Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

The Kokonut Song was Koko-approved™
de Lutias'Kokopelli

                   


~ Bienvenue sur ce blog, cher amateur de lecture !

Ce blog contiendra, en plus de quelques articles généralement inutiles, quelques de mes fictions qui n'ont pas leur place sur la partie Fictions de ce site, tout simplement parce qu'elles ne traitent pas de Pokémon. Cependant, étant donné que mon projet actuel, Code de Conduite, est une fanfic 100% Pokémon, elle aura bientôt droit (je l'espère) à sa place parmi les fanfics officielles du 'bip. La majorité de mes articles récents auront donc principalement un rapport avec cette fanfic, qu'il s'agisse d'informations en tous genres ou de n'importe quoi d'autre que mon imagination tordue pourrait sortir.

Sur ce, bonne lecture. Si jamais tu désires toujours demeurer céans.

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Initialisation [Ancienne version]

Initialisation ~ Le paradoxe des sens uniques

~ Parce qu'il faut se poser la question :
Pourquoi les ennuis ne vont-ils que dans un seul sens,
alors que les portes sont ouvertes des deux côtés ?
Bruit.

Un homme marche. Il a l'uniforme d'un avocat, bien qu'il ne soit pas en plein travail.
Une femme est à ses côtés. Elle mâche un sandwich en faisant attention pour que ses mèches noires ne viennent pas entrer en contact avec son déjeuner. Il est midi.

Bruit.

La rue est calme. Les gens marchent, insouciants. Ils ne s'attendent à rien de particulier.
Il fait beau. Mais le ciel n'est pas dégagé. C'est habituel. Donc cette journée n'aura rien de spécial. Il n'y a aucune raison.

Bruit.

L'homme lève le regard attentif, sorti de ses pensées. La femme cesse de mâcher, mais sa bouche est pleine.
La foule accélère le pas. Les gens courent et font demi-tour. Ils vont tous dans la même direction. Ils fuient.

Bruit.

Quelque chose sort du coin de rue. Cela se rue sur les gens qui ne sont pas assez rapides. Ces gens deviennent noirs, puis partent en fumée. Ils ont été carbonisés. Cela les tue.

Bruit.

Ils courent. Mais c'est trop nombreux. Cela se divise et va dans toutes les directions. C'est un prédateur. Anthropophage.

Bruit.

Ils s'arrêtent. Cela les a cernés. De toutes parts. Ils se serrent l'un contre l'autre, comme des amis terrifiés. La femme laisse tomber son hamburger. Elle ne le regarde même pas. Elle a encore sa bouchée, mais elle n'ose pas l'avaler. Ils sentent la mort arriver. Mais elle ne veut pas venir. Elle aime se faire attendre quand on a peur de souffrir et qu'on veut qu'elle vienne vite.

Lumière.

L'homme regarde l'intérieur d'une de ses poches et en sort un petit pendentif. Il luit de toutes parts. Cela les protège. Mais cela les fait disparaître.

Silence.

« Personne n'a aucune idée de ce dont il s'agit, mais les autorités feront tout leur possible pour les stopper. En attendant, il est fortement conseillé à toute la population de Tokyo et ses environs de rester chez elle et de ne sortir sous aucun prétexte jusqu'à nouvel ordre. Nous avons à votre disposition une carte de la ville qui indique par les points rouges les emplacements où se concentrent ces choses, ainsi que leurs déplacements. Restez vigilants, et surtout bloquez toutes vos issues. »

La télévision restait allumée. La situation dans cet appartement semblait être totalement contradictoire : en effet, l'aîné qui était probablement père de famille dormait dans son fauteuil, une cannette de bière à la main ; il devait s'être ennuyé de ne pas avoir vu sa cantatrice préférée à l'écran ce matin et de l'avoir vue remplacée par ce message d'alerte qui repassait en boucle depuis environ une heure. Une jeune femme qui devait avoir dix-sept ou dix-huit ans cuisinait dans la salle d'à côté, n'ayant cependant perdu aucune miette de ce bulletin d'informations particulièrement inquiétant. Elle avait attaché ses longs cheveux aux boucles noires afin qu'ils ne vinssent pas se tremper par mégarde dans ses nouilles en train de cuire. Seul le petit enfant qui devait avoir entre six et huit ans regardait fixement, derrière ses grosses lunettes noires, la carte de sa ville. Seul l'enfant était resté attentif tout du long, contrairement aux adultes à l'allure insouciante.

Quelque chose clochait. Les points s'écartaient les uns des autres. Ce qui ne pouvait logiquement signifier qu'une seule chose : qu'ils provenaient tous du même endroit qui n'était pas complexe à déterminer...
C'était une chance : tout un réseau de petites rues épargnées par l'invasion y menait. Il lui suffisait d'être suffisamment rapide et discret pour comprendre et trouver l'origine de ces êtres qui étaient apparus sans raison le matin-même... C'était tentant. Beaucoup trop tentant.
Il regarda une dernière fois la carte, avec plus d'attention encore qu'auparavant. Puis il se tourna vers l'homme qui ronflait sur son fauteuil. Il ne se réveillerait pas de sitôt, et Ran était dans la cuisine. Avec un peu de chance il serait de retour pour le déjeuner, et personne n'aurait rien vu.
Conan se rua alors vers la porte d'entrée avec la plus grande discrétion possible. Celle-ci geignit lorsqu'il l'ouvrit avec difficulté à cause de sa lourdeur, mais il parvint à taire ces gémissements afin qu'ils ne fussent plus que des murmures étouffés. Il passa le cadre, arriva dans le couloir de l'appartement ; la porte devint alors trop lourde à retenir et claqua ; il se mordit la lèvre en jurant intérieurement. Ran avait entendu. Il en était certain.

Donc il allait devoir courir.

Le ciel se couvrait peu à peu de nuages, qui devenaient de plus en plus noirs au fur et à mesure des minutes. Quelques instants plus tard, une pluie fine se déversa sur Paris. La foule se hâtait afin de s'abriter le plus rapidement possible, tandis que certains attendaient sous les stores des boutiques que l'averse cessât.
Parmi eux, deux adolescents patientaient tranquillement, abrités par l'échoppe d'un fleuriste. Le premier était un étudiant aux cheveux roux, qui essuyait ses lunettes salies par les quelques gouttes tombées dessus. La seconde, une jeune fille blonde, étreignait dans ses bras un étui à violon depuis que le ciel s'était assombri, voulant protéger l'instrument qui s'y trouvait et auquel elle tenait tout particulièrement. À leurs pieds, un chien attendait avec eux, l'air excédé par l'eau qui allait lui valoir un bain une fois qu'ils seraient rentrés.

« Ça n'a pas l'air de se calmer, Raphaël... » souffla-t-elle en se tournant vers le ciel couvert.

L'intéressé fit de même et lâcha un soupir agacé.

« Eh bien nous allons courir, si nous voulons y être à temps ! Marie, Fondue, vous êtes prêts ? »

Tous trois s'élancèrent soudainement sous l'averse en réponse à ces paroles prononcées d'un ton annonçant pourtant une plaisanterie, prenant cet imprévu comme un jeu. Ils riaient. Ils n'avaient pas de parapluie, ils étaient en train de se mouiller et bientôt ils seraient trempés, mais peu leur importait. Ils n'auraient qu'à se sécher une fois arrivés, ce n'était pas la mer à boire !
Pourtant, la plaisanterie ne dura pas : le rouquin perdit rapidement son amie du regard dans la foule. Puis il entendit un cri. C'était elle, il en était certain. Il se précipita vers l'origine du hurlement, et vit trois individus qui la retenaient. Sans hésiter, il se jeta sur eux pour la libérer ; en réponse, un des deux hommes affairés à maintenir l'adolescente le saisit à son tour sans aucune difficulté. Le dernier, ainsi que la femme qui les accompagnait, s'enfonça dans une ruelle voisine, Marie se débattant toujours dans ses bras. La femme lui plaqua un pan de tissu contre le nez, ce qui eut pour effet de l'endormir.

Du narcotique. Mais que faisaient-ils avec du narcotique ?! Que lui voulaient-ils ?

L'homme qui détenait Raphaël se tourna vers ses camarades et leur dit quelque chose dans une langue qu'il ne comprit pas. Puis tous les cinq entrèrent dans la ruelle, suivis de près par Fondue qui aboyait comme un fou.

« Qu'est-ce que vous faites, bon sang ? Qu'est-ce que vous nous voulez ?! » hurlait le jeune roux tandis que ses lunettes avaient glissé le long de son nez sur au moins un centimètre et demi à cause de ses tentatives vaines de se libérer.

Celui qui le maintenait était très calme, à l'air triste. Déçu. Il n'avait pas l'air de vouloir faire de mal à qui que ce fût, alors pourquoi faisait-il ça ?!

« Désolé... »

L'adolescent n'eut pas le temps de lui dire qu'il ne comprenait pas ce qu'il disait car une vive lumière l'aveugla soudainement.

Puis ce fut le noir complet.

« Génial. Je n'arrive pas du tout à retrouver cette galerie sur la carte. J'crois que là, on est carrément perdus... »

La créature qui le suivait poussa un petit grognement lassé qui laissait deviner quelque chose comme « Je te l'avais bien dit » ; en réponse, le jeune homme répliqua dans son énervement qu'il n'avait pas besoin d'en rajouter une couche.

« Quelle galère... Y'a même plus de réseau ! » grommelait-il en regardant l'écran de son téléphone.

Son étrange compagnon, ressemblant à un dragon bleu sombre au ventre rougeâtre, ricanait malicieusement face à la déroute de l'adolescent à l'aube de la vingtaine d'années.

« Très drôle, Carmache. J'suis mort de rire. »

De la lumière sortait d'un trou dans la paroi, sur la droite. Il poussa un cri de victoire tout en s'épongeant le front plein de sueur au-dessous de son bandeau vert, avant de contraindre le dénommé Carmache de le suivre. Le passage laissé par la roche mena, contre toute attente, à une simple torche encastrée dans un mur. Déçu, il s'en saisit afin d'y voir plus clair sur le reste de la route ; du moins, il tenta car celle-ci était coincée sur son socle, et il ne put que la faire basculer vers le bas. Il entendit un déclic qui lui confirma que, finalement, ce genre de clichés n'était pas réservé à la cinématographie, et en effet ce qui ressemblait à un mur s'affaissa sur ce qui devait être une grande salle sombre. Intrigué, il entra, suivi de son pokémon. Le dresseur aperçut un emplacement pour un brasier éteint ; il l'alluma tout naturellement à l'aide de son briquet, histoire d'y voir plus clair.
Carmache paraissait nerveux et tirait sur le bras du jeune homme, mais celui-ci n'y prêtait pas attention.
Il entendit enfin un ronflement qui, en réalité, résonnait depuis longtemps. Peut-être y avait-il finalement pris garde parce qu'il venait de s'arrêter. Soudainement inquiet, il regarda autour d'eux. Et il le vit enfin.

Blanc.
Énorme.
Énervé. Ou plutôt, très énervé.

Cela ressemblait à un dragon blanc et mauve. Son regard écarlate et enragé d'avoir été ainsi réveillé se plongeait sur les deux visiteurs.

Il s'approchait.
Lentement.
Sournoisement.

Brice n'eut que le temps de rattacher cette créature à l'une des légendes de la région dans laquelle il se trouvait : Palkia. Et il l'avait mis en colère par pur hasard, sans le faire exprès ni même le savoir.

“Holy shit...” murmura-t-il ébahi, dévisageant avec terreur la légende vivante qui le toisait avec courroux.

Ce fut à partir de ce moment qu'il regretta sérieusement de s'être levé ce matin-là.

Chapitre I ~ Le corollaire du paradoxe des sens uniques

Note de l'auteur

Allez, c'est parti pour une nouvelle fiction, et au concept encore plus improbable que les autres ! /o
Non, plus sérieusement, j'aime bien ce Prologue ; j'aime bien son entrée en matière, j'aime bien aussi le passage que KaitouR de FF.fr a fait (car au départ, cette fiction était censée être collective avec elle)... Bref, j'aime bien ces cinq pages d'introduction, même si elles demeurent comparées au reste d'une grande platitude à mon goût. Heureusement que le début est accrocheur, ça rattrape la mise.
M'enfin ; si vous avez aimé et que vous comptez continuer à lire, alors je vous souhaite une bonne lecture ! J'espère que la suite vous plaira au moins autant que ce chapitre introductif ! ;3
Article ajouté le Mercredi 25 Septembre 2013 à 18h51 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre I

Chapitre I ~ Le corollaire du paradoxe des sens uniques

~ Parce que le problème n'a toujours pas été résolu.« Conan-kun, reviens ici tout de suite ! Qu'est-ce qui te prend ?! »

Génial. Il avait désiré ne se faire remarquer par personne, et voilà qu'il devait désormais se trainer Ran dans les pattes sur tout le trajet. Sans compter le fait que, bien évidemment, il aurait droit à des réprimandes pendant et après son escapade qui seraient tout sauf discrètes ; c'était ce dernier point qui l'inquiétait le plus, à vrai dire, puisque cela rendrait sa tâche bien plus difficile à mener. Se faire surprendre par ces étranges choses sorties de nulle part à cause du bruit qu'elle causait était bien la dernière chose à faire. Même si, bien agrippé à son skateboard fonctionnant à l'énergie solaire, il allait bien plus vite qu'à pied, il n'était pas impossible que ces créatures fussent plus rapides. Donc il fallait à tout prix éviter de croiser leur chemin.
L'enfant parcourait le plus rapidement possible les petites rues désertes – qui, par une chance inouïe, le restaient malgré tous les cris presque hystériques de son amie –, cherchant à parvenir à ce mystérieux point d'où toutes ces créatures tueuses venaient. Il y était presque, il était hors de question de faire demi-tour ! Même s'il allait devoir expliquer à la jeune femme qu'il était impératif, désormais qu'ils y étaient quasiment arrivés, d'y rester un moment, au moins le temps d'avoir pu enquêter un minimum sur les lieux. Mais elle ne l'écouterait probablement pas...

Ce qu'il imaginait de pire finit par arriver inéluctablement : une de ces créatures surgit brusquement derrière eux. Il l'avait entendue et reconnue à son bruit caractéristique, indigne d'un être vivant, presque comme quelque chose de mécanique. Cela signifiait-il qu'il devait en conclure qu'il s'agissait de machines à tuer au sens propre du terme ? Il était trop tôt pour le dire. Personne ne savait de quoi il s'agissait, et le moment était mal choisi pour y réfléchir.

« Ran, cours ! » hurla le jeune garçon en tournant la tête durant un instant.

La concernée risqua un œil derrière elle, l'aperçut, poussa un cri de terreur avant de redoubler la cadence de ses pas.

« C'est ta faute ! criait-elle, terrorisée. Qu'est-ce qui t'a pris de sortir ?! Où vas-tu ?! Et attends-moi ! »

Il ne répondait pas, lui suppliant silencieusement au contraire de se taire. Cela ne pouvait qu'arranger un minimum les choses pour elle comme pour lui de concentrer leurs forces sur leur course plutôt que sur leurs cris et leurs mots. Ils ne devaient pas se laisser rattraper, ni par cette bestiole ni par leur fatigue qui commençait à se faire ressentir.
L'adolescente haletait et, bien qu'ayant réussi à rattraper son ami, commençait de ralentir, essoufflée.

“C'est vraiment pas le moment pour ça !” ragea-t-il intérieurement, excédé.

Il se saisit soudainement de sa main, ce qui la fit brusquement basculer sur la planche à roulettes. Elle eut le bon réflexe de s'y agenouiller, enlaçant instinctivement le jeune gamin à lunettes comme elle eut serré dans ses bras un vieil ami. Le concerné, lui, restait à l'avant, demeurant concentré sur le chemin à suivre. Ne restaient plus que quelques dizaines de mètres... C'était trop bête !
Mais, d'un autre côté... Que pensait-il trouver là-bas ? Un refuge, peut-être ? Il n'y avait pas réfléchi. Et il avait osé espérer que tout serait terminé une fois qu'il y serait ? Que cette bestiole s'arrêterait net une fois arrivés, comme s'il s'agissait d'un jeu terminé une fois l'arrivée atteinte ? Quelle naïveté...

Ils y parvinrent finalement. Il s'agissait d'une rue comme les autres, sauf qu'il s'agissait d'une impasse. Avait-il mal calculé ? C'était tellement peu probable qu'il n'osa pas douter de sa réussite. Mais dans ce cas alors, d'où provenaient ces choses ? Elles ne traversaient tout de même pas le mur du fond...

Il y eut soudainement une vive lumière qui aveugla le duo et les força à fermer les yeux.

Ces créatures ne traversaient pas le mur du fond. Elles apparaissaient et disparaissaient tout simplement au beau milieu de la rue : ils en firent l'expérience en agissant de même sans s'en rendre compte.

Lorsqu'ils rouvrirent les yeux, ce fut pour les écarquiller aussitôt. Ils n'étaient plus du tout dans la même rue, mais plutôt dans une sorte de place abandonnée... et envahie par ces créatures. Ils étaient cernés. Instinctivement, Conan eut un réflexe qui leur sauva la vie à tous deux : il lâcha les bords de son moyen de transport qui les laissa tomber au sol, en arrière. L'engin continua sa course sans passager, fonçant dans l'une des créatures ; il en traversa plusieurs, avant de terminer sur le dos, plus loin, hors de vue des deux Japonais. Cette fois-ci, ils n'avaient aucun moyen de s'en sortir.
Peut-être Conan regretta-t-il de s'être levé ce matin-là. En plus, c'était de sa faute s'il avait plus ou moins entraîné son amie dans le même pétrin que lui...

Ce fut alors que trois jeunes filles apparurent, s'interposant de toutes parts entre eux et ces choses. Elles portaient toutes d'étranges sortes d'armures colorées. Ne prenant aucunement garde aux mines ébahies des deux Japonais, elles se jetèrent sur l'ennemi grouillant tout en chantant ; deux d'entre elles portaient des armes, soit une grande épée et ce qui ressemblait parfois à une arbalète, parfois à une arme à feu du type pistolet-mitrailleur ; la dernière se battait à coups de poings, et pourtant le contact avec ces choses ne carbonisait aucune d'entre elles. Bien au contraire, la situation était renversée et ces bestioles étaient les seules choses à tomber en poussière de charbon.
Il avait beau réfléchir et observer la scène avec grande attention, Conan ne voyait aucune explication possible. Il n'avait aucun moyen de comprendre autre que celui d'attendre que ces filles sorties de nulle part eussent terminé ; là, il pourrait leur réclamer des explications sur tout ce qui venait de se produire.

Une fois que la place fut complètement vide mis à part les cinq personnes présentes – et le skateboard qui désormais était visible à quelques dizaines de mètres de là –, les armures disparurent d'elles-mêmes pour laisser place à des uniformes de lycée japonais tout ce qu'il y avait de plus normal. La plus jeune des adolescentes partit chercher la petite planche à roulettes avant de se retourner d'un air enjoué vers les deux amis éberlués, les saluant tout naturellement et leur tendant l'engin avec un large sourire. Comme s'il n'y avait rien d'inhabituel à faire ce genre d'exploit. Comme si c'était parfaitement normal.

« Qui... êtes-vous ? balbutia Ran, à moitié béate.
- Moi, c'est Hibiki Tachibana, répondit aussitôt la petite blonde, qui devait avoir vers les quinze ou seize ans. Et elles, c'est Tsubasa Kazanari et Chris Yukine. »

Elle avait montré d'abord l'aînée dont la chevelure bleue étonna encore les deux amis, puis la dernière aux cheveux courts qui laissaient cependant traîner quelques mèches beaucoup plus longues, telles des rubans. Ces dernières avaient réagi avec une mine plutôt désintéressée, chacune plongeant son regard dans le vague des alentours.

« Vous, c'est comment ? reprit-elle aussitôt d'un air quasiment excité à rencontrer de nouvelles têtes.
- Je m'appelle Ran Mouri, et voici Conan Edogawa. Est-ce que vous—
- Enchantée ! Auriez-vous l'obligeance de nous suivre, maintenant que vous avez vu quelque chose que vous n'étiez pas censés voir ? »

Elle avait toujours gardé son air enjoué, naturel, ainsi que son indétrônable sourire. Ils lui présentèrent en réponse un long silence incrédule.

« Vous n'êtes pas sérieuse... C'est une blague, c'est ça ? » finit par demander le gamin.

Des voitures noires arrivèrent soudain sur la place, s'arrêtant quelques mètres plus loin. Le sourire de l'adolescente s'accentua.

« Vous avez de la chance, ils ont déjà prévu l'escorte pour vous ! »

Le silence interloqué reprit le dessus, mais c'était désormais clair, net et précis.

Cette fille était sérieuse.

« Professeur ! Vous avez vraiment fait vite ! »

Se faisait cependant ressentir bien plus de joie que de surprise dans la voix du jeune adolescent à casquette bleue : son sourire radieux, sur le point d'exploser en éclats de rire à cause d'une trop grande jubilation soudaine, en était la preuve. Luke laissa entrer son mentor ainsi que Flora – qu'il salua avec autant de vivacité –, criant aussitôt à l'adresse de ses parents qu'ils étaient arrivés ; même si son père se trouvait dehors et venait de garer complètement sa voiture, en sortant les valises des deux invités, et était donc forcément au courant puisque cela signifiait qu'il les avait accompagnés depuis le port.
Une fois que tout le monde fut à l'intérieur, Brenda apparut aussitôt, un plateau rempli de biscuits et d'un service à thé, ce qui montrait qu'elle devait sortir de la cuisine. Elle servit ses amis, un par un, au fur et à mesure qu'ils s'asseyaient dans les fauteuils confortables du salon. L'archéologue n'hésita pas à louer la sensation de luxe et de propreté qui ressortait de la charmante nouvelle demeure des Triton, en dépit de sa situation en pleine campagne irlandaise. D'un certain côté par ailleurs, les bois environnants donnaient un certain charme à la vieille bâtisse qui avait, à l'intérieur, repris un bon coup de neuf grâce à ses nouveaux locataires.

« L'avantage de la campagne, récitait calmement et fièrement le père, est en effet le calme et la tranquillité. Dublin n'est qu'à quelques dizaines de miles, mais le village d'ici est resté tellement ancré dans les traditions qu'on se croirait à l'autre bout du monde ; ça change de Londres, on peut dire. »

Le professeur ne tarda pas à remarquer qu'une tasse de trop, vide, demeurait sur le plateau sur la table auprès de la théière encore pleine d'un Earl Grey brûlant. Lorsqu'il en fit part à Brenda, celle-ci sursauta très légèrement avant de détourner le regard vers son fils.

« C'est vrai... Tu devrais peut-être leur expliquer dès maintenant. Après tout, son thé va refroidir. »

Flora et son père adoptif eurent la même réaction de surprise, simultanément. Tous leur cachaient quelque chose ? Un hôte ou un autre invité dont ils n'avaient jamais entendu parler ? Pourquoi cacher l'existence d'un ami ?

« Professeur... commença Luke d'un air presque penaud. Vous savez ce qui se passe ici, n'est-ce pas ?
- J'ai reçu les détails des faits en même temps que ta lettre. Encore une fois, tes notes étaient lucides et précises, je te félicite. »

Il s'agissait d'une affaire de disparitions de certains habitants du village, de manière plus ou moins aléatoire. Il était dit que toutes les disparitions avaient lieu lorsque la victime se rendait dans la forêt, mais nombres de gens qui s'y promenaient revenaient sans une égratignure ; il pouvait s'agir jusque-là d'une simple affaire d'enlèvements, si un autre fait plus déroutant encore n'avait pas commencé en même temps.
En effet, si des gens sans aucun lien entre eux disparaissaient, d'étranges créatures similaires à des poneys apparaissaient de même, à l'intérieur de la forêt, de manière totalement aléatoire ; la majorité des habitants du village étant encore très ancrés dans les traditionnels contes et légendes des lieux, tous avaient lié les deux affaires en accusant tout naturellement ces équidés d'être à l'origine des kidnappings. Il était vrai que nombres de contes à propos de chevaux maléfiques existaient dans les plaines irlandaises. S'en était ainsi suivi une sorte de chasse aux monstres ; mais plus les paysans se hasardaient dans le bois, plus ils avaient de chances de ne pas revenir.

« Je ne vous cacherai pas que je me suis rendu quelques fois dans la forêt pour essayer de trouver des indices. N-Ne ne vous inquiétez pas, j'étais très prudent ! se rectifia-t-il aussitôt, faisant des gestes des mains rapides pour montrer qu'il était plus ou moins sur la défensive. Mais en fait, lors de l'une de mes investigations, j'ai rencontré quelqu'un qui nous permettra sûrement de faire la lumière sur cette affaire plus facilement... »

Tiens donc. Le Londonien eut un haussement de sourcils surpris, mais esquissa un léger sourire tout de suite après.

« Laisse-moi deviner, prononça l'homme d'un ton calme mais neutre. Tu t'es lié d'amitié avec une de ces créatures que tu aurais croisée par hasard ?
- Elle s'appelle Twilight Sparkle. E-Elle est vraiment très gentille ! Et puis, quand je l'avais vue, elle s'était blessée dans un piège laissé par des chasseurs... Je ne pouvais pas l'abandonner là ! »

Son mentor lui fit signe de se taire et de reprendre son calme. Son attitude sereine étonna sérieusement son apprenti, lui qui s'était attendu à une réaction toute autre ; même Flora semblait presque ravie de rencontrer un de ces mystérieux poneys étranges qu'elle n'avait pour le moment vu qu'en photographies – celles qu'il avait envoyées au professeur.
D'un autre côté, ils avaient déjà eu vent des événements, et l'adolescent devait avouer que ses propos n'avaient pas été très mystérieux : c'était à lui de se demander pourquoi il s'étonnait que le professeur ne s'étonnât de rien et en sût déjà quasiment autant que lui.

« Eh bien, je suppose que nous devrions faire connaissance avec cette Twilight Sparkle... Il serait intéressant de savoir ce qu'elle aurait à ajouter. », proposa finalement l'homme au haut-de-forme avec un sourire naturel et un ton calme, posé, accueillant.

Des bruits de pas retentirent alors dans la pièce d'à côté. Ou plutôt, il s'agissait d'un bruit ressemblant plus à ceux de sabots entrant en contact avec le parquet. La porte s'ouvrit lentement, poussée par la tête d'une jeune pouliche mauve et à la crinière indigo ; quelques crins formaient des mèches plus violettes et roses, mais ils étaient rares. Il ne fallut pas longtemps pour remarquer l'unique corne torsadée qui trônait sur son front, ainsi que la marque rose en forme d'étoile à six branches qui se trouvait sur son flanc.
La licorne s'avança silencieusement et calmement vers la table, puis s'assit. Elle avait un ruban blanc autour d'une de ses pattes, preuve qu'une plaie avait été soignée récemment à cet endroit. Elle rougissait légèrement, à cause de l'embarras. Elle devait se demander si elle n'avait pas agi trop rapidement. Peut-être que désormais, son silence allait paraître étrange. Elle allait devoir parler, sinon ce serait malpoli.

« Vous êtes le professeur Layton... ? Luke et ses parents m'ont beaucoup parlé de vous. Je suis enchantée. »

Elle lui adressa un regard hésitant et un petit sourire timide qu'elle rabaissa aussitôt, inclinant ses oreilles en arrière et rougissant davantage encore.
Le gentleman ne réagit pas durant un instant indéterminé, l'air légèrement interloqué.

« Vous... Vous pouvez parler... ? Je pensais que seul Luke pouvait vous comprendre...
- Vous le faites bien. Tout le monde le fait autour de cette table autant qu'à Equestria, alors pourquoi pas moi ? »

Petit mouvement de surprise. Piqué par la curiosité, il s'était désormais décidé à poser le plus de questions possible à cette licorne. Elle savait forcément des choses qu'il ignorait, et qui lui seraient utiles pour l'affaire.

« Equestria ? répéta-t-il.
- Là d'où je viens. C'est un peu comme ici, sauf que tous les habitants sont des poneys. »

Ce qui confirmait que ces créatures provenaient toutes du même endroit, endroit qui se trouvait quelque part... Mais où ? Pourquoi ne l'auraient-ils jamais découvert jusqu'alors, et quel était le rapport avec ces histoires d'enlèvements ?

« Comment êtes-vous arrivée ici, vous et vos compagnons ?
- De la même manière que les gens qui disparaissent ici, Professeur.
- C'est-à-dire ?
- J'en ai strictement aucune idée. »

Encore une surprise. Il fronça les sourcils, objectant aussitôt :

« Comment pouvez-vous en être certaine dans ce cas ?
- Je pense que c'est très probable. À mon avis, ceux qui disparaissent ici doivent bien réapparaître ailleurs. Si j'ai disparu d'Equestria pour me retrouver ici, je suppose que l'inverse a lieu avec les habitants de ce village qui disparaissent...
- Qu'avez-vous fait pour « disparaître » de cet endroit et apparaître en Irlande ?
- Rien de spécial. Je me promenais à la lisière de l'Everfree Forest. »

La forêt qui borde mon village, expliqua-t-elle avant que le professeur n'eût le temps de lui demander de quoi il s'agissait, ayant bien compris qu'il désirait absolument tout savoir, du moment que cela leur était utile.

« Vous pensez que le malentendu sera élucidé un jour ? demanda-t-elle soudainement en relevant la tête et lui adressant un regard triste, mais espérant une réponse positive. Aucun poney n'a encore été vraiment capturé jusqu'à maintenant, mais j'ignore ce qui arrivera si jamais ça se produit...
- Je crains de ne pouvoir répondre à cette question ; je n'ai pas encore fréquenté les habitants de ce village, je ne connais pas leur mentalité. Ce serait à vos hôtes de vous fournir une réponse, puisqu'ils sont ici depuis quelques mois.
- C'est vrai. Veuillez m'excuser. »

Silence. Personne n'avait quoi que ce fût à ajouter dans la même optique que ce qui venait de se dire, aussi la prochaine question du professeur, posée au bout de quelques instants, fut-elle bien plus générale :

« Avez-vous une quelconque idée de ce qui se passe ?
- Absolument aucune. Je peux seulement vous dire que la situation se passait de la même manière à Equestria : des poneys disparaissaient et d'étranges créatures que nous n'avions jamais vues auparavant – je sais désormais que ça s'appelle des humains, grâce à Luke – apparaissaient et ne comprenaient rien à ce qui leur était arrivé. C'était pour ça que je faisais mon enquête près de l'Everfree Forest... Sauf que je me suis soudainement retrouvée ici, sans savoir pourquoi ni comment. Je suis tombée dans un piège alors que j'étais perdue dans le bois à côté de ce village, et Luke m'a trouvée... Alors on a fait connaissance, et on a essayé de trouver une explication à tout ça. Sans succès.
- Je vois... Et je suppose que vous vivez désormais en cachette ici. »

La jeune jument acquiesça d'un mouvement de tête.

« J'espère que mes amies ne s'inquiètent pas trop... l'entendit-il murmurer.
- Nous ferons tout pour que vous les retrouviez, assura-t-il alors. Il faut absolument que nous trouvions un moyen de faire que chacun rentre chez lui. »

Il saisit sa tasse de thé, avalant silencieusement une petite gorgée. La corne de Twilight brilla d'une petite lueur mauve avant que sa propre tasse ne fît de même, commençant alors de léviter vers sa bouche et lui permettant de boire elle-même.
Elle s'interrompit aussitôt en voyant la mine éberluée de son interlocuteur, ainsi que les grimaces de ses hôtes qui, apparemment, savaient ce qui se passait mais eurent préféré que cela n'arrivât pas.

« Oups... Désolée, j'avais oublié que vous ne connaissiez pas la magie par ici. Toutes les licornes peuvent faire ça...
- Je vois... marmonna l'adulte d'une voix cependant encore sous le choc. Je suppose que si vous ne vous en êtes pas servi pour ouvrir la porte...
- Oui. Je préférais ne montrer qu'une seule chose à la fois, c'aurait fait un peu trop brutal sinon... »

Elle confia qu'elle voyait mal au départ comment les humains pouvaient vivre sans magie, mais que finalement les mains étaient réellement un atout qui pouvait se montrer très utile. Mais ça n'égalera jamais la magie, marmonna-t-elle en buvant une autre gorgée.
La discussion se poursuivit encore quelque temps, mais rien de nouveau ne put être établi ; il devenait finalement de plus en plus certain que le seul endroit où ils pourraient trouver des indices serait dans le bois lui-même, malgré le risque de « disparition ». Mais après tout, ils n'avaient pas énormément de choses à risquer puisque ce genre de choses se produisait dans les deux sens ; Twilight avait confirmé que certains poneys avaient réussi à disparaître, puis réapparaître. Mais qu'ils n'étaient qu'un ou deux, sur des dizaines. Tout avait l'air de se jouer sur des probabilités...
Quoiqu'il en fût, ils n'avaient pas le choix : le seul endroit qui pouvait leur fournir des informations supplémentaires était la forêt. Il se décida que le professeur s'y rendrait avec ses apprentis et la licorne dès que le déjeuner serait achevé.

La forêt ne comportait décidément rien d'anormal. Aucune trace de piège, de mécanisme, autre que ceux posés habituellement par les chasseurs en quête d'animaux sauvages à capturer. Et puis, comment était-il possible de disparaître pour réapparaître ailleurs ? Cela relevait soit d'une grande technologie futuriste, soit... de la magie.

« La magie que vous connaissez vous permettrait-elle de disparaître et réapparaître ainsi ?
- C'est vrai que le sort de téléportation est très simple et requiert un niveau à peine plus élevé que celui de la télékinésie qui est à portée de toutes les licornes, confirma-t-elle.
- Donc il serait possible que tout ceci soit dû à une ou plusieurs licornes... Même s'il n'y a pas vraiment d'intérêt à enlever des gens et des poneys ; généralement, le coupable se serait focalisé seulement sur la téléportation d'humains ou de poneys, pas les deux... »

Ce qui signifiait que soit il y avait là un intérêt qu'ils ne saisissaient pas, soit... il n'y avait aucun coupable. Contre toute attente, la deuxième hypothèse paraissait être la plus probable.
Un étrange bruit retentit soudainement derrière eux. Il était impossible de définir de quoi il s'agissait... On eut dit une sorte de son à la fois mécanique, comme un crissement aigu, à la fois mélodieux, d'un certain point de vue : cela ressemblait au frottement d'un objet métallique contre quelque chose comme une corde d'acier, mais pas exactement... Il n'avait jamais entendu quoi que ce fût de la sorte.

Minute... Cela signifie-t-il que ce serait causé par l'origine de ces téléportations ?

Et cela signifie-t-il que nous allons... ?


« Professeur, regardez ça ! » s'écria Luke en pointant du doigt l'endroit d'où ce bruit semblait provenir.

En effet, venait de commencer à apparaître, très faiblement, très pâle et plus transparente encore qu'un verre de lunettes, une lampe clignotante à l'allure d'un gyrophare de police posée sur le contour d'une sorte de grande boîte. Le tout avait disparu aussitôt, avant de réapparaître un peu plus fermement. L'ensemble semblait clignoter de même qu'une lumière, alors qu'il s'agissait d'un corps solide. Du moins... cela en avait l'air.
Au fur et à mesure que cela s'assombrissait et devenait plus opaque, il devint de plus en plus aisé de distinguer l'objet. Lorsque le son s'estompa et que l'engin arrêta de clignoter, il était clair qu'il s'agissait de quelque chose de bien réel.

« Une cabine téléphonique... Et bleue, en plus ? Professeur, ce n'est pas rouge, d'habitude, les cabines téléphoniques... ? » bredouilla Flora, ébahie.

L'homme au haut-de-forme était tellement désemparé qu'il avait paru ne même pas avoir entendu la question.
La porte de ce qui ressemblait en effet à une cabine téléphonique londonienne s'ouvrit soudainement sur un homme qui devait avoir entre trente-cinq et quarante ans, qui ne regardait pas réellement où il allait – en effet, il avait les yeux vers la cime des arbres plus que devant lui – : il était de plus en pleine discussion avec une personne se trouvant encore à l'intérieur de la machine, et n'avait en conséquence aucunement remarqué ceux qui l'avaient vu apparaître.

« Haha ! Cette bonne vieille TARDIS nous a encore amenés là où elle voulait ! riait-il d'un ton à l'aspect tout sauf sérieux.
- C'est-à-dire, Docteur ? demanda alors une voix de femme, qui correspondait par déduction à l'inconnue encore à l'intérieur.
- Inglewood ! Très pittoresque, par contre je te parle pas de l'accent des villageois ! Je connais un peu, j'y suis allé alors que j'approchais de mes six cents ans. Ah, tant que j'y pense, le nom est absolument à ne pas confondre avec la planète du même nom où sévissent d'horribles plantes carnivores ! J'ai même failli y perdre ma main. J'ai déjà perdu ma main, d'ailleurs, enfin, tu étais présente, mais ça fait vraiment bizarre, pendant un instant, de plus sentir tes doigts ! »

La volubilité de cet homme était presque plus déroutante encore que cette cabine téléphonique sortie de nulle part. Les Londoniens et la ponette demeuraient statiques, yeux exorbités rivés sur celui qui désormais donnait l'impression de mener un interminable monologue.

« Oh. Bonjour ! » s'exclama-t-il d'un ton parfaitement innocent lorsqu'enfin il remarqua les observateurs interloqués.

Il commença par ne pas avoir de réponse, mais il parut ne pas y prêter attention ; au contraire, ce déroutant personnage descendit vers eux avec un sourire rayonnant, les mains dans les poches, tandis que sa compagne sortait elle aussi de la mystérieuse boîte bleue. Cette dernière avait les cheveux blonds et courts qui voletaient au rythme de sa marche assurée ; elle paraissait clairement plus lucide que celui qu'elle accompagnait, car dans ses yeux se reflétait bien une lueur d'intelligence et d'une sorte de mélange entre sagesse et confiance en elle.

« Qui. Êtes. Vous. » balbutia le professeur alors que l'homme se trouvait à moins de deux yards du groupe.

Il avait probablement voulu incorporer une intonation interrogative dans sa question ; mais la surprise, l'incompréhension, l'accumulation de tous ces faits inexpliqués et pour le moment inexplicables, tout ceci avait dû le mettre plus ou moins à bout et entraîner cette soudaine perte de sang-froid momentanée. En effet, le gentleman se reprit aussitôt, tentant de reprendre son calme.

« Je suis le Docteur, répondit aussitôt l'interrogé du même ton léger qu'auparavant.
- Le Docteur...?
- Bonjour !
- Non, mais je veux di—
- Docteur qui ? insista Luke.
- Le Docteur ! » répliqua-t-il d'un ton laissant parfaitement comprendre qu'il devait s'agir d'une évidence.

L'apprenti resta un instant interdit, la bouche à demi ouverte, les sourcils froncés et les mains légèrement ouvertes montrant l'incompréhension.

« Hé ! Vous n'avez pas répondu à ma question ! Vous êtes qui ?
- J'ai répondu à ta question, petit. Je suis le Docteur. Et elle (il montra du doigt la jeune femme qui l'accompagnait), c'est Rose Tyler. Qu'est-ce qui ne va pas là-dedans ? »

L'adolescent fit soudainement une moue contrariée. Bien sûr que quelque chose n'allait pas...

« Je ne suis pas petit. »

Le Docteur soupira une fois de plus avant de souffler sur sa tasse de thé. Pourquoi avait-il accepté de les suivre jusqu'à cette petite maison en bordure de la forêt, déjà ? Ah, oui. Il n'avait pas le choix. Il l'avait vite compris, il était face à des gens qui cherchaient des réponses et étaient peut-être prêts à tout pour les obtenir.
Au moins, ils avaient cependant l'avantage d'être accueillants et amicaux. Ce thé était tout simplement délicieux.

« Bien... reprit au bout d'un moment l'homme au haut-de-forme. Docteur, pourriez-vous nous expliquer votre apparition soudaine dans une cabine téléphonique bleue ? »

Tiens, il semblerait que même la couleur avait de l'importance pour lui.

« Ce n'est pas une simple cabine téléphonique, Professeur. C'est une TARDIS. Time And Relative Dimension In Space. N'oubliez pas ça.
- Si vous voulez ; mais cela ne répond pas à ma question. Que faisiez-vous dans votre TARDIS, et cette machine a-t-elle un quelconque rapport avec les apparitions et disparitions qui ont lieu ici ? »

Il ne répondit pas tout de suite, se contentant de prendre un sucre et de le mélanger à sa boisson brûlante.

« Absolument aucun rapport.
- Savez-vous quoi que ce soit à propos de ce qui se passe ici ?
- C'est pour ça que je suis venu. Enfin, après réflexion ce n'était pas ici que je devais arriver puisque je devais arriver à l'origine du problème qui nous atteint tous, et pourtant je suis tombé là où il y avait le plus grand problème de déchirure de l'espace-temps, c'est tout de même drôle comme coïnciden—
- S'il vous plaît, ne dérivez pas dans vos... Comment ? »

Le professeur s'était relevé d'un bond, plus surpris encore que d'habitude.

« Vous avez bien entendu : cette forêt abrite une déchirure de l'espace-temps en divers endroits, et il en est de même pour un autre univers. En conséquence, si quelqu'un se rend en un endroit où l'espace-temps est fissuré, il se retrouvera tout simplement dans le Void.
- Le Void ?
- Le vide inter-univers. Enfin, c'est ce qui devrait se passer en temps normal, vu que ce n'est visiblement pas arrivé et que les gens qui disparaissent et apparaissent sont encore vivants, donc ils se sont tout simplement rendus dans l'autre univers. Et il n'y a qu'une seule explication à ça...
- De quoi parlez-vous ? »

L'expression de l'homme devint incroyablement froide et grave, soudainement, en un instant. Il le transperça du regard, prouvant qu'il fallait véritablement lui faire confiance ; ce n'était pas négociable.

« Ça veut dire que ces deux univers sont en train de fusionner. Et ça, c'est très mauvais parce que généralement, ça les anéantit tous les deux. Tout simplement. Le mélange finit par exploser dans le Void si on ne fait rien. En gros, c'est la mort des deux univers et tout ce qu'ils contiennent. »

Un grand silence s'ensuivit. Son regard ne cillait pas. Finalement, le professeur Layton parut laisser transparaître dans ses yeux comme une sorte de signe de soumission. Il avait enfin admis que son interlocuteur était sérieux et ne mentait pas.

