Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Faces - arrêtes + sommets = -1
de Ramius

                   



Si vous trouvez un contenu choquant, vous pouvez contacter la modération via le formulaire de contact en PRECISANT le pseudo de l'auteur du blog et le lien vers le blog !

» Retour au blog

Teaser ou exercice de style, pourquoi choisir ?
  • Titre parodique ou titre putaclic, pourquoi choisir...
    En plus je sens que je vais avoir du mal à présenter le truc...
    Bon, je suis censé être en train d'écrire Calydhiès, mais autant dire que ça n'avance pas. Non seulement je procrastine avec application, mais en plus je me change les idées en travaillant sur ce genre d'exercices de style. Voyez plutôt.
    Ceci est un truc qui m'a semblé marrant à faire sur le coup, et bien entendu, ça n'a pas duré. C'est une allitération. (Et au passage, j'hésite à en faire le prologue de la réécriture d'Une Légende s'éveille. Laquelle n'est pas censée arriver avant cinq ans d'après mon dernier calcul. J'ai dit que je procrastinais sur Calydhiès ?)


    Dans son bureau à l’ambiance feutrée, le Maître de Hoenn posa le rapport fraîchement traité, pour en prendre un autre. Ainsi en serait-il toute sa journée : l’administration prenait le pas sur le dressage. Rochard avait appris à s’y habituer, et il ne soupirait plus lors de cette tâche. Il n’en triait pas moins ses rapports, remettant sans cesse certains à plus tard.

    Le cinquième rapport qu’il attrapa concernait le Colosse, ce paquebot incapable de couler à en croire la compagnie qui l’avait construit. Et justement, ce fleuron réputé de l’industrie hoennaise avait sombré le matin même. Le rapport émanait du bureau de Damien ; il détaillait la situation, et demandait le point de vue du Maître sur la réponse à apporter.

    Une plaie… mais une plaie nécessaire, et sûrement déjà atténuée par le ministre. Rochard soupira bel et bien, mais se résolut à s’intéresser au problème. Après tout, cela faisait partie de son rôle de Maître ; on admettait sa puissance, et on imaginait une sagesse associée. C’était une idéalisation, tout simplement… Un des aspects les plus ennuyants de cette position.

    La marque des productions de Damien était clairement d’être concises et efficaces, documentées juste ce qu’il fallait. Lui aussi avait appris ; il savait faire le Maître poursuivre son travail. Parmi les membres de l’administration centrale de la Région, c’était peut-être le seul à être vu en ami par Rochard. Leur synergie tirait parti de différences guères nombreuses.

    Là où le Maître se souciait avant tout de sa situation, son ministre réfléchissait en termes de pouvoir, de rapports de force, d’influences mutuelles. Cela avait dopé son sens inné des affrontements, lui permettant d’atteindre une bonne place dans la hiérarchie des Dresseurs. Et même ainsi, il n’avait jamais pu défaire le Rochard à la loyale, malgré tous leurs duels.

    Le Maître croyait fermement que la force écrasante constituant la complicité entre un Dresseur et ses compagnons Pokémon s’appliquait à l’intérieur du combat, et que la victoire allait à l’accomplissement des exploits les plus marquants. C’était la façon dont il avait abattu son prédécesseur : en le noyant sous une avalanche de force brute. Il en tirait toujours sa fierté.

    Et ils avaient tous deux atteint le stade suprême, la Ligue. Bien entendu, ils s’étaient liés avant même cela ; à vrai dire, ils étaient nés voisins. Néanmoins, le mérite de les avoir finalement rapprochés revenait à l’intégration du gouvernement par Damien, suivie de très près par le triomphe de Pierre sur l’ancien Maître. Ils s’étaient élevés ensemble, et régnaient ensemble.

    Certes, le Conseil n’était aucunement réductible à son unique virtuose des Pokémon Ténèbres ; couramment, on l’acceptait comme le plus faible des Quatre. Ce nonobstant, Damien était peut-être le plus utile des ministres de Rochard. Son aisance avec les affaires de marché en faisait un précieux atout dans une Région aussi largement influencée par l’argent.

