pierre précieuse, de taille et de clarté fort impressionnantes, pour laquelle Amélia avait osé s'aventurer dans cette caverne. Elle examina sa trouvaille pendant un bon moment, constatant avec joie que cette pierre était dotée non seulement d'un éclat ravissant, mais aussi d'un poids honorable. Elle rangea son butin dans son sac, et entreprit de faire marche arrière vers la sortie de la grotte qu'ils avaient laissée bien loin derrière eux.
- Parfait, dit-elle à son Pokémon, maintenant on ferait mieux de revenir sur nos pas sans plus tarder, cet endroit me donne la frousse.

En effet, cette fameuse grotte, de par son humidité dérangeante, n'était guère un endroit facile à parcourir. Plusieurs rumeurs circulaient à son sujet, comme quoi il y aurait certaines espèces Pokémon dangereuses. Or, Amélia et Libégon n'avaient jusqu'alors croisé sur leur chemin qu'un Archéomire inoffensif, qui avait continué son errance sans se soucier de leur présence.
Quant à cette fameuse pierre précieuse, on prétendait dans le village d'Amélia que la grotte en contenait en bonnes quantités ; ça avait été confirmé par certains chercheurs qui avaient réussi à extraire du diamant ici et là. La brune avait donc décidé d'y faire un tour pour en trouver, en bonne curieuse et insouciante qu'elle était, mais accompagnée de son unique et fidèle Pokémon, Libégon. Même si elle n'était pas une brillante dresseuse, il était naturellement fort et assuré.

Sa joyeuse trouvaille, vendue hors de prix, devait servir à résoudre les divers problèmes financiers de sa famille. Elle était plongée dans ses réflexions, quand soudain un cri aigu la fit sursauter.
- Libégon ! Que se passe-t-il ?
Apparemment Libégon venait de se faire attaquer par quelque chose tapie dans l'ombre. Ladite chose apparut. C'était un Mysdibule qui, effrayé par la présence de Libégon et suivant son instinct agressif, venait de lui morde la jambe gauche avec sa mâchoire géante. Des gouttes de sang commencèrent à couler de la cuisse du dragon.
- Mon Dieu, c'est terrible ! s'exclama-t-elle, effrayée.
Libégon l'était beaucoup moins ; Il était habitué à ce genre d'attaques surprise. Il secoua violemment sa jambe pour faire lâcher prise à Mysdibule, mais ce dernier y resta accroché. Alors, Libégon lança un souffle ardent pour le repousser. Mysdibule, ne supportant pas la chaleur, retira ses crocs et fit quelques pas en arrière, avant de s'enfuir dans la pénombre. Libégon n'a pas peiné à se débarrasser de son agresseur, mais la blessure que ce dernier lui a faite était douloureuse.

Amélia vint aussitôt à lui, pour examiner sa blessure.
- Bien joué, Libégon. Attends un peu, je vais chercher quelque chose pour te soigner.
Elle fouilla longtemps dans son sac, puis en retira une simple Potion, avec déception.
- Désolée, j'aurais dû acheter des Potions de meilleure qualité ; celle-là ne suffira pas à guérir ta blessure, mais ça reste mieux que rien.
Elle appliqua le médicament sur la jambe du blessé, qui le soulagea.
- Bon, dépêchons-nous maintenant, je n'ai pas envie qu'il se passe encore quelque chose.
Et ils reprirent leur chemin, à travers le sombre tunnel orné de stalactites et stalagmites. Libégon boitait en marchant ; bientôt, il fut obligé de léviter au lieu de marcher. Le battement de ses ailes produisait une suite de sons ressemblant à une sorte de mélodie, qui ne dérangeait guère Amélia, mais qui troublait le silence de la grotte. Ce bruit incessant réveilla quelques Nosférapti, qui s'éloignèrent, irrités.
Après une dizaine de minutes de marche, Amélia remarqua que Libégon était fatigué : il haletait et suait. Juste le fait de léviter ne pouvait quand même pas le fatiguer à ce point… et si la morsure qu'il avait reçue était venimeuse ? Cela expliquerait la douleur qu'il ressentait. Pauvre de lui, se dit-elle.