« S'il vous plaît. Dites-nous comment vous savez autant de choses.
- Je n'ai pas beaucoup de temps, je dois partir avec Rose. Si vous voulez, on en reparlera plus tard, mais pour l'heure on doit partir. Plus on attend, plus la situation devient difficile à arranger. »

Encore une fois, le gentleman dut avouer qu'il n'avait probablement pas tort. Si jamais il disait la vérité, alors il avait tout intérêt à lui faire confiance et le laisser s'occuper du problème – puisque s'il savait et disait vouloir partir, alors cela signifiait qu'il était également capable de faire quelque chose. Mais d'un autre côté, il était hors de question de laisser filer tant d'informations aussi importantes pour son enquête...

« Laissez-nous venir avec vous. Vous nous expliquerez en chemin.
- Hors de question. Là où on va, on ne sait pas ce qui va nous tomber dessus. Sachez que c'est beaucoup plus grave que votre simple histoire de changements d'univers voisins, Professeur. Votre monde et celui avec lequel il communique sont les plus atteints pour le moment, mais il a l'avantage de ne pas avoir autant de problèmes à gérer que les autres.
- Vous voulez dire que votre machine, le TARDIS, permet de voyager d'un univers à l'autre ? »

Le Docteur s'assombrit plus encore qu'auparavant, chose qui paraissait impossible jusqu'alors.

« Justement. S'il n'y avait aucun problème, elle ne le pourrait pas. Alors maintenant, assez de temps perdu comme ça. »

Il se leva, déposa sa tasse de thé vide sur la table d'un geste énervé, encouragea Rose du regard de le suivre et s'approcha d'un pas rapide vers la porte. C'était à peine s'il avait prononcé des remerciements pour les avoir accueillis et leur avoir offert le thé.

« Une dernière chose... »

Il se stoppa. L'archéologue s'était affirmé une fois de plus.

« Une cantatrice de Londres que je connais a récemment été enlevée. Les ravisseurs n'étaient pas dotés de TARDIS, mais eux aussi ont disparu et ont probablement changé d'univers. J'étais présent dans l'opéra sur le moment, et je ne vois aucun trucage possible. Je peux me tromper, mais j'ai le sentiment que cette affaire est liée à la vôtre.
- L'intuition du professeur ne le trompe jamais ! ajouta aussitôt Luke. En plus, il a déjà élucidé plein de mystères très déroutants ! On peut vous aider ! »

L'homme demeura sur le pas de la porte ouverte qui donnait, au loin, sur le village. Il était de dos, ne les regardait même pas. Rose semblait hésiter, mais ne se décidait pas à prendre un parti plus qu'un autre.

« Préparez vos affaires si besoin et venez. Mais faites vite. »

« Je n'avais pas osé parler de ce détail... »

Le Docteur se retourna vers le professeur, alors qu'il venait d'ouvrir la porte du TARDIS.

« Que se passe-t-il ?
- Nous sommes six, dont un poney. Nous ne tiendrons jamais dans un espace aussi réduit... »

Il esquissa un sourire à la fois amusé et lassé. Il avait l'habitude.

« Ne vous inquiétez pas de ce détail et contentez-vous d'entrer. »

Le gentleman se douta que quelque chose qu'il ignorait lui permettrait de comprendre, mais il ne voyait aucune réponse plausible. Finalement, il se décida à obéir, puisque la réponse devait l'attendre à l'intérieur.
Il ne fut pas déçu : en effet, il comprit pourquoi il avait été le seul à se demander pourquoi l'espace manquerait, car il n'en était rien. L'intérieur du TARDIS devait bien être dix ou vingt fois plus spacieux qu'il n'en avait l'air depuis l'extérieur. Il fut tenté de vérifier depuis l'extérieur qu'il n'y avait pas de trucage, mais il ne le fit pas. Il avait bien vu que la machine était apparue juste devant un arbre, qu'elle ne pouvait donc logiquement pas traverser ; et, de plus, la cabine téléphonique paraissait réellement moins large que la véritable largeur de l'endroit où il se trouvait.
Ce n'était pas scientifiquement possible, il en était persuadé. La technologie humaine ne permettait pas ce prodige, et ne le permettrait probablement jamais.

Une fois que Luke, Flora et Twilight, après avoir vu l'intérieur avec stupéfaction, eussent tourné au moins cinq fois autour de la boîte bleue, le Docteur et Rose les firent entrer sans prêter attention à leurs mines désemparées. Alors que celui-ci était aux commandes, pianotant sur les différents boutons, l'archéologue ne put cependant s'empêcher de poser une question ; ou plutôt, une hypothèse qu'il voulait mettre au clair.

« Vous deux... Vous n'êtes pas du même univers que le nôtre, n'est-ce pas ?
- Nope.
- La technologie de notre monde n'atteindra probablement jamais celle du vôtre... L'humanité est-elle vraiment si avancée chez vous ?
- Nope. Je dirais qu'elle a juste, disons... cinquante ans de plus. Mais les humains ne maîtrisent pas encore ce genre de technologies. »

Le gentleman eut cette fois un sursaut bien plus vif que les autres.

« Que voulez-vous dire... ? Vous n'êtes pas humain... ?
- Nope, déclara le Docteur, impassible, les yeux toujours rivés sur les boutons de sa machine.
- Mais alors qu'est-ce que vous êtes ? demanda Luke. Vous ressemblez bien à un humain ! »

Le concerné poussa un soupir.

“Don't try to understand it. It's just bigger in the inside, okay ?”

Chapitre II ~ La théorie des cordes

Note de l'auteur

Ah, enfin une belle entrée en matière qui continue sur un chapitre qui me plaît dans son intégralité !
Plus sérieusement, ce chapitre me semble le plus réussi du point de vue du fait qu'aucun passage, aucun mot, ne me déplaît pour le moment ; nulle part je ne vois de manière selon laquelle j'aurais pu trouver une meilleure formulation, je trouve la narration fluide... Bref. Pour une fois que je suis satisfaite de ce que j'écris, je m'estime contente ~ <3
(Mais si vous avez des critiques, n'hésitez pas non plus, hein. Tout auteur peut s'améliorer. /o)
Article ajouté le Mercredi 25 Septembre 2013 à 19h11 |
1 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre II

Chapitre II ~ La théorie des cordes

~ Aussi connue sous les surnoms « Syndrome des menottes »
ou encore « Paradoxe des liens ».
« Hé, vieux schnock ! Qu'est-ce qu'on fait là ?! » hurla l'adolescent, alors qu'il tirait inlassablement sur les menottes qui lui tenaient les poignets.

L'individu qui se tenait en face de lui l'interrogea du regard.
Raphaël l'observa de plus près. Il semblait assez jeune – il devait avoir entre vingt-cinq et trente ans –, mais il ne lui inspirait aucune confiance. Après tout, qui serait assez fou pour se fier à un individu qui avait tenté d'enlever sa meilleure amie, en pleine rue, après l'avoir endormie avec du narcotique ?
Il se tourna vers Marie, qui continuait de somnoler un peu plus loin.

« Est-ce que ça va ? demanda l'individu, toujours dans cette langue qu'il ne comprenait pas.
– ‘Daïjoboudéssuka' toi-même ! grogna-t-il. Détache-moi ! »

Il porta sur le rouquin ses yeux couleur châtaigne, et sourit. L'étudiant poussa un soupir irrité, et tira à nouveau sur les menottes, ce qui fit basculer sa chaise, et l'écraser contre le sol. Il se maudit alors d'être aussi impulsif.

« Est-ce que ça va ? répéta l'homme, en étouffant un rire plus que nerveux.
- Abandonne, Ogawa. », souffla une voix féminine dans le dos du Parisien, qui s'approchait.

La femme releva la chaise et retourna au fond de la salle, de telle sorte que Raphaël ne put l'apercevoir.

« Désolé, Tomosato-chan, fit-il en passant une main dans ses cheveux châtain. Mais je comprends rien à ce qu'il dit. C'est comique.
- Baka. » murmura-t-elle tout simplement.

Un gémissement se fit entendre ; Fondue commençait à avoir faim. L'homme en costume noir qui se moquait du rouquin s'approcha de lui, et manqua de justesse de se faire mordre par le chien. L'adolescent esquissa un petit sourire en coin, ravi d'être vengé et espérant que son compagnon pût contraindre leurs ravisseurs à les libérer.
À la place toutefois, il se laissa caresser et se contenta de faire comprendre ce qu'il demandait à l'adulte.

« Surveillez-les, Fujitaka-san, Tomosato-chan. » fit ce dernier avant de s'absenter.

Il y eut un long silence, qui pesa bien trop longtemps pour Raphaël.
Il fut soudainement brisé par une alarme qui retentit dans toute la pièce, et aux alentours. La brutalité du moment réveilla Marie en sursaut, qui commença à paniquer. Derrière le vacarme provoqué par la sirène, le rouquin entendit des bruits de pas, et déduisit que les deux personnes qui les surveillaient étaient parties. Il en profita pour se rapprocher de Marie, et la rassurer.

« Je sais pas ce que ces chinois nous veulent, mais tout ce qu'ils font est de nous retenir ici. N'essaie pas de t'échapper, tout ira bien, sourit-il.
- Mais Raphaël... Si tout ira bien... Pourquoi sommes-nous menottés... ? Et où sommes-nous ?
- Ne t'en fais pas, je trouverai un moyen de nous ramener chez nous. »

Elle jeta un regard effrayé autour d'elle, avant de s'exclamer que son violon avait disparu. Raphaël fit de même, et dut se rendre à l'évidence : ces individus louches lui avaient volé son bien le plus précieux.
Lorsque le premier homme à avoir parlé revint, il donna à Fondue une barre de céréales, et fit de même aux deux adolescents, avant de leur détacher une main chacun. Persuadé que ce fût un piège, le rouquin n'y toucha pas ; et bien trop apeurée à l'idée d'être victime d'autres malheurs, Marie fit de même.

« De quel pays venez-vous ? interrogea l'adulte.
- Désolée, mais nous ne comprenons rien... » murmura la jeune fille, embarrassée.

Il parut réfléchir un instant, et reprit :

« Est-ce que vous parlez anglais ?
- Oui. Où sommes-nous, maintenant ?! répliqua sèchement Raphaël en restant sur la défensive, ayant un léger mouvement de recul montrant sa prudence.
- Au Japon. Désolé pour notre brutalité. Nous n'avions pas le choix. »

Son amie lança une interjection qui laissait deviner qu'elle n'avait pas compris.

« Euh, elle ne parle pas anglais, rectifia-t-il.
- Raphie, explique-moi ce qui se passe, je comprends rien ! »

Il soupira. Allait-il vraiment devoir servir de traducteur de service, désormais ? Et puis quoi, encore ?! C'était bien parce que c'était Marie...

« Je leur disais que tu parles pas anglais.
- Quoi ?! Mais bien sûr que je parle anglais, regarde : Hello le Tchaïnish ! s'écria-t-elle en paraissant subitement joyeuse, tentant de faire des signes de bras pour passer le bonjour malgré ses menottes.
- Ils sont japonais, je crois... Mais Marie—
- Ah bon ? Bon, ben alors : Hello le Djapanais ! »

L'adulte paraissait vraiment n'avoir rien compris à la scène, mais garda son calme et son silence, se contentant de les observer discuter.

« Elle ne parle vraiment pas anglais, M'sieur. » marmonna finalement le jeune roux en soupirant.

Il eut désiré pouvoir enfouir sa tête dans ses mains, mais ses menottes l'en empêchaient.
Le Japonais étouffa un rire qui se traduisit en un petit sourire amical, mais désolé. Au moins, un sur les deux pouvait le comprendre.

« D'où venez-vous ?
- De la France, répondit sèchement Raphaël. Et maintenant, pourquoi vous nous avez emmenés ici ? C'est quoi votre boulot ?!
- C'est un secret. Je ne peux pas te le dire. »

L'étudiant voulut lui demander autre chose, mais s'interrompit. Un étrange bruit indescriptible retentit dans la salle. Il l'identifia comme un son mécanique, une sorte de crissement trop aigu, qui lui dérangeait l'oreille. Il pensa que c'était une autre alarme de ces étranges personnes, mais lorsqu'il suivit le regard éberlué de l'individu, il aperçut une forme apparaître peu à peu. On eut dit une boîte immense bleue, dont le gyrophare fixé au sommet brillait fortement. Une fois que la chose se fut stabilisée, et eut fini d'apparaître et disparaître, il put lire les mots « Police public call box ».
L'homme sortit un revolver, et le braqua vers l'étrange chose, tout en sortant de sa veste une sorte de petit appareil, et de crier quelque chose dedans. Raphaël déduisit que c'était une sorte de téléphone.

« Commandant Kazanari, dit-il, il y a des intrus ! »

Il hocha la tête au fur et à mesure de ce que lui répondait son correspondant.

« Oui. Oui. Je comprends. »

Il chargea son arme, et cria :

« Sortez !
- Ow, ow, okay ! On se rend ! répondit un homme qui sortait de la boîte, les mains en l'air.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis le Docteur.
- Le Docteur...?
- Yep. Le Docteur. »

Mais comment faisaient-ils pour se comprendre, alors qu'ils parlaient deux langues complètement différentes ? En effet, ce Docteur s'exprimait totalement en français ; et pourtant, il n'avait visiblement aucune difficulté à se faire comprendre.

« Pourquoi êtes-vous ici ? continua l'homme.
- Bah... Wibbly-wobbly... Timey-wimey... Trucs... »

Il y eut un silence pesant.
Le Docteur se retourna, et Raphaël entendit une voix féminine.

« Docteur, est-ce que votre histoire de timey-wimey a été traduite ?
- J'avoue que je n'en sais rien... » souffla-t-il en retour.

Puis il refit face à l'individu armé.

« Dites-moi juste, on est dans quel pays, là ?
- Au Japon.
- Nan ! Vous blaguez ! sourit-il. J'ai toujours rêvé de venir au Japon. Très spécial, niveau culture, langue et compagnie...
- Pourtant, vous parlez japonais.
- C'est assez complexe, soupira l'étrange individu. Je vous expliquerai une prochaine fois. »

C'est alors que le « docteur » balaya la salle du regard, et aperçut enfin les Parisiens, menottés à leurs chaises depuis le début.

« Oh ! Salut ! Vous êtes aussi japonais ?
- Français, grogna Raphaël. Allez pas me confondre avec ces bridés !
- Haha ! Des Français ! J'adore les Français ! Rose ! T'entends ça ? Y'a des Français ! La dernière fois que je suis venu en France, c'était pour voir Madame de Pompadour ! Même que j'ai failli devenir son amant ! Enfin, elle me considérait comme son amant, vu que je la connaissais depuis qu'elle était petite. Tu sais à quel point une cheminée c'est drôle ? Elle n'a même pas eu peur de moi, la fille de la cheminée ! HA ! »

L'adolescent le fixa d'un air effrayé ; était-il réellement possible qu'un être humain pût débiter autant de paroles insensées aussi vite ?

« Ah, et pour vous, mon cher, ne vous demandez pas comment ça se fait que je sois là, il n'y a absolument rien à comprendre. C'est ainsi, un point c'est tout, ajouta-t-il à l'adresse du Japonais. D'ailleurs, quel est votre nom ?
- Je suis Ogawa Shinji.
- Ah. J'aime pas le Japon. Je sais jamais si c'est le nom de famille ou le prénom en premier... Quoiqu'il en soit, monsieur Ogawashinji, nous sommes parfaitement amicaux, et...
- C'est nooooooous ! » cria une jeune fille à l'air enjoué.

Le rouquin se tordit le cou pour l'apercevoir. Il la vit alors, une jeune fille d'une quinzaine d'années, aux cheveux oscillant entre le blond et le roux. Ses yeux, d'un orange pétillant, brillaient d'excitation, tandis qu'elle se précipitait vers le fameux ‘Ogawa Shinji' en lui criant quelque chose qu'il ne comprit pas.

« Dites, de quoi parle-t-elle ? demanda Marie, qui ne perdait miette de ce qui se passait.
- Elle dit qu'elle et ses camarades ont trouvé deux personnes en difficulté, cernées par le bruit, et qu'elles les ont donc sauvées de justesse. Par ailleurs, ayant assisté à leur ‘sauvetage', elles devaient impérativement les ramener. »

Ils virent alors deux autres jeunes filles arriver, suivies d'une quatrième adolescente, et d'un jeune garçon.
Les deux premières portaient le même uniforme scolaire que celle qui parlait ; l'une semblait avoir dix-sept ans, et était étrangement coiffée. Une queue de cheval pendait sur le côté de sa tête, et ses longs cheveux bleus – couleur inhabituelle pour eux – lui tombaient jusque dans le bas du dos. L'autre était plus fantaisiste et les portait courts, laissant deux longues queues dans son dos, le tout d'une couleur mauve pâle tout aussi étrange.
Quant à la dernière, elle ne semblait pas être du même établissement, car elle n'avait pas cet uniforme, et revêtait une tenue simple. Ses longs cheveux foncés étaient noués en queue de cheval, mais ses yeux étaient cachés par sa mèche rebelle. L'enfant qui trottait à ses pieds regardait tout autour de lui, perçant chaque détail de l'endroit avec ses yeux d'un bleu glacé. Il releva la tête, et demanda quelque chose à l'aînée, qui haussa les épaules. Celle-ci devait être remontée, étant donné le ton qu'elle avait employé.

« Eh ! Pourquoi ces gens... sont là...
- Calme-toi, Tachibana.
- Mais...
- Navré de vous interrompre – Bonjour, au fait – mais mes amis attendent dans ma boîte bleue ici présente. Puis-je leur demander de sortir... ? »

La jeune fille se stoppa, contemplant l'étranger d'un air étonné, et hocha timidement la tête. Les autres ne remuèrent pas, surveillant les deux autres de loin.
Le Docteur se tourna vers l'immense boîte bleue et voulut inviter ses compagnons à sortir – un par un, voulait-il préciser –, mais il n'en eut pas le temps. En effet, un poney rose bonbon à la crinière ébouriffée se jeta aussitôt dehors avec un grand sourire avant même qu'il n'eût l'occasion d'ouvrir la bouche.

« Wiiiiiiiiiiii ! Décidément, on rencontre plein de nouveaux amis depuis ce matin ! »

L'équidé dut se stopper dans son élan, louchant aussitôt sur le bout de l'arme à feu qui s'enfonçait dans son museau. Celui qui le tenait s'étonnait lui-même du sang-froid dont il faisait preuve en ce moment-même, bien que ses bras tremblaient légèrement. Un poney qui parlait. C'était en soi plus étrange encore qu'une boîte bleue qui apparaissait et disparaissait sans prévenir.

« Ne... Ne bougez pas ! »

La créature parut surprise un instant, mais reprit aussitôt d'un ton aussi joyeux qu'auparavant.

« Woah, c'est marrant ce truc ! C'est quoi c'est quoi c'est quoi ?! »

Il faudrait lui retourner la question, songea Raphaël en regardant ce poney surexcité qui, de même, parvenait à se faire comprendre en parlant français, sans aucune raison apparente.

« Je sais, c'est un canon à confettis ! Twilight ! Ils ont aussi des canons à confettis par ici !
- Euh... Pas vraiment. »

Un autre poney doté d'une petite corne sur le front, à l'air bien plus sérieux, cette fois-ci à robe mauve et à crinière allant dans les tons violets et indigo, sortit à son tour ; quatre autres, parmi lesquels on pouvait compter deux pégases et une licorne supplémentaire, suivirent, de même qu'une femme blonde – la seule humaine originaire de l'étrange cabine bleue à avoir parlé, en plus du Docteur. Finalement, furent enfin visibles des silhouettes humaines à l'intérieur, qui n'osaient pas se hasarder à l'extérieur de l'engin et songeaient pour le moment que demeurer discrets était la meilleure chose à faire. Une question vint d'ailleurs s'ajouter à toutes celles présentes auparavant : comment faisaient-ils pour tous tenir dans un si petit espace ?

« Pinkie... commença la ponette orange dotée d'un chapeau digne d'un cowboy. Sérieux, faudra que tu t'calmes un jour.
- Elle a vraiment pas l'air drôle, cette fête, reprit la dénommée ‘Pinkie' d'un air déçu. Moi, je dis que ça manque de confettis, de serpentins, et surtout de musique.
- Une fête...? »

Le pauvre Ogawa Shinji ne savait plus où donner de la tête, regardant cette créature comme s'il sentait sa santé mentale se dégrader en même temps que son sang-froid. Son bras s'abaissait petit à petit, laissant de plus en plus visibles ses spasmes nerveux.
Le Docteur s'avança, parvenant enfin plus ou moins à maintenir calme l'hystérique. Il vint aussitôt se mettre face au jeune adulte d'un air calme, à environ un mètre de distance. Ce dernier le pointa aussitôt du bout du canon de son arme, tentant de le menacer en lui demandant probablement de ne plus bouger. Celui qui pouvait si facilement être abattu baissa le regard vers le pistolet, le regardant toujours de ce même air si serein ; presque lassé.

« Vous pouvez ranger votre arme. Comme je ne savais pas sur quoi nous tomberions en arrivant ici, j'ai activé un champ de force tout autour du TARDIS. Vos tirs n'auront aucun effet.
- Qu...! Quoi ?! Impossible, vous bluffez !
- Absolument pas. Vous pouvez essayer, vos balles se contenteront de se désintégrer. »

Complètement déboussolé, l'homme demeura interdit. Il pouvait tirer. Mais il ne le faisait pas. Il pouvait bluffer. Mais le fait que cette cabine apparût aussi soudainement... Cela n'était pas impossible. Cela pouvait être vrai.

« A...Avez-vous un quelconque rapport avec le Noise ou le FIS...?
- Si ça peut vous rassurer, absolument aucun rapport. Nous ne sommes ici que pour enquêter sur la fragilisation des multivers et la désintégration du Void.
- Void... ?
- Void. Espace inter-univers. Désintégré. Destruction des univers. Ça vous parle ?
- Qu'est-ce que vous racontez ?! »

Il poussa un long soupir.

« Okay. Ça vous parle pas. »

Il expliqua longuement que lui et ses compagnons étaient originaires de plusieurs autres mondes et désiraient enquêter sur la cause des nombreuses failles qui apparaissaient et reliaient ces univers qui ne devaient normalement jamais se croiser.

« Pourquoi... Ici...? interrogea la jeune fille blonde, en les fixant tous tour à tour d'un air à la fois ahuri, à la fois légèrement effrayée.
- Parce que, un point c'est tout.
- Comment pouvez-vous savoir tout ça ? » demanda le jeune enfant en fronçant légèrement les sourcils d'un air soupçonneux.

L'homme dévisagea un instant ce minuscule gamin aux cheveux noirs et aux grandes lunettes d'où venait de sortir une question à l'aspect si inquisiteur.

« Je le sais, un point c'est tout, finit-il par répliquer. On apprend beaucoup de choses en voyageant dans l'espace et le temps, tu sais.
- Vous... voyagez à bord de ce... truc ? marmonna-t-il en pointant du doigt l'étrange boîte bleue.
- Un peu de politesse, tout de même ! C'est une TARDIS. Time And Relative Dimension In Space. Pas un ‘truc'. C'est incroyable ce que les gens peuvent inventer comme noms bizarres et dégradants ! Cabine téléphonique, boîte bleue, engin, soucoupe volante... Alors pour la dernière fois, c'est un TARDIS. T-A-R-D-I-S. Okay ?
- C'est une boîte... commença alors l'adolescente qui se trouvait juste à côté du petit gamin, d'un ton déboussolé.
- Yep.
- Et c'est bleu...
- Yep. »

Il marqua une petite pause où il poussa un nouveau soupir.

« Okay, donc je récapitule. D'après le TARDIS, on est sous la mer. Donc on est certainement dans un sous-marin. Avec des Japonais. Et des Français. Y'a aussi des Anglais, et des poneys. Autre chose ?
- Oui ! Y'en a qui sont attachés sans aucune raison ! lança Raphaël en se débattant encore, manquant de faire basculer sa chaise une seconde fois.
- Excellente remarque, acquiesça-t-il. Mais encore ?
- Ben qu'est-ce que vous attendez pour nous détacher, hein ?! »

Le concerné n'avait pas pris attention à sa demande. Il ne l'avait même pas entendue, à vrai dire. En effet, brusquement, sans prévenir, une alarme avait retenti encore une fois. Ogawa Shinji sursauta le premier, s'exclamant quelque chose qui devait probablement être interprété comme « Encore ?! ». Il s'apprêtait à partir, mais se souvint qu'il se devait de prendre en charge tous ces inconnus étranges, et s'assurer qu'ils ne feraient pas de bêtises ; aussi se contenta-t-il de se saisir d'une sorte de combiné, posant des questions et écoutant les ordres de ses supérieurs – du moins, ce qui s'y apparentait. D'autres hommes et femmes en noir arrivèrent alors, armés ; ils ordonnèrent – en japonais – à tous ceux qui étaient dans la machine bleue de sortir un par un sans brusquerie, ce qu'ils durent faire. Sortirent donc un homme coiffé d'un haut-de-forme, suivi de près par deux jeunes adolescents apeurés. Tandis que deux ou trois agents restaient près d'eux, leurs armes à la main, les autres vinrent menotter tous ceux qui ne l'étaient pas déjà, à l'exception des trois adolescentes japonaises qui semblaient parfaitement les connaître, et évidemment de l'agent qui les avait appelés. Ils furent d'abord gênés par les poneys, mais finirent par les attacher à l'aide de cordages solides. La situation en devenait presque ridicule : neuf personnes menottées, attachées à leurs chaises disposées en cercle, et six poneys saucissonnés au centre. Raphaël esquissa par ailleurs un petit sourire en coin, satisfait de ne plus être le seul avec son amie à être attaché de la sorte. Pinkie grogna, parlant dans un long monologue qui visait à demander pourquoi la fête devait s'achever ainsi. Et surtout, pourquoi elle avait eu droit à une double ration de cordages par rapport à ses amies dont seuls les sabots et les ailes étaient ligotés.
Ils paraissaient complètement maîtrisés et incapables de bouger, et pourtant il fut visiblement demandé à Ogawa Shinji de rester sur les lieux pour continuer à les surveiller, tandis que les autres partaient rejoindre le lieu d'où provenait l'alarme. Le concerné soupira avant de s'asseoir de manière à voir absolument chaque détail de la pièce, et surtout chacune des personnes arrêtées. Les trois adolescentes japonaises s'étaient visiblement éclipsées en même temps que les autres agents.
Au bout de quelques dizaines de secondes, d'autres hommes et femmes en noir arrivèrent, traînant un homme en uniforme d'avocat et une jeune femme ; tous deux étaient menottés et réclamaient en anglais, avec un accent américain, des explications qu'ils n'obtenaient pas. On vint les assoir avec les autres, puis les agents repartirent dans la même direction que les précédents.

« Oh. Bonjour ! lança le Docteur à l'adresse des nouveaux venus. Vous venez d'où, comme ça ?
- Los Angeles, États-Unis, répliqua l'homme. Et vous...
- Les États-Unis ? coupa-t-il sans prêter attention au fait que son interlocuteur comptait probablement lui poser une question. Charmant, je n'ai encore jamais eu l'occasion de visiter. Et vous êtes qui, sinon ? »

L'homme parut hésiter légèrement ; mais sa compagne le prit de court :

« ]Moi, c'est Maya ; et lui, c'est Phœnix Wright, le meilleur avocat que vous verrez dans toute votre vie ! »

Il acquiesça ; l'homme lui demanda de se présenter, raison pour laquelle il répéta une fois de plus qu'il était le Docteur. Il eut droit à la classique réplique ‘Doctor Who ?' à laquelle il répondit toujours la même chose : ‘Juste le Docteur.'

« Et comment vous êtes arrivés là ? »

La jeune femme soupira longuement, répondant encore innocemment tandis que son ami semblait vouloir la faire taire, gardant ce genre de détails pour eux seuls.

« J'en ai aucune idée. Il y avait ces machins bizarres, et ensuite le Magatama s'est mis à briller... Et quand ça s'est arrêté, on était là et on s'est fait arrêter. On a dû se retrouver dans un entrepôt qui contenait quelque chose auquel ils tiennent particulièrement, puisqu'il y a eu une alarme dès qu'on est arrivés... »

Elle regardait le pendentif étrange qu'elle portait, laissant deviner qu'il devait s'agir d'un Magatama. Il hocha encore la tête en signe d'approbation, quoiqu'avec beaucoup plus d'entrain cette fois.

« Un voyage dimensionnel à cause d'un collier ? Brillant ! »

Les deux jeunes adultes lui lancèrent un même regard ombrageux qui laissait deviner que cela ne les ravissait pas tant que cela. Suite à cela, le silence retomba – mis à part le poney qui continuait inlassablement son monologue en fond sonore.

« Docteur, chuchota la jeune femme blonde à l'oreille du concerné, qui était juste à côté d'elle. Utilisez votre tournevis ; ce n'est pas du bois, hein ?
- Rose, souffla-t-il cependant, nous ferions mieux de nous laisser faire. Je n'ose pas imaginer le bazar que nous causerions.
- Et surtout, on n'a pas d'armes, c'est ça ?
- Dans la morale, c'est moi qui ai raison ! » lâcha-t-il, soudainement énervé.

En effet, à part leurs petites cachotteries, la ponette rose était la seule à encore oser briser le silence, au malheur des oreilles et du sang-froid de tout le monde.

« Hé, laissez-moi enfin car c'est pas du jeu vous savez quand on joue à un jeu y'a des règles que tout le monde doit connaître et il faut les donner avant le début du jeu et puis de toute manière si on finit menottés c'est que votre jeu il est pas marrant alors on doit passer à la suite sinon votre fête va être nulle et de toute façon je m'en fiche elle est déjà nulle votre fête alors laissez-moi partir ! »

Ogawa Shinji était le seul à se boucher les oreilles, car il en était le seul capable sur le moment. Il eut réellement pitié pour les autres, qui subissaient une véritable torture sur le moment. Finalement, le Docteur lui lança un tel regard qu'il se sentit obligé d'aller lui demander ce qu'il voulait.

« Dites. Vous voyez la poche droite de ma veste ?
- Oui. Qu'y a-t-il...?
- Il a un caillou originaire de la planète Raxacoricofallapatorius. Superbe pièce à conviction.
- Et alors...?
- Faites-en ce que vous voulez. »

L'agent réfléchit ; le regard de son interlocuteur donnait comme un semblant d'approbation, ce qui le décida.
La pierre vola soudainement, décrivant une parabole parfaite avant d'aller s'écraser à l'arrière de la tête du poney rose, qui se tut sur le coup, assommé.

« Yeah ! Joli lancer ! » félicita le Docteur en souriant à pleines dents.

Toutefois, l'équidé se mit rapidement à ronfler, au grand dam de tout le monde. Il était difficile de déterminer ce qui était le pire entre un inlassable monologue et un orchestre de ronflements tout ce qu'il y avait de plus distingué. Ogawa Shinji soupira, marmonnant quelque chose en japonais.

« Qu'est-ce qu'il a dit ? demanda la jeune femme.
- Il a dit qu'il s'absentait deux minutes. Il va l'emmener dans la salle d'à côté, qui est insonorisée. »

Tous suivirent l'adulte des yeux tandis qu'il traînait avec peine le corps de l'équidé ; une fois qu'ils furent hors de la salle, un concert de soupirs de soulagement retentit unanimement dans la salle.

La vive lumière qui avait aveuglé l'adolescent se dissipa. Il écarquilla ses yeux, se les frotta, et ce plusieurs fois tellement la situation était invraisemblable.
Il ne se retrouvait désormais plus au mont Couronné, mais dans une salle étrange. Elle était toute en longueur, les murs étaient légèrement incurvés, et il pouvait apercevoir un aquarium dans ces mêmes murs. Il observa mieux la pièce, et remarqua qu'il se trouvait sur une estrade, et que deux bureaux -qui ressemblaient plus à des postes de contrôle- situés plus bas étaient vides d'occupants. Il s'approcha des écrans, et ne comprenant pas ce qui était écrit, détourna le regard peu après.
Il avança vers le grand écran qui surplombait le mur du fond, et jeta un regard intrigué vers la représentation de la Terre, et des légendes qui y étaient annotées. L'écriture était la même que celle qu'il avait aperçue avant, si bien qu'il ne tenta pas de comprendre ce que cela pouvait être.

Un raclement de gorge se fit entendre dans son dos ; une voix d'homme grave et rauque, qui correspondait assez bien à l'adulte dont la musculature était parfaitement visible, selon ce que Brice pensa.

« Qui es-tu ?! demanda l'individu d'un ton dur, ce qui eut pour effet d'effrayer le jeune homme.
- Je... Désolé, je comprends pas ce que vous dites, bégaya l'adolescent, tremblant.
- Tu ne parles pas japonais... Je vois...
- Je viens de vous le dire ! Moi. Pas. Parler. Langue. À. Vous ! »

L'homme parut réfléchir, et l'observa de la tête aux pieds.

« Est-ce que tu parles anglais ? demanda-t-il, tout en continuant de le surveiller.
- Haha ! Je vous comprends ! s'exclama-t-il. Je sais pas ce que c'est que l'anglais, mais on se comprend ! »

Son interlocuteur sembla étonné suite à ses paroles, et préféra ne pas répondre.

« Au fait, on est où ?
- D'où est-ce que tu viens ?
- De Sinnoh ! Enfin, j'habite à Hoenn, mais je passais mes vacances à Sinnoh jusqu'à...
- Sinnoh ? répéta-t-il, comme s'il ne connaissait pas ce nom de région.
- Mais oui ! Tout au nord de Hoenn, Johto, et de Kanto ! Vous ne voyez pas ?
- Kanto fait partie de l'île d'Honshou, répondit l'homme, qui ne comprenait absolument rien à ce que disait l'adolescent. Nous y sommes, dans la préfecture de Tokyo.
- Mais je ne comprends rien à ce que vous me dites ! J'étais à Sinnoh, au mont Couronné, et— »

Carmache, qui semblait alors en avoir assez d'attendre caché derrière son dresseur, se mit à grogner, et s'éloigna de ce dernier.
Brice eut beau l'appeler, le pokémon refusa de lui obéir et de faire demi-tour. Le jeune adulte voulut s'excuser auprès de l'étranger, mais celui-ci était pétrifié, et dévisageait la créature avec de grands yeux. Les seuls mots qu'il bégaya – et que Brice comprit – furent dénués de sens.

« Tu... contrôles... le Noise ?!
- Le bruit ? Quel bruit ?
- Pas le bruit, continua l'homme, le Noise.
- Mais de quel bruit vous parlez ?! » grogna l'adolescent, dont les nerfs commençaient à lâcher.

Carmache, qui semblait avoir remarqué la panique de l'homme, s'en approcha, et voulut le toucher. Ce dernier esquiva habilement, et recula.

« Eh, mon pokémon veut juste vous saluer. Faut pas avoir peur comme ça ! »

L'homme appuya sur un bouton encastré dans le mur, ce qui eut pour effet d'activer une alarme. Brice pesta, et tenta de faire rentrer son carmache dans sa poké ball. Toutefois, l'objet refusait de grossir, prenant la taille de sa paume de main ; donc il refusait de s'ouvrir.
Il avait dû s'en douter. Il ignorait où il était, mais il était probablement dans un endroit où la Sylphe Sarl n'avait aucune influence. Donc le réseau téléphonique comme le système de contrôle des poké balls ne parvenait pas jusqu'ici.

Donc Carmache ne pouvait plus rentrer dans sa poké ball. Et inversement, il ne pouvait faire appel aux autres membres de son équipe.

Bientôt, il fut cerné par plusieurs hommes et femmes, tous vêtus de noir, qui braquaient sur lui des armes à feu. Il trembla en voyant qu'il n'avait que peu de chances de s'en sortir vivant. Pourquoi diable s'était-il levé ce matin-là ?!
Puis surgirent trois jeunes filles, vêtues d'armures moulantes, dont une – la plus jeune – qui chantait. Il les observa longuement, les identifia comme des lycéennes, et se demanda pour la énième fois ce qu'elles faisaient dans un tel endroit.

« Hein ? Ce monstre est... du Noise ?! s'étonna la plus jeune, alors qu'elle reprenait son souffle.
- Ne me dites pas que c'est... un nouveau type de Noise ?!
- Tuons-le ! répondit la troisième tout en dirigeant son arbalète vers le pokémon.

Brice se jeta vers Carmache et se mit entre lui et la jeune fille, espérant la faire changer d'avis.

« Eh, toi ! Bouge ! hurla-t-elle, une certaine angoisse résonnant dans sa voix. Il va te tuer !
- Le touchez pas ! vociféra Brice en retour, sans comprendre pourtant ce qu'elle disait. Il vous a rien fait ! »

La plus jeune se précipita vers eux, et tenta de frapper Carmache de ses poings, coup qu'il esquiva habilement. En réponse à son attaque, s'élança vers elle, ses griffes brillant de mille feux. Il exécutait l'attaque Dracogriffe avec précision, pour le plus grand bonheur du dresseur.
La ‘guerrière' aux cheveux bleus, celle qui semblait être la plus vieille, se posta devant lui, et le stoppa d'un coup d'épée, avant de l'immobiliser en jetant un poignard dans l'ombre du pokémon, ayant pour effet de l'immobiliser complètement.
La troisième, celle qui était restée en arrière-plan, changea son arbalète en mitraillette par un tour de passe-passe irréalisable, et remit Carmache dans sa ligne de tir.
Sans réfléchir, Brice se jeta sur son compagnon, et le cloua au sol, malgré l'arme pointée sur lui. Les autres le dévisagèrent étrangement, avant que l'un d'eux se mette à parler, puis un autre, et que toute l'escadrille se mette à pousser des cris d'étonnement.

« Il a touché le Noise ! s'exclamèrent-ils, tous en panique, et en continuant de braquer leurs revolvers sur eux.
- Im... Impossible...
- C-C'est pas vrai... Hein ? »

Il les regarda tour à tour, y compris les mines effarées des trois jeunes filles ; ces dernières l'observèrent comme un monstre, et ne le lâchèrent pas des yeux.
L'homme qui était présent dans la salle lors de l'apparition de Brice saisit Carmache par derrière, et l'immobilisa à la seule force de ses bras, tandis qu'un autre individu lui passa les menottes, bloquant ses mains et ses bras dans son dos. Il eut beau se débattre, il ne put leur faire comprendre qu'il n'avait pas d'armes, et encore moins qu'il ne comprenait rien à la situation. Ils parlaient tous du « Noise », un bruit, mais il ne comprenait pas lequel.

Il fut mené à travers divers couloirs, jusqu'à parvenir dans une pièce presque aussi grande que le bureau où il s'était retrouvé.
Dans cette pièce se trouvait un nombre tellement important de personnes que Brice se crut à la Ligue Pokémon, ou encore au Terminal de Combat. Il compta onze personnes, adultes comme enfants, et six créatures ne ressemblant pas à des pokémon ; sa seule réaction fut un rire nerveux, accompagné d'une phrase assez ironique.

« Tiens, alors comme ça vous faites des prises d'otages maintenant... Tout s'explique... »

Chapitre III ~ Le syndrome de la tartine beurrée

Note de l'auteur

L'un des chapitres les plus bordéliques que j'aie jamais rédigés, si j'ose dire. Vraiment, ça part dans tous les sens, ça va trop vite... mais en même temps, avec la situation de nos personnages, il aurait été difficile de ralentir ne serait-ce qu'un peu les choses.
Je dirais que même si ce chapitre me semble moins réussi que les autres du point de vue qu'il est plus axé sur l'humour et le comique de la situation que sur la narration, la qualité de la forme et le reste, au moins il n'ennuie pas et est aussi fluide que possible. J'espère juste que je n'y aurai perdu aucun lecteur...
Article ajouté le Mercredi 25 Septembre 2013 à 19h40 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre III

Chapitre III ~ Le syndrome de la tartine beurrée

~ Parce que si la chance sourit un jour à quelqu'un,
c'est qu'il a beurré le mauvais côté de sa tartine au petit-déjeuner.
« Bon. Maintenant, on peut peut-être espérer obtenir des explications claires et précises sans se faire déranger par quoi que ce soit, je suppose. Alors pourrions-nous discuter calmement de ce qui se passe ? »

C'était le Docteur qui avait parlé. En effet, cela devait faire un petit quart d'heure que tous attendaient plus ou moins patiemment dans la même salle, et que rien ne s'était produit depuis l'arrivée du jeune homme croyant à une prise d'otages.
Cette parole n'avait été prononcée qu'au bout de ce moment bien précis, car un homme qui était vraisemblablement le chef de la bande d'agents Japonais venait d'arriver, dévisageant plus ou moins sévèrement les intrus. Il se décida finalement à répondre au bout d'un moment d'attente indéterminé ; mais à la surprise de certains, il préféra parler en anglais. Probablement parce qu'il savait qu'il se ferait comprendre plus facilement. Il commença par se présenter comme étant le commandant Kazanari, responsable des lieux. Puis il répondit enfin à la question du Docteur, lorsque celui-ci insista :

« Si vous voulez ; mais dans ce cas, commencez par me dire ce que vous faites ici, et comment vous avez pu entrer. On n'entre pas dans la Seconde Division comme dans un moulin, encore moins quand nous sommes sous l'océan.
- Ah, ça, ce n'est pas compliqué : il y a mon TARDIS (il montra plus ou moins du doigt cette cabine téléphonique bleue), et quelques cas de voyages dimensionnels involontaires et plus ou moins inexpliqués pour le moment. Ça répond à votre question ?
- Qu'entendez-vous par « voyages dimensionnels involontaires » ?
- Faites pas l'innocent, grogna Raphaël en le transperçant de son regard haineux. C'est vos hommes qui m'ont kidnappé et emmené ici, pour ma part. Et c'est pareil pour Marie et Fondue. Alors c'est plutôt à nous de vous demander pourquoi on est ici. »

Le professeur Layton eut un très léger sursaut, à peine perceptible, avant qu'il ne se retournât vers le jeune adolescent qui avait parlé. D'après ce qu'il avait compris, il était Français... mais là n'était pas le détail qui l'intriguait. Il avait été enlevé, et on l'avait conduit ici sans qu'il ne sût pourquoi. C'était non sans lui rappeler la mystérieuse disparition, récemment, de son ancienne élève cantatrice, Janice Quatlane, alors même qu'elle était en pleine représentation. Cela ne pouvait être un hasard... Mais dans ce cas, comment se faisait-il qu'il ne l'eût pas encore vue ? Pourquoi, alors que tous étaient rassemblés dans cette salle, faisait-elle exception ? Où pouvait-elle bien être ?
Le commandant soupira silencieusement, sans rien laisser paraître.

