Basalte de Skallir

Basalte se tenait près de l’entrée de la caverne servant de dortoir à son clan. Il faisait tourner sa roue d’avant en arrière par petits coups secs. Il était nerveux. Et visiblement il n’était pas le seul. Autour de lui, les autres charbis restaient parfaitement immobiles et fixaient le chef, attendant qu’il prenne la parole. Personne n’osait lui demander pourquoi il avait ordonné à la tribu de se rassembler. Ils craignaient trop la réponse. Le chef ne les réunissaient qu’en cas d’urgence. La dernière fois, c’était il y a plus de vingt-ans, lorsque trois autres tribus de charbi s’étaient alliées pour tenter de conquérir leurs cavernes. Si tout le clan se tenait dans la caverne, c’était donc que la situation était exceptionnelle.

Basalte tentait de deviner ce qui avait pu pousser le chef à les faire venir lorsqu’il fut violemment heurté par un autre charbi. Il se tourna vers son frère, agacé. Granit s’excusa avant de recommencer à tourner en rond. Il ne tenait pas en place. Cela faisait presque une demi-journée que les charbis étaient dans cette grotte et attendaient les membres de la tribu qui s’étaient levés trop tôt pour entendre les ordres du chef. Le jeune charbi n’avait pas l’habitude de rester si longtemps sans rien faire. Et l’atmosphère de tension qui régnait dans la caverne ne contribuait pas à le calmer.

Les derniers membres de la tribu finirent par arriver. Ils parcoururent la salle du regard, surpris de voir autant de monde, et se tournèrent vers le chef. Celui-ci s’éclaircit la voix pour attirer l’attention de l’assistance, s’assura que tout le monde le regardait, puis, il prit la parole.

« Si je vous ai demandé de vous réunir c’est parce qu’il se passe quelque chose de grave. Je suppose que vous savez tous qu’il arrive aux humains qui viennent s’entraîner dans les grottes de capturer certains d’entre nous pour les emmener avec eux. »

Basalte eu un léger hochement de tête. Il était bien placé pour le savoir puisqu’il avait déjà été capturé par un homme.

« Jusqu’à maintenant, continua le chef, cela ne posait aucun problème car ils ne s’aventuraient jamais au fond des grottes. Ceux d’entre nous qui ne souhaitaient pas devenir leur pokémon pouvaient donc les éviter facilement. Mais depuis quelque temps, certains humains s’aventurent de plus en plus loin dans les cavernes. Ils viennent toujours de nuit et ils semblent vouloir éviter leurs congénères. Apparemment ils sont là uniquement pour capturer des membres de notre espèce. Certaines tribus ont déjà entièrement disparu à cause d’eux. Plusieurs membres de la nôtre ont également été capturés. C’est pourquoi, j’ai décidé que nous allions quitter ces grottes et nous enfoncer plus profondément dans la montagne. Là-bas il y à des tunnels trop étroits pour que les humains s’y introduisent. Nous y rejoindrons d’autres tribus de charbis, et nous tenterons de nous défendre ensemble contre les Hommes.

Les charbis se mirent à parler tous en même temps, horrifiés. Certains d’entre eux avaient remarqué que ceux qui partaient s’entraîner contre les humains disparaissaient de plus en plus souvent, mais personne n’avait imaginé que les Hommes pouvaient aller jusqu’à capturer des tribus entières.

« Comment pouvons-nous être sûrs que les autres tribus nous aideront ? demanda un charbi qui criait pour se faire entendre. Celles qui vivent au fond des grottes pourraient très bien laisser les humains nous enlever et en profiter pour récupérer nos grottes après !

-Ils ne le feront pas, car ils ne seraient pas en sécurité non plus, lui répondit le chef d’un air agacé. Je te rappelle que ce sont les humains qui ont creusés la majorité des tunnels dans lesquels nous vivons aujourd'hui. Rien ne les empêche de se créer de nouveau passage. Nous ne pourrons pas nous contenter de nous cacher, il faudra aussi nous battre. Et nous n’avons aucune chance de vaincre les humains seuls. En revanche plusieurs tribus pourraient y parvenir si elles s’unissent.