    Le Maître se permit un soupir, agacé à la fois par l’inintérêt du dossier reposant encore dans sa main, et par sa propre inattention. L’administratif, se répéta-t-il, faisait partie de son boulot. On le payait pour cela ; or, Rochard était une personne monnayable. Il se laissait acheter, même si son prix s’avérait rarement négligeable. Et la morale lui faisait mériter son salaire.

    Donc ; se consacrer au rapport sur le Colosse et déclarer une ligne d’action à adopter quant aux leviers à actionner pour répliquer relevait de son contrat. Alors il se mit à lire la première ligne, non sans une pointe de mépris jamais refoulée, toujours soulevée par ce travail bas, inutile. Le plus grand dresseur de la région travaillait dans un bureau, et cela l’irritait toujours.

    Le navire, rappelait Damien pour introduire son rapport, avait été réalisé à peine six ans plus tôt aux chantiers navals de Poivressel. Il était prétendu insubmersible, mais ce n’était pas là son principal atout. Ce vaisseau se targuait surtout d’être le plus agréable jamais réalisé ; ses voyages avaient la réputation de ne pas déplaire à leurs passagers avant leur interruption.

    Ce qui n’avait aucune influence sur le cours des choses : qu’importait le confort d’un seul, quand une quantité incroyable de paquebots parcouraient les mers ? Non, la richesse du navire défunt ne représentait rien. Seule pouvait importer l’image dont il était doté. L’image de volupté posée sur tous les navires de plaisance de la Région ; le prestige de la marine elle-même.

    Ce naufrage n’était pas regrettable pour le gâchis de financement qu’il représentait ; il l’était pour l’ensemble des marchés des loisirs de la mer. Il rappelait douloureusement aux hoennais la dangerosité de toutes ces étendues d’eau les entourant. Un point de vue partagé par Rochard. Selon lui, tout était préférable à la mer, ce désert hostile et empli d’ennui…

    Le contraste que cela impliquait avec l’opinion était clivant, ce que le Maître ne comprenait que trop. Mais c’était ainsi, et il ne pouvait être différent de lui-même. Lui avait un rapport inhabituel à la mer ; il n’était sûrement pas le seul. Pourtant, on attendait de lui d’être normal, pour représenter de façon réaliste l’aspect de la population de Hoenn. Futile.

    Enfin. Ce navire perdu avait le potentiel de pénaliser durablement une bonne part des revenus de la Région. Cela était déjà ennuyeux. Mais le venin du rapport de Damien se trouvait à la fin, là où il signalait le danger pour la réputation de Hoenn elle-même. Un navire insubmersible noyé : ce n’était pas la faute de la Région, mais l’opinion internationale ne l’en raillerait pas moins.

    Causes et conséquences se conjuguaient pour compliquer la catastrophe humaine qu’était ce naufrage. La finance, les relations internationales ; et puis après, y aurait-il aussi une protestation des représentants des marins ? Rochard soupira en réalisant la probabilité élevée de l’événement. De fait, il aurait très certainement droit à des réceptions de trouillards superstitieux.

    Ces pensées ne faisaient rien pour le dissuader de reporter la décision sur Damien. C’était un peu son boulot, de toute façon, non ? Et pourtant, la gravité de l’affaire ordonnait au Maître de se mouiller. Cela non plus, il ne l’aimait pas. Un jour, un journal avait tiré une satire sur le rapport à l’eau du Maître de l’île de Hoenn. De l’île. Il n’avait pas été drôle.

    Ce qui faisait maintenant que Rochard procrastinait, avec l’irrévocable poids sur la conscience que cela provoquait. Triste situation ; préférable, toutefois, à l’ennui sans borne l’ayant engendrée. Rien ne dépassait la vitesse de surgissement d’une pensée parasite. Poussé par son sens moral, le Maître tenta de lutter, sachant très bien la vanité de l’entreprise.