« Je ne parlais pas de vous, mais des autres. Ils n'ont rien à voir avec toute cette histoire, alors j'aimerais savoir ce qu'ils font là. Et, si cela ne les dérange pas, qu'ils s'en aillent. C'est déjà bien assez compliqué comme ça.
- Hé, coupa le Docteur d'un ton subitement énervé. Nous sommes venus ici pour enquêter sur les phénomènes de dégradation du Void, alors on ne partira pas avant que ce problème soit réglé.
- Vous n'en êtes peut-être pas conscients, mais je suis prêt à parier que vous en êtes l'origine. Vous avez réussi à enlever des adolescents qui n'habitent pas dans le même univers que vous, donc cela signifie que vous possédez une technologie qui vous permet de voyager d'un monde à l'autre. Et quelque chose me dit que c'est ça qui, à répétition, a dû fragiliser les parois des univers. Ne, Oji-san ? »

Conan s'était tourné vers le Docteur avec une expression de petit gamin content d'avoir trouvé quelque chose. Il ne laissa rien paraître au début, mais quelques secondes de silence consterné suffirent à lui faire comprendre qu'il avait été un peu trop volubile et lucide, pour un enfant de son âge. Il se reprit aussitôt, sur la défensive, tentant de montrer que c'était un simple hasard, et qu'il ne fallait pas le prendre réellement au sérieux.

« Enfin, j'y connais rien en matière d'univers parallèles, hein ! C'est sûr que j'ai dû me tromper quelque part ! Après tout, je ne suis qu'un—
- Au contraire, je dirais qu'il n'a pas tort, coupa l'adulte. C'est en effet le fait d'ouvrir des ponts entre plusieurs univers afin de voyager de l'un à l'autre qui les fragilise ; donc même si vous n'en étiez pas conscients, c'est de votre faute si, maintenant, nous avons autant d'ennuis.
- Vous voudriez donc que nous cessions nos activités et nos recherches, et que nous laissions le Noise envahir tout le pays, voire plus encore ? Nous sommes vraiment désolés, mais nous avons longtemps hésité avant de passer à l'action ; et nous n'avions pas le choix. »

À l'entente du mot « Noise », nombre de voix s'élevèrent unanimement pour lui demander tout naturellement de quoi il s'agissait. L'homme parut surpris un instant, mais se résigna finalement à répondre :

« Comment dire... Ce sont des créatures sans pitié qui n'existent que pour tuer les hommes. Les seules armes que nous ayons pour nous en défendre sont d'anciennes reliques, qui ne peuvent être activées que par certaines personnes.
- Ben tiens ! lança soudainement l'Américain. Juste par hasard, ça ne ressemblerait pas à de gros machins colorés qui carbonisent tous les gens qu'ils touchent ? Parce que c'est justement ce qui nous a attaqués avant qu'on ne se retrouve ici. »

Le commandant s'exclama avec surprise que c'était impossible. Si le Noise n'existait pas dans l'univers dans lequel ils vivaient, alors il n'y avait aucune raison qu'il se manifestât là-bas.

« Ce n'est pas tout, reprit le petit enfant à lunettes. Ils ont attaqué Tokyo aussi, et c'est en nous faisant poursuivre que Ran-neechan et moi nous sommes retrouvés ici. Je suppose que, d'ailleurs, vos reliques, seules ces jeunes filles peuvent les utiliser. Ne ? »

Il avait montré d'un coup de tête les trois adolescentes en uniforme japonais qui, en effet, étaient réapparues entre temps.
Encore une fois, ses paroles relativement lucides étonnèrent profondément les personnes présentes ; mais personne n'osa faire remarquer quoi que ce fût sur le moment.

« Je pense la même chose que ce garçon, répliqua le professeur Layton. Si seules trois personnes peuvent lutter contre ce genre de créatures, il est clair que vous soyez prêts à tout pour trouver une meilleure solution. Cependant, je ne vois pas encore ce que vous pourriez bien trouver dans les autres univers qui pourrait vous aider en quoi que ce soit.
- Des candidates, avoua gravement le Japonais. Lorsque des scientifiques ont découvert l'existence de mondes parallèles et, en particulier, la présence de reliques anciennes aux propriétés peu communes, nous avions décidé de mener une petite enquête. Et lorsque le Noise a commencé à devenir trop présent pour que les candidates que nous avons puissent tenir tête, nous n'avons plus eu le choix. Il nous fallait trouver du renfort. »

Un long silence se plongea dans la salle. Celui-ci fut brisé au bout d'une dizaine de secondes par l'homme au haut-de-forme, qui posa une question qui, visiblement, devait l'aider à comprendre ce que cela impliquait.

« Pouvez-vous nous dire selon quels critères vous choisissez vos candidates ?
- C'est assez complexe à déterminer ; très peu de personnes peuvent être compatibles avec les reliques, et je dois avouer que j'ignore totalement pour le moment ce qui fait qu'une personne sera compatible ou non avec telle ou telle relique.
- Ce qui me chiffonne le plus, coupa une fois de plus Conan, c'est le fait que Ran-neechan et moi les avons vues à l'œuvre. Les armures qu'elles portaient ont disparu d'elles-mêmes, je ne vois vraiment pas comment ça peut être possible. »

Le visage de l'homme s'assombrit, ses cheveux roux en bataille masquant une partie de son visage. Une des candidates, l'aînée, s'avança alors prudemment vers lui, lui glissant dans l'oreille « Si Sakurai avait été là, elle aurait pu leur expliquer, non ? ».
Il ne répondit pas. Il n'eut pas l'air de réagir lorsque tous lui demandèrent de qui il s'agissait. La jeune fille aux cheveux bleus poussa un soupir tendu, puis se tourna vers toutes ces personnes qui lui étaient inconnues.

« Le Gear se défait de lui-même lorsque la raison pour laquelle la candidate qui l'avait invoqué n'est plus. Lorsque nous avons abattu le dernier Noise sur les lieux, nous n'avions plus besoin de nous battre.
- Et comment vous les ‘activez', vos reliques ? Ça marche comment ?
- Par le pouvoir de nos chansons. »

Le Londonien sursauta violemment, dévisageant les trois candidates qui s'offraient à son champ de vision. Il avait compris pourquoi on l'avait enlevée, elle plus qu'une autre. Ce n'était pas n'importe quelle diva qui avait été ciblée. Elle avait quelque chose de différent. C'était pour cela qu'elle avait été enlevée. Et si elle n'était pas avec eux sur le moment...

« Excusez-moi, mais auriez-vous également enlevé une certaine cantatrice nommée Janice Quatlane dans le but d'essayer d'en faire une candidate ? »

Son ton particulièrement inquisiteur parut à peine intimider le Japonais. Toutefois, il avait marqué un court instant de silence avant d'acquiescer tout en s'excusant.

« Cette jeune femme avait un lien très étroit avec ce qui ressemble très fortement à un fragment de relique. Nous l'avons étudié, et nous avons constaté que son pendentif en était en réalité un. Elle est pour le moment dans le centre de soins, où les médecins vérifient sa compatibilité avec ce fragment de relique.
- Vous voulez dire que vous comptez la faire combattre sans même lui demander son avis ? accusa l'archéologue en fronçant les sourcils. Est-elle seulement consciente de ce qui se passe autour d'elle ?
- Je suis désolé, je n'ai pour le moment aucune nouvelle la concernant. Mais si vous la connaissez et que les médecins vous le permettent, peut-être pourrez-vous lui rendre visite plus tard. »

Il sursauta légèrement, comme se rendant subitement compte de quelque chose qu'il avait oublié. Il s'excusa aussitôt, subitement embarrassé ; désormais qu'il était convaincu que ces étrangers n'étaient pas dangereux, il pouvait bien les détacher. Il ordonna à ses agents que tous fussent libérés sur-le-champ, s'excusant encore auprès d'eux pour sa méprise.

« Vous voyez, ce sous-marin appartient à une unité très spéciale de l'armée japonaise. Je pense que vous comprenez pourquoi nous vous avions pris au départ pour des intrus à arrêter le plus tôt possible... »

Il demanda toutefois à ce que chacun se présentât de manière plus ou moins précise, expliquant en détail leur identité ainsi que le moyen utilisé pour se retrouver dans le quartier général de la Seconde Division et la raison pour laquelle ils étaient venus. Il avait même sorti calepin et crayon afin de tout prendre en note, histoire de ne rien oublier. Ils étaient tout de même suffisamment nombreux pour prêter à confusion, à cause du grand nombre d'informations qui allait lui être révélé.

« Le Docteur. »

Cela commençait bien.

« Docteur qui ? C'est votre profession ?
- Non. Juste le Docteur. Je voyage dans l'espace et le temps à bord de ce TARDIS, que vous pouvez voir garé dans le coin de la salle. Tiens, j'y pense... »

Il se retourna vers l'engin en question, en sortant une petite manette qui ressemblait à des clés de voiture. Il appuya sur le bouton central, et en réponse l'engin répondit par un petit clignotement du gyrophare et un bruit mécanique.

« Voilà. J'avais oublié de le verrouiller, avec toute cette agitation. »

Le commandant Kazanari le fixa avec stupeur, mais préféra s'arrêter là et demander à la suivante de se présenter à son tour. Raphaël s'interposa cependant, en profitant pour enfin poser la question qui le taraudait depuis si longtemps :

« Hé, Docteur. Comment vous faites pour vous faire comprendre par tout le monde alors que vous parlez français ? En plus, c'est pareil pour tous ceux qui sont avec vous, non ?
- C'est grâce au TARDIS. Elle traduit absolument tout ce que peuvent entendre ceux qui en proviennent, et vice-versa : ceux à qui nous parlons comprennent absolument tout ce que nous disons comme si nous parlions dans leur langue maternelle.
- Donc vous voulez dire que là, en fait, vous parlez pas du tout français.
- C'est exactement ça. »

Rose Tyler n'eut pas beaucoup à dire non plus, et les autres personnes suivirent plus ou moins rapidement : le professeur d'archéologie londonien Hershel Layton ainsi que ses ‘assistants' Luke Triton et Flora Reinhold ; les cinq poneys – qui restèrent cinq, car Ogawa convainquit son supérieur sans trop de souci qu'il valait mieux laisser la sixième endormie là où elle se trouvait en ce moment-même –, qui n'eurent pas grand-chose à dire ; les deux Français kidnappés passèrent leur tour, puisqu'il connaissait parfaitement leur identité ; les deux Japonais sauvés par les candidates, Ran Mouri et le petit Conan Edogawa, ce gamin à lunettes qui paraissait si intelligent.

« Moi, c'est Brice.
- Brice de Nice ? lança aussitôt Raphaël en ironisant.
- ... Hein ?
- Rien. Oublie. C'était stupide. »

L'avocat Phœnix Wright était tellement absorbé par ces étranges personnages qui avaient été interrogés devant lui qu'il en oublia son tour, ne voyant même pas passer celui de Maya ; aussi fut-il le dernier à décliner son identité au Japonais. Une fois cette formalité passée, le responsable des lieux remercia tout le monde de sa coopération ; puis il regarda soudainement sa montre, affirmant que l'heure du déjeuner approchait ; il proposa de tous les inviter au self, puisque la plupart d'entre eux n'avait évidemment pas les moyens de se payer un repas au Japon, soit par l'impossibilité de parler japonais, soit tout simplement par le fait qu'ils ne possédaient pas le moindre yen. C'est pour me faire pardonner d'une telle méprise, ajouta-t-il. Ainsi, il leur fit signe de le suivre, ce que tous firent sans hésiter.

« Hé, Maya. »

La jeune femme se retourna vers son ami, lui demandant tout naturellement ce qu'il avait à lui dire.

« Ce... Docteur.
- Oui ?
- Il n'a strictement rien dit concernant son identité. Il cache quelque chose, c'est certain.
- Et alors, Nick ? Il n'a pas l'air très méchant, tu sais...
- Ce n'est pas ça. »

Elle se tourna vers lui. Son regard perçant fixait l'homme en question, tandis que ses sourcils froncés et ses mains enfouies dans ses poches montraient une certaine angoisse, en apparence inexplicable sur le moment.

« Ben alors ? S'il n'est pas si suspect que ça, qu'est-ce qui ne va pas ?
- Ce qui m'inquiète, c'est que le magatama n'a pas réagi. Tu crois qu'il aurait pu se décharger en arrivant ici ?
- Je ne vois pas pourquoi. Les licornes, là, elles peuvent bien faire de la magie. Elles l'ont montré tout à l'heure, durant l'interrogatoire.
- Mais les licornes n'ont pas utilisé leur magie pour arriver ici. Nous, si on est là, c'est à cause du magatama. »

Le médium se stoppa ; il avait raison.

« C'est vrai que c'est logique... Il se serait déchargé à cause du voyage dimensionnel...
- Personne n'aurait eu besoin de magatama pour comprendre que cet homme cache un secret qui a un rapport avec son identité. Mais il aurait quand même dû réagir... »

Il sortit le petit objet de sa poche ; il luisait pourtant toujours de sa petite lueur verdâtre et fantomatique. Ce qui était une preuve qu'il possédait encore de l'énergie. Mais dans ce cas, pourquoi n'avait-il pas fonctionné sur ce Docteur ? Il faudrait y réfléchir plus tard. Puisqu'il ne pouvait répondre à cette question, il valait mieux passer à un autre détail complètement différent, qui le dérangeait également.
Alors qu'ils marchaient dans les couloirs, la plus jeune des personnes présentes entendit une voix dans son dos qui, visiblement, lui était destinée.

« Excuse-moi, mon garçon... »

Conan se retourna ; c'était l'avocat américain qui venait de l'interpeler. Il lui demanda tout naturellement ce qu'il avait :

« Tu es japonais, non ?
- Euh, oui, Oji-san.
- Tu te débrouilles vraiment bien en anglais, pour un étranger de ton âge. On dirait presque que tu as le niveau d'un lycéen. »

L'adulte le surprit à rougir lorsque Ran était apparue à ses côtés, approuvant cette dernière remarque et s'étonnant que le gamin qu'elle connaissait fût si doué en langues étrangères.

« Ah... ? Euh, c-c'est normal, Oji-san ! Mes parents voyagent beaucoup à l'étranger, et ils m'ont appris à parler anglais pour que je puisse me débrouiller très tôt... »

Cette justification était cependant suivie d'un rire nerveux laissant transparaître qu'il cachait quelque chose. Comme pour le confirmer, l'homme vit apparaître autour du jeune gamin nombres de chaînes couvertes de verrous. Cinq grands verrous si noirs qu'ils en masquaient presque totalement son petit visage d'enfant.
Un verrou-psyché. Finalement, il fonctionnait encore ; mais pourquoi n'avait-il pas fonctionné, dans ce cas, sur le Docteur ? Il devrait y réfléchir plus tard. L'important sur le moment était le fait que le magatama avait réagi, ce qui signifiait que cet enfant cachait obstinément quelque chose. Quelque chose que son amie paraissait ignorer au vu de sa réaction suite à cette réplique. De quoi pouvait-il s'agir, pour qu'autant de verrous aussi obscurs fussent présents ? Cela ne devait pas vraiment être quelque chose qu'un enfant garderait ainsi. Les enfants gardaient souvent mal les secrets. Si ces verrous semblaient si complexes à briser, alors cela devait réellement masquer quelque chose de bien peu commun. Et seul ce gamin était au courant...
Le temps d'y réfléchir et de sortir de ses pensées, ce dernier avait déjà disparu avec la jeune femme. Ils avaient dû se rendre au self en avançant plus dans le groupe. Il n'en tirerait probablement pas grand-chose pour le moment. Et puis, il était possible que son secret n'eût aucun rapport avec l'affaire, après tout... Sa présence ici n'était qu'un hasard. Bien que ce fût étrange qu'un gamin fût si futé pour son âge, cela ne devait pas avoir de lien avec cette histoire. Il n'avait pas à s'en mêler... Et puis, il commençait sérieusement à avoir faim.

Visiblement, puisqu'ils se trouvaient au Japon, le menu du jour était évident : tous se virent remettre une paire de baguettes en plus du repas de midi que la cuisine de la Seconde Division eut la bonté de leur offrir. Bien évidemment, ce fut pour certains l'occasion de découvrir de nouvelles recettes ; enfin, pas avant que la tenue des baguettes ne fût maîtrisée...

« Eh, Marie, regarde ! »

La concernée se retourna vers son ami roux, arrêtant pendant un instant d'essayer de comprendre comment tenir ces deux bouts de bois dans la main ; Raphaël avait ses propres baguettes dans le nez et s'amusait à les faire remuer en rythme. La jeune blonde pouffa de rire, mais fut visiblement la seule avec le Parisien à trouver la plaisanterie amusante : les autres se contentaient de les regarder avec des yeux à la fois curieux et embarrassés.
Brice tentait de demander à Conan de lui expliquer comment on pouvait se servir de bâtons de bois pour manger ; Maya s'affairait devant le self pour s'assurer une énième fois qu'ils étaient sûrs qu'ils n'avaient pas de hamburgers ; le Docteur et Rose, dans leur coin, se débrouillaient relativement bien et mangeaient dans le silence, ne prêtant pas attention au véritable spectacle qui se déroulait à côté ; seul le professeur Layton demeurait véritablement imperturbable bien qu'au milieu d'eux, ayant en quelques minutes complètement assimilé la méthode. Luke s'émerveillait devant la facilité avec laquelle son mentor se saisissait de chacune de ses bouchées, et n'hésita pas :

« Professeur, comment vous faites ? Vous pouvez m'expliquer ? Vous vous êtes déjà servi de baguettes ? Comment vous pouvez réussir à faire ça aussi facilement ?
- Une fois que l'on a compris le mécanisme, cela devient très simple, mon garçon ; il suffit de bien observer et de trouver la meilleure prise pour être certain de ne rien laisser retomber. Je vais t'expliquer... »

En effet, l'archéologue n'avait absolument pas touché à son assiette ni même à ses baguettes durant les premières minutes ; au lieu de se jeter à l'eau, il avait préféré observer sur les autres tables la position exacte des mains des Japonais à l'œuvre, aussi n'eut-il aucun problème par la suite à se servir. Il montra à son apprenti ainsi qu'à Flora le positionnement de chacune des baguettes, et les deux adolescents parvinrent avec plus ou moins de facilité à l'imiter.

« Pour la dernière fois, nous ne faisons que de la cuisine japonaise. Estimez-vous déjà heureux que le Commandant ait décidé de payer pour vous tous.
- La poisse... Et vous n'auriez même pas des fourchettes ?
- Désolé. On n'a pas l'habitude des clients étrangers.
- Hé, Brice, interpella Conan. Cherche pas, tu ne trouveras pas ça ici. Je comprends vraiment pas, c'est quand même pas dur de tenir des baguettes... »

« Oh ! Professeur, regardez ! Je ne savais pas qu'ils avaient aussi des sauces vertes ici... C'est exactement la même couleur que les bouillons de Flora, c'est quand même drôle comme coïncidence, non ?
- C'est du wasabi, informa Hibiki. Mais faites attention, c'est très épicé.
- Attendez, je vais goûter !
- Flora, marmonna Luke, je ne crois pas que ce soit une très bonne idée...
- Hé, ça a exactement le même goût que la sauce que je mets dans mes rosbifs ! Professeur, vous ne trouvez pas que c'est drôle, comme coïncidence ?
- Professeur... murmura le jeune adolescent.
- Oui, Luke ?
- Vous croyez que le baron Reinhold pourrait avoir eu des origines japonaises ? »

« Woah, c'est du wasabi ! J'avais encore jamais eu l'occasion de goûter !
- Euh, Raphaël, fais attention, prévint Ogawa. Celui-là est—
- Ah ! Mais c'est super épicé, ce truc ! Marie, passe-moi l'eau !
- ... très concentré. »

« Luke, méfie-toi. Tu devrais reposer cette boulette, tes baguettes ne sont pas très stables...
- Ne vous en faites pas, Professeur, je la tiens bien.
- Luke... »

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà les deux bouts de bois du jeune homme avaient dérapé, la boulette de riz replongeant aussitôt dans sa sauce soja et aspergeant les alentours ; le jeune Londonien prit environ dix minutes à s'excuser en boucle devant Rarity, qui par mégarde était juste à côté de lui.

Twilight demeurait relativement silencieuse, se contentant d'user de sa magie afin d'amener chaque morceau de nourriture à sa bouche ; une jeune femme apparut soudainement à ses côtés, posant sur la place libre à sa gauche son plateau et s'installant. Cette femme devait avoir dans la vingtaine d'années ; ses longs cheveux châtain clair étaient attachés en chignon, et elle portait une blouse blanche. Ce devait être une des scientifiques du quartier général.

« Alors comme ça, cette histoire de magie n'était pas une blague...
- Eh bien, je suis encore en train de l'étudier... Mais je connais déjà quelques tours.
- Intéressant. Le Commandant m'a demandé de voir si ça ne te dérangerait pas si j'étudiais ça un peu plus en détail... Crois-tu qu'un de tes sorts pourrait avoir un effet sur le Noise ? Ce serait tellement génial !
- Probablement... Mais je ne sais même pas à quoi ça ressemble...
- Ce n'est pas grave. Crois-moi, peut-être que c'est mieux ainsi. »

La jeune Japonaise se saisit d'un nigiri à l'aide de ses baguettes, puis croqua sa surface moelleuse à pleines dents.

« J'y pense, je ne me suis pas présentée. Je suis Saga Saeko. »

Une fois le déjeuner terminé, le commandant reparut et parvint à rassembler tout le monde ; il expliqua alors qu'il avait trouvé un hôtel non loin de la côte qui pourrait tous les héberger pour un temps indéterminé. Pour les poneys, cependant, il avait été jugé préférable qu'ils restassent dans le sous-marin : une salle peu utilisée servait à la fois d'entrepôt et de bibliothèque, juste à côté de la salle des machines, et pouvait facilement être aménagée pour accueillir six équidés de manière confortable.
L'adresse de l'hôtel avait été confiée aux trois candidates ; Hibiki proposa de les guider dans Tokyo et de les y mener, et ce dès que le sous-marin arriverait au port. Ce qui devait arriver d'ici une ou deux heures.

En attendant, plusieurs groupes se formèrent : les Londoniens, accompagnés de Tsubasa, étaient partis chercher des nouvelles de Janice auprès des médecins ; les ponettes étaient parties réveiller Pinkie, car elles venaient de se rendre compte qu'elle avait été oubliée dans sa salle insonorisée ; les Parisiens avaient décidé de fouiller le sous-marin pour tenter de retrouver le violon de Marie ; le reste du groupe, enfin, avait décidé de rester soudé afin de faire un simple tour de repérage et, si possible, trouver de quelconques indices à propos de quoi que ce fût qui pouvait leur apprendre quelque chose d'utile.
Conan, alors qu'il s'apprêtait à suivre Ran en sortant du self, croisa les équidés. Il eut soudain une idée peut-être folle, à laquelle il valait mieux réfléchir à deux fois, mais qu'il voulut suivre. C'était beaucoup trop tentant... et l'occasion était trop belle. Mais il n'avait que peu de temps pour se décider : elle s'en allait. C'était maintenant ou jamais.
Le petit enfant rajusta machinalement ses lunettes tout en inspirant fortement pour se donner du courage ; puis il passa à l'action.

« Dis, Twilight... »

La licorne se retourna vers l'origine de cette voix, si discrète et pourtant si insistante. Elle s'arrêta, comme l'avait fait le jeune garçon qui l'avait interpelée, puis le regarda en l'interrogeant du regard. Les autres, n'ayant apparemment pas vu qu'il manquait quelqu'un dans chacun des deux groupes, s'éloignèrent chacun de leur côté avec insouciance.
Il passa sa main droite dans ses cheveux, comme pour réfléchir, et resta ainsi un moment. Mais finalement, il continua dans sa lancée.

« C'est vrai que ta magie peut faire absolument n'importe quoi ?
- Ben... à peu près, oui. Tu veux que je fasse quelque chose pour toi ? »

Il hésita encore. Tête baissée, il jeta de furtifs regards aux alentours, puis s'approcha de l'oreille de la ponette dans laquelle il murmura une simple question qui voulait tout dire à la fois :

« Peux-tu garder un secret ? »

« Ok, je résume. En fait, tu t'appelles Shinichi Kudo, tu as dix-sept ans et tu es un détective qui, il y a quelques mois, a fourré son nez là où il ne fallait pas ce qui a fait qu'une mystérieuse organisation que tu traques en secret t'a fait avaler un poison qui, en fait, t'a fait rajeunir. C'est ça ?
- Grosso modo, oui.
- Et si tu n'en parles à personne, c'est parce que cette organisation s'en prendrait à tous ceux qui sont au courant si jamais ils se rendent compte que tu es toujours vivant. Et c'est pour ça que Ran, ta petite amie, ne sait absolument rien de tout ça et qu'elle croit que tu t'appelles Conan Edogawa. »

Il hocha la tête en signe d'acquiescement.

« Exactement. Donc je voulais savoir si tu avais un sort qui pourrait arranger tout ça.
- Si j'ai bien compris, tu veux que je te rende ta vraie apparence, c'est ça ? Mais comment tu comptes t'y prendre, après ? Personne ne va trouver ça louche de voir un type apparaître et un gamin disparaître sans laisser de traces ?
- Pour Conan, c'est vrai que ça va être dur. Mais pour Shinichi, j'ai ma petite idée... »

La licorne lui jeta un regard sceptique.

« Dis toujours.
- On est dans un monde parallèle, non ? Dans la plupart des fictions qui traitent ce genre de sujets, il est question d'alter-egos. Je n'ai qu'à me faire passer pour l'alter-ego de Shinichi Kudo en provenance de cet univers-là, et quand l'affaire est terminée et qu'on va rentrer, je m'arrangerai pour me retrouver avec Ran.
- Ça marchera jamais.
- T'en fais pas. Tout ce que tu as à faire, c'est me rendre mon apparence normale. Pour le reste, je peux me débrouiller seul. »

Twilight soupira profondément. Cela se voyait clairement que le Japonais était beaucoup moins sûr de lui qu'il ne le laissait paraître. Mais d'un autre côté, ce n'était pas vraiment comme s'il avait le choix : il voulait à tout prix redevenir lui-même, et le seul moyen à sa portée était sa magie. Et cette magie ne pouvait qu'opérer là où ils se trouvaient en ce moment-même, car jamais elle ne poserait un sabot dans son univers. Donc il n'avait pas le choix, il devait saisir la balle au bond. Tant qu'elle était encore à portée de main.
Même si c'était risqué.

« Ok. Tu sais, les sorts temporels sont vraiment dans les niveaux les plus élevés en magie, je ne suis pas certaine d'en être capable... Mais je veux bien essayer.
- Si tu rates, ce n'est pas grave. Je ne vais pas mourir non plus, hein.
- Je sais. Mais je comprends que ça doit vraiment être important pour toi...
- Twilight, coupa-t-il, un sourire assuré aux lèvres. Je suis sûr que tu vas y arriver. »

L'équidé releva le regard pour le plonger dans celui du petit humain, puis acquiesça. Shinichi releva, juste avant de commencer, le problème que causeraient cependant les vêtements ; mais elle le rassura vite : Rarity lui avait appris quelques tours, et elle était elle-même parvenue à maîtriser quelques sortilèges en matière de couture. Je parie que les costumes te vont à ravir ! avait-elle ajouté en souriant. Ce petit détail n'était donc pas un problème. Tout était en règle.

Elle recula sur quelques pas en baissant la tête, visant son ami du bout de sa corne, se concentrant profondément. Elle s'arrêta, respirant lentement ; une lueur mauve apparut au bout de sa corne, signe qu'elle était prête à commencer. Une lumière semblable enveloppa de même le jeune détective, qui se sentit soudainement plus léger ; il ressentit que le sol échappait à ses pieds, et ses yeux lui témoignèrent qu'il lévitait.
Alors qu'un ruban éclatant et mauve l'entourait, une violente douleur à la poitrine le frappa. Il commença à voir trouble, et son corps entier le faisait souffrir ; mais il souriait malgré tout. C'était bon signe. Il reconnaissait parfaitement bien ces symptômes. C'étaient les mêmes que durant cette soirée où il avait bu le poison. C'étaient les mêmes que durant la journée où Hattori lui avait fait boire cette petite bière chinoise qui lui avait momentanément rendu son apparence. C'étaient les mêmes symptômes qui allaient lui rendre son corps de manière définitive, concluant enfin ce cauchemar qui avait bien trop duré.
Twilight avait de plus en plus de mal à tenir sur ses pattes. Elle se sentait de plus en plus faible. Le sort allait être interrompu si jamais elle venait à tourner de l'œil. Il ne le fallait pas. Surtout pas. Elle devait achever ce sort temporel à tout prix. C'était pour lui qu'elle le faisait. Pour lui et pour son amie. Pour son entourage. Pour tout ce qu'il pourrait faire, une fois revenu chez lui, pour démanteler cette organisation qui osait multiplier ainsi les crimes impunis. Il le fallait. Elle ne devait pas échouer. Ils n'avaient pas le choix...

Une violente détonation surgit soudain du bout de sa corne. Celle-ci cessa de luire par la même occasion, un dernier jet de lumière s'abattant sur le jeune gamin. Cependant, le cocon lumineux qui l'entourait se fractura de toutes parts, venant s'écraser contre le mur opposé, au fond de la salle. Les deux amis se retrouvèrent à terre, les lois de la gravité ayant repris le dessus. Chacun d'eux se plaignait plus ou moins explicitement de leur douleur liée à la chute, ainsi qu'aux suites de toutes les souffrances qu'ils avaient endurées. Ils demeurèrent ainsi un moment d'une durée indéterminée, couchés sur le dos, épuisés, silencieux. Finalement, le silence ne fut brisé qu'à peine, comme s'il s'agissait d'un crime que de le rompre sans prévenir.

« On a... réussi ? » murmura le poney d'un ton inaudible et totalement dénué d'espoir tandis qu'elle fixait le plafond de ses yeux mi-clos.

Il parvint à lever une main pour la placer devant son visage. Mais ce fut une main d'enfant qui apparut dans son champ de vision. Il ragea, refermant cette petite main innocente en un poing qui vint s'écraser avec fureur contre le sol, rejetant toute sa colère et sa désillusion contre la première chose matérielle à portée de main.
Twilight comprit et ferma les yeux dans un signe de déception et de désolation, tandis que deux petits éclats de lumière vinrent se miroiter au coin de ses paupières, tremblant un peu.

« Ne... Ne t'en fais pas, Shinichi... J-Je m'entraînerai, et on retentera... Je vais—
- C'est plus la peine. Tu te fatigues pour rien. »

La ponette bascula lentement sa tête vers lui, le dévisageant de ses deux grands yeux déjà embués de larmes. Conan s'était relevé, fixant le sol et répétant dans des murmures une seule et unique injure qui revenait tout le temps, n'étant probablement destinée à personne d'autre que la Providence elle-même, si elle existait. Mais ses mots étaient surtout pleins d'un seul sentiment : la désillusion. De toute manière, son plan ne pouvait fonctionner. Il s'était fait des illusions et s'était persuadé du contraire uniquement parce que l'occasion était trop belle. Mais justement, elle l'était trop pour que ce fût réalisable.

Ils avaient échoué sur toute la ligne.

Chapitre IV ~ L'axiome des escaliers

Note de l'auteur

Beaucoup de lecteurs m'ont fait part de leur déception, en voyant un échec pourtant si prévisible et espérant qu'il réussira un jour ; dois-je rappeler une fois de plus que la Loi de Murphy fait partie de mes principes les plus importants dans le scénario de chacune de mes fictions ?
Mais d'un autre côté, d'autres ont souligné le fait que Conan semble vraiment sans aucun autre espoir que ce sort temporel : j'ai en effet oublié de préciser que l'intrigue de cette fiction se déroule en réalité vers le tome 18 de la série Détective Conan, plus précisément juste avant l'apparition de Haibara Ai. Ainsi, pour rappel, à ce stade Conan n'a connu que le baïkal comme remède temporaire, et encore ce dernier ne fonctionne qu'une seule fois et est donc désormais inutilisable ; la vision de la magie comme de dernier espoir d'en finir définitivement est donc (à mon goût) pleinement justifiée, surtout que, je tiens à le rappeler, à ce stade on a encore un Conan assez peu réfléchi. Bien que mature et intelligent, il aura parfois le réflexe de faire passer les actes avant la réflexion, voire d'avoir une trop grande confiance en lui.
Bref, laissant cette fin de chapitre de côté, j'ai comme toujours bien aimé le rédiger dans son entier. L'intrigue peut enfin commencer à démarrer, les personnages peuvent enfin commencer à se côtoyer réellement et à apprendre à se connaître, formant des affinités... Bref. J'aurais tendance à dire que les deux chapitres précédents étaient encore trop introductifs, et auraient limite pu faire partie du Prologue, en fin de compte.
Article ajouté le Mercredi 25 Septembre 2013 à 20h05 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre IV

Chapitre IV ~ L'axiome des escaliers

« Souvent, avec un escalier prévu pour la montée, on arrive à monter
plus bas qu'on ne serait descendu avec un escalier prévu pour la descente. »
~ Les Shadoks

~ Parce que, finalement, un petit commentaire personnel ne vaut pas une citation bien choisie lorsque l'occasion est si belle.
« Mais qu'est-ce qui leur a pris ? »

Sa main gauche se tenait entre son front chaud et la table, tremblante. Il paraissait complètement désespéré, fixant obstinément le sol, les dents serrées, la voix faible et enrouée par l'angoisse. Son autre main collait avec peine un téléphone contre son oreille. Comme s'il n'avait même plus la force de porter un si petit objet.

« Connaissant Conan-kun, cette histoire a dû l'intriguer et votre fille l'aurait suivi pour l'en empêcher...
- Inspecteur Megure, vous croyez que...
- Je ne voudrais pas vous inquiéter, Mouri-san. Mais au vu de la situation, on ne peut être sûr de rien. »

La liaison directe entre l'agence de détective et le commissariat portait des paroles lourdes et dénudées d'espoir. Du moins, c'était ce que le père semblait remarquer.

« Nous sommes sur le point d'envoyer quelques agents dans le quartier nord ; Shiratori a remarqué en observant les déplacements de ces bestioles qu'elles provenaient de là-bas. Si vous voulez mon avis, s'ils sont encore vivants, il y a une chance pour qu'on les retrouve dans les environs.
- Mais pourquoi seraient-ils allés aussi loin ?
- Probablement pour la même raison que nous... Mais je ne peux rien affirmer. Je suis vraiment désolé, Mouri-san, mais la police a pour le moment d'autres priorités. »

Ce fut toutefois avec un certain regret que l'inspecteur raccrocha le combiné ; mais s'il avait pu faire quoi que ce fût d'autre, il l'aurait fait. Il fallait juste qu'il y eût quelque chose qu'il pût faire. Et justement, il n'y avait rien à faire. Ils pouvaient juste espérer qu'il y aurait le moins de victimes possibles à cette étrange invasion inexpliquée et, pour le moment, inexplicable. C'était tout.

Se levant de son bureau, il appela aussitôt Takagi ainsi que Sato. Étant avec lui les agents les plus proches des deux portés disparus, il jugea bon de les avertir ; si jamais ils étaient toujours en vie, il fallait se dépêcher de les retrouver avant qu'il ne fût trop tard.

Shiratori avait vu juste ; après avoir brillamment déduit que les créatures ne se déplaçaient pas au hasard, mais agissaient en groupe et selon une logique impeccable, les forces de l'ordre nippones avaient pu confirmer par la pratique la véracité de cette hypothèse. Ce qui signifiait que ces êtres provenaient de quelque part, et étaient probablement dirigés par quelqu'un ; toutefois, quelles seraient alors les intentions de cette personne ? Comment aurait-on pu créer de telles choses ?
La police n'était même pas certaine de trouver les réponses à cet endroit. Même l'armée japonaise, qui évidemment était de la partie, n'allait peut-être pas aider à résoudre cette affaire. D'après ce qu'ils avaient pu voir, absolument rien ne pouvait détruire l'ennemi. Cela n'était qu'à peine ralenti par les balles. Cela traversait les murs si besoin était. Cela pouvait se faire lent, comme cela pouvait atteindre de grandes vitesses pour mieux cerner sa cible. Cela ne disparaissait que lorsque cela entrait en contact avec un être humain, mais cela entrainait instantanément la mort de ce dernier.

C'était tout ce qu'ils savaient. Qu'ils faisaient face à un ennemi indestructible et redoutablement vicieux. Quant à ses origines et ses motivations, ils n'avaient aucun moyen de le savoir.

C'était par ailleurs pour cela que la police municipale demeurait en retrait, loin derrière les forces militaires. Les simples agents avaient la chance de ne pas avoir à risquer leur vie pour rien, se contentant d'enquêter à l'abri.
Toutefois, absolument rien ressemblant à un quelconque indice ne pointait le bout de son nez. La seule chose anormale était, çà et là, quelques tas de cendres témoignant que quelques personnes innocentes avaient perdu la vie à cet endroit, sans aucune raison.

« Inspecteur Megure ! »

C'était Takagi. L'homme tourna la tête, l'interrogeant du regard. Son acolyte n'attendit pas qu'il formulât sa question pour y répondre, exposant aussitôt sa requête :

« Vous n'auriez pas vu Sato-san ? Elle était juste là il y a encore quelques minutes...
- Oh, si ce n'est que ça ; elle est allée me voir tout à l'heure pour me dire qu'elle allait examiner ce côté. », répondit-il naturellement en pointant du doigt une petite ruelle.

Cependant, lorsqu'il jeta un œil dans la direction qu'il montrait, il sursauta violemment : en effet, alors qu'ils devaient être encore capables de la voir, c'était loin d'être le cas. La jeune femme avait tout simplement disparu.

« Sato-san ! »

Sans réfléchir, le jeune agent se précipita en courant vers la petite venelle, comme persuadé qu'il lui était arrivé malheur. Cependant, aucune trace ni d'une de ces créatures, ni d'un quelconque tas de poussière ne fut visible. Ils n'avaient rien entendu qui ressemblât à un cri, ou bien à ce bruit caractéristique de ces êtres.

Donc elle s'était tout simplement volatilisée.

« Takagi-kun, reprit son supérieur en avançant prudemment. Méfiez-vous, on ne sait pas ce qui peut— »

Sa voix avait été coupée, subitement. Seul le silence pourtant avait suivi à son conseil avisé. L'agent se retourna vers l'endroit où son interlocuteur s'était trouvé à ce moment, mais il ne vit personne. Son premier réflexe fut de l'appeler avec vivacité et, désormais, angoisse. Il regarda autour de lui avec attention, tout en marchant précautionneusement vers la sortie de la ruelle.

Toutefois, il ne l'atteignit pas. Un grand flash de lumière survint soudainement, ce qui le força à se couvrir instinctivement les yeux de ses bras, inclinant très légèrement la tête. Lorsqu'il put voir à nouveau ce qui se trouvait autour de lui, la première chose qu'il repéra fut les deux personnes qu'il recherchait. Il retrouva aussitôt le sourire, rassuré.

« Ah, vous étiez là... »

Il se stoppa soudainement et eut un petit mouvement de recul, écarquillant les yeux.

« Attendez une minute... »

Les deux autres policiers lui adressèrent un regard grave et désemparé en réponse. La Japonaise, sans ouvrir la bouche, se contenta de lever un doigt terrorisé et tremblant qui pointa quelque chose se trouvant derrière le jeune officier. Il se retourna d'un seul bloc, s'apprêtant à se retrouver nez à nez avec une de ces horribles créatures ; toutefois, il s'était trompé.

Les quelques oiseaux se trouvant dans les parages chantaient. En effet, bien qu'ils fussent en ville, ils s'étaient retrouvés dans un grand parc tout en longueur. Le ciel était bleu, la température agréable. Une température de printemps. L'herbe était parfaitement entretenue ; le chemin à quelques mètres d'eux était large et formé par du gravier fin et du sable brillant. S'élevait, loin devant eux, à peut-être quelques centaines de mètres, une titanesque silhouette de métal brillant au soleil, resplendissante malgré son vieil âge.

« Impossible... »

L'inspecteur Megure abaissa sa main droite sur le rebord de son couvre-chef, l'enfonçant sur son visage comme pour se plonger dans une profonde réflexion tentant d'expliquer ce qui venait de se produire. Toutefois, il fallait se rendre à l'évidence : même si cela n'avait aucune explication, c'était réel.

Même si c'était la première fois qu'ils la voyaient, ils l'avaient reconnue au premier coup d'œil. Un tel monument était trop connu pour qu'une quelconque méprise fût possible. Il ne pouvait donc plus y avoir une seule trace d'hésitation.

Ils étaient à Paris.

Bien que ses paupières fussent closes, une forte lumière semblait pouvoir passer cette fine couche de peau opaque. Jusqu'à ce moment, cela ne l'avait pas dérangée ; mais elle venait de trouver ces rayons aveuglants un peu trop gênants. Une seule solution lui vint en tête : elle devait se trouver inconsciente jusque-là. Et elle venait de se réveiller. Mais où était-elle ? Que s'était-il passé ? Quelle était cette étrange lumière ? Et quel était cet étrange bruit répétitif qu'elle commençait à entendre de plus en plus distinctement ? Cela ressemblait à un petit tintement mécanique qui retentissait régulièrement. Qu'est-ce qui pouvait bien en être l'origine...?

Ses paupières frémirent fébrilement, puis s'ouvrirent un peu. Ils se refermèrent aussitôt, à cause de cette lumière braquée sur son visage, à quelques pieds à peine de son visage. Elle était trop brillante. Elle ne verrait rien, même si elle ouvrait les yeux.

« Janice... »

Elle reconnaissait cette voix. Cela faisait quelque temps qu'elle ne l'avait plus entendue... Non, elle avait vu son propriétaire récemment, elle s'en souvenait bien. Il était venu l'encourager avant qu'elle n'entrât en scène, avant le début du concert. Et ensuite elle avait chanté, comme à son habitude. Mais que s'était-il passé ensuite ? Elle ne parvenait pas à s'en souvenir. C'était tellement flou...
Sa mémoire ne lui offrait que la vision d'hommes en uniformes étranges, qui étaient venus s'emparer d'elle, puis elle s'était évanouie. Mais elle ne parvenait pas à se rappeler quand ni comment ces hommes étaient arrivés sur scène. C'était comme s'ils étaient sortis de nulle part... mais cela n'avait aucun sens. Cela violait les lois de la physique. Rien ne pouvait naître du néant.

Elle entendit encore cette voix. Elle s'adressait à quelqu'un, mais ce n'était pas elle. C'était une voix grave, chargée de reproches, dans le ton. Même si le contenu de ses paroles était en réalité un ordre.
Il avait vu qu'elle s'était réveillée. Mais il avait surtout remarqué que la lumière l'aveuglait. Il avait demandé à quelqu'un de l'éteindre. Et en effet, cette puissante lumière perdit en intensité, de telle sorte qu'elle put enfin rouvrir les yeux ; d'abord lentement et doucement, puis totalement. Sa vue demeura floue quelques secondes. La lampe braquée sur son visage était encore aveuglante ; mais elle tourna lentement sa tête sur le côté, vers l'endroit d'où provenait cette voix, et elle le vit enfin.

