Je ne sais pas (one-shot) de pwassonne

Il fait froid, dehors. C'est comme ça depuis hier. Ou peut-être déjà avant, mais ça, j'en sais rien.
Ca fait pas longtemps que je suis là. Je suis sorti d'un oeuf il y a... je crois que ça fait pas longtemps. Je sais pas.
Je sais pas ce que je fous là. Comment je suis arrivé là. Sous cet arbre, je veux dire. J'ai dû marcher un bout de temps. J'ai dû fatiguer, j'avais jamais marché longtemps comme ça. J'ai peut-être vu cet endroit, je me suis peut-être dit qu'après tout, le creux d'une racine n'était pas le pire endroit pour dormir. J'ai dormi, je sais pas combien de temps. Je sais qu'avant, j'avais pas besoin de marcher.
Elle a voulu que je m'en aille. Je la respectais. Je me demande bien pourquoi...

Ce que je sais, par contre, c'est la première chose que j'ai vue. Elle. Une humaine, une gamine. J'ai compris ça après. C'est ma mère qui me l'a dit. Je l'ai pas vue longtemps, elle non plus.
La gamine, elle avait des cheveux très blonds, des yeux bleus et une drôle d'expression. J'ai compris qu'elle était déçue. Déçue de me voir ? C'était pas mon premier souci. Je me demandais ce que je foutais là, pourquoi y avait autant de lumière tout d'un coup. Après, elle s'est rapprochée, elle avait un truc rouge et blanc dans la main. Elle me l'a lancé. J'ai pas eu le réflexe de protester. Je me suis senti emprisonné.
Après, plus rien.
Jusqu'à un jour. Je sais pas combien de temps après. J'étais dans un endroit différent de celui où j'étais né. Un endroit où on voyait pas le ciel, à la place y avait un truc tout gris. Ma mère m'a dit que les humains se mettaient dans des endroits comme ça pour s'abriter. Dans celui-là, il y avait quelqu'un qui soignait les Pokémons, et ça s'appelait un "centre Pokémon".
Les humains ont pas tort de s'abriter là. Dans le centre Pokémon, il faisait chaud. J'étais bien. J'ai vu ma mère. Elle m'a expliqué tout ça, ce qui se passait, de sa voix grave de Laggron. Elle m'a dit que la gamine m'avait mis dans une Pokéball, puis dans le PC, pour pas avoir à me transporter. Elle me trouvait inutile, quoi.
Il n'y avait pas que ma mère et moi. Il y en avait aussi d'autres, d'autres comme moi. On était six en tout, avec ma mère.
Ca non plus, ça n'a pas duré. La gamine nous a dit de partir, à moi et à mes frères et soeurs.
Moi, j'avais pas envie de partir. Je connaissais pas grand-chose à tout ça, mais j'étais bien, alors j'avais envie de rester.
Mais elle nous a répété de partir.
"Bon, vous allez foutre le camp, les Gobou, oui ? C'est même pas shiny et ça se permet de..." a-t-elle finalement crié avant de commencer à nous donner des coups de pied. On n'a pas insisté. On s'est dirigés vers l'endroit qu'elle nous indiquait. La porte du centre Pokémon.
Ma mère a commencé à nous suivre. La gamine a fait :
"Ah bah non, tu vas pas t'en aller toi aussi ? Je le dirai à papa !"
Elle a tendu son bras. Sa main tenait un de ces fichus trucs rouges et blancs, une Pokéball. Il y a eu de la lumière rouge. Le dernier instant où j'ai vu ma mère, elle avait un regard suppliant. Un de ceux qui vous transpercent le coeur. Là, vous avez tout sauf envie de partir. Mais j'avais pas envie de me reprendre un autre coup de pied.

J'ai rejoint mes frères et soeurs, dehors.
Il faisait froid. C'était la première fois que je me retrouvais seul.
Mes frères et soeurs étaient là, mais ils étaient aussi seuls que moi. Sans défense, sans ressources, rien. J'ai compris ça quand j'ai vu d'autres humains. Un peu plus grands. Quand ils nous ont vu, ils ont couru vers nous avec leurs saloperies de Pokéballs. On a trouvé qu'une chose à faire, s'en aller en courant du mieux qu'on pouvait. Longtemps, très longtemps. Quand je me suis arrêté, enfin, j'étais seul.
J'ai marché. Et je crois que c'est comme ça que je suis arrivé là.

Il commence à pleuvoir. Je sors de sous mon arbre. J'aime bien l'eau, je sais pas pourquoi. Encore un truc que je sais pas.
Je sais pas ce que je fous là. Je sais pas ce que je vais devenir. Par contre, je sais que je dois survivre. Survivre ? Je sais même pas ce qui arrivera, sinon.

Cette gamine était idiote. Elle m'a abandonné.
C'est un mot que m'a dit ma mère. J'ai pas compris. Maintenant, je comprends.
L'autre, elle savait pas ce que j'allais devenir après. Et ça l'a pas empêché de nous dire de partir. Ou peut-être qu'elle le savait très bien. Moi, je sais pas.
Je sais pas dans quelle direction aller. Alors je bouge pas.
Je retourne sous mon arbre. La pluie tombe moins ici. c'est un peu comme le centre Pokémon. Sauf qu'il fait froid. Je me roule en boule.
J'ai faim. J'ai besoin d'autre chose qu'un creux de racine.
Personne ne m'a appris ce qu'il faut faire, à ce moment-là. On ne m'a rien appris. Je ne sais rien.
A part détester les humains. Qui vous font croire qu'ils sont bons, et ensuite, ils vous abandonnent. Les détester. Ca, je l'ai appris tout seul.