    Son intérêt se porta en premier lieu vers les raisons de traiter l’affaire lui-même. Elle avait une envergure internationale ; les agitateurs insuffleraient à la population une peur rassérénable seulement par le Maître ; et plus, toujours plus… Tout simplement, le problème était désigné par l’opinion. On le désignait en gros problème, on exigeait de grandes solutions.

    Pourquoi, se demanda encore une fois le Maître, pourquoi tous ces crétins ne pouvaient-ils pas comprendre, juste une fois, que les problèmes issus des eaux, systématiquement, étaient complexes et graves ? Rien ne venait de l’océan sans une arrière-pensée de désastre. Et ce point de vue, le Maître était certain de ne guère le partager… Il restait heureusement privé.

    Puis Rochard parvint à faire fi de ses pensées parasitaires, et porta à nouveau sa pleine attention sur le rapport de Damien. Plus précisément, le rapport de ses ministres ; la partie suivante, traitant des aspects internationaux du naufrage, avait été rédigée par Glacia. Une femme partageant la froideur de son type lige, mais assez apte pour avoir servi plusieurs Maîtres d’affilée.

    Ce qu’elle savait faire, ce qui était si précieux, consistait à comprendre instinctivement dans quelle mesure elle pouvait abuser des cadres légaux à l’avantage de sa hiérarchie. Ainsi, elle retournait toutes les situations internationales, si tordues soient-elles, en faveur de Hoenn. Si la Région était si prospère depuis plusieurs années, Glacia n’y était pas pour rien.

    Cependant, elle n’avait pas tout fait non plus. Mais ce sujet-là se rapportait à la mer, augmentant l’antipathie lui étant vouée par Rochard ; il chassa la pensée de son esprit, du geste impérieux dont on gratifie les mouches. Glacia avait fait la grandeur de Hoenn, et tout ajout était superflu. En plus de bafouer l’autorité la plus élémentaire de la Ligue.

    Glacia, donc, avait ajouté une section traitant des conséquences internationales qu’elle envisageait d’octroyer au naufrage du Colosse. L’idée de base était élégamment simple : il s’agissait d’attendre les huées dont l’Organisation des Régions Unies se fendrait forcément. Alors, une simple tribune dans un journal suffirait à lever l’hypothèse d’un sabotage.

    L’esbrouffe s’approchait d’un mouvement parfait. La Ligue Hoennaise n’aurait rien à faire, si ce n’était suggérer anonymement à un journal avide de titres retentissants de publier un pamphlet sans importance. Les mots imprimés ne joueraient pas ; seule se propagerait l’idée, l’idée géniale, l’idée létale. En peu de temps, Hoenn toute entière appellerait à la justice.

    Et les correspondants des journaux extérieurs seraient incapables d’esquiver le scandale. Ils transmettraient eux-mêmes l’information de par le monde. Ils lui donneraient une viralité digne de celle de l’Internet. Et ce faisant, ils mettraient le pied dans leur tombe. Enfin, pas véritablement ; les Régions verraient juste, du fait de leur presse, leurs réputations salies.

    Finalement, la métaphore n’était pas habile. Rochard devait bien se l’admettre, il n’était guère versé dans l’art littéraire de la phrase joliment tournée. Ses aptitudes appartenaient bien plus au domaine de la stratégie. L’Art de la Guerre adapté à des armées de six, aux pouvoirs inhumains… Sans en avoir l’air, cela représentait une large palette de ruses diverses.

    Presque aussitôt, son sens moral qui semblait infaillible concentra de force sa coupable attention sur ses compétences économiques. Même le Maître ne pouvait faire fi de son passé : il avait étudié la science de l’argent, et cela relevait toujours de ses avantages. Il savait gérer une entreprise, il savait la faire prospérer, il savait même les subtilités d’un empire financier.

    Son père était un magnat. L’un des hommes les plus riches du monde, figure de proue d’une société dont la faillite aurait angoissé le monde entier. Et cet homme avait tenu à avoir un fils en mesure de prendre la relève… Cela n’était pas survenu ; pourtant, Rochard se souviendrait à jamais de cet apprentissage. S’il était honnête, c’étaient là ses seules aptitudes utiles à Hoenn…

    Car bien que la puissance de ses compagnons Pokémon fasse de lui l’incarnation de sa Région, il n’était qu’un figurant. Il avait un pouvoir décisionnel, dont attestait le rapport négligemment posé sur son bureau, mais cela relevait d’une tradition ancestrale attribuant au plus puissant des hommes une sagesse, et appelant son respect. Soit une stupidité sans nom.