« P... Professeur... »

Il parut soulagé, mais ne s'adoucit pas pour autant.

« Janice, est-ce que ça va ? Comment te sens-tu ? »

Elle maintint le silence un instant, mais esquissa un faible sourire tentant de le rassurer. S'il était là, alors c'était qu'elle ne risquait rien. Donc elle pouvait se permettre de sourire.

« Tout va bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. »

Il se redressa, plissant légèrement les yeux et fronçant les sourcils. Non, sa réponse ne lui avait pas convenu.

« Janice. Sais-tu où nous nous trouvons actuellement, et ce qui t'est arrivé ? »

Elle écarquilla les yeux, lui présentant deux pupilles innocentes et interrogatrices.
Tout lui indiquait autour d'elle qu'elle était dans une chambre d'hôpital, ou plutôt d'opération – il n'y avait que là qu'une telle lampe pouvait être visible. Si elle était couchée et que c'était de son état que l'on s'inquiétait, alors cela voulait dire qu'elle avait eu un accident. Qu'elle s'était blessée.
Mais elle ne ressentait aucune douleur.

Elle tenta de se relever, mais elle était encore trop faible ; ses bras succombèrent vite au poids de son corps, et l'archéologue la rattrapa de justesse, l'aidant aussitôt à reprendre sa position de départ.

« Professeur... Il m'est arrivé quelque chose ? Je ne sens absolument rien... »

Il baissa le regard. Puis il se tourna vers les infirmiers qui, à l'autre bout de la salle, ne réagissaient pas et se contentaient de regarder distraitement l'appareillage devant eux. Un seul se contentait de les observer, comme attendant un signal de la part de l'homme au haut-de-forme.
Ce dernier se redressa à nouveau, se tournant vers lui en fronçant les sourcils.

« Vous permettez que je me charge de tout lui expliquer ? Je pense que vous avez été suffisamment clairs avec moi, il y a quelques heures. »

« Alors, il était donc juste là !
- Oui ; nous l'inspections pour vérifier qu'il n'avait subi aucun dommage. Il n'y a absolument pas de quoi s'inquiéter, tout va bien. »

Flora demanda s'il leur était possible de reprendre le violon de la jeune Française, et sa requête fut rapidement obtenue. Un franc sourire sur ses lèvres, elle se vit remettre l'instrument qu'elle tendit avec précautions à sa propriétaire ; cette dernière se plaignit encore une fois du problème que posaient les langues, s'excusant d'avoir eu besoin de recourir à la Londonienne pour pouvoir maintenir une conversation avec tous les Japonais qui les entouraient. Ne maîtrisant que peu l'anglais, la pauvre adolescente était totalement perdue lorsqu'elle ne se trouvait pas à proximité de Raphie ou de quelqu'un ayant eu la chance de s'être trouvé dans le TARDIS au bon endroit et au bon moment.

« En tout cas, merci beaucoup de m'avoir aidée à le retrouver !
- C'est normal. Ça fait plaisir d'aider les gens qui ont des problèmes. », répondit tout naturellement la jeune fille en haussant les épaules, lui échangeant un sourire simple, mais chaleureux.

Les deux amies se dirigèrent vers l'endroit d'où elles venaient, c'est-à-dire celui où elles s'étaient rencontrées et où, désormais, chaque personne en provenance d'un autre monde se retrouvait. Il avait été aisé d'en faire une sorte de point de rendez-vous, dans cet immense sous-marin que les Japonais avaient baptisé l'Abyss. Le vaisseau était tellement grand qu'il était difficile de s'y retrouver ; étant donné qu'il s'agissait de l'une des salles les plus faciles d'accès et les plus repérables, il était normal de le transformer en point de rendez-vous et de repère. Si quelqu'un était perdu, il s'agissait du meilleur endroit pour être certain de trouver quelqu'un apte à rendre service.
Lorsqu'elles arrivèrent, en effet, il y avait déjà du monde : Raphaël n'était pas présent, probablement occupé avec cet agent nommé Ogawa à repérer les lieux ; toutefois, se trouvaient déjà sur les lieux l'avocat américain et sa compagne, ainsi que Luke et les deux jeunes Japonais qui n'étaient pas originaires de cet univers. Tous furent évidemment surpris de voir la jeune blonde arriver un violon dans les bras, aussi les questions auxquelles elles s'étaient attendues ne tardèrent pas. Marie raconta tout naturellement que, lorsqu'elle avait été enlevée, elle portait son instrument dans son étui, et qu'il avait donc été amené avec eux.

« Hé, c'est peut-être pour ça que vous avez été enlevés, Raphaël et toi. »

La Française fronça légèrement les sourcils d'incompréhension, aussi Luke n'attendit-il pas longtemps avant de répéter les paroles de Phœnix Wright ; toutefois, elle n'en parut pas moins étonnée et demanda aussitôt à la jeune Londonienne de lui demander pour elle la raison pour laquelle il songeait à cela.

« Je ne sais pas, je dis ça comme ça mais... La chanteuse d'opéra que ces types ont kidnappée, c'était parce qu'elle pouvait être candidate. Alors s'ils n'ont pas encore expliqué pourquoi ils s'en sont pris à vous, c'était peut-être pour le violon. Après tout, ça fait de la musique, et ça expliquerait pourquoi ils l'ont gardé avec eux.
- Ça voudrait dire que ce violon a quelque chose de spécial ? » tenta Ran.

Lorsque cela fut traduit à Marie, elle répliqua qu'elle n'avait rien remarqué d'étrange dans la structure de son instrument ; tout ce qu'elle pouvait affirmer était qu'il était très vieux et avait probablement, dans son univers, un lien direct avec ce qu'elle nommait Tiamat sans pour autant savoir réellement de quoi il s'agissait. Elle raconta qu'en effet, à quelques reprises lors d'une affaire ayant eu lieu plus tôt, alors qu'elle jouait d'une certaine manière, son violon avait réagi avec une ancienne relique des temps babyloniens, le bracelet de Tiamat. Tout ce qu'elle put préciser à ce sujet fut que son violon portait une certaine marque à son côté gauche, exactement la même que cette fameuse relique, et que cette marque avait brillé sans aucune raison alors qu'elle avait joué à ce moment ; mais cela ne s'était jamais reproduit par la suite.
À ce propos, on lui demanda alors d'en jouer afin de tenter de voir de quoi il retournait ; sans hésiter, elle l'enfourcha aussitôt sur son épaule et, posant son archet sur ses cordes, commença d'entonner une petite mélodie à la fois calme et gracieuse. Comme chacun s'y attendait, rien de particulier ne se produisit ; la marque foncée demeurant visible sur le côté gauche de la table du violon ne se mit pas à luire, toutefois le jeune adolescent à casquette bleue fronça les sourcils, au fur et à mesure qu'il écoutait. Lorsque la Parisienne eut fini, il ne manqua pas de faire part de ce qui le dérangeait :

« Ce n'est rien, mais j'ai l'impression que ce violon ne sonne pas de la même manière que tous ceux que j'ai entendus auparavant... Mais ça n'arrive que lorsque tu joues dans les graves ; dans les aigus, je n'ai pas du tout cette sensation, c'est étrange...
- C'est peut-être parce que les cordes sont en métal. »

Silence. Tout le monde se tourna avec curiosité et étonnement vers le petit Conan. Flora en oublia par ailleurs de traduire à Marie, mais elle semblait avoir compris que le petit gamin avait dû dire quelque chose de peu banal.

« Idiot, répliqua aussitôt Maya en se penchant vers lui. Tout le monde sait de toute façon que les cordes de violon sont faites en métal. C'est de l'acier, non ? ajouta-t-elle en tournant sa tête vers Phœnix.
- Ah, c'est ça ! répliqua toutefois Luke en s'illuminant soudainement. En fait, chez nous, les cordes sont toutes en boyaux sauf la corde de mi, la plus aiguë : on a rapidement arrêté de la fabriquer en boyaux, parce qu'elle était trop fine et cassait donc trop facilement. C'est pour ça que ça sonne différemment...
- Sauf que, justement, vers la fin du vingtième siècle on a commencé à fabriquer les autres cordes en métal aussi, reprit Conan. C'est plus résistant et ça sonne généralement plus ; et puis, ça dure beaucoup plus longtemps, aussi.
- Mais dans ce cas, je ne vois pas le problème... répéta la jeune medium, sceptique. Qu'est-ce que ça peut faire, que les cordes soient en métal ou pas ? »

Le visage du petit gamin s'illumina soudainement d'un petit sourire qu'il était généralement très inhabituel de voir chez quelqu'un d'un tel âge.

« Vous ne voyez vraiment pas ? Si tout ce que Marie a dit est la stricte vérité, alors cela veut dire que ce violon a été créé, lui et ses cordes, bien avant la fin du vingtième siècle, à une époque où normalement elles auraient dû être constituées de boyaux.
- Bah. Elle a pu les changer après, non ?
- Dans ce cas, il y a peu de chances que le violon ait réagi comme elle l'a décrit, lorsqu'elle avait joué. La particularité de ce violon ne peut pas être seulement liée à sa marque, ce n'est pas logique.
- Et ça signifie donc que, si elles sont en métal, c'est qu'il y avait une raison toute particulière. C'est ça ? » déduisit aussitôt l'avocat.

L'enfant acquiesça, posant aussitôt son index au-dessus de son menton et fronçant légèrement les sourcils. Il demanda soudainement, sans prévenir, s'il pouvait essayer lui-même d'en jouer. Après que cette requête fût traduite, Marie ne vit aucun inconvénient à lui prêter son instrument quelques instants, s'amusant de voir un si petit garçon jouer les experts.
Conan inspecta avec minutie les moindres détails du violon et de son archet, puis l'enfourcha après une rapide hésitation, commençant aussitôt de jouer. Ses yeux fermés et ses paupières plissées témoignaient de son extrême concentration au son qu'il produisait, ce qui invita les autres personnes présentes à un grand silence à la fois stupéfait et admiratif. En effet, il fallait avouer par-dessus le marché que le petit génie était, en plus de cela, incroyablement talentueux en tant que violoniste, pour son âge. Bien que la taille du violon parût parfois un handicap certain pour de si petits doigts, quasiment chacune de ses notes fut jouée avec aisance et justesse. L'archet caressait les cordes, les faisant vibrer avec très peu d'irrégularités, preuve d'une grande maîtrise.
Lorsqu'il eut fini, il n'eut pas le temps de se concentrer sur le violon, car tous le félicitèrent aussitôt pour sa prestation. Marie était également très douée, connaissait son morceau avec exactitude et le jouait avec une aisance qui était loin d'être donnée à tout le monde ; mais donner un talent similaire à un enfant de moins de dix ans relevait de l'exploit.

« Dis, gamin, tu joues du violon depuis combien de temps ?
- Ben, j'en joue depuis que je suis tout petit et j'ai beaucoup travaillé, vous savez...
- Mais plus exactement, ça fait combien d'années ? Tu es quand même très jeune... »

Un vif éclat de surprise transperça soudainement son regard. Ce fut bref, furtif, totalement invisible pour quasiment tout le monde autour de lui.
Toutefois, le verrou-psyché qui reparut de suite n'échappa pas au regard de l'avocat ; et il n'eut échappé au regard de personne, si jamais il pouvait être visible de tous.

« Enfin, je veux dire qu'en fait, je viens de commencer, ça ne fait qu'un ou deux ans que je travaille, mais je m'acharne beaucoup alors c'est pour ça que...
- C'est quand même un grand talent que tu as là, répliqua Luke en souriant. Tu en as, de la chance, d'avoir ce niveau à cet âge-là.
- Tu ne serais pas un peu jaloux, par hasard ? » plaisanta Flora en esquissant un léger sourire en coin.

Les deux Londoniens entrèrent dans une petite dispute peu violente, se contentant de s'échanger de légères taquineries. De son côté, Conan poussa un soupir de soulagement invisible ; il lui suffisait de changer habilement de sujet pour clore complètement cette histoire, et donc l'écarter de tout doute de la part de qui que ce fût.

« Mais en revenant sur ce violon, je crois avoir compris quelle est sa plus grande particularité. »

L'enfant redevint soudainement le premier centre d'attention, mais cette fois pour une toute autre raison ; lorsque l'avocat se pencha sur un genou pour se mettre à sa hauteur et lui demander, tout naturellement, ce qu'il avait trouvé, le jeune garçon se contenta de placer l'instrument à l'horizontale, regardant dans l'une de ses fentes tout en bougeant légèrement l'inclinaison du violon.

« Quand je jouais, il avait une manière étrange de résonner ; mais ça, seul le violoniste peut s'en rendre compte. En tout cas, ça veut dire que quelque chose qui se trouve à l'intérieur est différent par rapport aux autres violons.
- Tu veux dire qu'il y a quelque chose à l'intérieur qui ne devrait pas y être ? »

Il hocha négativement la tête, tout en souriant avec assurance.

« Pas exactement. Ça veut dire que ce qui se trouve normalement à cet endroit n'est pas fabriqué de la même manière que d'habitude. Et ça, on peut le voir tout de suite en regardant l'intérieur d'une certaine manière, à travers l'une des ouïes. »

Il invita l'avocat à se placer à ses côtés, montrant que la lumière du plafond allait jouer en sa faveur uniquement depuis l'endroit où il était ; puis il lui tendit l'instrument avec précaution, tandis que l'adulte tentait de l'orienter de manière à apercevoir quelque chose d'inhabituel.

Un petit éclat de lumière surgit soudainement, alors qu'il le bougeait. Il eut un léger sursaut accompagné d'une petite interjection de surprise, puis il tenta d'orienter de nouveau le violon de la même manière, comme pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. Mais il ne s'était pas trompé : quelque chose d'à peu près cylindrique, à la verticale, était fixé à peu près au centre, reliant le haut au bas du violon, et miroitait parfaitement la lumière du plafond comme l'eut fait du cristal.

« On appelle ça l'âme du violon, reprit Conan une fois certain qu'il l'avait vue. C'est un petit bout de bois qui permet de transmettre les vibrations des cordes dans tout le violon, et donc d'améliorer la résonnance et la puissance du son produit.
- Mais attends, le bois ne brille pas comme ça à la lumière. Ce qui voudrait dire... »

Le sourire en coin de l'enfant s'intensifia. Il s'était retourné, l'air assuré, les mains dans les poches, fixant l'une des trois candidates qui, au loin, traversait le couloir avec Brice et les poneys. Assurément, il était plus que certain d'avoir tout compris.

« Ce qui m'a le plus frappé, quand je l'ai regardé, c'est que cette âme-là a exactement la même forme que ces ‘fragments de reliques' que les candidates portent. Donc je pense que vous avez compris où tout ceci mène...
- Et comment tu as remarqué tout ça, déjà ?
- La forme de l'âme n'est pas parfaite, parce qu'il est – surtout à l'époque babylonienne – très difficile de polir avec perfection de la pierre. Donc ça ne résonnait pas de façon complètement uniforme dans le violon, et ça déformait un peu les harmoniques, ce qui donnait l'impression de jouer très légèrement faux. C'est ça qui m'a mis la puce à l'oreille. »

Encore une fois, il parlait comme si tout ce qu'il disait était tout à fait évident. Comme s'il était normal que quelqu'un de son âge fût si lucide. Phœnix Wright le laissa repartir, rendant au passage le violon à sa propriétaire, mais il continua de le regarder s'éloigner, avec Ran qui le suivait de près.
Décidément, ce gamin était vraiment étonnant.

« Dis, Conan-kun... »

Le jeune garçon se tourna vers son amie, lui envoyant un regard interrogateur.

« Ce morceau, c'était Amazing Grace, non ? »

Il se sentit rougir légèrement, se souvenant en effet du poids sentimental qu'avait ce morceau tout particulier dans la relation entre Ran et Shinichi ; mais il se contenta de répliquer qu'il n'avait décidé de le jouer que parce qu'il s'agissait d'un morceau lent, ce qui lui permettait d'écouter chaque note avec précision.
Toutefois, cette sorte de réponse axée sur la défensive eut pour effet d'ôter à la jeune lycéenne un petit rire amusé.

Même si elle ne se doutait pas de ce que signifiait exactement cette réaction.

La côte se rapprochait désormais à vue d'œil. Un immense port, au-devant de la belle cité nippone, dominait l'ensemble du littoral visible et resplendissait par sa grandeur et son organisation, qui étaient preuves d'une certaine prospérité. Le sous-marin avait fait surface environ dix minutes auparavant ; désormais, il s'agissait d'un simple bateau navigant tranquillement, à vitesse lente et constante, vers le port de Tokyo.
Cette fois-ci, il n'y avait aucune exception à la règle : tous ceux qui étaient en provenance d'un autre monde, ainsi que le commandant et les trois candidates, étaient présents dans un couloir du plus haut étage, regardant la ville approchant à travers les hublots. Seuls les poneys regardaient le superbe paysage avec déception : ils savaient qu'ils ne poseraient pas un seul sabot sur la terre ferme. Du moins, pas en public. Elles effraieraient les gens, qu'on leur avait dit.

D'un autre côté, la même information avait été révélée à Carmache, qui avait au bout du compte terminé de lutter contre tous ces scientifiques qui avaient tenté désespérément de comprendre qui il était exactement. Ce qu'il avait le plus de mal à comprendre d'ailleurs était cette manie chez les humains de tout classer dans des tableaux ou des arbres généalogiques incompréhensibles. Pour lui, il était un carmache. Point.
De toute manière, tout ce qu'il voulait était rentrer chez lui ; à part – bizarrement, d'ailleurs – le pégase nommé Fluttershy et le petit humain Luke, personne ne comprenait ce qu'il disait, de toute manière. Il n'y avait strictement rien qui lui plût dans ce monde, ni même ailleurs. Son dresseur n'avait jamais été capable de le comprendre, ça ; certes, il venait d'être capturé, mais il aurait quand même pu comprendre que quand on aimait la liberté, on l'aimait vraiment. Mais cet idiot l'avait quand même poursuivi jusqu'à enfin l'attraper. Jusqu'à se perdre, d'ailleurs, aussi. Mais ça, c'était moins important.

« C'est drôle, marmonna Ran en regardant pensivement les lointains bâtiments. J'ai l'impression de reconnaître un peu... Comme si je rentrais vraiment chez moi... Et pourtant, il y a comme quelque chose qui a l'air d'avoir changé. C'est vraiment bizarre. »

Yukine Chris, qui se trouvait juste à ses côtés, garda son regard impassible, et pourtant toujours aussi froid. Elle fit la moue, pour aussitôt répliquer que c'était normal.

« T'habites à Tokyo, alors je vois pas le problème. C'est normal que ça soit pareil. »

La jeune Japonaise haussa légèrement les épaules.

« Je ne sais pas... Quand on regarde les poneys ou encore Brice et son ‘pokémon', on voit qu'il y a des univers qui sont complètement différents. Pour moi, c'est quand même bizarre qu'il y ait des points communs entre certains univers, et pas entre d'autres.
- Vraiment, je crois que tu te creuses beaucoup trop la tête, soupira son interlocutrice en enfonçant sa joue dans sa main, qui reposait sur le rebord du hublot. Si j'étais toi, je me casserais pas la tête à essayer de comprendre ça. »

Elle marqua un léger temps de silence où elle se redressa, puis elle reprit :

« De toute façon, c'est pas en restant là à réfléchir sur des questions existentielles inutiles qu'on va régler le problème. Pas d'accord ? »

Ran baissa le regard, rêveuse, songeant probablement à toutes ces énigmes qui obnubilaient si souvent l'esprit de son meilleur ami. Elle poussa soudainement un soupir inaudible ; mais elle finit par acquiescer lentement.

« Si... Tu dois avoir raison. »

Le silence régna, jusqu'à ce qu'enfin la côte fût accessible. Alors les passagers descendirent, se laissant guider jusqu'à ce fameux hôtel qui, désormais, serait leur lieu de résidence tant qu'ils seraient sur les lieux. L'après-midi se déroula rapidement, car la journée avait exténué tout le monde : la plupart demeura dans leur chambre à se reposer et tenter de se remémorer tout ce qu'ils avaient appris durant la journée ; à part les candidates, en réalité, personne ne franchit de nouveau la porte d'entrée de l'établissement.
Personne ne se serait aperçu que la nuit aurait inéluctablement fini par tomber, si le dîner n'avait pas été suffisamment tardif pour coïncider avec le coucher de soleil, accompagné de ses nuées de filaments orangés.

« Conan... »

Il lui semblait qu'il entendait vaguement quelque chose. Une voix qui lui murmurait un nom à l'oreille...

« Hé, Conan ! »

Il lui semblait qu'on l'appelait. Mais il somnolait toujours. Il devait rêver. Qui pouvait l'appeler à une heure pareille ? Ce n'était même pas la voix de Ran...

« S'il te plaît, réveille-toi ! »

Secoué de toutes parts par une force invisible, le jeune homme ne demeura pas beaucoup plus longtemps dans les bras de Morphée. Il ouvrit d'abord un œil, puis l'autre, tous deux à moitié. La lumière mauve qui l'entourait et qui provenait de la corne de la licorne violette qui lui faisait face lui fit vite comprendre l'origine de cette invisible force qui voulait le tirer de son sommeil malgré lui.

« T-Twilight, q-qu'est-ce qui se pa-â-sse...? »

À cause de tous ces à-coups, sa voix tremblait ; mais peut-être était-ce aussi dû au fait qu'il était toujours à moitié au royaume des songes.

« T-Tu peux me rep-poser, tu sais... Je-e suis réveillé, maintenant... »

Le poney sursauta légèrement, puis s'excusa en reposant en effet au sol le jeune homme, l'asseyant sur le bord de son lit. Celui-ci bâilla muettement avant de rajuster ses lunettes qui avaient glissé au point qu'elles tenaient à peine sur son nez, non sans demander à son amie pourquoi elle le tirait du lit à une heure si tardive – et aussi brutalement, qui plus est. L'interrogée fronça aussitôt les sourcils, redevenant sérieuse et approchant son museau de manière à bien présenter son regard ombrageux face aux deux yeux endormis de l'enfant.

« Shinichi. On a un gros problème. »

La mention de son véritable nom n'avait pas été un hasard. La manière dont elle l'avait prononcé ne laissait passer qu'une seule chose : que ce problème avait un rapport direct avec sa double-vie. Il écarquilla les yeux de stupeur, enfin complètement réveillé.

« De quoi tu parles ? Ran est au courant ?!
- Pire que ça. »

Il eut voulu répliquer quelque chose comme « C'est possible, ça ? », mais il n'eut pas le temps de demander quoi que ce fût que l'équidé avait déjà fait luire sa corne. Il y eut un grand flash aveuglant qui l'obligea à fermer les yeux, se les protégeant instinctivement de ses bras. Lorsqu'il put les rouvrir, il vit que le paysage avait changé : ils se trouvaient là où ils avaient tenté, quelques heures plus tôt, de lui rendre sa véritable apparence. La bibliothèque du sous-marin. La chambre de la ponette. Car, visiblement, les cinq autres n'étaient pas sur les lieux.

« Dis, Twilight. Elles sont où, les autres ?
- On leur a trouvé une salle à côté. Je comptais passer une nuit blanche à étudier ici, alors je les aurais empêchées de dormir. »

Sans dire un mot de plus, Twilight avança vers le mur du fond, là où s'entassaient quelques étagères remplies de livres. Elle s'arrêta à mi-chemin, l'air grave, continuant de regarder dans cette même direction.

« Tu ne vas probablement pas me croire si je ne te le montre pas en face, mais le sort temporel a été un échec encore plus cuisant que ce qu'on avait pensé tout à l'heure ; j'ai réfléchi au problème, et puis j'ai fini par me rendre compte que lorsque j'ai manqué de puissance pour achever le sort qui te rendrait ton apparence normale, quelque chose qui était dans cette pièce a dû interférer en canalisant toute l'énergie du sort avant qu'elle ne s'échappe, ce qui a fait que quelque chose de totalement imprévu est arrivé ; je crois qu'il faudra peut-être même chercher la réponse dans la physique quantique en plus de mes grimoires de magie, car je n'ai pour le moment trouvé aucune explication à ce phénomène...
- Et en résumé ? » s'impatienta-t-il en fronçant les sourcils, lassé.

Sans lui expliquer quoi que ce fût, elle se retourna d'un air désintéressé, s'éloignant vers ce qui était vraisemblablement le rayon Physique quantique. Il fronça les sourcils d'incompréhension et voulut naturellement lui demander pourquoi elle agissait ainsi ; toutefois, il fut interrompu avant même que la première syllabe de sa phrase ne retentît.

En effet, il avait senti, soudainement, sans prévenir, un léger poids venir s'appuyer sur son épaule. Une main.
Une main d'adulte. Mais pas encore complètement. Une main appartenant plus à quelqu'un de la carrure d'un lycéen.

« En résumé, ce n'était vraiment pas une blague... »

Il eut un vif frisson qui lui parcourut l'échine entière, du bas vers le haut du dos. Il connaissait parfaitement bien cette voix. Mais c'était... Il devait en avoir le cœur net. Twilight ne semblait pas du genre à plaisanter en manigançant des farces d'aussi mauvais goût, mais on ne sait jamais.

Il tourna la tête.
Il leva le regard.
Et il le vit.

Ses yeux abasourdis étaient fixés sur lui. Il faisait de même, demeurant silencieux. Ses cheveux noirs voilaient totalement ses yeux qui, de toute évidence, fixaient le bas. Il avait un air grave, ne bougeant pas, n'ôtant pas sa main droite de l'épaule du petit garçon. Il attendait la réaction du gamin, qui ne tarda pas ; bien qu'il eût tout de même marqué un temps de pause d'au moins cinq secondes, figé comme une statue face à lui.

« Bon sang... C'est pas possible ! » murmura-t-il en écarquillant les yeux, s'échappant aussitôt de cette emprise qui n'insista pas et s'en éloignant à reculons de quelques pas nerveux.

Le jeune adulte le regarda d'un air grave, mais non surpris. Il avait dû être mis au courant par Twilight avant qu'elle ne le fît venir. Ce qu'il venait d'affirmer, d'ailleurs.
Le silence s'installa dans la salle. Finalement, au bout de longues minutes, l'aîné retint de peu un rire bien plus nerveux qu'autre chose.

« J'ai eu exactement la même réaction... Mais d'un certain point de vue, c'est logique... N'est-ce pas ? »



Oui. Il était possible que quelque chose de pire arrivât. Il venait d'en avoir la preuve.

Chapitre V ~ La démonstration que 1 = 2

Note de l'auteur

Aussi curieux ce fait soit-il, cette citation des Shadoks m'a toujours fascinée, je ne saurais dire pourquoi. Peut-être parce qu'elle cache une redoutable vérité, au-dessous de ses apparences totalement dénuées de sens.
Enfin ; pour ceux qui me connaissent bien en tant qu'auteur, je ne saurai croire que vous ne l'aviez pas prévu. Vous savez bien qu'avec moi, lorsque quelque chose rate et que je prends la peine d'en décrire l'échec, cela ne s'arrêtera jamais là et que le pire reste toujours à venir ! Enfin ; cette fin de chapitre vous laisse quand même bien peu de suspense vu que je ne me fais vraiment pas mystérieuse. Mais tant pis : la certitude d'un fait qu'on n'ose imaginer et qui dérange est toujours mieux que l'incertitude, qui laisse le choix entre une hypothèse foireuse et une hypothèse improbable. Surtout que dans le cas de la certitude, si le fait avéré est faux, la surprise n'en est que plus grande. ;3
Article ajouté le Mercredi 25 Septembre 2013 à 22h15 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre V

Chapitre V ~ La démonstration que 1 = 2

« Considérons x = 1 : on a évidemment x² = x, donc x² - 1 = x - 1.
Puisque x² - 1 = (x - 1) (x + 1), en divisant de chaque côté par x - 1 on en tire : x + 1 = 1.
Puisque x = 1, cela donne 2 = 1. »
~ CQFD ~

~ Comme quoi, la division par zéro permet véritablement d'accomplir des miracles.
Un ballon. Un ballon de football, pour être précis.

Enfin, peu lui importait ; qu'il fût de football, de basketball, ou de n'importe quoi d'autre, cela faisait de toute manière toujours aussi mal lorsqu'on le recevait malencontreusement en pleine joue gauche. L'inspecteur Megure pouvait aisément le témoigner ; et bien que ses subordonnés ne ressentissent aucunement sa violente douleur, ils n'eurent aucun problème à se la représenter en voyant ainsi leur supérieur faire la grimace tout en paraissant trébucher soudainement, brusquement frappé par cet objet blanc et noir qui, au vu de l'angle si bien calculé, ne pouvait avoir été envoyé qu'intentionnellement.

Les trois Japonais, complètement perdus au milieu d'une cité qui leur était totalement étrangère, avaient longuement réfléchi avant de tenter de se repérer ; toutefois, ils n'eurent pas fait trois pas que ce projectile avait aussitôt stoppé leur marche. Par chance, il n'avait aucunement blessé l'inspecteur : la seule douleur survenue était en réalité plus celle de la surprise que celle d'un quelconque choc ; bien que sonné, l'homme n'était pas pour autant au sol. Mais il s'agissait toutefois tout de même d'une certaine provocation. Lorsque les agents Sato et Takagi s'étaient retournés vers l'origine de cette attaque surprise, tout ce qu'ils purent voir en dehors du paysage parisien fut un jeune adolescent qui avait aussitôt récupéré ce qu'il avait envoyé, et s'amusait désormais à le faire rebondir sur ses genoux tout en dévisageant les Japonais avec un regard froid, inquisiteur.
Megure dévisagea avec surprise ce jeune Parisien ; en effet, bien qu'il ne ressemblât aucunement dans le physique à ce lycéen qu'il n'avait plus vu depuis si longtemps, il ne pouvait s'empêcher de les comparer dans leurs attitudes : ce jeune homme aux cheveux courts et châtain-gris, cachés en grande partie par sa grande casquette brune, avait un regard soupçonneux très similaire au détective ; quant à cette manie de jongler avec les ballons de football tout en ayant les mains dans les poches, il allait de soi qu'il s'agissait d'un point commun pour le moins curieux. Néanmoins, cela ne devait n'être qu'une coïncidence ; il n'y avait aucune raison pour que ce fût dû à quoi que ce fût.

Takagi prit les devants, commençant de le réprimander tout en lui demandant pourquoi – dans la minuscule optique qu'il s'agissait possiblement d'un accident – il ne s'excusait pas ; et dans l'optique où c'était intentionnel, pourquoi évidemment les avoir ainsi attaqués. Le jeune homme continuait de le regarder de ses yeux froids et indifférents tout en jonglant inlassablement avec son ballon, attendant patiemment que son discours fût fini. Lorsqu'enfin le policier se tut, il laissa l'objet retomber au sol avant de l'y maintenir immobile à l'aide de son pied gauche ; puis il esquissa un sourire ironique avant de se mettre à parler dans une langue totalement incompréhensible.

Évidemment. Ce jeune homme ne parlait aucun mot de japonais, et n'avait strictement rien saisi de tout son discours. Et se mettre à parler français alors qu'il savait pertinemment qu'il n'allait pas être compris à son tour devait être sa manière de le rappeler.

Finalement, l'adolescent poussa un long soupir tout en sortant ses mains de ses poches, croisant aussitôt les bras.

« J'espère qu'au moins vous parlez anglais. Il y a pas mal de choses que j'aimerais vous demander, en commençant par une explication concernant votre soudaine apparition. »

Bien qu'il parlât avec un accent français très prononcé, son assurance dans ses paroles montrait à la fois – en partie – la raison pour laquelle il avait agi ainsi, à la fois sa grande détermination à parvenir à ses fins ; c'est-à-dire obtenir des réponses, probablement.
La jeune femme s'approcha à son tour, croisant les bras de même et toisant l'adolescent avec un regard réprimandant et adulte.

« Je vois. Mais tu sais, si tout ce que tu voulais était savoir ce qui est arrivé parce que tu nous as vus, tu n'avais pas besoin de nous envoyer ce ballon pour ça ; tu aurais juste pu nous interpeller, non ? »

Il haussa négligemment les épaules.

« Bon ; ben, "désolé" alors. Même si j'attends toujours des explications. Précises, s'il vous plaît. »

Apparemment, ce gamin était incorrigible ; toutefois, peut-être fallait-il, paradoxalement, y voir comme un espoir. En effet, d'un côté ils étaient complètement perdus dans une cité qui leur était inconnue ; d'un autre côté, ils avaient ce jeune homme qui, de toute évidence, connaissait parfaitement les lieux et qui s'intéressait à leur cas, puisqu'il affirmait avoir été un témoin oculaire de leur soudain passage de Tokyo à Paris, par un moyen de transport inconnu. Il s'agissait par déduction de la seule personne qui pût leur venir en aide.

Lorsque l'inspecteur se décida à expliquer qu'ils se trouvaient dans la capitale nippone jusqu'à peu et qu'ils ne voyaient aucune explication à ce qui venait de leur arriver pour la simple et bonne raison que ce n'était ni intentionnel ni prévu, le Français demeura au départ sceptique, les accusant de leur cacher leur véritable secret ; il fallut finalement préciser qu'ils étaient de la police japonaise tout en présentant les papiers le prouvant bien clairement pour qu'enfin il leur accordât une once de confiance, et commençât à les croire. En effet, il avait bien songé à inspecter chaque détail de chacun des documents qu'ils présentèrent, avant de confirmer gravement qu'il pouvait leur faire confiance. Même s'il paraissait douter de quelque chose, du moins leur cacher quelque secret.
L'adolescent regardait les alentours avec méfiance, tandis que les détails concernant la mystérieuse enquête, les disparitions, puis cet étrange “voyage” imprévu lui étaient relatés. Finalement, il avoua que son père était lui-même inspecteur de police – ce qui justifia toute cette méfiance, même une fois les documents de police entre les mains –, et leur conseilla de le suivre ; même s'il ne cacha pas qu'il doutait qu'une telle histoire fût crue par qui que ce fût d'autre que lui, qui était visiblement le seul témoin oculaire.
Tandis qu'ils marchaient en direction de la sortie du parc, Takagi reprit une fois de plus la parole :

« Au fait, nous ne connaissons toujours pas ton nom... »

Le gamin ralentit la cadence de ses pas, levant un regard pensif vers la cime des arbres en bordure du Champ de Mars. Puis, soudainement, sans prévenir, il répliqua tout simplement :

« Appelez-moi Charlie. »

Le bureau qui se présentait à eux était assurément dans un désordre monstre ; les piles de papiers posées sur la table menaçaient de s'effondrer à tout moment, et tant d'autres régiments semblaient surgir de partout, assaillant le propriétaire de la salle de toutes parts et ne lui laissant même pas le temps de les ranger. Ce dernier avait, par sa tenue mal arrangée, un aspect très négligé ; mais d'un autre côté, il n'attendait pas de visite : et les nombreuses cernes ainsi que son attitude presque endormie étaient une preuve accablante de son franc manque de sommeil. Assurément, le pauvre inspecteur Vergier, comme le nommait son fils, était totalement surchargé par le travail ; ce qui mit par ailleurs mal à l'aise les policiers japonais : ils se voyaient mal venir le déranger uniquement pour lui apporter des ennuis en supplément. Et pourtant, Charlie avait insisté pour qu'ils vinssent le voir. Le gamin paraissait avoir une idée derrière la tête, mais il n'en pipait mot, et tentait visiblement tous les moyens pour ne pas paraître suspect à leurs yeux.

Lorsque la porte s'ouvrit sur les étrangers, l'homme, qui devait avoir dans la trentaine d'années, leva un regard à la fois épuisé et distrait. Lorsqu'il remarqua toutefois que les visiteurs n'étaient pas de son quartier de police, il se redressa avec peine et prit une attitude la plus présentable et attentive possible, bien qu'une certaine nuance d'ennui résonnât dans ses propos.

« Ah, Charlotte... »

L'enfant grinça des dents dès que ce nom sortît de sa bouche. Takagi se pencha légèrement, répétant ce qu'il crut avoir compris comme étant le nom de celui qui les avait emmenés à ce poste de police parisien.

« Charlotte ? C'est ton nom ? »

Le concerné ne réagit pas, mais avait baissé la tête ; son père se leva doucement, invitant mollement les étrangers à entrer et allant à leur rencontre tout en rajustant sa cravate.

« Oui, c'est ma fille, expliqua-t-il en soupirant. J'espère qu'elle ne vous a pas causé trop de problèmes ; elle a toujours tendance à jouer aux détectives, et dès qu'elle trouve quelque chose ou quelqu'un de suspect...
- Attendez une minute, coupa Sato. Vous voulez dire que c'est une fille... ? »

L'homme leva un sourcil, avant d'acquiescer mollement. Mais il n'y prêta pas attention plus que cela, venant aussitôt leur demander la raison pour laquelle ils étaient ici ; Charlotte ne lui en laissa toutefois pas le temps, venant aussitôt au-devant de lui et faisant signe aux Japonais de la laisser s'entretenir avec son père, probablement afin de lui expliquer la situation. En effet, peut-être un père ferait-il plus confiance à sa fille qu'à de parfaits inconnus...

Ils discutèrent longuement, en français ; le père semblait totalement désintéressé et fatigué, n'écoutant les propos de l'adolescente que d'une oreille distraite. Charlotte s'emportait, plaidant probablement qu'elle avait bien vu de ses propres yeux ce qui s'était passé, donnant même des coups sur le bureau sur lequel s'était rassis l'inspecteur. Au bout d'un moment, elle se releva et alla demander à l'inspecteur Megure tout ce qui pouvait témoigner qu'il appartenait aux forces de police, ainsi que son passeport : ce dernier n'hésita pas à sortir tout cela de la poche intérieure de sa veste, le confiant à la jeune fille ; au lieu de les présenter directement à son père, elle en choisit aussitôt une seule et unique page bien précise qu'elle brandit bien en évidence. La première réaction du Français fut apparemment de se plaindre qu'il ne savait pas lire le japonais, mais sa fille s'énerva encore plus.

« Mais réfléchis un peu, pour une fois ! C'est pas parce qu'on parle pas japonais qu'on peut pas comprendre les chiffres ! »

Elle montra en effet que certains nombres étaient inscrits, ressortant bien parmi les caractères incompréhensibles qui constituaient la langue nippone ; Charlie pointa en particulier une petite série de caractères qui, visiblement, étaient plus ou moins une preuve de la véracité de ses propos : .

« J'ai demandé ce que ça voulait dire, et ils m'ont répondu que c'est la date d'expiration de son passeport.
- Sa date d'expiration ? T'es sûre ?
- Ben à ton avis, qu'est-ce que ça peut être d'autre ?
- Une preuve que ce sont de faux papiers ?
- Idiot. Qui serait assez stupide pour mettre une date d'expiration datant de dix ans ?
- C'est pas faux ; mais dans ce cas, prouve-moi que ces papiers sont vrais, alors. »

Le regard ombrageux qu'elle lui porta montrait visiblement qu'elle avait déjà parcouru tout ce cheminement, et était déjà parvenue à une conclusion solide, bien que peu probable.

« La photo.
- Oui.
- Regarde-la mieux.
- Eh bien ?
- Alors ? C'est la même personne, ou pas ?
- Ben oui. Mais tu sais, il peut porter un masque. Même toi, tu peux te montrer douée en déguisements. »

Encore un soupir.

« C'est ce que j'ai pensé ; mais je lui ai lancé un ballon dans la figure, tout à l'heure.
- Et alors ? Tu t'es excusée, au moins ?
- C'est pas la question.
- Tu t'es excusée ? répéta-t-il avec insistance.
- S'il portait un masque, il n'aurait aucune trace rouge à cause du coup qu'il s'est pris ; tu peux bien voir que c'est encore un peu rosé, sur sa joue gauche. »

Il marqua un temps de silence et d'immobilité, puis se pencha afin de mieux regarder le visage de l'inspecteur japonais ; il distingua en effet sans trop de difficulté la petite tâche rosâtre dont il était question.

« Bon ; alors au moins, la photo est bonne. Et les gens à qui on a affaire ne sont pas des imposteurs. D'accord. Et ensuite ?
- Tu sais bien que les faux papiers, de nos jours, c'est forcément bâclé. C'est trop dur de les faire avec exactitude. Alors pourquoi cette date ? »

L'adulte parut réfléchir un instant, puis soupira, s'avouant vaincu.

« En plus, reprit-elle gravement, je doute qu'on puisse changer si peu d'apparence en dix ans : ce type a quarante-trois ans, d'après le passeport ; alors soit il a cinquante-trois ans et n'a pas pris une ride, soit il y a dix ans il avait trente-trois ans et avait cette tête-là. T'es d'accord avec moi, les deux sont aussi impossibles l'un que l'autre. En bref, il ressemble beaucoup trop à la photo pour que ce passeport soit un faux, ou pour qu'il ait vraiment dix ans. En plus, on dirait vraiment qu'il a l'air neuf.
- Et tu crois vraiment que ça justifierait le fait qu'ils soient apparus, comme ça, au beau milieu du champ de mars ? C'est vraiment ridicule, enfin...
- Si tu veux mon avis, c'est pas beaucoup plus incroyable que ce qui est arrivé l'année dernière avec Napoléon, tu sais. J'irais pas jusqu'à dire que ça a un rapport, mais quand même... »

Encore une fois, il garda le silence.

« Et pour finir, si tu veux mon avis, ça a un rapport avec toute cette histoire. Tu sais bien que si j'étais au champ de mars, c'était justement pour enquêter sur le lieu des disparitions ; alors si maintenant on voit ces types sortir de nulle part, qui affirment qu'ils viennent d'un Tokyo des années quatre-vingt-dix...
- Je vois. Ils sont de toute manière impliqués dans cette affaire, et ce sont en plus des témoins précieux. C'est ça ?
- C'est exactement ça. En plus, si le passeport ne t'a pas convaincu, j'ai le mandat de police en bonus : ça, au moins, ça peut pas se falsifier facilement, pas vrai ? »

« J'ai toujours un peu de mal à reconnaître le quartier, même si pas mal d'éléments sont exactement les mêmes chez nous... C'est tout de même une belle coïncidence, non ? »

Hibiki haussa les épaules.

« Je ne sais pas. Au moins, ça fait toujours ça de gagné, Conan-kun et toi connaissez déjà un peu le coin d'un certain côté.
- J'ai tout de même remarqué quelque chose d'étrange, par contre, concernant tout cet univers... » répliqua Ran en penchant légèrement la tête, plaçant le bout de ses doigts devant son menton.