Plus tard, Amélia eut une désagréable sensation de confusion. Elle avait l'impression de tourner en rond, d'être déjà passée là où elle venait juste de mettre les pieds… elle ne voulait pas s'avouer qu'elle s'était perdue, et commença à perdre patience, puis, dans un élan de frustration :
- Mince, ça part en sucette, là…
Ils parvinrent quand même, un quart d'heure plus tard, à apercevoir un point de lumière au loin : c'était la sortie de la grotte.
- Courage, Libégon ! dit Amélia, avec enthousiasme. La sortie n'est plus très loin ; bientôt on sera de retour au village, et je te ferais soigner au Centre Pokémon. Tiens bon !
Elle avança vers la lueur au loin, mais Libégon ne fit pas de même. S'apercevant qu'il ne l'avait pas suivie, Amélia se retourna vers lui, et lui demanda :
- Qu'y a-t-il ?
Le dragon semblait inquiet ; quelque chose le tourmentait. Amélia, tout en s'interrogeant sur ce qui intriguait son compagnon, remarqua que l'air se faisait de plus en plus froid et humide.
- Quoi encore ? se demanda-t-elle, avec un semblant d'inquiétude.

L'intuition de Libégon lui disait qu'une présence néfaste n'allait pas tarder à faire face. En effet, après avoir entendu des grognements étranges, Amélia aperçut une silhouette ronde qui commençait à émerger de l'obscurité. La créature se dévoila enfin : c'était un Oniglali, probablement lui aussi réveillé par les ailes bruyantes du dragon-libellule. Oniglali resta un moment à observer le dragon mystique avec son faciès repoussant, sans arriver à l'impressionner. Le Pokémon Face considérait Libégon comme une éventuelle proie qui lui éviterait la peine d'aller chasser dehors, d'autant plus qu'il avait un creux du à son long sommeil. Il poussa un cri provocateur, sans succès d'intimidation ; Libégon lui répondit avec un autre cri, se tenant prêt à entamer une confrontation avec ce nouvel opposant. Amélia, inquiète, voulut dissuader son compagnon bagarreur :
- Libégon, ne me dis pas que tu vas te battre encore une fois ! Tu es blessé, tu ne tiendras pas le coup !
Au même moment, Amélia réalisa que de toutes façons, son Pokémon n'avait pas le choix. Se battre pour survivre, c'est la loi de la nature. Néanmoins, elle s'étonna de voir que les choses avaient pris une telle tournure : d'une simple exploration, on était soudainement passé à une mésaventure périlleuse.

Oniglali attaqua le premier. Il chargea en direction du dragon, qui l'esquiva tout en lévitant.
Amélia, ne voulait pas être réduite à l'état de spectatrice ; après tout, c'était elle la dresseuse de Libégon, elle avait des responsabilités à tenir, notamment mener à bien son Pokémon dans ses combats.
- Libégon ! appela-t-elle. Son dragon se retourna vers elle, prêt à recevoir des ordres. Mais Oniglali profita de ce bref moment d'inattention pour attaquer. Amélia ouvrit la bouche pour prévenir Libégon du danger, mais ce dernier reçut une violente charge dans le dos, avant que sa dresseuse n'eut le temps de parler.
- Ah ! Libégon, désolée, je n'aurais pas du te distraire ! dit-elle, en éprouvant de la honte pour elle-même. Au lieu de le guider correctement, elle fut un fardeau gênant pour lui. Elle en était consciente, mais ne savait pas quoi faire pour se racheter.

Le Pokémon mystique se releva avec peine, puis, rassemblant ses forces, fonça sur son adversaire et lui asséna une violente queue de fer. Oniglali encaissa une douloureuse entaille dans sa peau pourtant dure. Il tomba par terre, mais se redressa aussitôt, en serrant les dents. Furieux, il grommela bruyamment avant de lancer un Laser Glace vers Libégon. Ce dernier l'esquiva de justesse, ou presque : son aile droite fut atteinte, l'obligeant à arrêter sa lévitation pour se poser au sol. Sa jambe blessée fut un sérieux handicap pour lui, son agilité s'en retrouvait affectée. Oniglali généra un autre rayon électrifié glacé qu'il propulsa vers sa cible ; Libégon tenta de l'esquiver, mais il trébucha et tomba au sol. Il essaya aussitôt de se relever, mais trop tard : le Laser Glace l'atteignit de plein fouet. Il en poussa un cri atroce, trouant le silence de la grotte. Il s'écroula une seconde fois, tandis qu'Oniglali s'en approchait doucement, pour voir si c'en était fait de lui.

