Jutsu ! de Deadlier

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Evaluation de Icej

Expression

Ton expression est correcte. On parvient à se situer et on suit sans problème l’action. Tes mots sont particulièrement précis et intéressants quand il s’agit de décrire les combats et les attaques de type Poison, ce qui est très appréciable. Le ton comique, voire loufoque, est globalement assez bien retranscrit, et tu m’as fait sourire à de nombreuses reprises. On ressent très, très bien la personnalité de Jeanine grâce à sa “voix” narrative.

Il subsiste cependant des fautes, notamment quand tu utilises le passé simple (“Un frisson me parcouru”, au Chapitre 8…), mais aussi des oublis d’infinitifs (“Qu’espérait-il trouvé au juste ?”, au Chapitre 6). Par ailleurs, tes tournures de phrases sont parfois un peu étranges. Trouver des mots plus appropriés ou simplifier les phrases donnera plus d’impact à ton histoire et apportera du relief à tes personnages. Un exemple : au Chapitre 6, Jeanine donne un discours à la population de Parmanie, mais ses mots manquent de portée ; elle ne s’exprime pas comme une mairesse, ou une femme politique après un attentat. Ceci donne au lecteur ou à la lectrice l’impression que la disparition du commissariat n’est en réalité pas si grave… et réduit la portée de ton histoire. Voilà qui révèle l’importance des mots que tu peux choisir en écrivant. Je t’encourage à lire des discours de politiciens et politiciennes après les attentats de 2015 pour plus de vraisemblance.

Un dernier point : ton expression peut manquer de nuances et d’émotions. Puisque tes personnages ont vécu des choses difficiles, on s’attendrait à ce que tu décrives leurs visages, leurs mimiques, que tu donnes du poids et de la place à leur douleur dans ton écriture. Leur rancoeur ou leur colère ferait d’autant plus ressortir les instants comiques ! À l’avenir, peut-être faut-il envisager de placer ton expression davantage au service des personnages et de l’histoire.

Histoire

À première vue, ton intrigue est assez classique, et l’histoire est peu surprenante.

Je veux commencer par discuter de la capacité qu’a ton héroïne à influencer le dénouement de ton intrigue. Un personnage principal est d’abord défini par sa capacité à agir et à contribuer à la résolution des problèmes. Cependant, l’intrigue que tu as construite dépossède Jeanine de sa capacité à agir. Récapitulons : elle est Championne parce que son père le veut, doit laisser Silver enquêter même si elle est Championne… écoute à contre-coeur les plans de son père, affronte Giovanni uniquement parce que Silver le veut, et jure de partir découvrir le monde seulement parce que Silver le lui propose. Bref, on se retrouve avec une Ninja accomplie, maîtresse des poisons, et héroïne de l’histoire, qui ne sert strictement à rien. Une femme prise en main par des hommes.

Au-delà de ce problème, plusieurs thèmes ressortent. D’abord, celui du service public, ce qui n’est pas tout le temps abordé dans les fanfics de Pokébip. Je te félicite. Cependant, quelques points restent à éclaircir… Jeanine devient Championne parce que son père le veut, Silver ne passe aucune concours pour devenir commissaire, ce qui nous donne finalement l’impression que ces postes à haute responsabilité sont trop faciles à obtenir. Autant y aller à fond. Ce serait encore plus impressionnant que Jeanine et Silver soient déterminés à passer des concours pour décrocher leurs postes, peu importe à quel âge ils les obtiennent.

Ensuite, le thème de la filiation. La motivation du grand méchant est d’affronter son fils en duel. Cela colle certes au thème, mais cela semble finalement assez bancal : pourquoi engager un scientifique de renom, investir autant de pokédollars, faire disparaître un commissariat entier et risquer toute une entreprise criminelle pour affronter son fils ?

Passons. Un troisième thème se dessine : le traumatisme. Ce qui surprend réellement, c’est le traitement léger de la fausse couche. Comme tu le notes au chapitre sept, Jeanine a dî accoucher du cadavre de son enfant par voie basse quelques mois avant l’intrigue, ce qui est un événement traumatique. Une femme peut être rongée de regrets et se haïr, croyant avoir causé la perte de l’enfant. Certes, Jeanine se remet en question, refusant d’utiliser des attaques Poison, etc. Mais ton histoire donne peu d’ampleur à cet accident grave : la fausse couche est révélée au détour d’un dialogue à la fin du chapitre deux… on apprend la raison incroyablement bancale qu’avait Silver pour quitter sa compagne au chapitre huit, durant le combat contre Giovanni. La révélation est un épiphénomène. Cela donne finalement l’impression que tu as voulu évoquer un traumatisme sans avoir du temps pour en parler dans ton histoire, et sans montrer de personage traumatisé.

Personnages

Jeanine est est une femme touchante, et on ressent distinctement sa personnalité à la manière dont tu écris. En revanche, elle agit davantage comme une gamine de douze ans que comme une Championne avec vingt ans de bouteille, un ex-compagnon et une fausse couche dans le rétroviseur. Elle ne semble pas traumatisée du tout, et a des papillons dans le ventre parce que Silverichou lui tient la main pendant que papa regarde.

Silver est hypocrite. Il ment à sa compagne pendant des années, envisageant de fonder une famille avec elle sans lui révéler que son père criminel en a après sa peau, puis la largue au moment où elle fait une fausse couche “pour la protéger”… et lui reproche finalement d’être une lâche alors qu’elle affronte son père mafieux à sa place durant le dernier chapitre. On repassera pour le courage, l’amour et l’honnêteté. “Tu te comportes comme si tu étais la seule à souffrir,” lui assène-t-il avec aplomb tandis qu’elle apprend qu’un criminel psychopathe a causé sa fausse couche. Mouais.

Koga est un père dominateur qui veut contrôler la sexualité de sa fille et décider avec qui elle devrait faire sa vie, qui met en danger les policiers coincés dans le commissariat, et ignore les concours officiels de Champions afin d’imposer sa fille (la corruption, la corruption…!). Giovanni est un criminel qui veut forcer son fils à suivre sa voie. Il n’y rien à ajouter sur ces deux-là.

Aya est une femme gentille, drôle, et que tout le monde traite avec mépris. J’étais vraiment surprise de voir Jeanine dire à sa tante qu’elle est “inutile” aussi directement, et de même pour Silver, qui en rajoute une couche au moment où chacun est en danger de mort. Je ne savais pas que décourager des gens affrontant des Machopeurs enragés augmentaient leurs chances de survie. Je me doute qu’on recherchait un effet comique, mais ces critiques sont tellement peu vraisemblables (et méchantes…) que l’on est décontenancés.

En résumé, des hommes égoïstes et des femmes adorables, mais inutiles.

Avis

Mes mots ont pu être sévères, mais je t’encourage fortement à poursuivre la publication de fanfics. Je trouve que la manière dont tu écris Jeanine est remarquable : on ressent bien sa personnalité, ses rêves, on comprend son passé et tu nous fais ressentir son affection pour ses Pokémon. Ta prose est vivante. Tu m’as fait rire à chaque chapitre. Je te félicite pour ton travail sur le Type Poison, qui montre qu’il y a une utilité aux capacités de ces créatures dans la vie quotidienne, au-delà des combats. Le choix des thèmes est intéressant : je te conseille d’aller jusqu’au bout de tes idées et de laisser respirer les concepts que tu abordes.

8 chapitres lus, évalué en 01/2019


Note : 13 / 20