L'adolescente aux cheveux dorés lui demanda tout naturellement de quoi elle parlait : en réponse, son amie mentionna le fait que nombres d'appareillages faisant partie de la vie courante autour d'eux lui étaient complètement inconnus ; ainsi qu'à Conan, d'ailleurs.

« Je vais peut-être poser une question idiote, mais... en quelle année sommes-nous ?
- Nous sommes le huit octobre deux mille treize, répondit-elle tout naturellement, bien qu'ayant compris plus ou moins où elle voulait en venir. Tu veux dire que...
- Conan-kun et moi sommes originaires des années quatre-vingt-dix, avoua Ran. Alors je suppose que tout s'explique concernant— »

Elle n'acheva pas sa phrase.

Les yeux écarquillés, la bouche légèrement béate, les mains crispées, elle se transforma soudainement en statue, sans prévenir. Elle demeura une demi-seconde dans cet état, avant de se retourner d'un seul bloc vers la dernière personne qu'ils avaient croisée.

Le lycéen en question, lui, n'eut pas l'air de réagir et continuait de marcher dans la rue en sens inverse, comme si de rien n'était, les mains dans les poches de sa veste bleu marine, d'un air totalement insouciant. Même s'il avait constamment guidé son regard vers le sol, droit devant lui. Comme pour s'assurer qu'il ne verrait le visage de personne.

« Ran-chan ? Qu'est-ce qu'il y a...? »

La concernée ne répondit pas à l'appel de la jeune femme. Conan jeta un bref regard à son amie, puis au lycéen qui continuait de marcher, lentement, ralentissant imperceptiblement le rythme de ses pas. Ran continuait de le fixer, tremblant légèrement, mais ne réagissant pas plus que cela. Mais cela ne devait pas tarder. C'était certain. Cet intervalle de temps était presque calculable, même. Il ne la connaissait que trop bien. Elle finirait bien par craquer. Très bientôt, même.

Trois.

Deux.

Un...


« Shinichi ! »

... Zéro.

La tête se releva soudainement, ses cheveux en bataille suivant le mouvement avec un très léger décalage. Puis le jeune homme se retourna, feignant la surprise. Il fixa avec un semblant de curiosité cette lycéenne qui tentait de le rattraper en courant, suivie de son amie et d'un petit gamin d'environ sept ans.
Elle s'arrêta à environ un mètre cinquante de lui. Elle le dévisageait avec incrédulité et angoisse.
Non. C'était de la terreur qui se lisait dans ses yeux. Parce qu'elle attendait quelque chose de lui, qu'il ne faisait pas.
Il ne paraissait pas la reconnaître. Il se contentait de lui jeter un regard relativement distant, de par son incompréhension et toutes les questions qui semblaient sortir de ces deux yeux habituellement si resplendissants de lucidité.

« Shinichi... » répéta-t-elle machinalement.

Des larmes commencèrent à apparaître au coin de ses yeux. C'était impossible. Pourquoi était-il ici ? Pourquoi ne la reconnaissait-il pas ? Ce n'était pas logique...

« Je... suis désolé de dire ça comme ça, mais... On se connait ? »

Quelque chose n'allait pas avec cette question. Sa voix tremblait, bien qu'il fît tout pour ne pas le laisser transparaître. Il avait du mal à la regarder en face. Intérieurement, bien qu'elle ne le vît pas, il se mordait la lèvre.
Mais ils s'étaient mis d'accord. Ran n'existait pas dans ce monde. Un Shinichi qui habiterait dans ce Tokyo-ci ne pourrait pas la connaître. Donc il devait faire comme s'il ne l'avait jamais rencontrée.

« Génial. Donc non seulement je n'ai pas retrouvé mon vrai corps, mais en plus je vais devoir me taper un clone qui, lui, a bien dix-sept ans ?
- Il faut croire... soupira Twilight. Je vais essayer de faire des recherches, mais pour le moment je ne vois aucun moyen pour réparer ça. Je n'arrive même pas à comprendre ce qui a bien pu se passer, alors pour régler un problème comme ça, c'est toute une histoire... »

Le jeune adulte s'était assis sur une pile de livres qui traînait au fond de la bibliothèque, en attendant d'être classés. Les mains dans les poches, il n'avait même pas essayé de masser sa joue qui, quelques minutes plus tôt, avait été fermement pincée à plusieurs reprises ; d'un autre côté, il aurait dû se douter qu'il penserait en premier lieu qu'il portait un masque.
Il poussa un long soupir inaudible, tout en baissant un regard désespéré.

Un clone. C'était ainsi qu'il l'appelait.
Il avait la même apparence que dans ses souvenirs, avant d'avoir pris ce poison. Mais justement, si leur témoignage était exact, alors ces souvenirs ne lui appartenaient pas réellement. Il s'agissait de la mémoire de Shinichi Kudo, celui qu'il avait cru être en se réveillant quelques dizaines de minutes auparavant. Mais qu'il n'était visiblement pas réellement. Il ne pouvait par conséquent affirmer qu'il avait été, un jour, ce petit Conan Edogawa qu'était le véritable détective lycéen.
Son existence était une erreur. Il n'était pas censé exister. Ou alors, dans le meilleur des cas, lui et cet autre “lui” étaient censés n'être qu'une seule et unique personne.
Un seul corps, un seul esprit. Au lieu de cela, ils avaient deux corps pour une seule mémoire qui leur était commune. Il devait en être de même pour leurs capacités de réflexion. C'était ce qu'avait affirmé la licorne, et c'était ce qui semblait le plus logique. Mais cela signifiait par déduction qu'il y en avait eu un avant l'apparition de l'autre. Et il était l'autre.

« Bon. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire ? On ne pourra jamais le cacher jusqu'à la fin de cette affaire...
- Ce qui m'inquiète le plus, c'est plutôt ce qu'on va faire après l'enquête. On ne peut pas rentrer tous les deux, encore moins si je veux retrouver mon vrai corps...
- C'est sûr. Mais dans ce cas, pourrait-on vraiment le laisser ici...? »

Il s'était relevé, subitement, sans prévenir. Mais il ne s'était pas retourné vers eux.

« Hé, je suis là, vous savez. Je peux peut-être avoir mon avis sur la question. »

Silence.

« En attendant, en tout cas, on peut dire que le problème initial est réglé, tenta-t-il. On a l'excuse pour Shinichi, et on n'a pas besoin de chercher à expliquer la disparition d—
- N'y pense même pas. Il est hors de question que je continue à jouer Conan alors que toi tu joues Shinichi. C'est clair ? »

L'aîné baissa le regard, plongeant machinalement ses mains dans les poches de sa veste. Son ton si froid l'avait résigné. L'idée qu'il se trouvât si méprisant face à lui-même s'était aussitôt évanouie, car il n'était pas réellement lui. Et l'original le savait bien mieux que la copie. Peut-être parce que l'adolescent souhaitait, inconsciemment, que le contraire fût la vérité. C'était beau de croire qu'ils n'étaient qu'une seule personne. C'était plus réjouissant que de savoir qu'on n'était qu'une copie n'étant même pas censée exister.

Il entendit encore le son de sa voix en échos. Sa voix d'enfant, aux tonalités pourtant si adultes et si dures. C'était vrai. Il comprenait. Cela ne serait pas juste que ce fût la copie qui jouerait le rôle principal. Mais comment pouvaient-ils faire autrement ?

« De toute manière, rétorqua l'enfant en rajustant ses lunettes, peu importe le rôle que prend chacun, nous aurions tous les deux à jouer la comédie, dans ce cas.
- Exact. Conan continue, comme avant, de cacher sa véritable identité. Et Shinichi devra expliquer sa présence par le fait qu'il habite dans cet univers, et serait un alter-ego de celui que Ran connaît...
- Mais pour éviter tout soupçon de sa part, il faut qu'il n'y ait pas de Ran Mouri dans cet univers. Donc Shinichi ne doit pas la connaître. Il ne l'aura jamais vue de toute sa vie. »

L'enfant avait marqué une imperceptible pause, avant de continuer dans sa lancée d'un ton toujours aussi froid et grave.

« Si jamais tu montres un quelconque signe que tu la connais, soit elle partira à la recherche de son propre alter-ego même si elle n'en a pas, soit, dans le pire des cas, ça la mènera à découvrir le pot aux roses.
- Je sais. Tu n'as toujours pas compris que, puisque nos cerveaux sont identiques, nous sommes censés raisonner de la même manière ? »

Le petit garçon haussa les épaules tout en croisant les bras, lui tournant le dos.

« Bien sûr que si. Je tenais juste à te le rappeler, on ne sait jamais. Après tout, la tentation est grande, maintenant qu'il te serait possible de lui parler en face sans avoir à mentir. Alors je voulais juste m'assurer que tu connaîtrais les raisons pour lesquelles il faut résister à cette tentation. »

« Shinichi... Shinichi, c'est moi, Ran... »

Elle lui tenait fermement les épaules, bien que n'osant pas le secouer. Mais le lycéen se contentait de continuer de lui lancer son regard interrogateur et insistant.

« Tu ne me reconnais vraiment pas... Mais pourquoi...?
- Je suis désolé... »

Il laissa sa phrase en suspens, bien qu'il semblât sur le point de continuer dans sa lancée.
Ran hésita. Puis elle relâcha son emprise et recula sur quelques pas, lentement. Même ses hochements de tête de gauche à droite étaient ralentis, preuve de son incompréhension et de son profond bouleversement.

« Ran-chan, coupa doucement Hibiki. Tu connais ce garçon...? »

Elle baissa le regard. Ses yeux étaient à moitié clos.

« Non... J'ai dû confondre avec quelqu'un que j'ai connu. »

Sa tête ne fixait désormais plus que le sol, si bien que sa mèche de cheveux noirs cachait totalement ses yeux tristes et désespérés.

« Excusez-moi... Ran-chan, c'est ça ? Vous chercheriez quelqu'un qui me ressemble...?
- Il s'appelle Shinichi Kudo, mais je ne pense pas que—
- C'est... C'est moi. »

Ses yeux s'écarquillèrent, de même que ceux de la jeune lycéenne se tenant en retrait, quelques pas derrière elle, au même niveau que le petit enfant aux lunettes. Celui-ci se contenta de lui adresser un regard laissant bien penser que ce n'était pas totalement vrai ; du moins, pas de son point de vue.

« Hé, Ran-chan, murmura son amie. Peut-être qu'en fait, c'est comme dans les bouquins, et que c'est un “alter-ego” de ton ami, ou un truc comme ça...
- Qu'est-ce que vous racontez...? » marmonna-t-il du même ton ignorant qu'auparavant.

Ran parut réfléchir. Qu'il fût de cet univers ou d'un autre, finalement, il était clair qu'il devait être aussi intelligent que celui qu'elle connaissait. Et il pouvait donc toujours être utile. On ne sait jamais.
Après de rapides messes basses avec Hibiki, il fut décidé qu'elles lui expliqueraient la situation en détail, à condition bien évidemment qu'il garderait le secret. Le lycéen faisait semblant de suivre comme s'il ignorait tout cela, acquiesçant bêtement de temps en temps pour laisser dire qu'il comprenait. Ce ne fut qu'à la fin de la discussion que son amie lui demanda si, sérieusement, il les croyait : il avoua qu'après réflexion, au vu de leurs réactions, il fallait vraiment qu'elles fussent particulièrement bonnes comédiennes pour que ce pût être faux.

« Donc cela voudrait dire que je suis en fait plus ou moins quelqu'un que tu connais... Mais je n'ai vraiment aucun souvenir de toi dans le coin ; cela voudrait dire que tu n'aurais pas d'alter-ego ici ? C'est quand même étrange...
- Oui... C'est vrai que c'est étrange... » approuva-t-elle gravement, la tête basse.

Soudainement, son poing vint s'abattre contre le lampadaire se trouvant à proximité, juste à quelques dizaines de centimètres du jeune homme. Ran avait esquissé un de ses sourires dont il valait mieux ne pas être le destinataire.

« ... alors tu crois sérieusement que je vais avaler ça ? »

Il recula instinctivement, fixant la misérable barre de métal complètement tordue suite à un tel coup, reprenant bien la forme du poing de la Japonaise à l'endroit où il s'était abattu. Il lâcha une interjection présentant parfaitement bien sa stupeur et sa frayeur subites.

Oups. Ça, c'est pas bon...

« Tu pensais vraiment pouvoir te faire passer pour un pseudo-alter-ego qui habiterait ici et ne me connaîtrait pas, c'est ça ? Non mais pour qui tu me prends ?! On n'a pas besoin d'être un aussi grand détective que toi pour se rendre compte que ton histoire ne tient pas debout, Shinichi !
- Je ne... comprends pas... »

Il savait qu'il était inutile de continuer de jouer l'innocent, désormais qu'elle avait tout découvert et était certaine d'avoir trouvé la vérité. Toutefois... il y avait toujours un espoir. Même si, si jamais il avait réfléchi un instant de plus, il se serait aisément rendu compte qu'il avait plus de chances de trouver la dernière décimale de pi plutôt que de parvenir à continuer de lui cacher la vérité.

« Si tu appartenais vraiment à ce monde et qu'il existe vraiment une logique à tout ça, alors tu devrais avoir au moins quinze ans de plus !
- De... De quoi tu parles...? Je suis né le quatre mai mille neuf cent quatre-vingt-seize ! Je ne peux pas avoir trente-deux ans, enfin ! »

Il avait enchaîné sur un rire nerveux tandis qu'il continuait de reculer instinctivement. Du côté de Ran, son regard soupçonneux et son sourire largement vexé ne l'avaient pas quittée.

« Tiens donc... L'année change, mais pas la date... C'est quand même une drôle de coïncidence, non ?
- Mais enfin, pourquoi je mentirais ?
- Aucune idée. C'est toi, le détective. »

Il allait répliquer, triomphant, que justement il n'avait aucune raison de mentir sur son identité, et que donc il ne mentait logiquement pas. Malheureusement, il n'en eut pas le temps : son amie avait visiblement eu une petite illumination.

« Oh, tiens, en parlant de détective... C'est bizarre, mais je n'ai vu aucun de tes fans te tourner autour, depuis tout à l'heure.
- Mais... pourquoi aurais-je des fans...?
- Shinichi Kudo, le détective lycéen. Il n'existe donc pas, dans ce monde ?
- Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? »

Elle maintint soudainement un long silence. Mais son sourire n'était toujours pas parti.

« Shinichi. Je ne vois que deux explications logiques au fait qu'il n'y ait pas ce mythe du détective lycéen ici : soit c'est qu'il n'y a pas de crimes, soit c'est qu'il n'y a pas de détective lycéen. Pas vrai ?
- Bien sûr... Ce qui veut dire—
- Qu'il n'y a pas de détective lycéen, nous sommes d'accord. Mais, mon cher Shinichi, ce que tu as oublié est que je sais très bien qu'aucune affaire ne te résiste... »

Elle marqua une longue pause qu'il considéra avec angoisse.

« ... et que tu ne résistes à aucune affaire. »

Le silence retomba. Il la dévisageait avec un sourire nerveux, visiblement de plus en plus affolé.

« Hibiki-chan. L'engin que tu as sorti tout à l'heure...
- Mon portable ?
- Oui. Je peux te l'emprunter deux minutes ? »

Attends... Elle ne pense tout de même pas à ça... Elle n'oserait quand même pas...

« Je te laisse une dernière chance. Si tu habites vraiment ici, alors tu devrais savoir te servir de ça, non ? »

Ben si. Elle a osé.

« D'accord... Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
- Hibiki-chan, qu'est-ce qu'il peut faire, ton téléphone ?
- Je ne sais pas... Il a une option pour prendre des photos... »

Elle lui tendit l'appareil d'un air défiant. Il s'en saisit naturellement, tandis qu'elle rétorqua :

« Bon ; alors fais un joli sourire, car Môssieu le détective va jouer le photographe ; tu ne trouves pas que la vue sur le port est excellente d'ici ? »

Derrière les adolescentes, Conan haussa les épaules ; cela ne devait pas être sorcier, tout de même. Même s'il n'avait aucune idée de comment se servir d'un rectangle noir sur lequel il n'avait encore distingué aucun bouton – en même temps, à cause de sa taille, il ne voyait l'engin que par le dessous –, il était certain que son alter-ego verrait quelque chose. De toute manière, il était le mieux placé pour démasquer tous les indices.

Elle aurait pu trouver quelque chose de mieux, quand même, pour “prouver” qu'il ne pourrait pas s'en servir. Elle devrait savoir qu'il n'aura aucun problème à le deviner...

L'enfant fut violemment pris d'un doute. Ran était largement assez intelligente pour savoir tout cela. Donc ce test n'était pas le vrai. C'était certain. Elle avait préparé autre chose pour le mettre à jour. Elle devait être en train de chercher une preuve irréfutable.

Le lycéen appuya sur le petit cercle concave en bas du petit appareil, qui s'alluma. Sans hésiter, il commença à poser son doigt sur l'aire rectangulaire à l'intérieur de laquelle un assemblage de pixels de couleurs était apparu, puis continua de faire danser son index droit, modifiant les images numériques qu'affichait l'écran. Finalement, il prit le petit engin comme il eut pris un appareil photographique normal, prenant les deux amies dans le cadre et leur demandant naturellement de lui accorder un petit sourire – qu'elles montrèrent sans problème – ; il posa son doigt sur le bouton sur lequel était dessiné un appareil photographique schématisé, puis il présenta l'image qui était apparue aux deux adolescentes avant de le tendre fièrement à son propriétaire.

« Bon, d'accord... Je suppose que ce doit être vrai, alors... Je suis désolée. »

Son regard triste et sa mine abattue étaient revenus ; Shinichi tenta de la réconforter, mêlant ses propres excuses à des paroles encourageantes.

« Mais, juste comme ça, tu peux m'expliquer comment ça fonctionne ? Je ne suis pas vraiment d'ici comme on t'a dit, alors je ne suis pas du tout habituée à ce genre d'engins...
- Ben regarde, c'est très simple : tu vois, il n'y a qu'un seul bouton ; ça veut dire que c'est le bouton d'allumage, qui permet d'accéder à un écran tactile. On peut aisément le savoir en voyant toutes ces marques de doigt, alors que tout autour on voit que c'est constamment nettoyé de toutes traces. Donc c'est une preuve que même si ton amie est très soigneuse avec son téléphone et l'essuie régulièrement, elle touche constamment l'écran ; ensuite, il y a une flèche en bas de cet écran, qui va vers le haut : alors si tu poses ton doigt en bas, puis que tu le fais glisser vers le haut dans le sens de la flèche, ça te donne accès à plein de petites icônes, qui devaient être logiquement des boutons puisque l'écran est tactile ; dès que tu vois celui-ci, qui ressemble à un appareil photo, il te suffit de cliquer dessus avec ton doigt pour accéder à un menu comme sur les appareils photos numériques habituels : il te suffit de viser en regardant le rendu sur l'écran ; pour prendre la photo, comme tu peux le voir en-dessous de l'écran il y a un petit bouton qui ressemble à un appareil photo schématisé, ce qui veut dire que—
- Que tu viens de déduire tout ça rien qu'en le voyant. Je me trompe ? Si tu ne venais pas d'en faire la déduction, tu te serais contenté de me dire comment tu as fait, au lieu de me détailler comment tu as trouvé comment faire... »

Son sourire avait repris place sur son visage, prenant une expression victorieuse, cette fois. La mine assurée du jeune homme s'effaça soudainement, tandis qu'il se rendait compte que cette volubilité naturelle avait été une erreur fatale. Car quelqu'un sachant déjà se servir d'un tel outil n'aurait pas donné autant de détails.
Conan enfouit discrètement son visage dans sa main.

« Aucune affaire ne te résiste... mais tu ne résistes à aucune affaire. »

De ce côté-là, c'était loin d'être faux. Dès qu'il avait l'occasion d'énoncer des déductions, il fonçait souvent sans réfléchir... Surtout lorsqu'il était Shinichi.

« Allez, avoue... Cette histoire pas comme les autres, c'est celle-là, et c'est parce que tu viens régulièrement ici qu'on ne te voit jamais chez nous... Pas vrai ? »

Tiens ? Alors comme ça, elle avait fait le lien avec l'autre affaire ? Bah, ce n'était pas si grave ; d'un certain côté, cela voulait dire que Conan avait désormais une couverture certaine.
Même si cela devait signifier qu'il allait être remplacé par un clone.

De son côté, le clone en question cessa de jouer la comédie, s'étant rendu compte qu'il était désormais impossible de nier quoi que ce fût. Ran paraissait s'adoucir, bien que continuant de fixer le sol et de serrer le poing. Lorsque le silence reprit le dessus, quelques secondes de calme régnèrent dans la rue.

« Tu ne m'en veux pas trop, dis ? » conclut-il honteusement, passant sa main droite derrière son crâne.

« Alors ? Elle frappe plus ou moins fort que Kogoro ?
- Devine.
- C'est sûr qu'elle t'a pas manqué, là, ricana le gamin aux lunettes d'un air ironique.
- En plus, j'ai encore les oreilles qui sifflent... marmonna-t-il en se frottant énergiquement l'oreille droite.
- Bah, avec tous ces “BAKA !” qu'elle a hurlés, je crois que tu n'es pas le seul. »

Il poussa un long soupir tout en se saisissant du sac de glaçons que venait de lui tendre son petit alter-ego, l'appuyant aussitôt contre sa tempe gauche.

« Bon, je te laisse. Elle va s'inquiéter si je ne reviens pas ; et puis, elle va finir par se douter de quelque chose si elle nous voit ensemble trop souvent. »

L'enfant s'éloigna, prenant la poignée de la porte et ouvrant cette dernière. Tandis qu'il s'éloignait, il prononça fièrement et sarcastiquement une dernière phrase :

« N'empêche, je te félicite. T'es complètement tombé dans le panneau. »

Tandis qu'il refermait la porte, son alter-ego considéra cette dernière avec scepticisme et cynisme ; il se consola en songeant qu'après tout, à sa place, il n'aurait logiquement pas fait mieux.

Le nom de Shinichi Kudo traversa rapidement l'Abyss d'un bout à l'autre, sitôt suivi d'une rapide présentation de celui qu'il désignait ; ainsi, le détective lycéen ami de Ran et de Conan fut bientôt connu de quasiment tout le monde au même titre que tous les autres, en grande partie grâce à cette dernière. Visiblement, la colère avait finalement laissé place à une joie d'enfant, rayonnante : celle d'avoir enfin retrouvé un ami qui avait disparu depuis si longtemps.
Le nouveau venu fut accueilli de manière plus ou moins chaleureuse selon les personnes, allant de la totale indifférence – Yukine Chris se contenta d'à peine le regarder de loin – à une attitude excessivement exagérée – le poney rose Pinkie Pie passa de longues minutes à bondir à ses côtés – par ailleurs, ne pouvait-elle pas se contenter de trottiner comme le faisaient ses amies ? – tout en le harassant de questions qui eurent tôt fait de lui donner la nausée.
Le détective lycéen faisait mine de ne connaître rien ni personne, mima un étonnement presque trop exagéré à la vue d'équidés doués de magie et de parole, mais en réalité toute présentation de base était inutile puisqu'il avait déjà passé la journée précédente en leur compagnie. Mais évidemment, il ne devait rien laisser transparaître ; s'il montrait un seul signe que rien de ce qui l'entourait lui était totalement inconnu, cela aurait aussitôt paru suspect.

« Alors c'est toi, le gamin dont tout le monde parle ? »

C'était l'Américain. Il s'avança, accueillant, lui racontant qu'il avait déjà entendu bon nombre de choses à son propos.

« Je m'appelle Phœnix Wright ; tu parles anglais, hein ?
- Disons que je m'en sors comme je peux, affirma-t-il en haussant les épaules. Vous êtes avocat, c'est ça ? Je reconnais le badge. »

Aucunement étonné, l'adulte paraissait soudainement presque déçu, sans raison apparente. Il demeura sceptique un instant, puis soupira, répliquant qu'après avoir entendu dire qu'il s'agissait d'un si grand détective, il s'attendait clairement à un genre de déduction d'un niveau bien supérieur à ce genre de remarques que même un gamin pourrait faire. Même le petit prodige à ses côtés aurait fait mieux, à son avis.
Toutefois, un petit sourire amusé prit place sur les lèvres de l'adolescent.

« Disons que je ne voulais pas aller jusque-là tout de suite, mais si c'est vous qui insistez... »

Il parut hésiter encore un instant, baissant légèrement la tête, puis fit la moue et soupira avant de reprendre son sourire sûr de lui.

« Tout ce que je peux dire rien qu'en vous observant maintenant n'est pas très impressionnant, mais je peux déjà affirmer que vous êtes gaucher. »

Le concerné haussa un sourcil, à la fois amusé et surpris.

« Depuis tout à l'heure, j'ai remarqué quelque chose d'intéressant : vous gardez toujours votre main gauche dans la poche de votre pantalon, alors que votre veste a, quasiment à la même hauteur, une poche dans laquelle il serait facile de mettre sa main. De plus, votre main droite, elle, est toujours libre : vous connaissez beaucoup de personnes qui ne mettent qu'une seule main dans leur poche ? Pas moi. La seule raison que j'y trouve est donc que cette poche en question contiendrait quelque chose à quoi vous tenez tout particulièrement ; je ne sais pas du tout de quoi il peut bien s'agir, mais là n'est pas la question ; je me contenterai de dire qu'il doit s'agir de quelque chose d'utile au quotidien, car sinon vous l'auriez probablement mis dans un lieu plus sûr que votre poche. J'en viens finalement à ma conclusion finale : un objet si important et si utile devrait être facile d'accès... donc proche de la main que l'on utilise le plus. Dans votre cas, c'est la main gauche. »

Il y eut soudainement un long silence. Finalement, l'Américain pinça ses lèvres et hocha nerveusement la tête.

« Okay, petit. T'es doué. Tu ferais des malheurs au barreau, crois-moi. »

Le Japonais lui adressa un sourire exagérément innocent ; lorsqu'il demanda par pure curiosité s'il pouvait connaître la nature de ce fameux objet, la réponse fut toutefois négative. En réalité, il avait déjà une petite idée sur la question ; mais parler du magatama aurait été de trop, pour quelqu'un qui était censé être arrivé moins d'une demi-heure plus tôt, et n'avoir pas assisté à l'explication de l'apparition des Américains dans l'Abyss.
D'ailleurs, il était bien curieux de connaître la véritable utilité d'un si petit objet. Tout ce qu'il savait était que, pour une raison ou une autre, cela avait été la cause de son voyage dimensionnel... Décidément, il faudrait lui demander un de ces jours.

« Une dernière chose, ajouta l'aîné. Dans une dizaine de minutes, on a prévu de se rassembler dans la pièce centrale pour essayer de comprendre ce qui se passe exactement, puisqu'il paraît que des choses inhabituelles sont en train de se passer par ici ; on peut compter sur toi ? »

Il acquiesça sans hésitation, montrant même son enthousiasme pour prendre part à leurs réflexions. Sur quelques dernières paroles, ils se saluèrent avant de partir chacun de leur côté.

Tandis que les trois amis s'éloignaient et qu'il les suivait du regard, il ne put s'empêcher de constater l'étonnante ressemblance entre les deux garçons ; de dos, ils avaient réellement un grand air de famille. De face aussi, d'ailleurs, même si les lunettes cachaient un peu cette similitude. Et leurs capacités de déduction basées sur une observation approfondie des moindres petits détails étaient analogues... Ils auraient aisément pu passer pour des frères ; mais ils ne portaient pas le même nom de famille, et avaient affirmé n'avoir aucun lien de parenté proche lorsqu'il avait fait part de sa remarque.

Quoique, il était aisé de mentir sur son identité. Après tout, Conan était quand même un drôle de nom pour un Japonais... Et ce verrou-psyché qui apparaissait chaque fois qu'il mettait en évidence quelque détail anodin concernant une certaine maturité du gamin, cela voudrait-il dire qu'il avait une raison pour cacher sa véritable identité ? Mais alors...

Non, c'était complètement stupide. Cela n'avait pas de sens.
Il devait simplement prendre le détective lycéen pour une sorte de mentor ou de modèle et s'amusait à jouer les détectives, sans se rendre compte que ce qu'il disait était bien plus que simplement pertinent...

Décidément, il réfléchissait beaucoup trop.

« Hé, Rapha... Raphie. Désolé, t'as vraiment un nom imprononçable en anglais. J'vois pas comment ils font, les autres, car j'y arrive vraiment p—
- Qu'est-ce que tu veux ?
- T'en penses quoi, exactement, de ce qui se passe en ce moment ?
- Que quand on rentrera chez nous, personne ne nous croira quand on devra expliquer ce qu'on aura fait pendant tout ce temps. »

Les deux adolescents marchaient sans réel but à travers les couloirs de l'Abyss, jetant des regards aux alentours de temps en temps tout en discutant de tout et de rien. Ils en avaient pris l'habitude depuis qu'ils s'étaient rendu compte que Carmache et Fondue avaient une fâcheuse tendance à courir dans tous les coins, probablement déçus de ne pas pouvoir sortir aussi facilement qu'ils le voudraient, ou tout simplement à cause de l'ennui ; en tous les cas, leurs maîtres respectifs trouvaient la plaisanterie peu amusante, et c'était souvent avec lassitude qu'ils fouillaient de long en large chaque salle du sous-marin à leur recherche.
Brice haussa les épaules, esquissant un sourire sarcastique.

« Bah, ça, c'est pas un problème quand t'as pas besoin de raconter quoi que ce soit à qui que ce soit. L'avantage, quand tu voyages seul, c'est que personne n'a besoin de prendre de tes nouvelles. Bon, y'a ma mère, mais ça c'est pas grave. Elle a l'habitude du silence radio, alors pour elle ça changera rien. »

Le jeune Français se stoppa subitement dans sa marche, pensif. L'autre continua encore quelques pas, avant de se rendre compte que son compagnon s'était immobilisé, tête baissée, mains dans les poches, l'air grave.

« Hé. J'ai dit un truc qu'il fallait pas ? »

Silence.

Le dresseur s'approcha, cherchant en vain à comprendre ce qui aurait pu offenser son compagnon dans ce qu'il avait pu lui dire.

« Essaie juste de comprendre qu'il y a des gens qui pensent à toi et s'inquiètent pour toi. Je comprends pas ce que raconte ton “Carmache”, mais je pense qu'il doit souffrir du fait que tu ne lui consacres pas assez d'attention, si tu agis avec lui comme avec ta mère. »

Il le regarda avec surprise. Un éclat qu'il ne connaissait pas venait de traverser son regard. Cela ressemblait à une certaine amertume, ou presque du dégoût, mais mélangé à une profonde tristesse... Il n'avait encore jamais vu cela, et s'en trouva totalement désemparé.

« Hé... ça va ? Tu te sens bien ?
- C'est rien. Ça te concerne pas. »

Il eut soudainement un regard complètement sceptique. Bien sûr que quelque chose n'allait pas avec lui. C'était sûr, il lui cachait quelque chose qui lui permettrait de comprendre ce qu'il avait.

« Sérieux, c'est quoi ton problème ? Un traumatisme d'enfance ou quoi ?
- Je t'ai dit que ça te concernait pas ; alors lâche-moi avec ça, okay ?
- Oh, du calme, je voulais pas t'énerver ! »

Il lui lança encore ces yeux noirs. Même s'il s'était tu, il lui en voulait visiblement toujours. Mais qu'est-ce que ça pouvait bien être ?

« J'y pense, tu sais pas ce que Marie m'a dit !
- Allons bon. Qu'est-ce que t'as, encore ? »

Le dresseur prit soudainement un air légèrement sournois, affichant un sourire à la fois ironique et complice.

« Ah, ça, je te le dis seulement si tu me racontes ! »

Le roux lui adressa un regard des plus sceptiques au monde, montrant qu'il n'était absolument pas dupe et que cette histoire tournait au ridicule.

« Si tu allais me raconter que Marie a des vues sur quelqu'un comme ce Shinichi ou même toi, ou quoi que ce soit d'autre qui me rendrait soi-disant jaloux et me ferait avouer quelque chose dont je n'ai aucune utilité du fait que je le sache, alors si, je sais ce qu'elle t'aurait dit, dans ton délire de mythomane. Alors si tu veux bien m'excuser, j'aimerais que tu me laisses tranquille avec ça, maintenant. »

Ce fut au tour de Brice de se stopper dans sa marche ; mais cette fois, ce n'était pas pour la même raison. Et cette fois-ci, Raphaël ignora complètement l'air désemparé de son compagnon, continuant de marcher dans les couloirs d'un pas rapide et tendu ; parce qu'il essayait d'oublier cette histoire, mais n'y parvenait pas.
De son côté, l'adolescent se reprit soudainement et trottina quelque temps pour le rattraper. Mais lorsqu'il l'atteint, il ne trouva rien à dire ; de toute manière, le jeune homme à lunettes continuait de l'ignorer complètement.

Au bout d'un long moment de silence, Raphaël parut brusquement se replonger dans ses pensées. Finalement, il s'arrêta une fois de plus et enfouit sa tête dans sa main droite, marmonnant un juron. Apparemment, il venait de se souvenir de quelque chose qui désormais le tourmentait ; mais pas de la même manière.
Brice lui demanda tout naturellement ce qu'il avait ; après une brève hésitation, il haussa les épaules avant de répliquer :

« C'est rien. C'est juste que comme j'ai été kidnappé, j'ai posé un lapin à quelqu'un, hier soir, alors que j'avais fixé un rendez-vous.
- Hein ? Alors c'est pas Marie, ta copine ? »

L'adolescent à lunettes lâcha une interjection à la fois gênée et énervée.

« Idiot, je parle pas de ça !
- Ah bon ? Ben alors c'est quoi, ce “rendez-vous” ?
- Laisse tomber, tu peux pas comprendre. De toute façon, ça te concerne pas. »

Vingt-trois heures moins deux. Encore deux minutes. Et une poignée de secondes.

Tous les policiers étaient en place, attentifs, bien à leur poste. Il en était certain, cette fois son plan ne possédait aucune faille. Une souris n'entrerait ni ne sortirait de ce musée sans avoir affaire aux forces de l'ordre. Donc il ne passerait jamais.

« Comment vous l'appelez, déjà, ce voleur ?
- Fantôme R. Il a déjà dérobé un grand nombre d'œuvres d'art diverses, et a toujours échappé à la police. Mais cette fois, il ne passera pas. C'est sûr. »

L'inspecteur Megure ne put s'empêcher de constater que l'attitude de Nakamori était similaire à celle du Français. Visiblement, même les échecs répétés étaient un point commun pour le moins... troublant.

« Lui aussi est un magicien ? » demanda Takagi, qui apparemment avait eu un raisonnement similaire.

Il eut pour unique réponse un long silence à la fois lassé par les nombreuses questions qui semblaient le déranger, à la fois étonné par cette dernière.

« Pas du tout. Mais comment ça, “lui aussi” ?
- Chez nous, un voleur magicien fait rage depuis quelque temps ; il parvient toujours à s'enfuir avec ses tours et ses illusions... D'ailleurs, il s'était manifesté à Paris il y a une vingtaine – enfin, plutôt une trentaine – d'années. Ça vous dit quelque chose, si je vous parle d'un certain “1412 – Kaitou Kid” ?
- Jamais entendu parler. »

Il voulut l'interroger encore, mais il s'abstint ; il n'était pas question de Kaitou Kid cette fois-ci, mais d'un voleur apparemment similaire. Dans ce cas, il ne fallait pas les perturber dans leur manœuvre et les laisser rester concentrés tout du long.
La tension se faisait ressentir tout autour du musée. Pourtant, rien ne se passait. Ce n'était pas encore l'heure. Il leur semblait que le temps ralentissait son cours, juste pour leur laisser savourer ce moment d'attente dans l'angoisse. Mais rien ne se passait.

Megure, finalement, jeta un coup d'œil rapide à sa montre, succombant à la tentation. Il était vingt-trois heures et une minute environ. Il considéra ces deux aiguilles avec scepticisme, se retournant au bout de quelques secondes vers l'inspecteur chargé de l'opération.

« Insaisissable ou pas, ce Fantôme n'a pas l'air aussi ponctuel que Kaitou Kid... »

Vergier fixait le musée avec un mélange de terreur et d'incompréhension. Sa main droite, qui tenait le talkie-walkie près de sa bouche légèrement béate, tremblait légèrement et s'abaissait inéluctablement.
Lorsqu'il se rendit à l'évidence, sa paupière gauche tiqua, formant durant un instant un pli de plus parmi ses nombreuses cernes.

Cela paraissait totalement inconcevable. Mais il fallait se rendre à l'évidence.

Le légendaire Fantôme R venait d'accomplir un acte qu'il n'avait encore jamais osé faire. Il n'était pas venu à un rendez-vous qu'il avait lui-même fixé.

« Conan-kun ? Où vas-tu ? C'est par là qu'ils ont voulu se rassembler pour parler de cette affaire, non ? »

En effet, tandis qu'ils s'approchaient de la salle de “réunion”, le jeune garçon avait commencé de s'éloigner, marchant distraitement les mains dans les poches. Le concerné se stoppa soudainement, puis hésita avant de répondre sans se retourner, se contentant de baisser légèrement la tête.

« Oh, euh... Je ne me sens pas très bien, je crois que je vais rentrer à l'hôtel pour me reposer un moment.
- Ah bon ? Je pensais que tu aurais voulu rester avec eux, pourtant...
- Bah, Shinichi-niichan va tout me raconter plus tard. Pas vrai ? »

Il avait tourné une tête enfantine et innocente vers le Japonais, esquissant toutefois un sourire trop prononcé pour ne pas laisser transparaître qu'il s'agissait d'un faux. Le destinataire de ce sourire forcé perçut parfaitement la nuance “En fait je te hais, mais on est obligés de se serrer les coudes alors je fais comme si de rien n'était” qui s'y cachait, mais il se contenta d'acquiescer naturellement avant de demander à son amie de le laisser partir.

« C'est quand même bizarre, laissa-t-elle échapper dans un murmure légèrement inquiet. Lui qui aime tant jouer aux détectives d'habitude, ça ne lui ressemble pas... »

Shinichi prêta un œil discret à son alter-ego qui s'éloignait, montrant une expression totalement indéfinissable. On eut dit au premier abord qu'il s'agissait d'un regard hautain et distant, et pourtant s'y reflétait également une certaine tristesse accompagnée de nombreuses nuances d'une étrange compassion ; comme si l'enfant cachait des raisons bien plus profondes à ses actes, et qu'il les comprenait sans même sembler les connaître.

« Bah, ne t'en fais pas, marmonna-t-il distraitement. Tout ce qu'on a vécu a dû l'épuiser ; après tout, il y a eu tant d'événements depuis hier... ça peut être difficile de supporter tout ça, surtout à son âge. Il ne faut pas oublier que c'est un enfant... »

Cette dernière phrase sonna bizarrement faux ; mais elle ne le remarqua pas, ou du moins ne le fit pas remarquer. Ran, après une subite hésitation, se contenta de hocher rapidement mais mollement la tête en signe d'acquiescement.

« Allez, viens. On va être en retard à cette “réunion de détectives”, si ça continue. »

Lorsqu'il parvint enfin à sa chambre d'hôtel, il s'effondra dans son lit, dévisageant tristement le plafond. Il ôta ses lunettes, les posant à même les draps à côté de lui, avant de se passer la main sur le front tout en poussant un long soupir inaudible. Décidément, depuis la veille, tant d'évènements aussi improbables qu'étranges étaient arrivés... Un peu plus et sa raison en eut pris cher.

Les univers parallèles, bien qu'étant une vérité bien extraordinaire et difficilement concevable, représentaient de loin la réalité la plus admissible et la plus vraisemblable qui l'entourait. Le Noise était quelque chose de bien mystérieux, mais son existence n'était plus à démontrer, et son origine était désormais en partie connue. Les poneys parlants, une fois habitué on n'y prêtait plus réellement attention. La magie maîtrisée par les licornes, même si cela demandait un petit effort pour vraiment commencer à accepter son existence, était quelque chose de, finalement, facilement admissible.

En bref, tout ce qu'il avait découvert la veille commençait à paraître de plus en plus normal. Donc il n'eut pas eu besoin de s'absenter ainsi pour se remettre les idées en place s'il n'avait jamais commis cette stupide erreur. S'il n'avait jamais parlé à Twilight de cette histoire, si elle était parvenue à le raisonner tant qu'il en était encore temps, si – au mieux – elle avait réussi son sort, il n'en serait pas là. Ou plutôt ils n'en seraient pas là, désormais.

Il esquissa un sourire mi béat, mi sarcastique. Que c'était étrange de devoir parler de soi-même au pluriel. Que c'était difficile d'admettre que, d'un certain côté, on se trouvait à deux endroits à la fois, ou plutôt que deux êtres quasiment identiques se mouvaient indépendamment l'un de l'autre. Que c'était insoutenable de devoir jouer le rôle d'un gamin alors que l'autre pouvait agir à sa guise. Surtout quand Ran s'en mêlait.
Par ailleurs, il valait mieux éviter de les laisser seuls ensemble, ces deux-là. Il ne leur faisait pas confiance. Surtout pas à l'adolescent. Ran, encore, il pouvait comprendre. Mais lui, il agissait en toute connaissance de cause. Mais quand même, il devrait vraiment le surveiller. Il n'avait vraiment pas intérêt à faire de bêtises.

Un étrange bruissement mécanique le sortit soudainement de ses pensées. Il le reconnaissait bien, et pourtant il s'étonna profondément de l'entendre en un moment pareil.
C'était son badge de détective qui sonnait ; un de ces nombreux gadgets qu'avait inventé le professeur Agasa. Mais s'il sonnait, cela signifiait qu'un autre possesseur du badge était en train d'essayer d'entrer en contact avec lui. Et pourtant, les Detective Boys, comme ils aimaient s'appeler, étaient censés se trouver à Tokyo, dans le monde qu'il connaissait. Pas dans celui où il se trouvait actuellement. Et donc, logiquement, si tout était normal, son badge ne devait pas être en mesure de capter quoi que ce fût.

Donc tout n'était pas normal. Autrement dit, quelque chose n'allait pas.

Subitement angoissé, Conan se releva aussitôt pour sortir l'objet en question qui continuait de sonner avec insistance. Tout en appuyant sur le bouton qui lui permettait d'entrer en contact avec celui qui essayait de l'appeler, il alluma l'écran radar de ses lunettes. Il vit alors clairement trois points clignotants, rassemblés vers un lointain nord-est ; mais ils devaient encore être dans les limites de la ville.