Amélia assistait avec terreur à cet abominable spectacle, ne sachant pas quoi faire. Mais soudain, elle se remémora, bien que tardivement, une information de taille : Les Pokémon de type Glace, comme Oniglali, sont vulnérables au feu. Le lance-flamme de Libégon est donc nécessaire pour mener à bien cette rude bataille.
- Libégon ! cria-t-elle. Utilise ton Lance-flamme ! Vite !
Les yeux rouges du Pokémon mystique se rallumèrent avec ardeur. En un instant, Il lança un puissant jet de flammes vers son agresseur, trop proche pour l'éviter. Supportant mal la chaleur, Oniglali recula en arrière. Libégon en profita pour se relever, avec grande peine.
- Profites-en ! cria Amélia. C'est le moment, attaque-le avant qu'il ne t'attaque !
Le Pokémon exécuta l'ordre. Il essuya un second jet, mais raté cette fois-ci ; Oniglali est un rude adversaire, à la fois coriace et vigilant. Il oublia sa douleur et chargea contre Libégon, qui esquiva de justesse. Mais avant que ce dernier n'ait le temps de contre-attaquer, Oniglali était déjà derrière lui. Il profita de l'effet-surprise pour ouvrir sa gueule béante et planter ses crocs givrés dans le cou de sa victime. Du sang coula.
- Libégon ! Attaque Surchauffe, maintenant ! ordonna soudainement Amélia, qui pour une fois fit preuve d'ingéniosité.
Le dragon se concentra, même si Oniglali était toujours collé à son cou. Son corps commença à émettre de la chaleur, telle que son agresseur dut retirer ses crocs endoloris. Une aura écarlate visible à l'œil nu émana de son corps, produisant une chaleur torride. Le pokémon Face recula en arrière. Libégon, en pleine Surchauffe, battit frénétiquement des ailes, puis fonça sur son adversaire à une vitesse effarante, telle que ce dernier n'eut guère le temps de réagir. Il reçut le choc en pleine face. Sous l'effet de la chaleur infernale, son armure de glace commença à fondre, le rendant beaucoup plus vulnérable.
- Bien joué ! Tu l'as battu !
En effet, le corps massif d'Oniglali s'effondra par terre, inerte.

Cet éprouvant combat était terminé, mais à quel prix. Libégon, à bout de forces, s'écroula. Amélia accourut vers lui.
- Mon pauvre, comment te sens-tu ! Désolée, je n'aurais jamais dû venir avec toi dans cette damnée grotte ! C'est de ma faute ! dit-elle, les yeux couverts de larmes.
Le dragon la regardait avec ses yeux à moitié fermés, d'un air inexpressif.
- Allez, courage ! La sortie est juste là-bas, on doit y aller.
Libégon, aidé par Amélia, se releva dans un ultime effort, et traîna jusqu'à la sortie. Une fois dehors, Amélia l'aida à se reposer au sol, s'assit par terre à son tour, et fouilla dans son sac.
- Tiens bon, je viens d'appeler les urgences du Centre Pokémon, ils seront là dans peu de temps ! Mais allez, ne me fais pas ces yeux là ! Tout va s'arranger.
Elle souriait bêtement. Elle savait que les choses n'allaient pas s'arranger aussi facilement. Mais elle ne pouvait pas se faire à l'idée du pire.
Libégon respirait avec difficulté, et sa morsure au cou saignait encore quelque peu. Il émettait aussi quelques gémissements de douleur. En un mot, il agonisait. Amélia, affolée, ne savait plus quoi dire au juste :
- Libégon, ne perds pas espoir ! Je, je… tout ça à cause de cette saloperie de joyau !
Elle sortit la pierre précieuse de son sac, et le lança en l'air. Le joyau retomba par terre quelques mètres plus loin, comme un vulgaire caillou. Amélia se couvrit le visage avec ses mains et pleura de plus belle.
Le dragon, dans son esprit, était satisfait d'avoir eu Amélia pour dresseuse. Parce que même si ses aptitudes au dressage étaient médiocres, elle lui avait donné quelque chose que beaucoup d'autres Pokémon, pourtant régis par d'excellents dresseurs, n'avaient jamais connue : de l'affection.

Amélia enleva ses mains de son visage, et s'efforça de s'essuyer les yeux. Elle se retourna vers son compagnon. Les yeux fermés, immobile, plus de respiration. Libégon est mort.
Elle ne put que pleurer, et maudire son sort.