-Pourrons-nous revenir ici un jour ? voulut savoir quelqu’un d’autre.

-Je l’ignore. Pour pouvoir revenir il faudrait que cette bande d’humains cesse de nous chasser, et je ne peux pas prévoir ce qu’elle fera.

-Et pour ceux qui ont été capturés on fait quoi ? »

C’était Granit qui avait posé cette question. Basalte soupira et leva les yeux au ciel. Il aimait beaucoup son frère mais sa stupidité pouvait parfois être agaçante.

« Rien. Les humains sont beaucoup trop forts pour qu’on ait une chance de sauver ceux qui ont été attrapés, lui répondit le chef.

-Mais…

-Laisse tomber Granit, le coupa Basalte. Le chef a raison. »

Le jeune charbi ouvrit la bouche pour répliquer, puis il se ravisa.

La tribu se mit très vite en route. Le chef était devant et montrait le chemin. Les jeunes enfants et leurs parents le suivaient. Derrière eux se trouvaient d’autres charbis qui portaient les provisions que la tribu avait pu rassembler. Les meilleurs combattants fermaient la marche pour guetter une éventuelle attaque humaine. Basalte était parmi eux. Il ouvrait l’œil et était prêt à se battre, même s’il doutait que toute cette organisation serve à quelque chose. Si les humains décidaient d’attaquer par surprise personne ne pourrait rien faire pour les arrêter. Même en se cachant dans les tunnels les charbis n’avaient presque aucune chance de leur échapper. Basalte connaissait suffisamment bien les humains pour savoir qu’ils étaient bien plus forts qu’eux.

Le charbi fut tiré de ses pensées par l’arrivée de son frère.

« Il faut qu’on aille aider ceux qui ont été capturés par les humains. On ne peut vraiment pas les laisser comme ça, annonça celui-ci.

-On ne peut rien faire, Granit, lui répondit Basalte en soupirant. Le chef te l’a déjà dit.

-Mais toi tu es fort ! Tu as vécu parmi les humains. Tu m’as dit que tu avais déjà remporté des victoires avec ton ancien dresseur. Je suis sûr que tu es aussi puissant que n’importe lequel de leurs pokémons !


-Si je suis revenu ici, c’est parce que je me suis rendu compte que même en m’entraînant avec un dresseur j’étais bien trop faible pour vaincre des humains qui avaient un minimum d’expérience.

- Je t’ai déjà vu combattre ! Tu es beaucoup plus fort que ce que tu dis ! Tu pourrais faire quelque chose si tu le voulais ! S’il te plaît, tu dois au moins essayer de sauver les membres de notre tribu, le supplia Granit. Certains sont mes amis.

-Tu me crois fort parce que tu ne m’as vu combattre que contre des gamins qui débutaient en combat pokémon. Moi aussi je me croyais invincible au début du voyage lorsque je n’avais que ce genre d’adversaire. Ces humains sont assez puissants pour capturer des tribus entières. Aucun d’entre nous ne fait le poids face à eux. Je sais que ce n’est pas facile de perdre des gens à qui on tient mais tenter de secourir tes amis serait du suicide.

-Tu n’es qu’un lâche ! hurla Granit furieux. Tu pourrais vaincre les humains, mais tu à trop peur d’eux pour essayer ! Puisque c’est comme ça j’irai sauver les autres tout seul ! Et ce sera moi le héros !

Le jeune charbi se retourna si vite que le mouvement de sa roue contre le sol provoqua des étincelles, et repartit vers le centre de la colonne. Basalte regarda autour de lui et s’aperçut que la plupart de ses congénères l’observaient d’un air gêné. Visiblement ils avaient entendu la dispute.

« Tu es sûr que c’est une bonne idée de le laisser seul ? demanda l’un des charbis. Il compte peut-être réellement s’attaquer aux humains.