Pourquoi pouvait-il capter leur signal ? Qu'est-ce que tout cela signifiait ? Ils n'auraient tout de même pas...

« Ah, quand même ! On pensait que tu ne décrocherais jamais ! »

Il reconnut la voix de Mitsuhiko. Bien qu'il parût énervé, cela ne devait être dû qu'au fait qu'il avait tardé à répondre plus qu'à un quelconque problème. Mais cela ne voulait rien dire. Ces enfants ne voyaient pas toujours le danger quand il y en avait un.

« Où est-ce que vous êtes ? demanda-t-il d'un ton pressé. Pourquoi vous êtes ensemble ? Ne me dites pas que vous êtes sortis ?!
- Ben si ! Quand la police a dit que Ran et toi avez disparu depuis hier alors que vous aviez échappé au début de l'attaque, on a pensé que—
- Vous avez pensé quoi ? Que vous pourriez mener l'enquête ?! Mais vous êtes malades de sortir alors que vous pouvez vous faire tuer à tout moment !
- Mais on s'inquiétait pour vous ! répliqua la voix aigüe d'Ayumi. Et puis ne t'en fais pas, on reste dans les parages ! On n'est pas sortis du quartier de Beika, alors tout va bien, non ? »

Beika. Ils étaient restés à Beika.

S'il calculait bien, ses lunettes-radar donnaient une direction et une distance toute autre. Donc cela signifiait logiquement que le résultat était faussé parce que les émetteurs ne se situaient pas dans le même univers.

Alors s'ils pouvaient communiquer, cela signifiait qu'en ce moment-même il y avait une sorte de lien ou de passage entre leurs univers, de même que celui qu'ils avaient accidentellement emprunté en arrivant ici. Mais pourquoi ? Dans quel but ? Était-ce un hasard ? Que se passait-il, au juste ?

« Mais Conan, vous êtes où en fait ? Tu n'as pas répondu à cette question ! »

Subitement sorti de ses réflexions, le concerné sursauta en se rendant de nouveau compte avec horreur que, tant qu'ils ne seraient pas en intérieur, ils seraient en danger dès que le Noise apparaîtrait.

« Ne me cherchez pas, c'est clair ?! Où que vous alliez, vous ne pourrez pas me rejoindre, alors rentrez chez vous, ou le professeur, ça m'est égal ! Mais ne restez pas dehors alors que ce Noise peut vous attaquer n'importe quand !
- Le “Noise” ? répliqua la voix de Genta d'un ton intrigué. C'est quoi ça, ça se mange ?
- Hé, Conan, coupa aussitôt Mitsuhiko, tu parles de ces machins bizarres ? Comment tu sais que ça s'appelle comme ça alors que même la police n'a aucune idée de ce que c'est ? »

Le gamin se plaqua une main devant la bouche, se rendant compte que ce mot avait été de trop. Il soupira, puis s'énerva.

« Tout le monde sait ce que c'est là où je suis si vous voulez savoir, mais je vous interdis de venir me chercher, compris ?! Ran et moi sommes en sécurité, mais je peux pas en dire autant de vous ! Alors allez immédiatement vous mettre à l'abri ! »

Il n'obtint aucune réponse. Pas plus de signes de résignation que de mouvements d'obstination. Il demeura d'abord immobile et incrédule, fixant son badge avec étonnement, puis avec inquiétude, finalement avec angoisse.

« Mitsuhiko ? Genta ? Ayumi ? Vous m'entendez... ? » appela-t-il le plus distinctement possible, une nuance d'angoisse étouffant ses mots dans sa gorge nouée.

Il eut pour seule réponse un long silence pesant. Lorsqu'il prêta de nouveau attention au radar que présentaient ses lunettes, aucun point rouge clignotant n'était là où ils étaient tous auparavant. Ni nulle part ailleurs. Leur signal avait tout simplement disparu.

Il lui fallut plusieurs longues secondes pour qu'enfin il acceptât la dure réalité : il venait de perdre le seul contact qui lui restait avec eux. Il n'avait aucun moyen de savoir s'ils lui obéiraient ou non. Ni même s'ils étaient en bonne santé, ou au contraire en danger de mort. Tout simplement parce que le passage qui, apparemment, reliait bizarrement ces deux univers, venait de se refermer. Ou alors il s'était rouvert de telle sorte que la limite des vingt kilomètres fût désormais atteinte, ce qui les empêchait de communiquer.

Et il ne pouvait strictement rien y faire.

Son poing se referma soudainement, s'abattant avec violence contre ses draps. Mais son coup fut totalement muet, les grandes épaisseurs de tissus élastiques ayant totalement étouffé à la fois sons et puissance de frappe. Il ragea, jurant dans des murmures inaudibles.

Si jamais quoi que ce fût devait leur arriver, il ne se le pardonnerait jamais.

Une feuille blanche. Une petite liste de noms y figurait, se faisant discrète parmi les autres paperasses d'où, pourtant, elle ressortait bien plus sur le moment. Parce que l'on s'apprêtait à s'en servir.
En effet, une main vint prendre un crayon de bois, puis inscrivit aussitôt un semblant de phrase en japonais en bas de la page.
La mine fine et bien taillée remonta ensuite une à une les différentes lignes ; il s'agissait d'une liste de noms assignés à une localisation se limitant à un nom de ville et de pays, puis à une liste de ce qui ressemblait à des coordonnées incompréhensibles.

Alors que le crayon s'approchait de ces caractères japonais, un sourire se profila sur son visage ; un trait de graphite vint s'ajouter par-dessus ce qui devait être un nom appartenant à une personne japonaise, tandis qu'une voix satisfaite retentit dans un murmure.

« Check. Elle a finalement décidé de venir, cette petite brebis perdue... Bah, après tout, comme on dit... Il vaut mieux tard que jamais. »

Chapitre VI ~ Les théorèmes de Bernoulli

Note de l'auteur

Le chapitre le plus long que j'aie jamais écrit. Vingt-quatre pages Word format A4, les gens, c'est quand même pour moi un gros record. Sortons le jus de pomme ! /o
Sinon, je suis désolée pour les caractères japonais (car je sais qu'il y a des japanophobes...), mais je tenais vraiment à les mettre. Pour la date, pas de secret, il suffit de réfléchir un peu pour comprendre qu'il s'agit du 26/02/2003 (bawi, en japonais comme en chinois on commence par l'unité de temps la plus grande) ; pour cette ligne incompréhensible de la fin, même Google Traduction vous sortira un truc correct, c'est-à-dire "Shinichi Kudo, Tokyo, Japon, 4869." Après, interprétez-le comme vous voulez, la réponse est dans le chapitre suivant. o/
Article ajouté le Vendredi 25 Octobre 2013 à 02h30 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre VI (Première partie)

Chapitre VI ~ Les théorèmes de Bernoulli

~ Parce qu'en se renseignant un peu, on se rend compte que les Bernoulli ont établi autant de théorèmes en mécanique des fluides que de lois en mathématiques des probabilités.Courir. Courir à tout prix.

La foule hurlait autour de lui, mais il ne l'entendait plus. À dire vrai, il ne distinguait plus que peu de choses. Le bruit de ses pas retentissant sur le goudron. Les battements de son cœur essoufflé. Le rythme effréné de ses halètements.

Et le bruit de ces choses.

Cela avait attaqué Tokyo la veille. Désormais, cela s'attaquait à Osaka, comme par hasard exactement au moment où il se trouvait le plus loin de chez lui. Vraiment, quelle chance inouïe. Franchement, plus chanceux que ça, tu meurs.

C'était apparu au moment où il était en plein milieu de la rue, là où il n'avait nulle part où se cacher. Là où il pouvait seulement fuir désespérément.

Quelques masses colorées se transformèrent en longs filaments, qui le dépassèrent sans problèmes pour venir reformer quelques de ces créatures devant lui, le forçant à prendre un tournant plutôt que de continuer tout droit.

C'était étrange. D'après ce qu'il avait vu pourtant, cela s'attaquait aux hommes sans aucune pitié. Au moment où il tournait, il était à la merci de quelques-uns. Et pourtant ils n'avaient pas réagi. Ils n'étaient repartis à sa poursuite qu'une fois qu'il les eût distancés de quelques mètres. Mais qu'est-ce que cela voulait dire ?

Tout ce dont il pouvait être certain était que ça lui voulait quelque chose. Il avait eu le temps de voir que, au final, ça ne poursuivait que lui. Donc cela avait forcément un rapport avec lui. Sinon, cela se serait aussi attaqué à d'autres personnes.

Il tourna encore à gauche, pour la même raison que la dernière fois. Mais qu'est-ce que ça lui voulait, bon sang ?!

Cela le guidait. C'était la seule solution possible. Cela voulait qu'il allât à un endroit bien précis, et cela le poursuivait et lui bloquait l'accès à certaines rues pour que le chemin de sa fuite fût tout tracé, et qu'il n'eût aucune chance d'en sortir. Sinon il mourrait.

Où allait-il aboutir ainsi ? Il connaissait parfaitement les rues d'Osaka ; ce quartier-ci était un véritable dédale, mais il n'y voyait aucune impasse ou terrain où il serait particulièrement piégé. De toute manière, si le but de ces créatures était de le piéger quelque part pour le tuer, encore une fois elles avaient déjà eu maintes fois l'occasion de le faire tout de suite. Donc cela ne voulait pas le tuer. Du moins, pas tout de suite.

Il serra les dents, mais n'avait plus suffisamment de souffle pour grommeler. Toute cette mise en scène l'énervait au plus haut point, car il n'avait aucun moyen de comprendre ce qui se passait autre que celui d'attendre et de suivre le chemin qui lui était tout tracé – pas comme s'il avait d'autre choix, d'un autre côté – tout en espérant que cela lui serait expliqué plus tard, ou du moins qu'il aurait plus tard des indices lui permettant de comprendre. Et le fait qu'il ne pût rien faire d'autre l'insupportait.

Une soudaine alarme retentit dans tout l'Abyss. Les candidates eurent l'air de comprendre aussitôt ce qui se passait, car elles se mirent à courir vers la salle de pilotage principale. Alors que Tsubasa s'élançait elle aussi à travers les couloirs, elle dut s'arrêter quelques secondes ; en effet, Conan lui avait soudainement saisi le poignet droit. Surprise et énervée en même temps d'être ainsi arrêtée, elle se retourna vivement pour demander ce que l'enfant avait. Celui-ci fit mine d'être effrayé par son air furieux et recula de quelques pas distraits.

« Ce... c'est rien, ça peut attendre finalement... »

L'adolescente soupira, puis courut afin de rattraper son retard, ne prêtant plus attention à ceux qui l'entouraient et ignoraient ce qui se passait exactement. De son côté, le petit gamin à lunettes gardait sa tête baissée, mais esquissait cette fois un sourire aux aspects satisfaits, presque sournois, tandis qu'il appuyait sur un petit bouton placé sur la branche droite de ses lunettes. L'écran radar s'alluma, et un petit point rouge apparut aussitôt.

« Merci, Kazanari-san... » murmura-t-il alors qu'il se précipitait dans la direction pointée par l'émetteur qu'il avait visiblement déposé sur son poignet.

Son alter-ego jeta un coup d'œil dans sa direction lorsqu'il passa devant lui ; toutefois, il jugea inutile d'aller l'arrêter ou de le suivre. Cela n'aboutirait à rien, il en était certain. Le petit Conan Edogawa voulait agir seul, et ce n'était certainement pas de lui qu'il accepterait d'obtenir de l'aide.
Il poussa un petit soupir. Décidément, il avait du mal à comprendre pourquoi c'était lui qu'il avait décidé de détester, après ça.
Peut-être n'y avait-il rien à comprendre.

Tsubasa venait de sortir du sous-marin et commençait à courir le long des quais. Les deux autres étaient probablement à ses côtés. À tous les coups, la candidate londonienne n'était pas avec elles. Ce n'était pas un exercice, et elle ne semblait pas prête à combattre. Ils n'étaient pas assez cruels pour jeter quelqu'un dans un champ de bataille sans entraînement au préalable.

Soudainement, sans aucune raison apparente, le point rouge clignota une dernière fois avant de disparaître pour de bon. L'enfant fut tellement surpris sur le coup qu'il faillit déraper sur le sol de métal et manqua de tomber. Mais que s'était-il passé, au juste ?

Ah, c'est vrai. Le “Gear”. Bien sûr. Il avait oublié que ça faisait disparaître les vêtements, quand ça s'activait. Il aurait dû se douter que son émetteur disparaîtrait aussi. C'était évident.
Shinichi marcha tranquillement jusqu'à arriver à son niveau, comme s'il l'avait suivi depuis qu'ils s'étaient croisés. Il avait un sourire amusé, mais qui lui parut sarcastique ; il regardait le port d'un œil neutre.

« Alors ? On est bloqué ?
- La ferme. »

« Oï, faites pas comme si j'étais pas là, bon sang ! Vous allez m'expliquer ce qui s'est passé, oui ? Qu'est-ce que vous me voulez ?! »

Ogawa tenta d'apaiser le nouveau venu, mais en vain ; le jeune lycéen était dans tous ses états – en même temps, ce devait être compréhensible après ce qu'il venait de vivre –, et le fait de l'avoir menotté à une chaise n'arrangeait pas les choses. Ballotté entre du Noise et des hommes en noir sortis de nulle part en passant par la vision des candidates pour la toute première fois dans sa vie était une expérience bien particulière, et le pauvre n'avait pas eu le temps de se remettre de ses émotions. Et encore, cela n'allait certainement pas s'arranger avec tout ce qui allait probablement lui tomber dessus en plus, plus tard.

« Je suis désolé, tenta l'aîné d'un ton légèrement penaud. Depuis hier, ce genre d'accidents n'arrête pas d'arriver, mais il faut quand même que nous soyons sûrs des intentions de ceux qui arrivent comme ça...
- Vous voulez dire qu'il y en a eu d'autres dans le même cas que moi ? Ils sont où ?
- Ils arrivent. Nous pensions qu'ils seraient plus convaincants que nous, alors on leur a demandé de venir. »

Il haussa un sourcil légèrement surpris et, en même temps, sceptique. Plus convaincants à propos de quoi ? Qui étaient ces personnes qui auraient été dans le même cas que lui ?
L'homme en costume noir à ses côtés voulut apparemment se faire chaleureux en engageant la conversation – tout en changeant de sujet –, commençant par lui demander son nom. Bien qu'hésitant au départ, il finit par répondre d'un ton pourtant méprisant, encore réticent à parler :

« Hattori Heiji. »

Son interlocuteur parut légèrement étonné, comme s'il avait déjà entendu une fois ce nom, quelque part, sans pouvoir pour autant se souvenir de ce moment ni des circonstances dans lesquelles il lui aurait été présenté.
Quoiqu'il en fût, il se nomma en retour, un sourire naturel sur le visage.

« Je suis Ogawa Shinji, mais tu peux m'appeler Ogawa. Ne t'inquiète pas, je pense qu'on va bientôt te détacher.
- J'espère bien, puisque j'ai rien fait ! Depuis que j'ai croisé ces machins bizarres qui me poursuivaient dans la rue, tout va de travers... »

Il se surprit soudainement à commencer à parler, alors qu'il n'avait strictement aucune raison de le faire. Par ailleurs, il se demanda également comment quelqu'un d'armé comme celui qu'il avait face à lui pouvait se montrer si accueillant, allant même jusqu'à lui révéler son identité. Quoique, concernant ce dernier point, il pouvait très bien avoir donné un pseudonyme. Mais quand même, quand des gens dans des voitures noires venaient le voir pour l'arrêter comme un criminel pour ensuite le maintenir prisonnier sans explication, il était difficile d'imaginer qu'ils se montreraient si sympathiques en fin de compte. Pas que cela le dérangeât, au contraire, mais... c'était troublant.

De son côté, l'agent prit en note le fait que le jeune homme ne connaissait apparemment pas le nom de ces “machins bizarres”, ce qu'il interpréta comme une preuve que son interlocuteur était, encore une fois, originaire d'un univers différent. Sinon, il aurait été capable de dire qu'il s'agissait du Noise.
Apparemment, si cette histoire de “fusion des univers” était réelle, ça n'avait pas l'air de s'arranger. Est-ce que cela durerait encore longtemps ?

Soudainement, la porte de la petite salle où ils se trouvaient s'ouvrit : de nombreux bruits de pas résonnaient en désordre dans le couloir, signe que beaucoup de monde allait arriver. À la plus grande surprise du jeune lycéen toutefois, ce fut un petit garçon qui arriva en premier ; il douta un court instant quant à son identité, probablement parce qu'il refusait d'y croire au départ, mais la stupéfaction identique que le gamin afficha en l'apercevant dissipa toute trace d'incertitude.

« Kudo ?! Qu'est-ce que tu fais ici ?! »

Le concerné serra encore les dents de panique à l'entente de son vrai nom ; il parut vouloir barrer le chemin à quelqu'un qui n'avait pas encore atteint le niveau de l'ouverture de la porte, mais ce fut visiblement en vain : en effet, le lycéen qu'il avait essayé de cacher n'avait pas eu le temps de comprendre ce que son petit alter-ego voulait lui dire qu'il était déjà entré à son tour dans la salle. Mais apparemment, lorsqu'il aperçut le Japonais au teint mat qui s'y trouvait déjà, il comprit son erreur et blêmit.

Hattori fixa les deux garçons similaires avec un regard exorbité et un ahurissement incomparable. Heureusement qu'il savait pertinemment pourquoi il ne devait pas réagir, car ce fut certainement la seule chose qui put lui permettre de garder un tant soit peu son sang-froid.
Bien sûr, seulement après quelques secondes de panique totale.

En effet, à la vue de ce détective lycéen qu'il croyait pourtant rajeuni, et en voyant bien que le gamin en question était juste à côté de lui, sa première réaction fut tout naturellement d'écarquiller les yeux et d'avoir un profond sursaut d'effarement ; s'il n'avait pas ses mains attachées, il n'aurait probablement pas hésité à se frotter les yeux ou se pincer violemment pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Il n'y avait pourtant pas d'erreur possible : il pouvait bel et bien compter deux Kudo côte à côte. Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ?!
Une fois en partie convaincu qu'il s'agissait de la réalité, il voulut ouvrir la bouche et poser toutes sortes de questions, mais la subite intensité de toutes ces émotions fortes entravèrent complètement ses cordes vocales, ce qui ne lui permit pas de sortir un seul son de sa gorge ; aussi demeura-t-il seulement légèrement penché en avant, la bouche béate et son expression d'extrême stupéfaction planant ouvertement sur son visage. Et puis, le temps de pouvoir balbutier de nouveau quelque chose d'intelligible, il avait déjà eu le temps de comprendre l'inutilité et la dangerosité des paroles qu'il allait prononcer, aussi jugea-t-il finalement préférable de garder le silence pour le moment.
Même si ces deux-là allaient lui devoir des explications dès qu'il les aura éloignés du groupe. Oh que oui, ils allaient devoir lui expliquer tout ça. Et ils allaient avoir intérêt à être convaincants.

« Heiji-niichan ! s'exclama d'un ton faussement innocent le petit Kudo. Comment t'es arrivé ici ? »

Ran accourut aussitôt, visiblement surprise de voir que le détective de l'ouest était apparemment arrivé, lui aussi, à l'endroit où elle s'attendait le moins à le trouver. Bien évidemment, dès que les autres personnes présentes arrivèrent, l'étonnement fut général lorsque tous découvrirent que les Japonais se connaissaient parfaitement ; il redoubla même auprès des détectives, dès que Phœnix eut fait remarquer que, comme par hasard, il apparaissait seulement quelques heures après que Ran eût mentionné par hasard son nom et l'eût rapidement présenté, alors qu'elle le comparait à Shinichi. Elle avait dû parler de lui comme d'un détective lycéen à peu près au même niveau que lui, disant avec humour qu'il ne manquait plus que lui pour parfaire la brochette de détectives qui s'était formée lors de cette séance de réflexions qui s'était alors imposée.
Au moins, cela eut aussitôt un point positif : désormais assuré qu'il ne représentait aucune menace, l'ordre de sa libération parvint aussitôt ; ses menottes furent donc retirées avec empressement, au grand bonheur de ses poignets.

Il devenait cependant de plus en plus évident que rien n'était lié au hasard, et que donc probablement la présence de chacun en un même lieu n'était pas une coïncidence. L'expression “brochette de détectives” revint rapidement à la mémoire de chacun, appuyant en effet sur le fait que la coïncidence était peut-être un peu trop improbable pour n'être due qu'au hasard. L'idée leur avait déjà effleuré l'esprit sans qu'ils osassent la prendre au sérieux ; mais ils avaient avec cet évènement une preuve plus ou moins tangible de ce qui était désormais l'évidence même. Qu'est-ce que cela signifiait alors ? Le fait que le détective de l'ouest eût été pris pour cible puis attaqué par le Noise juste après avoir été mentionné au sein même de l'Abyss montrait qu'ils étaient surveillés, et donc probablement que quelqu'un parmi les agents de la Seconde Division était en réalité une des personnes responsables de tous ces problèmes.
Quoiqu'il en fût, cela allait malheureusement devoir attendre. Il y avait quelqu'un à qui il allait falloir expliquer de nombreuses choses... Et cela risquerait certainement de prendre du temps.

La situation, bien que difficile à admettre, fut rapidement contée au nouvel arrivant. Chacune des autres personnes présentes qu'il ne connaissait pas déjà lui furent présentées avec plus ou moins de détails ; bien qu'il eût du mal à y croire au départ, il fut rapidement fixé concernant le fonctionnement de la fonction “traducteur” du TARDIS – et par ailleurs son fonctionnement en général.

« Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit de si drôle ? »

Flora se sentit rougir, mais elle ne parvenait visiblement qu'avec difficulté à cacher son hilarité lorsque le Japonais lui avait parlé ; elle consentit toutefois sans grande difficulté à l'expliquer, prenant un ton désolé pour masquer le mieux possible son amusement :

« En fait, quand tu parles, le TARDIS traduit ce que tu dis avec un accent irlandais, va savoir pourquoi... »

La déroute du lycéen fut une raison de plus pour déclencher des gloussements à peine retenus de la part des Tokyoïtes.
Si on y réfléchissait, d'une certaine manière c'était logique : l'Irlande se situait à l'ouest de l'Angleterre, de même qu'Osaka était à l'ouest de Tokyo...

« C'est pas un accent ! s'emporta-t-il aussitôt, énervé. C'est l'Osaka-ben, c'est pas pareil enfin ! C'est un dialecte différent, c'est tout !
- Tiens ? Cette fois tu n'avais pas cet accent, c'est bizarre... » remarqua la jeune Londonienne avec surprise.

Hattori esquissa un sourire forcé et sarcastique en même temps.

« Nan. Là, c'est parce que je parle vraiment anglais. Apparemment, ça vaut mieux. »

Lorsque les adolescents le suivirent tandis qu'il s'éloignait d'un pas vexé, ils tentèrent de s'excuser et de le calmer ; toutefois, ce fut en vain, et le Japonais refusa de parler durant une bonne dizaine de minutes.
Ce ne fut qu'au bout de nombres de discours d'excuses sincères de la part de ses amis qu'il se décida heureusement enfin à oublier la petite anecdote, continuant d'écouter les explications concernant ce qui l'entourait. Bien que d'abord réticent, il finit par réussir à garder à peu près son calme face aux poneys et au pokémon, même quand la question de la magie commença à être abordée. Même s'il avait dû réclamer une aspirine à ce moment précis, car il sentait que cela commençait quand même à faire un peu beaucoup à avaler, en seulement une heure. Fallait pas exagérer non plus, hein. Même si avec toutes les preuves qu'on lui montrait il n'y avait pas d'autre explication possible, son bon sens avait malgré tout du mal à accepter quelques détails légèrement inhabituels.

Avec tout ça, il en avait même oublié de déjeuner, tiens. Ce n'était qu'au moment où son estomac commença sérieusement à crier famine que Kudo se décida à le diriger vers le self. Plusieurs fois il s'était penché vers le plus petit – le lycéen semblait relativement muet, d'ailleurs ; ou timide, cela dépendait du point de vue –, répétant plusieurs fois la même question :

« Dis. Tu vas m'expliquer ce qu'il fait là, ce Ku— je veux dire, l'autre, là ? »

Mais à chaque fois, il faisait mine de ne pas l'entendre. Parce qu'ils étaient encore entourés de plein d'autres gens, en même temps. C'aurait été dommage que d'autres les entendissent s'expliquer. Mais même s'ils agissaient tous deux comme si de rien n'était, les regards qu'ils lui lançaient de temps en temps lui soufflaient que « T'en fais pas, on t'a pas oublié, on va t'expliquer plus tard. ».

Ouais. Plus tard. C'est ça.

Mais c'était maintenant qu'il voulait comprendre ce qu'était toute cette pagaille. Parce que plus tôt il aurait des explications valables, plus tôt il se sentirait mieux.
Et plus tôt il arrêterait de songer qu'il devrait sérieusement aller voir un psychologue, dès que l'occasion se présenterait.

« T'en fais pas, Hattori, souffla une petite voix à sa gauche comme si elle avait lu dans ses pensées. Tu vas vite t'y habituer. »

C'était le petit Kudo. Il lui jeta un coup d'œil réclamant une fois de plus ces explications tant attendues, mais il ne le regardait pas.
Le lycéen au teint mat dévia alors discrètement son regard, dévisageant le poney mauve juste à côté du gamin ; elle usait de sa magie pour faire léviter ce qu'elle s'apprêtait à manger puis croquer dedans, et personne n'y faisait attention autour d'eux. Comme si c'était parfaitement normal. Tentant d'oublier cette vision insolite sans y parvenir pour autant, il détourna rapidement les yeux de nouveau face à son assiette, poussant un soupir avant d'esquisser un sourire nerveux.

« J'crois pas, nan. »

Comme la veille, le déjeuner au self fut plus bruyant encore que toute cantine ne l'est habituellement ; toutefois, ce repas se déroula tout de même plus calmement que la dernière fois, bien que demeurant actif au niveau des longues conversations toutes plus intéressantes les unes que les autres.

« Sérieux, ça se voit trop que vous êtes faits pour être ensemble ! Tu devrais lui dire, de toute façon c'est évident qu'elle t'aime. »

Le roux se contenta de garder son air le plus impassible possible, buvant imperturbablement une petite gorgée d'eau.

« Hé, Raphie, tu m'écoutes ? Elle est à deux mètres, juste à côté, tu vois bien qu'elle attend que ça ! Elle doit te regarder en pensant “Oh, quand est-ce qu'il va enfin songer à m'avouer son amou—”
- Ouais. Je me demandais ce qui était le plus probable entre Marie rêvant de romances à l'eau de rose ou toi en train de te prendre un bon coup de poing si tu ne me lâches pas d'ici trente secondes. »

De son côté, Rose s'installa aussitôt aux côtés de Tsubasa ; cette dernière, bien que ne bronchant pas, ne lui jeta même pas un regard et se contenta de l'ignorer, continuant à manger en silence.

« Tu sais, je voulais juste savoir... Est-ce que ce serait possible que je combatte aussi le Noise ? J'ai souvent eu à combattre des adversaires divers auprès du Docteur, alors ça ne devrait pas être si différent, hein ? »

La Japonaise se stoppa alors qu'elle s'apprêtait à porter un sushi à sa bouche. Sans tourner la tête, elle lui jeta un regard indéchiffrable à travers lequel se faisait ressentir comme un mélange de curiosité et de tristesse, bien qu'elle tentât de paraître la plus neutre possible dans ses expressions.
Finalement, elle esquissa un petit sourire ironique en coin, baissant les yeux.

« Vous savez, j'ai connu une amie qui, elle aussi, était prête à tout pour avoir une relique...
- Oh, c'est vrai ? demanda-t-elle subitement avec un sourire innocent et curieux. C'est qui ?
- Elle est morte. »

Le professeur Layton entoura son menton de sa main droite, baissant le regard et plissant légèrement les yeux.

« Donc il semble évident que notre présence à tous ici n'est pas complètement liée au hasard ; quelqu'un ici nous aurait rassemblés dans un certain but, et doit probablement nous espionner en ce moment-même. »

Tout le monde autour de lui acquiesça gravement. Le fait qu'autant de détectives plus ou moins connus dans leurs univers fussent comme par hasard au même endroit au même moment était suffisamment peu probable pour que ce fût seulement une simple coïncidence.

« Ce que je trouve bizarre, appuya Hattori, c'est que ce “Noise”, là, n'avait pas l'air de vouloir me tuer. Ça se contentait de me poursuivre et de me bloquer certaines rues de manière à me forcer à prendre un chemin en particulier : celui qui m'a emmené là, en fait.
- Apparemment, cette personne voudrait qu'on fasse quelque chose de particulier, éventuellement pour l'aider à faire quelque chose, marmonna Phœnix. Mais dans ce cas, il y a de quoi se demander pourquoi cette personne ne se serait pas encore montrée...
- En tout cas... commença le Docteur.
- J'y crois pas. »

C'était le poney orange à chapeau de cowboy. Applejack était apparue sans prévenir aux côtés de ce dernier et venait de l'interrompre, fixant son plateau avec un air vexé. Le concerné, bien que masquant mal l'énervement qu'il avait à être interrompu alors qu'ils étaient en train de discuter d'un sujet hautement important, se retourna et lui demanda le plus calmement possible ce qui n'allait pas.

« N'avez pas pris de tarte aux pommes. Alors que j'en ai fait spécialement pour aujourd'hui parce que les desserts japonais ne convenaient pas à tout le monde.
- Et si les desserts japonais me conviennent ? De toute façon, j'aime pas les pommes.
- Vous êtes sérieux ?
- J'admire ton travail car c'est vraiment un bon boulot et je suis sûr que les autres vont l'adorer. Ça te va ?
- Alors pourquoi vous n'en avez pas pris ?
- J'aime pas les pommes. Je l'ai déjà expliqué, ça.
- Ridicule. Tout le monde aime les pommes.
- Pas moi. Maintenant, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, nous sommes en train de parler de choses importantes, alors—
- C'est très important ce que je vais vous dire. Et si c'est pas moi, Fluttershy va vous faire comprendre. »

Le pégase jaune était juste à ses côtés, et commença à fixer l'homme sans un mot, le dévisageant seulement en fronçant les sourcils le plus possible. Indécis, le Docteur demeura silencieux un instant.

« Je peux savoir ce que tu fais...? Parce qu'en fait, tu fais plutôt pitié, pour être franc. »

L'équidé ne broncha pas, se contentant de froncer les sourcils plus encore.

« Toute cette histoire est complètement ridicule, alors si on s'arrêtait là ? On a autre chose à faire...
- Applejack a passé la matinée entière à préparer toutes ces tartes aux pommes avec amour, et vous comptez lui faire l'affront de vous moquer de son travail ? Vous n'imaginez probablement pas ce qu'elle doit ressentir en ce moment...
- Oh, c'est bon ! Je vais en prendre, puisque c'est ça ! Alors laissez-nous tranquilles ! »

Sur ces mots, il s'en alla en effet en lançant aux détectives qu'il reviendrait peu de temps après, qu'ils pouvaient continuer sans lui en attendant.
Contente d'avoir réussi sa mission, Fluttershy esquissa un petit sourire satisfait.

« Je suis vraiment désolée pour votre amie... Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Rien. Cherchez pas à savoir. »

Mais cela se voyait que Tsubasa avait de plus en plus de mal à cacher cette profonde tristesse. Peut-être que son caractère si renfermé était dû à cela.

« Tu sais que j'ai toujours adoré les blondes ? J'ai toujours trouvé que le blond c'était parfait pour les femmes. La même couleur que l'or, ou le sable fin sur les plages ensoleillées... Ça te fait pas rêver, ça ? »

Marie, ne comprenant absolument pas l'anglais, jugea utile de se contenter de sourire et d'acquiescer. Après tout, il lui avait semblé qu'il lui avait posé une question au vu de l'intonation qu'il avait prise pour lui parler.

« Et les yeux bleus, aussi. Surtout quand ils sont clairs. Ça, c'est vraiment le top du top. T'as le sable de la plage ensoleillée avec le bleu turquoise de la mer en bonus. Vraiment rien de mieux pour se sentir transport—
- Je peux savoir ce que tu fais ?
- Oh, tiens, Raphie ! ... C'est une belle journée, tu trouves pas...?
- Va te faire foutre. »

Shinichi s'adossa au dossier de sa chaise, regardant le plafond tout en croisant les bras. Les sourcils froncés, il était évident qu'il était en pleine réflexion.

« En fait, si on réfléchit bien, il devrait être possible d'avoir de meilleurs indices concernant le rôle de cette personne dans ce sous-marin.
- Déjà, continua Conan en prenant une position similaire, on peut être quasiment sûrs que c'est une personne qui a accès à la machine permettant de voyager entre les différents univers, et qui sait s'en servir.
- En effet, il est évident que personne n'a les moyens de posséder une telle machine chez soi ; j'ai demandé séparément à plusieurs agents leurs salaires moyens et le coût de cette machine, et au vu de son prix même un milliardaire ne pourrait s'en procurer une facilement.
- Ce qui signifie par déduction qu'il n'existe qu'un seul modèle de cette machine, celui qui est dans ce sous-marin ; donc quelqu'un d'ici s'en servirait aux dépens de tous, si ce n'est pas l'ensemble de cet équipage qui est impliqué dans cette histoire – mais bon, si c'est l'armée, ce que j'ai pu confirmer par nombres de détails se trouvant ici, il y a peu de chances qu'ils ne soient pas de notre côté. »

Hattori tenta d'intercaler un « Hé, Kudo... » murmuré entre deux phrases, mais l'aîné des deux continua :

« Si personne dans cette division de l'armée ne s'est douté de rien jusqu'à maintenant, alors cette personne peut avoir accès à cette machine et faire ce qu'elle veut sans être jamais suspectée de quoi que ce soit.
- J'ai par ailleurs demandé au commandant l'identité des scientifiques responsables de la salle dans laquelle elle est gardée, et apparemment il n'y avait qu'une seule personne, ce qui nous permet de confirmer nos doutes. »

Le détective de l'ouest essaya encore d'imposer dans un chuchotement un « KUDO ! » à la fois énervé et nerveux, se faisant le plus discret possible en plaçant sa main en cornet à côté de sa bouche.

« Et ça signifie donc que— » enchaînèrent-ils en même temps.

Silence. Les regards des deux alter-egos se croisèrent un instant avec surprise, puis se focalisèrent sur l'avocat et le professeur. Ces derniers gardaient leur sang-froid autant qu'il en était possible en apparence, mais voir ces deux jeunes Japonais déduire les mêmes choses, parler avec le même ton, chacun continuant la démarche de l'autre exactement là où il l'avait laissée, et enfin s'apprêter à conclure en étant quasiment synchrones, tout cela avait de quoi en désorienter plus d'un. Et apparemment, trop emportés par le flux de leurs réflexions, les deux Tokyoïtes venaient de s'apercevoir de leur erreur en agissant ainsi aussi ouvertement.
Ils se jetèrent un rapide regard à la fois gêné et paniqué ; finalement, Conan fit mine d'éclater de rire, bientôt suivi par son aîné :

« Mais vous savez, Shinichi-niichan m'a déjà dit tout ça il y a quelques minutes : on s'amuse souvent à faire ça, c'est drôle de voir la tête que les gens font !
- Bien sûr ! Qu'est-ce que vous vous imaginiez...? » continua le lycéen sur la même lancée, ébouriffant toutefois nerveusement les cheveux du petit enfant.

Même si les détectives parurent se détendre, ils n'en étaient certainement pas dupes. Hattori ne put retenir un « Aho*... » dans un murmure, enfonçant sa tête dans sa main.

De son côté, Phœnix Wright commença sérieusement à douter, ses anciennes hypothèses complètement loufoques en apparence revenant à la charge. Pour une fois, il les considéra sérieusement : bien que cherchant activement à les réfuter, il arrêta de les considérer comme forcément fausses et irréalistes avant même d'y avoir réfléchi.
Mais en même temps, cette fois-ci, il avait eu un indice de preuve assez troublant et particulièrement déterminant.
Ce troisième verrou-psyché, il l'avait bien vu. Chose qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion de constater, il remarqua aussitôt avec perplexité que ses chaînes emprisonnaient tous deux dans les mêmes liens ; ses cinq verrous étaient toujours aussi noirs, tous identiques.

Assurément, quelque chose clochait avec ces deux-là.

« J'y crois pas ! Vous avez toujours pas de hamburgers ?! »

Le responsable du self hocha négativement la tête d'un air blasé.

« Mais je comprends pas, vous avez même fait des tartes aux pommes pour aujourd'hui ! Alors pourquoi pas de hamburgers...? »

Incapable de répondre à la jeune Américaine, l'homme se contenta de lui répéter qu'ils n'en auraient probablement pas de sitôt, et qu'il était inutile d'aller en demander à chaque repas car cela ne changerait pas.

« J'y crois pas... soupira le Docteur, qui venait de revenir et de poser une assiette portant une tarte aux pommes sur son plateau. Du nouveau depuis que je suis parti ? »

Les regards dévièrent rapidement vers les deux Tokyoïtes, mais ils revinrent rapidement vers le nouveau venu. Tous consentirent à dire qu'il n'y avait rien de vraiment nouveau.

« On a trouvé le coupable. » coupa toutefois Phœnix.

Celui qui venait d'arriver le considéra avec un mélange de surprise et de satisfaction, demandant évidemment des explications.

« Ces deux-là l'ont trouvé, reprit-il en montrant les deux concernés. Ils n'ont pas encore dit de qui il s'agissait, mais ils l'ont trouvé.
- Oh ? Bien joué ! Alors c'est qui ? »

Les deux se redressèrent en même temps, s'apprêtant à parler, mais Conan se retint de justesse et laissa le détective lycéen s'expliquer seul, répétant son raisonnement. Au final, il annonça fièrement qu'il avait une excellente nouvelle à annoncer suite au fait qu'il avait pu se renseigner sur les responsables des laboratoires :

« En effet, conclut-il avec un regard assuré, j'ai été très surpris d'apprendre qu'une seule personne est responsable de la salle des machines – ou plutôt, de la machine, car elle est tellement grande qu'il lui faut une salle pour elle toute seule –, et cette personne s'y trouve souvent sans surveillance. Quant à son nom, il n'est autre que—
- MAIS TU VAS NOUS LÂCHER, CONNARD ?! »

Phœnix Wright parvint à s'écarter de sa place suffisamment vite pour éviter de justesse ce qui lui tombait dessus. En effet, Brice fut carrément projeté contre la table où les détectives se trouvaient, faisant valser au passage les plateaux sur lesquels il avait malencontreusement posé les coudes, dans une tentative désespérée de retrouver son équilibre. La part de tarte aux pommes vola à travers la cantine et vint s'écraser quelques mètres plus loin, mais personne n'y prit garde, pas même Applejack.

Le dresseur se releva avec difficulté, se tenant maladroitement la mâchoire de sa main gauche tout en faisant face à son adversaire le plus dignement possible. Tout le monde dans la salle demeura sans voix suite à une tournure aussi imprévue.

Automatiquement, tous les regards se tournèrent alors aussitôt vers celui qui avait ainsi frappé l'adolescent : le jeune Français, bien que sentant le poids de tous ces yeux perplexes et inquisiteurs à la fois, demeurait impassible et se contentait de fixer Brice avec un regard assassin. Marie se jeta rapidement sur son ami, lui tenant le bras en lui balbutiant quelque chose en français d'un ton complètement catastrophé ; probablement lui demandait-elle ce qui l'avait pris. Toutefois, le roux se contenta d'ôter ses lunettes et de les lui tendre, lui marmonnant probablement de les tenir pour lui. Les adultes ne laissèrent toutefois pas les hostilités continuer plus longtemps et tentèrent de séparer les jeunes adolescents en s'interposant entre eux deux, essayant de les calmer au mieux. Ce ne fut pas une tâche aisée de les maîtriser, mais la situation revint enfin au calme au bout d'un temps.
Peut-être que les violentes claques de Ran, d'un autre côté, furent un argument assez convaincant ; à moins que ce ne fussent plutôt les paroles énervées qu'elle avait prononcées alors que les deux adolescents étaient à terre :

« La prochaine fois, je ne retiendrai pas mes coups. Alors vous avez intérêt à vous calmer, tous les deux. »

Bien que continuant de se jeter des regards noirs, ils furent bien obligés d'obéir et de retourner à leur place, se faisant oublier le plus possible.
Les adultes, bien que n'appréciant pas particulièrement la méthode qu'avait employé la jeune Japonaise, la remercièrent pour l'aide qu'elle apporta ; mais ils retournèrent rapidement à leur précédente réflexion.

« Enfin, ceci mis à part, le raisonnement est excellent, félicita Phœnix en se tournant vers les deux alter-egos. Mais le problème...
- ... est que nous n'avons aucune preuve, termina Conan d'un ton déçu. On le sait.
- Le problème est que justement, comme nous avons affaire à l'armée, on ne va certainement pas pouvoir enquêter sans autorisation, ce qui va laisser largement assez de temps à cette scientifique de dissimuler toute trace de preuve. Donc au final, ça ne nous avancera à rien... »

Soudainement, une silhouette féminine apparut derrière eux ; bras croisés derrière le dos, une jeune femme se penchait vers les détectives avec un sourire amusé.

« Alors, c'est vous qui menez votre petit enquête à propos de cette affaire ? Vous avez du nouveau, alors ? finit-elle par demander en japonais.
- Oui, annonça le Docteur. Ils ont trouvé la personne à l'origine de tous ces problèmes.
- Oh, intéressant ! Et alors, c'est qui ? »

S'étant tournée vers les Japonais que l'homme avait montré d'un signe de tête, son regard se fit insistant. Toutefois, il ne fut pas difficile de constater à leur expression embarrassée que, visiblement, leurs soupçons étaient dirigés vers celle qu'ils avaient juste en face d'eux ; les autres ne tardèrent pas à comprendre par ailleurs l'origine de leur trouble, aussi n'objectèrent-ils rien lorsque le lycéen répliqua qu'après réflexion, ils s'étaient trompés et que leur théorie ne méritait pas d'être considérée une seule seconde de plus.
La jeune femme se releva alors et les jugea du regard, toujours avec son même sourire. Puis elle répliqua rapidement que c'était dommage. Puis elle s'éloigna.
Hattori croisa alors les bras, la regardant partir avec un regard inquisiteur.

