Je ne t'oublierai jamais [OS] de Kitsuninu

Il est là. Devant moi. Si proche et pourtant si lointain.
Ça fait déjà longtemps qu'il a fermé les yeux. Longtemps qu'il ne bouge plus. Mais je ne veux pas y croire.
Non.
Il est toujours là. Avec moi.
Il n'est pas encore parti.

Non...

Ça y est, je n'en peux plus. Je ne peux plus réfréner ces larmes froides et salées qui perlaient au coin de mes yeux. Je gémis un peu, mon cœur croulant sous le poids d'un tel fardeau de désespoir. S'il venait à mourir... Je serais comme une ombre.
Non.
Je ne serais plus rien du tout.

*
* *
Mes paupières... si lourdes...
Ma vision déjà trouble se voile entièrement.
Je n'ai plus assez de forces pour réfléchir à ce qui m'arrive.
Je ne comprends pas...
Maintenant, dans le noir complet, je ne peux que penser à elle.
Ah... non... Ce n'est pas seulement noir... On dirait le ciel...
Dans cette obscurité dans laquelle je vois si bien d'ordinaire, je suis comme un aveugle, comme un jeune Caninos qui vient de naître.
Mais maintenant... Voilà qu'une lueur apparaît dans cette opacité. Une faible lueur, certes... Mais... Elle signifie tout.
L'Espérance.
Je peux encore y croire.
Mais cette étoile... Elle n'est pas blanche... Elle est mauve...

*
* *
Il me semble que je ne l'ai jamais regardé aussi intensément qu'à cet instant.
Malgré le voile de larmes qui obscurcit ma vue, je le vois. Je le vois très bien, même. Inconsciemment, ce proverbe me revient à l'esprit :
« On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. »
Oui.
C'est sans doute vrai.
Sûrement.
Ma gorge nouée me fait souffrir, mais je sais que je n'y peux rien.
Je suis triste, et c'est tout.
Je continue à le dévisager. Son poil d'un noir lustré a perdu de sa splendeur. Il pâlit à vue d'œil.

Non...

Je serre les dents, mais rien n'y fait. Je pense toujours à lui.
Et ces larmes...

Plic.
Ploc.

Je ferme les yeux. Je ne veux pas voir mes pleurs se joindre à son sang. Ce sang qui le quitte encore...
Ce sang qu'on a injustement versé.

*
* *
Cette étoile m'intrigue beaucoup.
Est-ce que je peux... m'en approcher ?

Oh...
Non.

Je ne peux même pas bouger.
Je crois que je souris.
C'est vrai, dans le fond, c'est ironique... Moi qui passais pour le plus turbulent de mon clan.
Autrefois.
Avant cette nuit-là.
Je me souviens de cette aventure, celle qui m'a menée ici...
... comme je me souviens de ma vie. Ma vie d'avant. Ma vie de bonheur. Ma vie avant mon évolution.
Elle, si malade... et moi, si amoureux. Ma belle Mentali , ma sœur, mon soleil, mon Ange... au bord de la mort...

J'ai tout tenté pour la sauver.
Tout.

Malheureusement, cela n'aura pas suffit... À cause d'une simple fleur.
La Fleur du Don.
Cette fleur au pouvoir miraculeux, qui exauce n'importe quel souhait... Cette fleur attire la convoitise, mais elle est maudite. Et je l'ai compris trop tard...

Moi qui pensais que j'allais la sauver, j'ai juste inversé la donne... Moi malade du corps, elle malade du cœur... Cette fleur est un piège. Un horrible piège... de mort.

*
* *
La fatigue a eu raison de moi.
J'ai usé toutes mes larmes, je n'en ai plus en moi.
C'est comme si mon chagrin avait atteint un point où on ne peut être triste.
Allongée à ses côtés, je le regarde longuement. J'espère qu'il sent mon soutien. Pourvu qu'il s'accroche...
...
Oh...
Je sens que je vais encore pleurer.
Tant pis.
Ou tant mieux.
Je me blottis un peu plus contre lui.
Je peux sentir sa respiration, son souffle fiévreux caresser ma fourrure, son pouls léger, mais bien présent.
Non, il n'est pas encore parti.
Mais malheureusement...

Cela ne saurait tarder.

*
* *
Je ne ressens qu'une immense solitude.
C'est seulement maintenant que je me rends compte à quel point ils vont me manquer.
Quand j'y repense... je me dis que j'ai été bien bête. Bien bête de croire que je réussirais.
Mais il est trop tard, désormais.
J'ai commis une erreur fatale en cueillant cette fleur.
Mes pensées se tournent encore une fois vers elle.
Elle qui a toujours été là pour moi.
Elle que je n'oublierai jamais.
Elle qui, je le sens, me soutient, malgré sa faiblesse.
Non.
Cette fleur ne l'a pas entièrement guérie.
Quand je serai parti, personne ne pourra la consoler.
Pas même la fleur...
Je crois qu'il pleut toujours. Mais je ne le sens pas...
Ma pensée, mes souvenirs, ils prennent une telle ampleur maintenant que me sens sont engourdis et inutiles...
Désormais, mes forces faiblissent. Je sens que je vais mourir.
Mais je ne suis pas triste, non.
Je suis même heureux.
Doucement heureux.
Mélancolique.
Rassemblant mes dernières forces, j'ouvre les yeux.
Elle est là, contre moi.
Nos regards se croisent. Elle a beaucoup pleuré, je le vois à ses yeux.
Elle s'avance un peu et viens me lécher le museau.
Je la regarde et lui souris une dernière fois. Elle me rend mon sourire.
Ça y est. Je lui ai dit au revoir. C'était le plus important.
La paix dans l'âme, je retombe doucement sur le sol.
Et je ferme les yeux.

*
* *
J'avance dans un tunnel de lumière. Le chemin s'ouvre seul devant moi.
Sous mes pas, le sol est doux.
Je regarde une dernière fois en arrière.
Non. Evidemment.
Elle ne peut pas être là.
Si je pouvais pleurer, croyez-moi, je l'aurais fait... Mais je sens qu'il ne faut pas.
Je n'en ai plus besoin, maintenant.
Je me retourne vers ma destination et inspire un grand coup.
Je vais peut-être là-bas, mais rassure-toi, je ne t'oublierai jamais...
... mon Ange.