-Ne t’inquiète pas pour ça, lui répondit Basalte. Je connais mon frère. Il ne fera rien. Il va juste rejoindre mes parents et ruminer un peu. Pour l’instant il est triste parce qu’il a perdu des amis, mais il finira par comprendre que son idée était stupide.

L’autre charbi n’eut pas l’air complètement convaincu, mais il n’insista pas.

Basalte soupira. Il n’aimait pas se disputer avec Granit, mais il n’avait pas vraiment eu le choix. Il ne pouvait pas le laisser croire qu’il était possible de vaincre les humains. Le charbi se demanda comment cette idée avait pu lui venir à l’esprit. Son frère était jeune et naïf mais quelqu’un aurait tout de même dû lui apprendre que les humains étaient dangereux. Même les jeunes étaient forts et capable de capturer certains pokémons. Les adultes, eux, étaient presque invincibles.

Peut-être était-ce de sa faute si Granit n’avait pas compris cela. Après tout c’était lui qui avait appris à son frère à combattre. C’était donc lui qui aurait dû lui apprendre à craindre les Hommes. Il avait enseigné à son frère ses meilleurs techniques de combat, mais il avait oublié de lui préciser que la majorité des pokémons dressés par les humains connaissaient des techniques toutes aussi puissantes.

Basalte réfléchissait à un moyen de montrer à son frère la force des humains sans que celui-ci ne court le risque d’être capturé lorsque la tribu arriva à destination. Les tunnels étaient moins étroits que ce à quoi Basalte s’était attendu et pouvaient facilement laisser passer trois charbis de front. Ce qui signifiait que les humains pourraient sans problème y envoyer leurs pokémons les plus petits, tel que les morpekos.

Basalte soupira. Les charbis n’avaient vraiment aucune chance de gagner. Les humains enverraient les pokémons capables de passer pour les vaincre. Puis ils n’auraient plus qu’à creuser pour pouvoir capturer les charbis K.O. Le pokémon charbon songea que le seul moyen de s’en sortir était de s’éclipser au début des combats et d’espérer que les humains se contenteraient de capturer ceux qui combattraient sans tenter de poursuivre les autres. Il décida d’aller retrouver sa famille pour leur faire part de son plan.

Il vit rapidement ses parents. Ceux-ci semblaient le chercher aussi.
« Granit n’est pas avec toi ? lui demanda son père d’un air inquiet.

-Non. Il est venu me parler un moment puis il est reparti. Il n’est pas retourné avec vous ?

-On ne l’a plus vu après qu’il soit parti discuter avec toi. On pensait qu’il y était encore. Tu as une idée de l’endroit où il pourrait être ? »

Basalte réfléchit. Il était peu probable que son frère se soit perdu dans les grottes puisqu’il était entouré par une cinquantaine de charbis qui allaient tous dans la même direction que lui. S’il avait quitté le groupe il l’avait fait volontairement. Mais pourquoi ? Soudain, Basalte comprit.

« Oh, non ! souffla-t-il, terrifié.

-Quoi ? Tu sais où il est ?

-S’il est venu me voir c’était pour me demander de l’aider à libérer les membres de notre tribu qui ont été capturés par les humains. Lorsque j’ai refusé, il est parti, furieux, et il m’a dit qu’il allait les affronter seul. Sur le moment j’ai cru que c’était des menaces en l’air. Mais s’il n’est pas avec vous…

-Je pars à sa recherche ! annonça sa mère en fonçant vers la sortie.

-Attends ! dit Basalte en lui coupant la route. Je vais aller le chercher moi-même. Je connais mieux le monde des humains que vous. J’aurais plus de chance de le retrouver. »

Ses parents s’entre regardèrent, hésitant.

« Ne vous inquiétez pas, ajouta Basalte. Je réussirai à le ramener. En venant avec moi vous ne feriez que me ralentir.

-C’est d’accord, finit par céder son père. Mais fais vite. Plus tu tarderas à le retrouver plus il aura de chances de tomber sur les humains.

Basalte ne prit pas la peine de répondre et fonça vers l’extérieur aussi vite qu’il le pouvait.