« Comme par hasard, elle passe nous voir à ce moment. Ça commence quand même à devenir vraiment gros, pour une simple coïncidence. »

Mais cela ne constituait toujours pas une preuve tangible, souligna avec déception le professeur Layton ; en effet, même si tous les éléments semblaient accuser celle que Conan nomma comme Saga Saeko, l'absence de preuve rendait toute procédure impossible ; et les méandres de l'administration de l'armée rendaient impossibles la recherche de preuve en elle-même. Car il serait beaucoup trop complexe de mener quoi que ce fût sans mettre automatiquement le coupable au courant.
Les détectives continuèrent de discuter encore quelques instants, mais n'eurent rien de particulier à ajouter à ce qui avait été précédemment dit. Les trois Japonais ayant rapidement terminé leur repas, ils se levèrent peu de temps après et saluèrent poliment les adultes avant de partir ; mais il était évident que le lycéen au teint mat leur avait fait signe d'aller le voir en privé, probablement pour qu'il pût leur dire ou demander quelque chose sans que les autres ne pussent l'écouter.

L'archéologue londonien surprit alors l'avocat à regarder les deux Tokyoïtes s'éloigner avec des yeux à la fois troublés et inquisiteurs ; il esquissa alors un sourire amusé et croisa nonchalamment les bras.

« J'ai comme l'impression que ces deux jeunes hommes vous intriguent. », prononça-t-il d'un ton qui laissait cependant bien deviner qu'il en était en réalité persuadé, et qu'il s'agissait de toute manière d'une évidence que n'importe qui aurait remarquée.

Le concerné se retourna vers lui, lui soufflant qu'en effet il était certain qu'ils leur cachaient quelque chose, et comptait bien mettre cette histoire au clair.

« C'est vrai qu'ils se ressemblent beaucoup et que cela peut prêter à confusion ; mais il ne faut pas oublier qu'ils sont en même temps assez différents.
- Il y a l'âge, d'accord, mais il faut quand même avouer que le petit a plus l'air adulte qu'autre chose.
- Et à part cela, qu'est-ce qui les différencie ? »

Intrigué par la question, l'Américain se contenta toutefois de se prêter au jeu et de réfléchir ; puis il répondit tout naturellement que le plus jeune portait des lunettes, contrairement au lycéen.

« Intéressant. Il dit qu'il est myope, n'est-ce pas ?
- Vous lui avez posé la question ?
- En effet ; mais vous ne voyez donc pas ? Regardez-le mieux, et vous verrez probablement quelque chose qui pourrait vous intéresser. »

Il ne lui laissa pourtant pas le temps d'y réfléchir tout de suite, préférant mettre en avant un autre indice :

« Il y a également quelque chose qui peut sauter aux yeux, si on y réfléchit : si, en effet, ils ont un secret à cacher, alors ce Heiji Hattori est dans la confidence. Il n'y a qu'à se souvenir des premières paroles qu'il a dites à notre arrivée pour en avoir la certitude. »

Le professeur se releva, se saisissant de son plateau et s'apprêtant à s'éloigner, mais il se stoppa alors qu'il s'était déjà retourné ; sa voix retentit une dernière fois, d'un ton grave cette fois-ci.

« Cependant, si j'étais vous, je n'irais pas plus loin. Il ne s'agit pas d'un secret qu'on peut révéler à tout va, alors je vous demanderai de faire attention durant votre petite “enquête”. Il y a certaines vérités qui ont une raison particulière pour être cachées ; j'ai suffisamment de raisons pour penser que celle-ci pourrait causer beaucoup de tort à une ou plusieurs personnes qui ne le méritent pas, si jamais elle était révélée. Alors je vous demanderai seulement d'être prudent. »

Il partit alors, ne laissant pas le temps au jeune adulte de lui parler davantage.
Ces dernières paroles qu'il lui avait adressées plongèrent ce dernier dans une profonde réflexion. Apparemment, il n'était pas le seul à avoir remarqué tous ces détails intrigants ; mais l'Anglais, même en ayant activement réfléchi à la question, semblait vouloir s'arrêter sans connaître l'exacte réponse à ses questions, et l'encourageait même à faire de même. Comme s'il savait déjà de quoi il s'agissait exactement, ou pour le moins en avait une idée particulièrement précise en tête.
En tous les cas, il lui avait mis à portée de main quelques indices sur lesquels il pouvait en effet réfléchir, alors autant continuer à se prêter au jeu. Il se mit à réfléchir à tous les moments où il avait pu les voir de près, étudiant ses souvenirs les plus précis sous toutes leurs coutures ; finalement, ses yeux se rouvrirent et s'écarquillèrent alors qu'il avait prêté un œil attentif à un détail bien particulier. Cela paraissait anodin et la majorité des personnes n'y prêtaient aucune attention ; mais désormais qu'il y pensait, cela paraissait évident.
Lui revint en mémoire toutefois un autre souvenir, cette fois-ci plus ponctuel, mais beaucoup plus décisif. Personne n'y avait pris garde non plus, sur le moment ; mais si l'on réfléchissait un tant soit peu à la disposition des personnes sur le moment, cela rayonnait de lucidité.

Au moment où Hattori s'était étonné de la présence de “Kudo”, le concerné était encore dans le couloir. Donc il était physiquement incapable de le voir sur le moment. Donc ce n'était pas sa présence qu'il avait remarquée à cet instant, mais celle de Conan.

Il se souvint enfin qu'alors qu'ils allaient sortir de son champ de vision, il avait pu voir de loin que les deux Tokyoïtes avaient fait signe à quelqu'un de venir les suivre ; cela avait été Twilight qui avait répondu à cet appel, puis qui avait disparu avec les trois autres personnes dans le couloir.

Mais bien sûr, c'était évident !

Hattori fixait les trois personnes lui faisant face avec des yeux exorbités. Il finit par ouvrir la bouche légèrement, comme pour répondre, mais les mots lui manquèrent ; aussi demeura-t-il dans cette expression béate et complètement désorientée durant les secondes qui suivirent. Au bout d'un court silence tendu, il parvint enfin à aligner quelques phrases intelligibles :

« A-Attendez. On la refait, d'accord ? Je crois que j'ai perdu le fil à un moment ou à un autre... C'est ça, j'ai commencé à perdre le fil à partir du moment où vous avez parlé du sort temporel. Faut m'excuser, j'ai vraiment du mal avec vos histoires de magie... »

Twilight poussa un long soupir, posant son sabot contre son front.

« D'accord, je recommence. En fait, la salle des machines se trouve juste à côté de la bibliothèque où nous avons exécuté le sort.
- Oui. Et ?
- D'après ce que j'ai pu comprendre, la machine qui permet de voyager entre les différents univers s'y trouve, et il est très probable qu'elle ait été en état de marche à ce moment-là ; je n'ai pas accès à son fonctionnement précis, mais il est possible que la distorsion de l'espace-temps qu'elle produit ait interféré avec le sort. Tu suis toujours ? »

Le détective au teint mat jugea bon de hocher mollement la tête, d'un air blasé.

« Donc on peut supposer qu'alors que le sort temporel allait se terminer, l'énergie qui s'en dégageait a été captée par quelque chose d'autre – la machine –, ce qui a fait que finalement les particules ne se sont pas assemblées là où il fallait et que par quelque chose qui doit ressembler à la théorie du chat de Schrödinger – tu connais le chat de Schrödinger, pas vrai ? – il y a eu dédoublement je suppose – mais c'est qu'une théorie hein – ce qui fait que le corps d'origine qui devait reprendre sa taille d'adulte n'a pas bougé alors que les particules ont dû être attirées par l'interaction électromagnétique de la machine ce qui a fait qu'on s'est trouvés avec deux corps à la place ; et j'y pense, j'ai aussi lu quelque chose à propos des neutrinos, ou encore du boson de Higgs, mais je ne sais pas encore quelle place ils prennent là-dedans – mais je suis sûre qu'ils sont pas du tout innocents dans cette histoire, j'en suis persuadée – alors je vais encore voir quelles informations je peux récupérer à ce propos... »

Au fur et à mesure que la licorne continuait ses élucubrations de plus en plus rapidement et de moins en moins clairement, paraissant plus s'embrouiller dans ses explications plutôt que d'être certaine d'avoir vraiment compris elle-même ce qu'elle expliquait, le lycéen se sentit bientôt plus perdu encore qu'il ne l'était auparavant. Finalement, le petit Kudo lui fit signe de se pencher pour qu'il pût parler à son oreille.

« T'inquiète. Le seul truc que tu as à retenir, c'est qu'elle a raté son coup et qu'elle est en train de te chercher une excuse foireuse pour expliquer pourquoi elle s'est foirée. »

Encore une fois, l'adolescent jugea bon d'acquiescer en faisant semblant d'avoir compris ; bien que cette dernière explication fût infiniment plus claire que toutes les précédentes réunies.

« J'y pense, il est quelle heure ? » demanda subitement le poney, s'interrompant lui-même dans son interminable discours que plus personne n'écoutait.

Conan jeta un coup d'œil rapide à sa montre, et lui répondit naturellement qu'il allait être treize heures ; comme si elle se souvenait soudainement d'un rendez-vous, elle commença à prendre un air inquiet, presque en panique.

« Je viens de me rappeler qu'en fait, je devais aller voir cette Saga Saeko, qui devait me parler des résultats de ses analyses d'hier sur la magie, expliqua-t-elle. Elle m'avait dit qu'elle devrait en avoir fini aujourd'hui, et comme j'étais curieuse de voir comment votre science interprèterait ça... »

Elle se rendit compte soudainement que les trois personnes à qui elle parlait ne l'écoutaient déjà plus ; tous trois s'étaient plongés comme dans une profonde réflexion depuis un certain point qu'elle avait nommé dans sa phrase, mais comme elle ne voyait pas du tout lequel :

« J'ai dit quelque chose de mal ? » demanda-t-elle innocemment.

Ils commencèrent par ne pas répondre, se contentant de la regarder comme s'ils doutaient de ce qu'ils devaient lui dire, mais finalement Shinichi se pencha légèrement vers elle avec un sourire rayonnant.

« Au contraire, je crois que tu as réussi à nous débloquer. Grâce à toi, on a un début de preuve. »

La licorne pencha légèrement la tête sur le côté, prenant un air à la fois désolé et perdu.

« Faut m'excuser si je ne réfléchis pas aussi vite que vous, mais là je ne vois pas du tout où vous voulez en venir. Vous parlez de quoi, au juste ?
- Tu as bien parlé de “Saga Saeko”, répliqua Hattori. Pas vrai ?
- Oui, mais...
- C'est une physicienne spécialiste dans les multivers, trancha Conan d'un ton grave.
- Et alors ? »

Elle ne paraissait vraiment pas voir ce qui n'allait pas. Les détectives poussèrent un profond soupir.

« Tu ne penses pas que pour étudier la magie, on aurait plutôt tendance à faire appel à quelqu'un de plus apte à comprendre ce domaine dans le monde du vivant ? demanda finalement Conan. Comme, je sais pas, moi, un biochimiste ? »

Il s'agissait évidemment d'une question rhétorique ; mais comme l'équidé paraissait ne pas savoir de quoi il s'agissait, ils durent se résoudre à croire que la science n'était pas aussi développée dans son univers.
D'un autre côté, si la magie permettait de faire toutes sortes de choses, la science perdait un peu de son utilité, et de sa crédibilité. Les poneys avaient-ils seulement pu imaginer le concept de gravitation si leur magie permettait de l'annuler en quelques instants ? Tiens, c'était une bonne question. Faudrait lui demander un jour.

« Mais je ne vois toujours pas où vous voulez en venir, marmonna Twilight en posant son sabot près de son museau.
- Pour faire court, on la suspecte d'être une des personnes responsables de tous nos problèmes, répliqua le lycéen au teint mat.
- Hein ? Mais pourquoi ? Elle n'a vraiment pas l'air suspect, pourtant... »

Les Japonais crurent bon de ne pas rappeler qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences, préférant plutôt lui détailler les raisons qu'ils avaient de soupçonner la jeune scientifique. Au final, elle dut bien se résoudre à croire qu'en effet, elle avait de bonnes raisons d'être le principal suspect.

« Mais alors, qu'est-ce qu'on attend pour l'arrêter ?
- On ne pourra rien faire tant qu'on n'aura pas de preuves, lâcha Shinichi en soupirant. C'est bien là le problème.
- Qu'est-ce que vous entendez par preuves ? Vous pensez qu'elle va écrire quelque part qu'elle est coupable, peut-être ? »

Il s'agissait évidemment d'une ironie ; mais pourtant, l'enfant eut quelque chose à y redire :

« L'avantage qu'ont les détectives sur les coupables, c'est qu'ils ont généralement affaire à des êtres humains – enfin, des êtres tout court on va dire –, qui ne peuvent être parfaits ; elle fera forcément une erreur à un moment ou à un autre, qui nous fournira une preuve irréfutable.
- Mais quand même, ça veut dire qu'on devra attendre un moment dans ce cas. Si on fouillait directement son laboratoire, on pourrait éventuellement dénicher quelque chose d'intéressant, non ? »

Tous trois poussèrent encore un soupir. Fallait-il vraiment tout lui expliquer ?

« On ne peut pas faire ça sans la mettre au courant, rétorqua le détective d'Osaka. On est dans un quartier général de l'armée, il y a des caméras quasiment partout alors on ne pourra jamais fouiller quoi que ce soit sans se faire remarquer ; et le temps de demander l'autorisation de mener une enquête, elle aura eu le temps de s'en apercevoir et de supprimer toute trace de preuve au moins dix fois, alors ça ne servira à rien au final.
- Et si on enquête sans que personne ne s'en rende compte ? insista-t-elle.
- Attends, je viens de te dire que c'est pas possible avec toutes ces caméras partout ! À moins que tu n'aies un sort d'invisibilité ou un truc comme ça, je vois pas comment on pourrait s'en sortir. »

Silence. Hattori prit soudainement un air moins énervé.

« T'as un sort pour rendre les gens invisibles, c'est ça ?
- Bien sûr que non, rétorqua-t-elle d'un air qui laissait dire que c'était l'évidence même. Ça se saurait si les licornes pouvaient dévier la lumière comme ça. »

Silence. L'adolescent enfonça son crâne dans sa main, se massant le front pour essayer d'écarter la nausée qui le reprenait.

« J'abandonne, lâcha-t-il soudainement. J'y comprendrai vraiment jamais rien. »

Twilight poussa un petit soupir désolé, tentant de s'excuser en lui proposant d'essayer de tout lui expliquer en détail ; mais il lui répliqua qu'il valait mieux éviter. Cela ne ferait qu'empirer les choses.
De leur côté, les deux alter-egos continuaient de réfléchir sur le problème initial. Peut-être que malgré tout, avec la magie de leur côté, ils pourraient trouver un moyen.
Peut-être. Il suffisait de trouver la bonne méthode.

« Mais en fait, quand on y pense, on n'a pas besoin d'être invisible pour ne pas se faire voir par qui que ce soit, marmonna le lycéen Tokyoïte. Il suffit d'être suffisamment discret, et de ne pas se faire repérer par les caméras.
- Génial, rétorqua Hattori avec sarcasme. Et comment tu comptes faire ça ?
- En fait, je crois que je vois ce que je peux faire. »

Tous se retournèrent avec surprise vers la ponette, lui demandant du regard de s'expliquer ; elle eut pour unique réponse qu'il s'agissait d'un sort qui n'avait rien à voir, mais qui permettrait, si on était suffisamment discret, de passer totalement inaperçu, y compris aux yeux des caméras de surveillance.

« Par contre, pour que ça ait une chance de marcher, il ne faut pas qu'on le fasse tous. Conan est le plus petit, alors je pense qu'il serait le mieux placé pour rester discret, et en attendant nous pouvons faire diversion ; je m'occuperai en particulier de maintenir l'attention de Saga Saeko, puisque de toute manière je dois la voir. »

Bien que n'appréciant pas tout particulièrement que l'on rappelât sa condition actuelle, l'enfant ne broncha pas et se contenta de faire la moue, haussant les épaules. Comme les lycéens semblaient en accord avec elle, cette dernière n'attendit pas plus longtemps pour faire luire sa corne.

« Attends, tenta toutefois le petit Tokyoïte, tu n'as toujours pas dit ce que tu— »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il sentit ses pieds quitter le sol. Bien que pris par surprise, il ne lâcha qu'une très légère interjection montrant qu'il ne s'attendait pas à cela, sans pour autant réagir plus. La lumière violette qui l'entoura se faisant de plus en plus opaque et aveuglante, il ne put que se résoudre à fermer les yeux tout en se les protégeant de ses bras.
Décidément, il commençait vraiment à en avoir assez d'être toujours le cobaye. Un échec avait déjà suffi, alors si désormais il ne savait même pas à quoi s'attendre... Que pouvait-il lui arriver ? Il n'osa même pas songer à un second échec.

Finalement, il sentit ses pieds entrer doucement en contact avec une base solide. À première vue, il ne ressentait rien de particulier qui aurait changé par rapport à auparavant...

« Euh, Kudo... »

C'était Hattori. Il avait l'air plutôt surpris. Apparemment, il avait vu ce qui avait changé, et il voulait dire quelque chose à ce propos avant qu'il n'eût le temps de comprendre ce qui avait bien pu se passer.

« N'ouvre pas les yeux, d'accord ? Pas tout de suite. »

Mais pourquoi donc ? Que s'était-il passé, alors ?
Bah. Après tout, si c'était lui qui lui demandait, il valait mieux l'écouter.
Désormais qu'il y pensait, il lui semblait qu'il percevait quelque chose de bizarre. Quelque chose lui mettait la puce à l'oreille, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

« Je vais poser une question idiote, mais... Juste comme ça, t'as pas le vertige, hein ? »

Ah, ça y était, il voyait ce que c'était.

La voix semblait provenir d'au-dessus. Mais par “au-dessus”, il entendait au plafond.

Il ouvrit les yeux et ne vit personne aux alentours. Le couloir était aussi interminable qu'auparavant, mais cette fois dénué de portes. Ce qui semblait confirmer ses craintes.
Il leva la tête, contemplant le plafond. En voyant ses trois amis le fixer depuis cet endroit, il en fut tellement surpris qu'il poussa un petit cri de stupéfaction et en perdit l'équilibre, tombant au sol.
Mais en réalité, il eut été plus correct de dire qu'il était tombé au plafond.

« J't'avais prévenu... »

Le temps de rassembler ses idées, l'enfant vit son alter-ego se tourner vers la licorne et lui demander d'un air abasourdi ce qu'était exactement ce sort, ainsi que son rapport avec l'enquête.

« Je vois pas vraiment le problème qu'il y a avec ça, marmonna-t-elle en soupirant comme s'il s'agissait de quelque chose de parfaitement normal. C'est juste un sort d'inversion de gravité, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise d'autre ?
- Attends. Déjà que tu as complètement changé la conception qu'on avait de l'individu unique, tu vas pas te mettre à chambouler la définition même du haut et du bas... » marmonna Conan en enfouissant sa tête dans sa main.

Le poney ne prêta aucune attention particulière à cette remarque, se contentant de se justifier en disant que les caméras comme les gens avaient généralement peu tendance à être tournés vers le haut ; comme les plafonds étaient particulièrement hauts, cela pouvait être ainsi facilement tourné à leur avantage puisque ce sort leur permettait, à condition de ne pas attirer l'attention par un quelconque bruit ou geste particulièrement remarquable, d'être hors champ des caméras, et d'être plus ou moins invisible aux yeux de la plupart des personnes présentes.
L'enfant finit par pousser un soupir tout en esquissant un sourire nerveux.

« Laisse-moi deviner. Tu vas pas me faire redescendre avant qu'on ait pu trouver cette preuve, hein ?
- Ne sois pas si pessimiste ! rit-elle d'un air légèrement embarrassé. On va juste essayer, c'est tout. Du moment que tu ne te fais pas repérer, il n'y a aucun problème qu'on puisse avoir, n'est-ce pas ?
- Ouais. Mais maintenant, il faut réfléchir à un dernier problème, souligna Hattori d'un ton blasé. Même s'il voit les preuves, comment qu'il va les chercher, maintenant ? »

Silence. Twilight baissa un regard penaud et se sentit rougir.

« ... J'en ai aucune idée. »

« Dis, Tachibana-chan, je peux te parler un instant ? »

Hibiki tourna la tête vers le lycéen qui venait de l'appeler et lui affirma chaleureusement qu'il n'y avait aucun problème, lui demandant même avec enthousiasme ce qu'elle pourrait faire pour l'aider.
Shinichi se pencha légèrement à son oreille, afin de pouvoir murmurer ; il ne fallait pas se faire entendre des oreilles indiscrètes.

« En fait, ça ne te dérangerait pas que je t'emprunte ton portable durant, disons, une demi-heure à une heure ? J'ai besoin d'enquêter, et il me faut absolument un appareil photo. »

Bien que surprise par une requête si inattendue, la jeune Japonaise retrouva le sourire lorsqu'il lui expliqua ce pour quoi il en avait besoin, aussi n'hésita-t-elle pas à sortir le petit appareil de sa poche, le lui tendant amicalement en lui demandant simplement de ne pas l'abîmer.
Toutefois, avant de s'en saisir, l'adolescent eut une dernière demande :

« Il n'y aurait pas un moyen de l'empêcher de sonner ? Ce serait dommage que ça arrive, alors qu'on veut être discret...
- Aucun problème ! Je vais activer le mode silencieux, alors. »

En effet, elle tapota quelques secondes l'écran de son téléphone, avant de le lui tendre de nouveau. Alors qu'il allait s'éloigner, elle lui souhaita bonne chance avec un petit clin d'œil amical.

Ran se tourna alors vers elle, et lui demanda naturellement la raison de la venue de son ami ; elle savait pertinemment que s'il avait une requête à lui demander, alors cela avait forcément un rapport avec son enquête.
Lorsque la jeune blonde lui expliqua tout dans un murmure, afin de conserver le secret, sa confidente baissa le regard, esquissant un très léger sourire triste.
Un de ces jours, il finirait par s'attirer des ennuis. C'était certain.

Shinichi arriva finalement, haletant. Personne ne l'avait suivi dans sa course, ni même interrompu pour lui demander ce qu'il avait, donc c'était bon signe. Une fois arrivé et certain d'être hors de vue des indiscrets, il s'autorisa enfin à sortir son trophée de sa poche, le montrant à ses trois amis qui l'avaient attendu là.
Conan regarda nonchalamment sa montre.

« Trois minutes vingt-quatre secondes. T'as pris ton temps. En même temps, c'est pas toi qui es pendu la tête en bas depuis tout à l'heure. »

Ne trouvant rien à redire, et n'ayant de toute manière pas suffisamment de souffle pour le dire, l'aîné se contenta d'expirer un peu plus fort, ce qui devait probablement faire office de soupir agacé.
Ne prêtant aucunement part à cette discussion, Twilight se contenta de faire luire sa corne, faisant léviter le petit engin jusqu'au plafond afin que l'enfant pût s'en saisir. Une fois ceci fait, après quelques paroles rapides résumant encore une fois le rôle de chacun dans l'affaire, le groupe commença de se scinder, chacun partant de son côté ; seul le gamin resta là où il était, comme convenu. Il n'était pas raisonnable de traverser de nombreux couloirs et de risquer de croiser quelqu'un alors qu'il était dans une condition si insolite : aussi était-il préférable de rester dans ce coin sombre à l'abri des regards, jusqu'à ce que la ponette fût arrivée à destination. Ce ne serait qu'à ce moment qu'elle l'y téléporterait à son tour avant qu'elle ne vînt voir la suspecte, car il valait mieux vérifier au préalable qu'aucun regard indésirable ne serait, encore une fois, dans les parages.

Au bout de quelques secondes en effet, une lueur mauve apparut de nulle part et vint l'entourer, formant comme une bulle de lumière autour de lui ; se laissant faire, il ne fut pas surpris de voir un décor totalement différent lorsque ce cocon opaque s'évanouit.

Depuis le sol, Twilight lui jeta un dernier clin d'œil encourageant ; puis elle frappa à la porte, attendant patiemment la réponse avec un air naturel.

Bien. La mission d'infiltration pouvait dès lors commencer.

« Mais en fait, comment s'appelait-elle ? Comment est-elle morte, au juste ? »

Tsubasa n'osait pas réagir. Même si la seule chose dont elle avait envie désormais était qu'on la laissât seule, elle ne disait rien.
De son côté, Rose hésitait de plus en plus à lui poser ces questions ; pourtant, elle voulait réellement savoir. Elle voulait savoir ce qui était arrivé à cette personne. Elle voulait savoir comment elle pouvait obtenir une relique. Elle voulait savoir si elle aussi pouvait jouer un rôle dans cette affaire. Car elle ne voulait pas rester au second plan.

Finalement, elle vit un homme s'approcher d'un air grave. Ogawa Shinji lui fit signe de la suivre sans poser de question, puis s'arrangea pour l'éloigner de la candidate. Puis, après quelques paroles rapides :

« Je vous conseillerai juste d'éviter de lui en parler. Déjà qu'en temps normal elle est plutôt réservée, surtout à cause de cet évènement, lui poser des questions dessus ne va pas vraiment arranger les choses. Vous n'allez que la faire souffrir davantage, et vous n'allez pas obtenir vos réponses pour autant. »

La Londonienne acquiesça d'un air penaud, se mordant la lèvre et tentant de s'excuser. Il était vrai qu'elle avait été plutôt maladroite.

« Vous croyez qu'elle s'en remettra un jour ?
- Je ne sais pas. Cela fait encore un peu moins de trois ans que c'est arrivé, mais il faut lui laisser du temps. »

Silence. Les deux adultes ne bougeaient pas.

« C'était quelqu'un avec qui elle s'entendait bien. »

Silence. Cela avait probablement voulu être prononcé avec une tonalité de question, et pourtant la phrase de la jeune femme avait été dénuée de toute émotion particulière. Mais Ogawa acquiesça gravement, comme s'il l'avait bien compris.

« Vous savez comment s'appelait cette personne ?
- Kanade Amou. Elle avait dix-sept ans. »

Silence.

« Que lui est-il arrivé ?
- Manque de compatibilité avec son Gear. Et Chant du Cygne alors qu'elle était à bout de forces. »

Silence.

« C'est-à-dire ?
- Comme elle ne pouvait normalement être physiquement capable d'être compatible avec une relique, on lui administrait du LiNKER pour augmenter son taux de compatibilité. Mais comme elle a dû combattre à un moment alors qu'elle n'en avait pas pris, et qu'en plus elle a chanté son Chant du Cygne, son corps n'a pas pu le supporter. »

Silence.

« Vous voyez maintenant pourquoi on ne donne pas de reliques à n'importe qui, et pourquoi on a si peu de candidates. Si on recherche des personnes compatibles au lieu d'en rendre d'autres compatibles, on a moins de chances de tuer quelqu'un. C'est pour ça qu'on a dit que nous n'avions pas vraiment le choix. »

Haha, tiens donc, qu'est-ce que cela ?! Il semblerait que le chapitre soit trop long pour tenir sur un seul article ?! Wow. D'accord, ça m'apprendra à l'avenir à faire des chapitres de trente-quatre pages... xD
~ Suite du chapitre VI ~
Article ajouté le Mardi 26 Novembre 2013 à 18h10 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre VI (Seconde partie)

Chapitre VI ~ Les théorèmes de Bernoulli
[2/2]

En y réfléchissant encore, le problème du magatama était quand même un bien étrange mystère. Pourquoi n'avait-il pas réagi sur ce Docteur ? Comment avait-il pu être à l'origine de son voyage dimensionnel, à lui comme à Maya ? Cela n'avait à première vue pas de sens.
Tandis qu'il tentait d'assembler des pièces d'un puzzle bien loin d'être complet, Phœnix tournait et retournait le petit objet luisant légèrement entre ses doigts ; comme si l'observer sous toutes ses coutures allait lui apporter la réponse qu'il cherchait.

« Ce genre de petits bibelots est vraiment fascinant ; je n'en avais encore jamais vu entre les mains d'humains, et j'ignorais qu'il leur serait possible d'en trouver par soi-même un jour. »

L'Américain lâcha une légère interjection de surprise – sans pour autant l'être réellement : il avait juste été tiré de ses pensées sans prévenir, mais n'avait pas pour autant sursauté le moins du monde – tout en tournant sa tête vers celui qui venait de parler.
Le Docteur. Il avait fini par oublier qu'il était à ses côtés, vu qu'il ne s'était pas manifesté depuis un moment déjà.
Un mot bien particulier qu'il avait prononcé l'étonna toutefois, et attira sa curiosité :

« Vous avez bien dit “humain” ? Qu'est-ce que vous entendez exactement par-là ? Si vous savez déjà de quoi il s'agit, comment pouvez-vous dire que vous ignoriez que des humains pourraient en posséder ? »

L'avocat discerna du coin de l'œil une légère intensification de la lueur de son magatama ; comme s'il allait réagir. Et pourtant, il ne vit pas le moindre verrou lorsque son interlocuteur lui répondit qu'il n'avait pas besoin de le savoir.
Quelque chose clochait. Ce type avait les moyens de stopper, d'une manière ou d'une autre, l'effet du magatama. Ce n'était pas logique, il ne voyait vraiment pas comment, mais il n'y avait pas d'autre possibilité.

« Vous savez ce que c'est, marmonna-t-il en présentant le petit bijou devant lui.
- Pas exactement. Mais il semblerait que cela peut pénétrer dans l'esprit des humains pour révéler les secrets qu'ils cachent. C'est bien ça ?
- Vous nous cachez beaucoup de choses concernant votre identité, Docteur. Alors pourquoi ne fonctionne-t-il pas ? »

Silence. Le Docteur tourna lentement son regard vers lui, le transperçant de ses yeux froids.

« Je l'ai déjà dit : ce machin peut pénétrer dans l'esprit des êtres humains. Mais il suffit d'avoir un minimum de force psychique pour passer au travers. C'est en ça que les humains sont vraiment faibles : le moindre papier à peine psychique peut les tromper et leur faire voir à peu près n'importe quoi. »

Il avait un petit rire à la fois ironique et, d'un certain côté, à peine triste. Presque comme s'il éprouvait de la pitié face à cette faiblesse dont il parlait.

« Je ne vous suis pas. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Rien de plus que ce que j'ai déjà dit, vous savez.
- Pourquoi ne vous incluez-vous jamais quand vous parlez des humains ? Vous n'en êtes pas un, peut-être ? »

Le silence que ce curieux personnage maintint avec obstination tenait lieu de réponse. Paradoxalement, cette absence de paroles prolongée était beaucoup plus claire que n'importe laquelle des répliques qu'il lui avait adressées.
Lorsque Phœnix lui demanda au bout d'un instant ce qu'il était, s'il n'était pas réellement un être humain, le Docteur reprit finalement la parole. Mais bizarrement, ce fut uniquement pour changer totalement de sujet :

« Vous savez, votre carte d'identité n'est pas très bien cachée ; je n'ai eu aucun mal à vous l'emprunter, c'est dire que votre attention peut facilement être déviée par n'importe quoi du moment que ça vous intrigue. »

Tout en disant cela, l'homme avait en effet sorti de sa poche un petit carton que l'avocat reconnut avec effarement. Totalement dérouté, il se précipita vers son portefeuille qu'il ouvrit et feuilleta de long en large, comme pour vérifier qu'il n'en avait pas profité pour lui “emprunter” autre chose ; quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il y vit, à sa place, sa carte d'identité. Comme si elle n'avait jamais quitté sa place.
Lorsqu'il releva le regard, il remarqua avec stupéfaction que le Docteur ne présentait plus qu'une vulgaire feuille blanche.

« Papier psychique, expliqua-t-il simplement. Je vous l'ai dit : vraiment faibles. »

« Oh, Twilight ! C'est pour tes résultats, n'est-ce pas ? »

La licorne acquiesça tout naturellement ; la scientifique esquissa un sourire innocent, affirmant que justement elle venait de terminer de les mettre au propre. L'invitant à entrer, elle ne remarqua pas qu'un petit gamin avait déjà passé le pas de la porte par le haut, déjà réfugié dans un coin de son laboratoire et tentant de ne pas se faire repérer.
Sans hésiter, Saga Saeko se dirigea aussitôt vers un paquet de feuilles bien ordonné sur son bureau et le lui présenta avec son indétrônable sourire.

Un paquet de feuilles tout prêt alors qu'elle venait de le terminer ? Au vu des nombreuses autres feuilles en vrac sur son bureau juste à côté, c'était difficile à croire : en réalité, il était évident qu'elle avait terminé ces fameuses recherches depuis longtemps, et était en fait affairée à tout autre travail jusqu'alors.
Même si Twilight paraissait n'y avoir vu que du feu. Heureusement qu'il était là pour voir les indices louches à sa place.

Lorsqu'elle éparpilla les feuilles devant la ponette pour lui montrer ses résultats, cette dernière fit la moue et se plaignit, affirmant qu'elle ne voyait qu'une suite de caractères incompréhensibles. D'abord surprise, la scientifique reprit toutefois rapidement un petit sourire en coin à l'expression totalement indéchiffrable ; puis elle marmonna d'un ton à l'air désolé qu'apparemment le TARDIS ne traduisait que l'oral et n'avait aucune influence sur la langue écrite, ce à quoi Twilight répondit en soupirant qu'elle s'excusait de devoir l'obliger à lui lire et expliquer ce qui y était inscrit.
Tandis qu'elle s'arrangeait pour l'empêcher de dévier ses yeux de ces feuilles dont le contenu lui était en fin de compte totalement égal, elle jetait de temps en temps de petits regards au plafond, comme pour s'assurer que l'autre partie du plan se déroulait sans encombre.

Les feuilles étaient en désordre ; mais peu importait. Même si leur contenu entier n'était pas visible, une grande partie était déjà exploitable.
Conan se saisit de la branche gauche de ses lunettes, appuyant sur un discret bouton qui s'y trouvait. Le verre se teinta très légèrement, et alors qu'il gardait son doigt sur un autre bouton juste à côté, l'image apparaissant au travers de ses lunettes s'agrandit, jusqu'à ce qu'il pût lire aisément ce qui était écrit.

Vraiment, quelle formidable invention que les lunettes télescopiques. Assurément, il remercierait le professeur Agasa dès qu'il le verrait pour lui avoir ajouté ce petit gadget quelques jours plus tôt.

Une fois que le texte présent fût suffisamment agrandi pour être lisible, il parcourut rapidement quelques lignes à sa disposition. Heureusement que Twilight avait fait semblant, comme convenu, d'être incapable de lire le japonais : si la suspecte savait que le TARDIS pouvait également traduire l'écrit, elle se serait obligatoirement méfiée ; et si quoi que ce fût de suspect traînait encore quelque part sur son bureau, écrit sur une feuille parmi tant d'autres, alors elle s'empresserait de le ranger et ne le laisserait jamais en vue. Ainsi, jouer sur sa garde constituait un avantage précieux et incontournable ; et tandis que la licorne occupait la scientifique, il avait tout son temps pour chercher ce qui l'intéressait.

Au bout de quelques minutes de recherches et de tri des informations, enfin quelque chose d'intéressant apparut dans le champ de ses lunettes : il lut les courtes lignes d'une liste de noms figurant sur une feuille, tenta de déchiffrer sur une autre d'interminables calculs qu'il interpréta tant bien que mal à l'aide du texte figurant entre les équations, pour finalement en déduire ce qu'il pouvait conclure à partir de ce qu'il avait sous les yeux. Il ne lui manquait désormais plus que prouver l'existence de ces sources certaines, aussi se décida-t-il enfin à sortir le portable d'Hibiki qu'il avait rangé dans sa poche.
Comme pour son alter-ego, il ne lui fut pas difficile de comprendre les mécanismes de la petite merveille de technologie ; il découvrit avec regret que l'appareil photographique disponible ne pouvait effectuer le moindre agrandissement, aussi sa tâche en était-elle légèrement compliquée en conséquence.
Il dut se résoudre à s'assoir en tailleur contre le coin du mur, en profitant par ailleurs pour calmer un tant soit peu la douleur de son cou, qu'il avait gardé dans une position fort peu confortable jusqu'alors. Tenant le petit engin de la main droite, il tenta d'ôter ses lunettes à l'aide de son autre main ; mais alors qu'il cherchait l'exact endroit où se cachait l'objectif du téléphone en le faisant tourner et retourner dans sa main, penché dessus, le petit objet finit par lui échapper. Contrairement à ce à quoi son bon sens premier lui criait, il surprit le portable à s'élever jusqu'à le frapper au front, puis continua sans dévier sa trajectoire avant que le détective ne pût le rattraper au vol. Le gamin tordit de nouveau son cou, regardant d'un œil à la fois terrorisé et impuissant la petite merveille de technologie qui se rapprochait inexorablement du sol.

Qu'il était bête. Il avait oublié que le téléphone, lui, était soumis à la vraie gravité.

Il se mordit la lèvre. Le petit rectangle noir tomberait au sol. Peut-être se briserait-il, peut-être pas ; il ne connaissait pas la résistance de ces engins, et même si cela devait être solide, cela tombait quand même de haut. Mais en tout cas, quand cela entrerait en contact avec le sol, cela ferait du bruit. Beaucoup de bruit. Assez pour se faire remarquer. Donc Saga Saeko les découvrirait. Ils perdraient toute chance d'avoir une preuve irréfutable de ce qu'il avait trouvé. Car personne n'irait croire un gamin. Et même si c'était le cas, il était impossible de pouvoir deviner avec exactitude ce qui se produirait. Il ferma les yeux, ne voulant pas voir l'impact que cette stupide erreur ferait sur l'investigation en elle-même, et donc sur la suite de l'affaire.

Il attendit une demi-seconde dans l'angoisse. Ce temps devait être suffisant pour que ce destin imprévu et indésirable fût scellé, et pourtant il n'entendit rien. Curieux et trop heureux de s'être trompé, il ouvrit un œil, puis les deux, observant avec soulagement la petite lumière mauve dansante qui désormais entourait le petit engin. Lorsqu'il jeta un regard à Twilight, cette dernière lui rendit une expression impassible, mais dont les yeux parlaient bien suffisamment d'eux-mêmes : il perçut sans aucun problème la petite nuance dans ces deux pupilles noires de “Fais attention la prochaine fois. T'as failli tout faire rater, idiot.”, ce à quoi il répondit par un sourire désolé et penaud.

La licorne vérifia rapidement que la scientifique ne regardait pas dans la direction où se trouvait le portable avant de le faire s'élever jusqu'à ce que Conan pût enfin le récupérer ; durant les minutes qui suivirent, il parvint à placer l'objectif dans le cadre de ses lunettes télescopiques, pouvant enfin prendre des photographies de suffisamment bonne qualité pour être exploitables. Quand ce fut fait, il fit signe à Twilight que sa tâche était terminée et qu'elle n'avait plus qu'à s'arranger pour quitter la salle le plus rapidement possible. Ils n'avaient pas de temps à perdre.

« Ne, Hibiki-neechan, je peux te poser une question ? »

En se retournant vers le petit gamin à lunettes, la concernée sourit innocemment et lui affirma qu'il n'y avait aucun problème, qu'il n'avait pas à hésiter.

« En fait, quand j'ai croisé Shinichi-niichan tout à l'heure et que je lui ai demandé s'il avait trouvé quelque chose, il n'arrêtait pas de parler de trucs bizarres, et j'y comprenais rien.
- C'est dommage... peut-être es-tu un peu jeune pour pouvoir les comprendre ?
- Hibiki-neechan, tu sais ce que c'est une onde Aufwachen ? »

Silence. L'adolescente le considéra un instant avec deux yeux surpris d'entendre ces deux mots en provenance de la bouche d'un si petit enfant.

« Shinichi-niichan n'arrêtait pas d'en parler, mais quand j'ai voulu lui demander ce que ça voulait dire il m'a dit qu'il ne savait pas. Toi, tu sais ce que ça veut dire ?
- On va dire que je sais à peu près de quoi ça parle, mais... où est-ce qu'il a entendu ça ?
- Je sais pas. Il a dit qu'il le dirait tout à l'heure, si tu me dis ce que c'est qu'une onde Aufwachen.
- Mais pourquoi n'irait-il pas me le demander lui-même ? »

L'enfant se haussa alors sur les pointes de ses pieds pour pouvoir lui murmurer à l'oreille :

« Parce que quelqu'un nous regarde. Si on voit un détective poser des questions louches, on va se douter que quelque chose cloche ; mais si c'est un gamin comme moi, il n'y a pas de problèmes du moment qu'on reste discrets, hein ?
- Je suppose... »

Silence. Conan semblait la supplier du regard de lui répondre, et pourtant elle attendait. Finalement, au bout d'un moment, elle se décida à se pencher à son oreille.

« Dis-moi, Conan-kun... T'as pas un peu l'impression que Kudo-kun se sert un peu de toi, par moments ? »

Le petit Tokyoïte étouffa un petit rire nerveux, haussant les épaules.

« Tout le monde n'a pas la chance d'être un gamin innocent dont personne ne se méfie. »

« Wow wow wow, qu'est-ce qui se passe ?! »

Tout en la conduisant vers le réfectoire, Ogawa tenta de calmer Pinkie Pie qui était plus excitée que jamais.

« Je ne sais pas, avoua le Japonais dans un soupir. Tout ce que j'ai compris est qu'on m'a demandé de rassembler tout le monde dans le réfectoire. »

La queue du poney rose se mit à frétiller, sans aucune raison ; l'homme n'y prêta attention que parce que ce dernier redoubla d'excitation et devint plus difficile encore à maintenir en place. Quoique, après réflexion, c'était désormais plus une sorte d'angoisse que l'équidé faisait ressentir désormais. Totalement enragée, elle criait en sautillant partout que quelque chose allait tomber quelque part dans peu de temps, parce que sa queue remuait.
Vraiment, il fallait se demander si les asiles existaient dans l'univers d'où elle venait. Il fallait croire que non, car il lui semblait évident qu'elle eut été internée depuis longtemps si c'était le cas.

Lorsqu'ils parvinrent enfin dans le réfectoire de l'Abyss, la première chose qu'ils purent remarquer sans difficulté fut qu'ils étaient loin d'être les premiers arrivés : la salle paraissait déjà quasiment pleine, bien qu'elle ne le fût en réalité qu'à moitié ; mais c'était certainement le bruit qui donnait l'illusion d'une foule immense.

Enfin, au bout de quelques minutes, une voix se suréleva parmi les autres et imposa le silence : c'était le détective Shinichi Kudo. Le dernier arrivé sans compter Heiji Hattori, mais celui qui apparemment avait été le plus efficace ; car il était évident que s'il était à l'origine de cet attroupement, c'était parce qu'il avait quelque chose à annoncer. La vérité, en somme, s'il y avait quoi que ce fût à révéler que tous ignoraient jusqu'alors.

