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Chips aux crevettes
de Eliii

                   



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TEXTE : Altruisme
Il s'agit d'un texte qui doit avoir un peu plus d'un an, retrouvé parmi les fichiers de mon ordi'. Au départ, ce devait être le début d'un projet de roman sur lequel je travaillais, mais au final, je l'ai laissé traîner dans un coin, par manque de temps à lui consacrer. Je pense revenir sur l'idée de base, mais plutôt qu'en faire un roman, j'ai pensé à écrire une fanfiction Pokémon à partir de ça... Ce n'est qu'à l'état d'embryon, mais qui sait, un jour... Bref, bonne lecture.




« L'étagère est vide, le frigo est vide, les placards sont vides... L'appartement est vide. Il a bien fallu que je retire toute la vie que contenaient ces lieux ; cet habitacle est mort avec tous les souvenirs qui me relient à lui, mais ils renaîtront bientôt de leurs cendres, ce n'est qu'une question de temps », songe-t-il.

Une main pâle, ornée de plusieurs bagues, passe sur le meuble. Soulève une couche de poussière qui s'évanouit dans l'air. Tapote un peu le bois dur. Ouvre le tiroir, doucement, sans se presser. Farfouille un instant à l'intérieur, puis en sort un objet. Rectangulaire, assez fin d'épaisseur, comportant plusieurs touches. Le pouce appuie sur le bouton servant à actionner le dictaphone.

« Qu'est-on censé dire, dans un moment comme celui-ci ? On dit bonjour, on se présente brièvement, et on enregistre son message ? Non, pas le temps. J'ai encore l'odeur métallique du sang sur ma peau, ça ne veut pas s'en aller, j'ai beau faire... non, ça ne part pas, c'est tenace, cette senteur-là, comme ces fichus rats dans le grenier de ma grand-mère, paix à son âme, c'était une sainte. Hem, oubliez ça, c'est sans intérêt. »

Le pouce presse un autre bouton, mettant l'enregistrement en pause. L'autre main, décorée de bagues elle aussi, et tout aussi blanche de teint que l'autre, saisit une cigarette, la porte à une bouche fine aux lèvres minces, retourne dans la poche, prend un briquet, allume le bâtonnet rempli de tabac ; la fumée odorante commence à se mêler à l'air vicié et à l'immonde senteur de renfermé. Une expiration, et on est reparti.

« On m'a souvent dit que, par nature, un homme est égoïste. C'est bien naturel... on pense plus à soi qu'aux autres, parce qu'au fond, les autres, ne sont-ils pas là pour être utilisés à notre avantage ? J'y ai cru, à tout ça, au début, mais peut-être que je me trompais. N'ai-je pas fait cela par altruisme ? Cette action, que tout le monde m'a reprochée par la suite... oui, c'était de l'altruisme, ni plus ni moins. Peut-être que j'ai pris ce pistolet sur la table, peut-être que je l'ai chargé méticuleusement, peut-être que je l'ai pointé sur son visage d'ange entouré d'une crinière brune, peut-être que j'ai récité une prière en regardant cette face endormie et, peut-être, j'ai tiré froidement entre les deux yeux. Mais... on a toujours le choix, et nos choix nous définissent. Si j'ai choisi de le faire, suis-je un criminel ? Assurément pas ; un altruiste, c'est tout. »

Nouvelle aspiration de fumée, puis expiration ; les volutes s'évanouissent, la voix légèrement rauque, mais au timbre agréable, reprend.

« Dois-je oublier ce que je viens de dire, et démarrer un nouvel enregistrement ? On efface tout et on recommence. C'est facile, pratique, pas d'erreur... Mais non, poursuivons. J'irai jusqu'au bout de ma pensée. Alors, disais-je, contrairement à la majorité de mes pairs — voire tous —, je suis un altruiste. D'aucuns dirons que je suis un immondice vivant, une honte à l'humanité, mon apparence extérieure dissimulant ce que je suis vraiment... mais je préfère me voir comme un homme qui pense aux autres plutôt qu'à lui-même. C'est légitime, non ? Je rends des services, après tout, et ce n'est pas pour l'argent. J'ai bien plus de billets qu'il ne m'en faut, rien que dans cette mallette grise posée à mes pieds. »

La voix suave marque une pause, tire une nouvelle bouffée de fumée, inspire, expire, puis soupire.

« J'ai vécu ici durant presque quatre mois. Quatre mois, à habiter un appartement dans un immeuble tout à fait banal, à faire la conversation avec les voisins sur le palier, tout en sachant que ce que je leur montre, ce n'est pas moi. Juste mon apparence avec un état d'esprit faussé, un déguisement... un masque, oui, c'est ça. Et maintenant, je m'en vais, parce qu'après ces quatre mois, j'aurai enfin achevé ma mission dans cette ville. On m'a appelé pour un nouveau contrat, et tout altruiste que je suis, je vais m'empresser de rendre service à mon client ; ils ne veulent que l'élite, ces clients-là. »

Le téléphone portable sonne. Le dictaphone enregistre toujours.

« C'est pas le moment, saleté ! C'est pas vrai, où je l'ai laissé... »

Après quelques secondes, l'importun est retrouvé et lancé sans scrupules à travers la fenêtre. Lasse, la voix continue sa litanie.

« Donc, où en étais-je... oui, à la question que vous, qui écoutez cela, êtes en train de vous poser. Pourquoi diable suis-je en train de raconter des choses absurdes pour que cet objet les enregistre ? Parce qu'il faut bien qu'il subsiste une trace de tous les grands penseurs sur cette Terre. Arrogant ? Il se peut que je le sois, et, bien qu'il m'en coûte de l'admettre, j'ai bien d'autres torts, mais là n'est pas le sujet. Je dois faire partager mon altruisme au monde. Lorsque Dieu m'aura rappelé à lui, et qu'on trouvera ces mots sur mon cadavre frais, le monde saura enfin. On me connaît, je suis l'insaissisable Renato Azelio, l'un des hommes les plus recherchés par la police du pays, mais après tout, qu'est-ce qu'une existence sans un danger omniprésent qui fait bouillonner le sang dans les veines ? L'Italie saura enfin ce qui se cache derrière mon visage affable, en pressant ce bouton. Je n'attends que ça. »

Fin de l'enregistrement. Le dictaphone est rangé dans la poche du costume coûteux. L'homme observe son reflet dans le miroir. Visage agréable en fin de trentaine, yeux bleus éclatants, cheveux bruns coupés courts, peau pâle, légères rides au coin de la bouche ; il sourit beaucoup. La main ornée de bagues décroche le miroir du mur et la chaussure de ville noire le brise ; comme tant de destins avant lui.
Article ajouté le Jeudi 01 Septembre 2016 à 18h26 | |

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