    Le Maître soupira. Longuement. Il n’était pas près de donner sa réponse à Damien s’il ne cessait ainsi de se perdre dans ses pensées, entre sa jeunesse de financier, sa position, les traditions et leurs erreurs de jugement, et mille autres choses ; son autre jeunesse, par exemple, sa jeunesse de Dresseur. Trop de sujets, tous trop prompts à rejoindre la scène de ses pensées.

    Malgré sa lecture du rapport, incomplète encore, Rochard décida de s’attaquer déjà à la réponse qu’on attendait de lui. Ce n’était guère difficile, en réalité ; il lui suffirait de donner pleine latitude à ses ministres, en des termes suggérant un thème ou un autre. Mentionner peut-être des pirates ; faire un sous-entendu, et laisser ses associés le faire parler, à sa place.

    Il s’empara d’un stylo, griffonna une ligne ou deux, ajouta une annotation un peu plus loin, pour faire propre. Ces pirates sont un problème de toute façon ; une banalité, ou bien un ordre impérieux. Glacia et Aragon l’utiliseraient selon leur bon vouloir ; à vrai dire, le Maître ne se serait pas étonné outre mesure s’ils n’attendaient pas cette réponse pour lancer les leurs.

    À la Culture, la jeune Spectra préparerait avec un quart de décennie de préséance un blockbuster sur le Colosse. À l’Intérieur, Aragon organiserait une chasse aux sorcières dans les eaux territoriales. Aux Affaires Étrangères, Glacia demanderait une liste de journaux triés d’une façon ou d’une autre. Et Damien, lui, n’aurait sans doute rien à faire.

    Ce ne serait pas la première fois. Même si les ministères travaillaient régulièrement de front, celui du Dresseur spécialiste des Ténèbres faisait le plus souvent bande à part. Cela n’avait pas l’air de diminuer ses résultats, alors on le laissait faire. De tout façon, il pouvait difficilement surpasser le Maître en inutilité. Ce dernier était satisfait de traiter trente rapports en une journée.

    Il s’accorda un court repos, se laissant attirer par le cuir du dossier de sa chaise de fonction. Ce n’était pas un trône, mais ça en avait l’idée. Une autre tradition, pas forcément désagréable. Mais le plus important pour Rochard, dans son bureau, n’était pas son siège. L’important était plutôt les murs, ces murs qu’il avait enseveli sous ses souvenirs de jeunesse.

    Des roches, partout, formant d’harmonieux murs de pierre. Ici une tourmaline, là un granit ; du précieux, du moins précieux. Toutes les roches fascinaient le Maître de Hoenn. Celles dont son bureau était orné avaient toutes, ou peu s’en fallait, des valeurs sentimentales bien au-delà de leur prix. Des prix, d’ailleurs, pas forcément onéreux ; il en avait ramassé certaines au sol.

    Dans un coin, un simple éclat de pyrite affichait la couleur de l’or : le cadeau ironique d’un frère qui avait pris le contrôle de l’héritage familial. Ailleurs, le rubis le plus petit du monde annonçait la paix revenue entre Rochard et son père. Sur une étagère s’alignaient les nombreux présents censés gagner les faveurs du Maître, autant d’affaires sans suite.

    Et surtout, au-dessus de la porte, un humble rebord portait le fragment d’améthyste le plus précieux du monde de Rochard. Cette pierre avait failli le tuer, puis elle avait failli le sauver, et elle l’avait ainsi lancé sur sa voie, vers le Dressage, vers la Ligue. Un petit morceau de géode, un présent de la Terre sans grande valeur, mais pour Pierre Rochard, cette améthyste était tout.
Article ajouté le Samedi 07 Décembre 2019 à 10h54 | |

Commentaires

Chargement...