Le silence obtenu, à peine une demi-seconde de plus s'écoula avant que le lycéen ne reprît la parole, affirmant qu'en effet il avait compris, non pas tout, mais une partie assez importante de ce qui se passait.

« Pour commencer, nous avions tous depuis le départ des doutes quant à l'identité de la personne qui est – au moins – l'un des responsables de notre présence ici, ainsi que de tout ce qui se passe partout ailleurs : les invasions du Noise, les soi-disant failles dans les univers... »

Dans son coin, le Docteur sourcilla. Voilà qu'on remettait en cause quelque chose qu'il avait pu constater et vérifier avec l'état du TARDIS, tiens. Personne n'avait encore jamais osé lui faire un tel affront.

« ... même si nous n'avions, toutefois, aucune preuve pour le justifier ; mais suite à une petite enquête rapide – un peu clandestine, certes, mais nous n'avions pas vraiment le choix –, nous avons enfin pu trouver à la fois une preuve de la culpabilité de la personne que nous soupçonnions, à la fois un début d'explication à tous ces phénomènes. »

Ainsi, il avait mené une enquête dans un sous-marin de l'armée sans en avoir demandé l'autorisation ? Les adultes, bien qu'ils eussent été tentés de le réprimander en une autre occasion, durent cette fois se soumettre à l'idée que cette audace inattendue avait eu le bénéfice de les faire avancer. En espérant seulement qu'il n'y avait pas d'erreur dans le raisonnement qui suivait, mais peu avaient un doute réel qu'il pût vraiment s'être trompé.

Pinkie Pie hurla qu'il devait dire de qui il parlait, parce qu'elle commençait à s'impatienter et qu'en plus le suspense ce n'était pas bien quand il durait trop longtemps et que de toute manière s'il continuait à parler sans dire de qui il parlait ils finiraient tous par perdre le fil et qu'en plus sa queue remuait alors ils n'avaient pas de temps à perdre car quelque chose allait tomber quelque part et il fallait absolument se mettre à l'abri. Certains tentèrent de la faire taire, mais le Tokyoïte dut finalement se résoudre à suivre sa requête pour pouvoir être certain d'être capable de continuer ses déductions en paix :

« Il y a certaines personnes ici que je ne surprendrai pas lorsque je prononcerai le nom de Saga Saeko ; mais toutefois, je dois avouer qu'il y a tout de même quelque chose qui me surprend encore, et dont je ne pourrai obtenir la réponse que du coupable lui-même : j'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous attendiez de nous exactement, alors que vous auriez pu nous tuer tout de suite. »

Silence. Lorsque le nom de la scientifique avait franchi le seuil de ses lèvres, les personnes à proximité de la suspecte désignée s'en écartèrent avec un mouvement de stupeur et, en même temps, d'un certain effroi. Car si ce gamin disait vrai, alors elle était capable de contrôler le Noise. Et c'était donc l'une des personnes responsables de toutes ces attaques si dévastatrices, si ce n'était la seule. L'idée que, durant tout ce temps, ils étaient aux côtés d'un assassin les terrorisa au point que toute trace d'agitation s'évanouit dans la salle.
Même Shinichi s'était tu, se contentant de regarder d'un œil glacial celle qu'il avait désignée. Tout le monde dévisageait cette jeune femme à l'air si innocent, attendant qu'elle réagît. Qu'elle fît n'importe quoi, qu'elle clamât son innocence ou bien qu'elle apportât la réponse à la question qu'il lui avait posée. Ce silence était tout simplement insupportable.

Finalement, les lèvres rosées de l'accusée remuèrent délicatement. Mais ce qu'elle avait à dire créait un tel contraste avec l'atmosphère présente que ses paroles ne firent que l'appesantir encore plus qu'auparavant.

« C'était un jeu. »

Elle marqua une pause qui parut durer une éternité. Puis elle continua :

« Je voulais vérifier que les détectives dont j'avais tant entendu parler dans la presse des différents univers que j'ai visités au cours de mes recherches étaient vraiment aussi talentueux que ce que l'on disait, et qu'ils risquaient vraiment d'être assez dangereux pour être capables de me stopper dans l'élaboration de mon plan. Mais avant de les tuer, j'étais curieuse de savoir lequel d'entre eux comprendrait en premier... Apparemment, j'en ai la réponse, maintenant. »

Silence.

« Enfin ; qu'attend notre cher Sherlock Holmes de l'ère Heisei pour expliquer ce qu'il a trouvé de si intéressant pour pouvoir m'accuser avec tant de confiance ? »

Bien qu'elle eût probablement tenté de le piquer au vif, cette question rhétorique ne parut pas atteindre le moins du monde l'adolescent ; il se décida tout de même, au bout d'un instant, à obéir, commençant enfin d'expliquer ce qu'il avait pu comprendre :

« L'une des choses que j'ai retrouvées le plus souvent dans vos rapports était l'expression “onde Aufwachen”. Je suppose que tous ceux qui sont originaires de cet univers savent de quoi il s'agit ; en tout cas, tous ceux qui côtoient régulièrement ce sous-marin. »

Il jeta un rapide coup d'œil à son petit alter-ego, au premier rang dans la foule, qui le regardait fixement depuis le début ; mais il ne paraissait pas broncher. Ne pas mentionner son implication dans le plan était préférable pour maintenir sa couverture ; car personne n'aurait envoyé un simple enfant de sept ans jouer les espions.

« Quoiqu'il en soit, il s'agit d'une énergie électromagnétique d'une longueur d'onde bien particulière ; et elle est libérée essentiellement grâce à des reliques : c'est en particulier lorsqu'elles s'activent que l'onde Aufwachen est la plus forte. Mais là n'est pas le problème : vos recherches ont permis de comprendre qu'une onde Aufwachen permettait, avec suffisamment d'énergie, de créer des passages entre différents univers ; et lorsque vous avez compris ça, vous avez pu établir les plans de votre machine. Au vu de l'immense potentiel d'une telle invention, vous avez rapidement attisé la curiosité de l'armée, et avez été recrutée dans la Seconde Division. »

Bien que ne se manifestant pas, le professeur Layton comme l'avocat avaient paru comprendre la même chose dès qu'il eut commencé à s'expliquer. Tout commençait réellement à se reconstituer de même dans leurs têtes, et pourtant :

« Mais j'ai appris autre chose de plutôt intéressant, en rapport avec ces ondes Aufwachen et leur effet sur certaines personnes ; j'ai eu un peu de mal à le croire au départ, mais plusieurs personnes, scientifiques ou non, ont pu me confirmer que certaines personnes de cet univers seraient susceptibles d'être les descendants d'une antique prêtresse, et – je sens que certains ici auront au moins autant de mal à avaler ça que moi, mais ça a été confirmé, et puis ce sera loin d'être la seule chose en apparence inconcevable qu'on a vue jusqu'à maintenant – le contact plus ou moins répété de ces personnes avec des ondes Aufwachen causerait l'éveil, si j'ose dire, de l'esprit de cette fameuse prêtresse. Je pense que, si tout le monde a suivi, il est inutile de préciser que vous êtes probablement une descendante de cette Fine, n'est-ce pas ? »

L'accusée esquissa un sourire suite à ces dernières paroles, et confirma que l'âme de Saga Saeko avait en réalité disparu depuis de longs mois, à force de travailler sur certains fragments de reliques et d'étudier la nature de ces ondes Aufwachen.
Apparemment, même si certains n'étaient pas sûrs d'avoir bien compris l'origine d'un tel phénomène, tous eurent la confirmation que c'était la vérité.

« J'ignore ce que vous comptez faire exactement, avoua le lycéen. Mais je peux juste affirmer que vous avez un projet de grande envergure que vous avez pu mettre en place grâce à votre machine ; je suppose que, tandis que vous visitiez les autres univers avec certains agents de la Seconde Division, vous en avez profité pour ficher les personnes qui pourraient éventuellement vous nuire lorsque ce plan serait prêt à être lancé : vous avez mené des recherches approfondies sur leurs exploits, et avez dû en déduire la meilleure manière de les attirer dans votre piège. Si, comme vous l'affirmez, vous ne désiriez pas nous tuer dès le départ, vous avez certainement prévu de nous rassembler ici pour pouvoir garder constamment un œil sur nous et nos avancées, n'est-ce pas ? Et je suppose que si quelqu'un était trop proche de la vérité, vous vous en seriez aussitôt rendu compte et vous auriez pu ainsi le surveiller sans aucune difficulté pour l'empêcher de mener quoi que ce soit contre vous. »

L'avocat finit par faire signe qu'il avait quelque chose à ajouter et, en effet, lorsque Shinichi l'invita à venir le rejoindre, il annonça que toutes ces nouvelles informations lui avaient permis de comprendre de nombreuses choses ; le professeur londonien lui lança un regard indéchiffrable, semblant laisser dire qu'il avait également la même hypothèse que celle qu'il s'apprêtait à révéler ; toutefois, peut-être n'osait-il tout simplement pas dévoiler quoi que ce fût avant que le puzzle ne fût suffisamment complet. Il devait juger inutile de mentionner ce qu'il avait en tête avant d'en avoir la preuve, et pourtant il écouta attentivement ce que proposa l'Américain.
Il n'y avait jamais eu de problèmes de quelconque déchirure dans l'espace-temps, peu importait l'univers : la machine en elle-même, ouvrant des passages ici et là dans divers univers et générant le chaos, n'avait pour but que d'en faire croire le contraire pour cacher jusqu'au bout son véritable rôle dans l'histoire ; si le TARDIS, normalement incapable de voyager dans l'espace-temps d'un univers autre que le sien, s'en était mystérieusement trouvé capable suite à un changement d'univers imprévu, cela devait certainement être dû soit au fait que la machine avait été utilisée pour lui faire changer d'univers à plusieurs reprises – ce qui sous-entendait que le TARDIS avait été surveillé au point qu'aucun de ses moindres mouvements ne fût inconnu et que chacun de ses itinéraires était déterminé à l'avance –, soit que – pourquoi pas – la mystérieuse cabine téléphonique avait reçu une onde Aufwachen à un moment ou à un autre, ce qui aurait résolu au moins temporairement le problème.
Il n'en parla pas, mais sa seconde hypothèse lui semblait la plus logique quand il compara ces évènements à son propre voyage dimensionnel à cause du magatama : puisque ce dernier s'était mis à luire plus que d'habitude sans aucune raison apparente, il fallait certainement en conclure qu'il avait capté, d'une manière ou d'une autre, une onde Aufwachen, et que c'était ainsi que leur voyage dimensionnel avait dû être lancé.
Au final, Hattori prit la parole à son tour, s'adressant de nouveau à Fine.

« De ce point de vue, votre plan semblait sans faille : vous vous serviez d'ondes Aufwachen pour interagir avec certains éléments caractéristiques de ces détectives, et parce que vous aviez anticipé les mouvements de chacun d'entre eux et agi en conséquence de manière à ce que personne n'ait une preuve que quelqu'un était réellement derrière tout ça, vous avez réussi à donner l'air qu'il s'agissait d'un pur hasard jusqu'au bout. »

Rose intervint alors, demandant dans ce cas comment il pouvait expliquer son propre cas : pourquoi était-il arrivé plus tard ? Pourquoi ne pas avoir suivi la même stratégie et rester discrète jusqu'au bout ?
Alors que le détective de l'ouest allait répondre, le Londonien le prit de court, croisant les bras et s'avançant ; tête baissée, ses yeux étaient à demi fermés.

« En réalité, contrairement aux autres, vous n'aviez pas réellement eu le choix cette fois-ci : vous n'aviez pas entendu parler de ce détective lycéen, et ce n'est que parce que Ran l'a mentionné en disant qu'il était particulièrement lucide que vous avez voulu l'ajouter en dernière minute à votre liste. Mais c'est justement parce que vous connaissiez mal les habitudes et le mode de raisonnement de ce nouveau détective, et qu'en même temps il vous fallait agir vite pour être certaine de ne pas perdre sa trace et de ne pas lui laisser le temps d'enquêter sur quoi que ce soit, que vous avez décidé d'élaborer un plan différent pour l'emmener ici : même si, en laissant ouvertement deviner qu'on lui voulait clairement quelque chose et en ne lui laissant aucun choix, vous deviez faire une erreur qui vous a été fatale. En préférant la rapidité à la discrétion, vous vous êtes découverte. »

Phœnix jugea finalement bon d'intervenir, clôturant la séance de déductions pour passer aussitôt à l'arrestation du coupable :

« En tout cas, vous feriez mieux maintenant de vous rendre tout de suite : vous êtes seule et sans arme, et ce sous-marin est totalement isolé de la terre ferme. Vous ne nous échapperez pas si facilement. »

La scientifique, qui était jusqu'alors restée durant tout ce temps silencieuse et immobile, étouffa soudainement un rire. Toutefois, bien que n'ayant pas résonné dans la pièce en vifs éclats, le simple fait de voir ce petit sourire sournois sur son visage permettait de ressentir ce doute fugace et cruel qui laissait transparaître que l'on ignorait jusqu'alors que toutes les pièces du puzzle n'étaient pas encore rassemblées ; que tous les atouts étaient loin d'être en main, et que cet adversaire redoutable en avait bien plus encore en sa possession. Ce fut ce violent doute qui paralysa tout le monde durant un instant, tétanisés par cette crainte incontrôlable. Il fallut moins d'une seconde aux détectives pour aussitôt maîtriser cette peur injustifiée ; mais ce temps, bien qu'extrêmement court, fut de trop : en effet, la jeune femme avait profité de l'immobilité de tous pour, d'un seul coup, partir en courant vers le couloir. Tous voulurent évidemment la suivre sans réfléchir, mais ils durent aussitôt s'arrêter dans leur course : de l'endroit où se trouvait précédemment la mystérieuse Fine surgit alors une dizaine environ de masses colorées et difformes que tous reconnurent plus ou moins aisément comme étant du Noise. Ceux qui en avaient déjà vu auparavant n'eurent aucun mal à le reconnaitre ; les autres ne tardèrent pas à comprendre de quoi il s'agissait au vu de la situation. Ainsi, la sortie de la pièce était complètement bloquée par cette barrière infranchissable, et Saga Saeko put sortir sans aucun encombre ; il n'était pas difficile de penser qu'elle en invoquerait plus si qui que ce fût d'autre se mettait en travers de son passage.
En attendant, les candidates n'avaient pas tardé à ordonner à tous de reculer, les laissant les détruire pour ensuite libérer le passage le plus rapidement possible ; mais ces créatures se multipliaient si rapidement que la quantité détruite ne tardait pas à être aussitôt reformée : même si le Noise ne pouvait prendre de terrain, la barrière qu'il formait était encore loin d'être détruite. Cela prendrait beaucoup trop de temps, et d'ailleurs il était probable que Fine fût déjà loin.

Lorsqu'enfin le couloir fut atteignable, la course-poursuite continua ; tout du moins elle parut continuer durant un instant, car il était évident que toute trace de sa fuite avait disparu ; il était beaucoup trop dangereux de se séparer. Cela prendrait beaucoup trop de temps de fouiller le vaisseau dans sa totalité. Donc ils n'avaient d'autre solution que de se rendre à l'évidence : ils avaient été semés.
Comme si cela ne suffisait pas, les couloirs tout entiers se mirent soudainement à trembler, commençant même de s'incliner dangereusement. Pris par surprise, beaucoup perdirent l'équilibre : seuls les pégases s'envolèrent aussitôt, tentant d'aider le plus de personnes possible ; tous s'agrippèrent les uns aux autres, tentant de former de longues chaînes pour éviter de se séparer à cause de cette inclinaison du sol. Ils parvinrent tous à reprendre une position d'équilibre qui leur permettrait au moins de se déplacer lentement, mais sûrement.
Mais cela n'expliquait toujours pas ce qui venait de se produire : comment, en seulement quelques secondes, le sous-marin entier avait-il pu pencher d'une dizaine de degrés ? La seule possibilité était qu'un objet massif, de par sa soudaine apparition ou disparition, avait profondément chamboulé l'équilibre de l'Abyss. Mais de quoi pouvait-il bien s'agir ?

« Est-ce que tout le monde va bien ? » résonna une voix qui se voulait ferme, mais qui était toujours sous le choc de la surprise.

C'était le professeur Layton. Mais même s'il semblait réellement intéressé par la réponse à sa question, il avait autre chose en tête, si bien qu'il ne prêta qu'à peine attention à leurs réponses.
La queue de Pinkie Pie remua encore, et elle se remit à crier que ce n'était pas ce genre de chose qui était censé tomber, puisque cela continuait. Plusieurs personnes tentèrent de la faire taire, affirmant que le moment était vraiment mal choisi pour plaisanter ; mais lorsque Twilight s'approcha tant bien que mal de Shinichi, elle avait vraiment l'air de la prendre au sérieux.

« Même si ça peut paraître inconcevable, quand Pinkie est dans cet état, elle est sérieuse. Quelque chose va vraiment tomber, et si ça lui a pris il y a tant de temps, alors ça risque d'être quelque chose de gros. Et si ce n'était pas ce genre d'accident qu'elle avait prévu, je crains le pire... »

En y réfléchissant bien, il n'y avait pas trente-six solutions. Seul un objet de plusieurs dizaines de mètres carrés pouvait avoir un tel impact sur un engin dix à cent fois plus gros, et encore. Donc il ne pouvait s'agir que d'une salle entière, contenant elle-même une grande quantité d'outils particulièrement lourds. Mais comme un tel espace ne pouvait disparaître de lui-même... le reste coulait de source : Fine avait probablement rejoint son laboratoire, et l'aurait envoyé tout entier ailleurs. Dans un autre univers, sûrement.

« Nous ne sommes qu'une vingtaine, fit remarquer le Docteur d'une voix forte afin de couvrir les plaintes diverses. Nous pourrions tous tenir dans le TARDIS ; en tout cas, il ne faut pas traîner ici ! »

Il n'y eut pas l'ombre d'une quelconque objection, aussi minime fût-elle ; ainsi, l'homme fit signe de le suivre vers la salle où la fameuse cabine téléphonique se trouvait, s'assurant au passage que tout le monde parvenait à remonter la pente sans trop glisser.
Le groupe progressait lentement, mais sûrement ; l'inclinaison du sous-marin semblait encore stable pour le moment, même si quelques secousses passagères faisaient encore perdre l'équilibre à certains. Heureusement, les pégases aidèrent beaucoup, venant en aide autant que possible lorsque le besoin s'en faisait particulièrement ressentir.

De leur côté, les détectives avaient toutefois un mauvais pressentiment. Comme si tout cela était bien trop facile, à première vue. Comme s'ils avaient oublié un détail important, qui leur prouverait qu'ils n'étaient vraiment pas au bout de leurs peines. La queue de Pinkie Pie était un indice qui, même s'ils n'y prêtaient que peu de confiance, leur restait à l'esprit.
Ce fut finalement Shinichi qui apporta la réponse, sous forme de question. Mais il s'agissait d'une question au ton angoissé, qui montrait qu'il en avait toutefois déjà la réponse. Mais qu'il s'agissait d'une réponse dont il voulait avoir la confirmation à tout prix. Car il espérait sincèrement s'être trompé.

« Dites... La salle des machines, c'est juste à côté de la bibliothèque, je crois, non ? Ces deux salles ne seraient pas tout au bout, contre la coque, par hasard...? »

Contre la coque. En se rendant compte qu'il s'agissait bel et bien de ce détail qui les torturait, les adultes frémirent.

Comme pour confirmer leurs plus grandes craintes, un grand grondement retentit, suivi de tremblements supplémentaires. S'ils ne l'avaient pas entendu plus tôt, c'était probablement parce qu'ils se trouvaient trop loin de la salle en question et du trou dans la coque qu'elle avait causé en disparaissant, et ne pouvaient donc pas l'entendre.
Mais lorsque les têtes se levèrent un tant soit peu vers le fond de l'interminable couloir, une crainte terrible put se lire sur leurs visages.

À dire vrai, à peine une seconde s'écoula entre le moment où ils virent ce qui fonçait vers eux à toute vitesse, et celui où ce cruel torrent indomptable et tourbillonnant les submergea, les enveloppant de son abîme glacial, les plongeant dans son univers salé et grondant. Les remous de la mer étaient déchaînés, chassant fougueusement l'air qui s'échappait par là où il pouvait.

La queue du poney rose cessa de frémir. Comme elle l'avait prédit, quelque chose de gros leur était tombé dessus. Mais en réalité, personne ne prit garde au fait que l'avertissement que l'équidé avait répété d'un ton hystérique s'était réalisé. Car tout le monde ne pensait désormais en grande partie qu'à essayer de rester en vie le plus longtemps possible.

Ne pas paniquer. Cela ferait partir le peu d'air qu'ils avaient dans les poumons.
Ne pas bouger, sauf si nécessaire. Cela éviterait de gaspiller de l'énergie pour rien.
Rester groupés. Si quelqu'un avait une solution, ils seraient ensemble pour tous s'en sortir.
Essayer de trouver une solution, à tout prix. Et vite.

La salle où se trouvait le TARDIS était encore trop loin, bien qu'ironiquement, à quelques dizaines de mètres, sa porte fût en vue de certains. Mais personne n'aurait suffisamment d'air dans les poumons pour pouvoir nager en apnée jusque là-bas. Même s'ils tentaient le tout pour le tout, ils savaient que ce n'était qu'une vaine lueur d'espoir, qui ne tarderait pas à s'éteindre. Les premiers commençaient déjà à perdre conscience, les uns après les autres : Carmache et Fondue, Marie, Flora, Maya... Bien que résistant, Conan ne put lutter bien longtemps non plus. Déjà qu'il était peu probable qu'ils pussent parcourir cette distance à la nage avant de manquer d'oxygène, y mener les enfants et les adolescents endormis était une mission impossible.
Le Noise n'avait pas eu pour but de les tuer. Fine savait qu'il serait facilement neutralisé par les candidates.

Non. Elle avait prévu de les tuer avec un moyen bien plus cruel, et tellement plus efficace. Car cette fois-ci, personne ne pouvait lutter contre la Nature elle-même.

Car personne n'avait les moyens de survivre à une noyade.

Soudainement, alors que quasiment tout le monde avait perdu tout espoir de s'en sortir, une bulle rosée et rayonnante se créa, englobant de plus en plus de personnes. Cela ne faisait rien ; cela faisait seulement briller les alentours, et procurait un semblant de chaleur inexplicable. Et pourtant cela grossissait indubitablement.
Le Docteur tenta un œil, et vit l'onde de lumière se propager jusque dans la salle où se trouvait son vaisseau. Cela allait l'atteindre. Sûrement.

Finalement, une explosion de lumière surgit, alors que les remous de la mer avaient subitement créé de nouveaux tourbillons, alors que le sous-marin entier était probablement déjà rempli d'eau. Comme si la bulle avait éclaté.

Ce fut à ce moment-là que la dernière personne encore à demi consciente sombra, à son tour, dans les bras de Morphée.

C'était Twilight Sparkle.

Chapitre VII ~ La poussée d'Archimède

Note de l'auteur

Eh bé ! Si je m'attendais à écrire trop pour que même Pokébip sature... %) Bref ; nouveau record de longueur (sans blaaague...) avec pas moins de trente-quatre pages Word ! Sortons (encore) le jus de pomme ! /o
Sinon, ce chapitre doit être accompagné de quelques notes diverses pour expliquer encore quelques passages qui nécessitent un éclaircissement, qui ne pouvait être apporté par la fiction elle-même pour diverses raisons :

~ Pour l'accent d'Heiji qui serait traduit par le TARDIS par un accent anglais “de l'ouest”, si j'ose dire, la série Doctor Who prouve que ce fait est officiel avec la rencontre entre Rose et le neuvième Docteur :
— Si vous êtes vraiment un alien, alors pourquoi vous avez un accent du nord ?
— Beaucoup de planètes ont un nord.


~ Concernant le mythique “Aho” que Heiji marmonne à l'adresse des deux autres Japonais, il s'agit d'un synonyme du japonais “Baka” (qui lui-même signifie “idiot”), mais est typique de la région du Kansai, et plus particulièrement d'Osaka (d'où vient Heiji, pour rappel).

~ Les explications de Twilight à partir du moment où elle se met à baragouiner d'incompréhensibles élucubrations ne sont évidemment pas à prendre au sérieux (encore heureux). Mais il faut l'excuser, elle n'a jamais fait de physique quantique puisque seule la magie règne chez elle ~

~ Enfin, je terminerai avec une note pour les fans de Détective Conan qui, s'ils ont été suffisamment attentifs, me hurleront certainement que les fameuses lunettes télescopiques de Conan apparaissent pour la première fois au tome 54, alors que ma fiction est fixée vers (je le rappelle) le milieu du tome 18. Et qu'en plus, j'ai juré tout faire pour rester cohérente avec les univers d'origine. Ouh la vilaine. Alors je vais être franche sur ce point : je plaide coupable, mais ce n'est que parce que je n'ai vraiment pas trouvé de substitut à ce gadget que je me suis finalement sentie obligée de le mettre, bien que cela me fasse un vrai pincement au cœur.
Mais en fait, quand on y pense, ce n'est pas parce qu'il les utilise pour la première fois dans le tome 54 (en plus, uniquement parce qu'Agasa lui demande de le faire) qu'il ne les avait pas déjà avant ! Et puis, par la suite comme auparavant, il ne les utilisait pas parce que de toute manière il n'en aurait pas eu besoin, n'est-ce pas ? Donc qui nous dit qu'il ne les avait pas dès ce moment...? (<~ tentative vaine et pourrie de l'auteur pour tenter de justifier sa pure incohérence injustifiable)

Bref. Au final, je suis quand même plutôt contente de ce chapitre malgré tout ; quand même, il sera certainement jusqu'à ce jour celui qui m'aura demandé le plus de boulot, le plus de recherches, le plus de séances de cogitations... Bref, j'en passe.
Article ajouté le Mardi 26 Novembre 2013 à 20h19 |
0 commentaire
.•o°o•. Le meilleur des mondes possibles ~ Chapitre VII (Extrait)

Chapitre VII ~ La poussée d'Archimède

~ Parce que comme chacun sait, tout corps plongé dans un liquide en ressort mouillé.La lumière pâle du soleil perçait avec peine l'atmosphère pesante de Tokyo. Même si ses rayons se voulaient doux et chaleureux, presque réconfortants, seuls les plus tenaces parvenaient, affaiblis, jusqu'au sol pierreux. Les nuages étaient peu nombreux, mais vastes et opaques, ce qui assombrissait inexorablement le ciel d'après-midi.
Le silence se faisait dans la cité entière : les habitants avaient trop peur pour sortir de chez eux, ou même regarder par la fenêtre si le fléau n'était pas parti pour de bon. Car même s'il n'était pas réapparu depuis la veille, il avait attaqué ensuite Osaka. Donc il y avait une possibilité pour que ce fût loin d'être terminé. Un calme apparent planait sur la capitale nippone, bien qu'il fût évident que cette ambiance silencieuse était loin d'apporter la moindre once de sérénité. Personne n'osait briser toutefois cette atmosphère ombrageuse et remplie de désespoir : on ne troublerait certainement pas ce silence impunément. Cela pourrait attirer les choses.

Et pourtant, soudainement, sans prévenir, apparut de nulle part comme une grande bulle liquide et transparente, visqueuse presque, qui flotta quelques instants à quelques mètres au-dessus du sol. La gravité reprit toutefois rapidement ses droits, et la sphère d'eau parut s'affaisser avant d'éclater, se répandant sur le goudron qui se trouvait au-dessous. L'eau ruissela sur la route, comme cherchant à fuir l'endroit où elle était tombée.
Toutefois, elle n'était pas apparue seule. Quelques corps gisaient désormais sur la chaussée, au beau milieu du chemin.

À quelques dizaines de mètres de là, un faible écho de trois petits cris de stupeur retentit. Témoins de ce prodige inexpliqué et pour le moment inexplicable, les enfants, bien cachés dans leur coin de rue sombre, dévoraient désormais des yeux la scène. Ils avaient été trop loin pour pouvoir distinguer précisément les corps qui étaient apparus en même temps que cette bulle gigantesque, mais lorsqu'ils virent un d'eux, un lycéen au teint mat, se relever douloureusement et tousser activement, ils le reconnurent sans véritable peine ; depuis qu'ils avaient formé leur club de détectives, il leur était bien évidemment impératif de connaître tous les grands acteurs qui leur faisaient concurrence. Ainsi, il fut rapidement opté qu'ils devaient aller voir de plus près ce qui se passait, puisqu'ils n'avaient probablement pas de grand danger à venir auprès de ces gens. Si le grand détective de l'Ouest Hattori Heiji était avec eux, alors ils n'avaient rien à craindre.

De son côté, dès que l'adolescent eut suffisamment évacué l'eau salée de ses poumons, ce qu'il maugréait dans divers marmonnements injurieux devint enfin un minimum intelligible. Il se releva avec peine, se remettant lentement de cette chute de quelques mètres puis, sans se rendre compte qu'il était observé, vint s'approcher de la jeune femme à ses côtés qui, de même, toussotait autant qu'elle le pouvait afin de pouvoir de nouveau respirer normalement.
Les trois enfants coururent toutefois à leur rencontre avant qu'il n'eût fait quoi que ce fût ; ils le harcelèrent aussitôt de questions plus ou moins banales ou étranges, qui eurent tôt fait de lui donner la nausée. Trop heureux d'avoir réussi à survivre à une tentative de meurtre par noyade, il fallait bien que ce ne fût pas pour autant une chance durable.
Pendant que l'Osakien tentait de garder son calme, totalement bouleversé par le cours imprévu des évènements, la jeune fille se releva à son tour, essorant négligemment sa couette bleue tout en observant d'un œil attentif les alentours, tentant de se situer et de comprendre ce qui avait bien pu arriver.

Le pégase azur était encore au sol, à quelques mètres, en train de toussoter. La ville dans laquelle ils se trouvaient était totalement déserte, et étrangement silencieuse. Elle reconnut quelques enseignes, qui étaient écrites en japonais. Et vu que ces gamins parlaient la même langue, elle devait supposer qu'ils étaient au Japon.

« Tu les connais ? » vint-elle finalement demander au lycéen, paraissant totalement ignorer les trois enfants qui n'avaient toujours pas obtenu la moindre réponse à leurs questions.

Le détective se retourna vers elle, lui avouant que c'étaient des “amis” de Conan et qu'il avait déjà légèrement entendu parler d'eux, mais qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion de les rencontrer en tête à tête. Après avoir dit cela, il s'était aussitôt retourné vers eux, commençant de leur demander ce qu'ils faisaient là ; mais les écoliers refusaient de s'expliquer avant qu'ils ne fussent renseignés sur l'affaire en cours, à laquelle Conan et Ran semblaient mêlés, et à laquelle visiblement il avait lui aussi pris part.
Soupirant face à un petit groupe qui paraissait si entêté, les deux adolescents comprirent sans difficulté qu'ils ne parviendraient pas à s'en défaire de sitôt ; mais après tout, cela n'était peut-être pas si mal. Puisqu'ils avaient apparemment changé d'univers par un moyen encore inconnu, il était toujours préférable d'avoir quelqu'un sur qui on pouvait compter... mais pourquoi des gamins ?

Une fois que Rainbow Dash fut complètement réveillée à son tour, les enfants changèrent de cible, se ruant avec un mélange de stupeur et d'émerveillement vers la créature azur à crinière multicolore sans lui laisser le temps de comprendre ce qui se passait. Les aînés regardèrent d'un air blasé le petit groupe se désintéresser d'eux pour venir entourer la pauvre pégase, et bien que Tsubasa parut presque soulagée d'en avoir fini avec eux pour le moment, tous deux commencèrent à réfléchir sérieusement sur ce qui avait pu se produire, et sur ce qu'ils pouvaient faire pour y remédier. Car même si Hattori était conscient qu'il était rentré dans son univers, il n'en voyait pas réellement l'intérêt sur le moment ; puisque le mystère se déroulait ailleurs, il s'agissait presque même d'un handicap que d'être coincé chez lui.

« En tout cas, en attendant, on devrait aller voir le vieux, lança-t-il au bout d'un instant. C'est la meilleure chose à faire.
- C'est qui ?
- Il s'appelle Agasa, ou un truc comme ça. C'est un voisin de Kudo. En tout cas, si quelqu'un peut nous tirer d'affaire dans l'immédiat, c'est sûrement lui. Après, j'irai sûrement prévenir mon père à Osaka, mais ça va être une autre histoire. »

Un long cri aux nuances caractéristiques d'un appel à l'aide vint finalement clore leur discussion. Les Detective Boys lui posaient décidément du fil à retordre, apparemment ; à contrecœur, les adolescents se décidèrent à aller tirer d'affaire la ponette. De toute manière, ils savaient qu'ils ne pourraient réchapper aux interrogations de ces gamins.

« Sérieux, vous pourriez pas leur demander de me lâcher ? Je comprends même pas ce qu'ils racontent ! »

Le détective tiqua soudainement.
Il n'y avait pas prêté attention au départ, mais cette fois il n'y avait plus aucun doute possible : elle avait parlé avec un accent américain bien prononcé, en anglais.
Donc le TARDIS ne traduisait plus ce qu'elle disait. Donc il fallait probablement en déduire qu'il n'était pas dans les parages.
Donc ils n'avaient peut-être aucun moyen de changer d'univers, ni même d'entrer en contact avec les autres. Ils n'avaient même aucun moyen de savoir où ils étaient, voire s'ils étaient toujours vivants.

Profondément dérouté, le lycéen demeura immobile durant quelques dizaines de secondes supplémentaires, pesant les conséquences de cette redoutable vérité. Il ne remarqua pas que Tsubasa, elle, s'était approchée avec lassitude du petit groupe, commençant à réprimander les gamins d'un ton détaché.
Mais comme elle parlait japonais, la ponette paraissait de plus en plus effrayée de ne pouvoir comprendre la moindre parole, qu'elle lui fût adressée ou non.

Finalement, une fois tiré de ses pensées, il se décida à s'approcher à son tour.

« Ne, tu peux lui demander si c'est des vraies plumes ? C'est tout doux ! » s'extasia la petite enfant en se frottant contre les ailes de la ponette qui était plus grande qu'elle d'à peine une ou deux têtes.

Hattori soupira face à la futilité de cette question face au grand problème qui leur faisait face ; et pourtant, comme elle insistait, il dut se résoudre à traduire :

« Elle te demande si ce sont de vraies plumes, lâcha-t-il en anglais.
- Dis-lui que si elle me lâche pas d'ici dix secondes, je lui fais passer le mur du son. »

Plutôt que de traduire fidèlement, il jugea utile de se contenter de prendre Ayumi dans ses bras, lui affirmant d'un ton ressemblant à celui que les adultes prenaient lorsqu'ils conseillaient les enfants que le gentil poney n'aimait pas vraiment les papouilles. La petite fille parut déçue, mais accepta de se tenir à l'écart une fois reposée au sol ; les deux garçons firent de même, ce qui laissa enfin le pégase respirer.

« Bon, on récapitule, lança alors le détective en anglais d'un ton fatigué, se massant le crâne pour tenter d'éloigner la nausée qui le prenait de plus en plus. On s'est retrouvés ici sans savoir comment ni pourquoi, on est bloqués à Tokyo, apparemment dans le quartier de Beika... La meilleure chose à faire pour le moment serait d'aller voir Agasa Hakase...
- C'est pas comme si on avait le choix, appuya la candidate. Si tu sais où il est, alors plus tôt on y sera, mieux ce sera.
- C'est justement ça le problème. Je ne suis pas allé si souvent que ça à Tokyo, et vu que je ne connais pas le quartier dans ses moindres recoins, je ne sais pas du tout où nous sommes et dans quelle direction nous devrions aller. Ça pourrait nous prendre un quart d'heure comme des heures entières de marche avant de retrouver la bonne rue. »

Les trois anglophones se retournèrent vers les petits gamins qui, vexés d'être écartés de la discussion à cause de la barrière de la langue, s'étaient écartés et marmonnaient ce qui semblait être des hypothèses inintelligibles et farfelues entre eux.
Hattori poussa un long soupir, comme s'il s'agissait d'une véritable plaie.

« Bon, puisqu'on n'a pas le choix... »

Il s'approcha du petit groupe, leur expliqua calmement la situation, puis leur demanda s'ils pouvaient les aider en leur servant de guides dans une ville qui leur était en grande partie inconnue. Les Detective Boys hésitèrent, se concilièrent dans quelques longs murmures inaudibles, puis se retournèrent enfin et acceptèrent ; à condition toutefois qu'ils soient mêlés dans cette affaire, parce que sinon c'était pas juste.

Alors qu'ils commençaient déjà à partir et que les aînés suivaient les petits Tokyoïtes, le lycéen finit par reprendre la parole, en anglais.

« Au fait, je voudrais juste m'assurer que je ne me trompe pas pour les noms : toi, c'est Rainbow Dash, et c'est Kazanari-han, c'est ça ? »

La candidate se figea soudainement.

« “—han” ? C'est quoi ça, “—han” ?
- Ben, “—han” dans le style “—han”, quoi. Tu sais, dans le style “—chan”, “—kun”, “—han”.
- C'est “—san”, baka. Pas “—han”.
- Ah oui, c'est vrai, vous dites ça dans le Kanto... »

Tsubasa croisa les bras.

« Je veux bien ne rien dire à propos de ton accent, mais appeler les gens “—han”, c'est juste... bizarre.
- Mais c'est quoi ton problème ?! Beaucoup de gens disent “—han” à Osaka, tu sais !
- Tu sais que y'a que les vieux qui disent ça ?
- Et alors ?
- Alors c'est ringard. »

Hattori craqua finalement, serrant les poings.

« QUI EST RINGARD ?! »

Voletant à leurs côtés, Rainbow Dash poussa un long soupir. Pourquoi fallait-il qu'elle tombât sur eux ? En plus, étant donné qu'ils avaient repris leur discussion en japonais, elle avait totalement perdu le fil de leur conversation ; elle allait être totalement perdue en permanence à cause de la langue, et cela l'insupportait plus que tout.

« Vous êtes sérieux... »

Ce séjour à Tokyo allait s'avérer long, très long... atrocement long.


~ À suivre ~
Article ajouté le Lundi 03 Février 2014 à 17h32 |
0 commentaire
Avancement du Trèfle à douze feuilles ~
Bonjour à tous !
Cet article n'a pas de grande utilité, à part celle de vous informer, vous lecteurs, sur l'avancement de ma fiction principale. Mais, bien sûr, sur un niveau autre que le simple pourcentage d'écriture du chapitre qui suit. Comme vous avez pu le constater, c'est déjà marqué sur la présentation de la fiction. Ainsi, voici une liste des chapitres :

ATTENTION : modifications possibles

Préface
Achevé et posté.
Prologue
Achevé et posté.

Première partie ~ Créatures à Dublin
Achevée

Chapitre I - Tigre ailé
Achevé et posté.
Chapitre II - Dura lex, sed lex
Achevé et posté.
Chapitre III - Le paradoxe de Zénon
Achevé et posté.
Chapitre IV - L'ordre doit suivre le désordre... non l'inverse.
Achevé et posté.
Chapitre V - Faire la pluie et le beau temps
Achevé et posté.
Chapitre VI - Cercle vicieux
Achevé et posté.
Chapitre VII - Le pendule de Newton
Achevé et posté.
Chapitre VIII - Là où tu voudras, par la volubilité et la jouissance,
Mais là où tu dois, par le renfermement et le silence.

Achevé et posté.
Chapitre IX - À l'Est, un rien d'inquiétude
Achevé et posté.
Chapitre X - Eaux dormantes
Achevé et posté.
Chapitre XI - La rose des vents
Achevé et posté.
Chapitre XII - Temps de réaction
Achevé et posté.

Seconde partie ~ V comme Voyages
En cours

Chapitre XIII - Vivace
Achevé et posté.
Chapitre XIV - Vade-mecum
Achevé et posté.
Chapitre XV - Visions
Achevé et posté.
Chapitre XVI - Vanité
Achevé et posté.
Chapitre XVII - Vicissitudes
Achevé et posté.
Chapitre XVIII - Versatile
Achevé et posté.
Chapitre XIX - Vulgum pecus
Achevé et posté.
Chapitre XX - Va-et-vient
Achevé et posté.
Chapitre XXI - Vestige
Achevé et posté.
Chapitre XXII - Vague
~ Citation : Trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : ~ 15% (Début de la première partie en mode alternatif*)
~ Nombre de parties supposé : 3 (dont une en mode alternatif)

Chapitre XXIII - Vaporeux
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : Une seule en mode alternatif

Chapitre XXIV - Vérité
~ Citation : Trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : 05% (Brouillon de la dernière partie à retravailler)
~ Nombre de parties supposé : 3


Troisième partie ~ Boucles à boucler
Non entamée

Chapitre XXV - Charybde et Scylla
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : ~ 35% (Première partie entamée ; quatrième partie quasiment achevée)
~ Nombre de parties supposé : 4

Chapitre XXVI - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : 3

Chapitre XXVII - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 100%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : 1

Chapitre XXVIII - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXIX - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXX - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXI - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXII - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXIII - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXIV - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXV - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Chapitre XXXVI - Titre à trouver
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Épilogue
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : ?

Conclusion
~ Citation : Non trouvée.
~ Script : 0%
~ Écriture : 0%
~ Nombre de parties supposé : 1


*Ce que j'entends par "mode alternatif" est le fait (ce sera un test, vu que je ne l'ai pour le moment encore jamais fait) d'alterner entre deux passages qui auraient pu être complètement séparés, mais que j'avais envie de relier. Mais si je juge le rendu mauvais, cela risque d'être séparé en deux (ou éventuellement plus) parties distinctes.

Note : Ne vous inquiétez pas de voir que tant de chapitres dans la dernière partie sont en mode "0%" partout ; cela ne signifie ABSOLUMENT PAS que j'ignore comment ça va finir, mais au contraire que je ne l'ai pas encore ordonné dans les chapitres. Ce qui signifie qu'il me faudra prendre du temps pour prendre le script qui est dans ma tête et le découper en petits morceaux (il me faut trouver les bons cliffhangers pour bien finir chaque chapitre, vous voyez. u_u) afin de pouvoir écrire le script comme il faut.
Note : Je profite de cet article pour vous dire que lorsque la fiction sera achevée, j'ajouterai probablement un chapitre qui servira de bonus et présentera, entre autres, quelques brouillons de la fiction et surtout quelques scènes coupées. Alias des scènes que j'avais prévu d'ajouter initialement, mais que j'ai finalement ôtées car je ne voyais pas leur utilité ou que je ne parvenais pas à les caser. ;3
Article ajouté le Lundi 19 Août 2013 à 20h33 |
1 commentaire