Danse de la mort
Danse de la mort :
« Lorsqu'un cygne meurt, il chante sa plus belle mélodie. » Depuis l'antiquité, on trouve de nombreux textes à ce sujet. Cette cérémonie n'est pas propre à cet oiseau. Les animaux ont bien disparu, mais le rite est resté. Chez les Pokémon, on a recensé plusieurs signes annonçant la mort. Certains, comme les Pokémon de feu, vident tout leur réservoir pyrique en produisant une flamme plus grande que jamais. On a même vu des Dracaufeux et Galopas former des figures dans les champs, brûlant les herbes autour d'eux. Ainsi, chaque Pokémon peut avoir sa propre « cérémonie de mort ». Des spécialistes ont cru constater que ce sont les Pokémon dragons qui sont les plus spectaculaires dans ce domaine. Néanmoins, il est rare d'en apercevoir : ce sont des Pokémon qui vivent très longtemps, et qui sont plutôt résistants. Cependant, les rares dracologues ayant pu observer ce phénomène ont parlé de danses de la mort. Les mourants effectueraient, inconscients, une sorte de chorégraphie, dans les airs ou sous l'eau. Mais aucune information vraiment précise n'a pu être rapportée à ce sujet, les dragons étant encore peu connus.
Professeur Chen, Encyclopædia Pokemonis, Chapitre XI : Naissance et mort des Pokémon.
« Mathieu ! Tu as déjà mangé toutes tes crêpes ?
— Je n'ai pas mangé depuis hier, maman, j'ai vraiment très faim.
— C'est vrai, excuse-moi. »
Léa et Raymond continuaient à se goinfrer, tandis que Nathalie préparait une nouvelle Poké Ball pour Justin. Lana était au téléphone avec son père. On entendit celle-ci raccrocher. Elle arriva dans la cuisine, livide. Mathieu ayant terminé de manger, il releva la tête, et cru qu'elle allait s'évanouir.
« Euh, Lana... Tu vas bien ?
— Il faut allumer la télévision, mon père a dit qu'il se passait quelque chose de grave. »
Tous se retournèrent, et la mère de Mathieu alla dans le salon, constater les faits. Sur toutes les chaînes, on pouvait voir défiler en bas de l'écran une annonce : « Graves évènements au large de Pacifi-ville — Plus d'informations sur la chaîne 42 ». Il s'agissait de la chaîne d'informations continues. Nathalie zappa. Des vidéos amatrices étaient diffusées. On y voyait une étoile dansant, haut dans le ciel. Le journaliste commentait : « On ne sait pas encore exactement ce qui se passe. Nous avons fait venir des spécialistes, mais ils ne semblent rien présager de bon. »
D'autres vidéos passèrent alors. Une foule de personnes affolées grouillait à Pacifi-ville, observant le phénomène, sortant les appareils photos, les caméras. Certains s'élançaient en barque vers une zone très brumeuse, au dessus de laquelle se déplaçait cette lueur. Dans d'autres circonstances, cette situation, une foule tout entière paniquée et en admiration devant une étoile, aurait pu être classée comique. Nathalie ne comprenait pas. Tous s'étaient rapprochés de la télévision, Raymond sa crêpe à la main. Gros plan sur un hélicoptère, dans le ciel. Le journaliste reprit : « Le Professeur Chen est sur les lieux. Nous vous le passons, en direct sur Info-TV. » Le vieux professeur apparut. À côté de lui se tenait Peter, le maître de la ligue Pokémon de Kanto, et le professeur Seko, le père de Lana. Celle-ci s'assit sur le canapé, encore plus pâle que précédemment.
« Eh bien, euh, bonjour.
Le Professeur Chen n'avait pas l'air très optimiste.
— Je crois que quelques explications s'imposent à propos de ce phénomène. Comment... Par où commencer ? Bon. Lorsque vous étiez petit, on vous a certainement raconté la légende d'un dragon vert, qui soutient la voûte céleste. Rayquaza. Il se trouve qu'il ne s'agit pas que d'une légende. Le dragon existe bel et bien, et je peux le voir depuis la vitre de cet hélicoptère.
Zoom sur le ciel. Le professeur Seko s'écarta de la vitre, dévoilant une image de la lueur verte floue. Zoom encore. On distingua un serpent, vrillant, tournant, dansant.
— Comme vous le savez certainement, lorsqu'un Pokémon meurt, il entreprend une cérémonie avant de nous quitter. Le professeur Seko, moi-même, et le dracologue réputé Peter pensons que c'est ce qui est en train de se produire. Les Pokémon légendaires ne sont pas si immortels qu'on le croit. Ils meurent bien, mais pondent un unique œuf avant cela. Cet œuf, sauf anomalie lors de sa conception, est leur clone. Le légendaire lui-même a le temps de vivre encore quelques temps, avant que son petit ne soit assez puissant pour prendre sa place. Nous ne pouvons pas voir d'ici un deuxième Rayquaza, mais il n'y a normalement pas à s'inquiéter quant à cela. Ce que nous craignons le plus, c'est la façon dont va disparaître le corps du Pokémon. En effet, certains s'éteignent simplement. D'autres s'enflamment, comme le Pokémon Magmar. Mais nous savons que Rayquaza comporte énormément d'énergie. C'est ce qui fait toute sa puissance. Nous ne pouvons pas prévoir ce qui peut arriver, c'est pourquoi nous demandons à tout le monde de rester chez soi, et de s'éloigner le plus possible de la zone de brume survolée par le dragon. »
Tout le monde était stupéfait dans le salon. Lana se leva, et se dirigea vers la porte d'entrée.
« Je rejoins mon père. »
Nathalie s'interposa.
« Quoi ? Mais c'est trop dangereux ! Reste ici !
— Mon Poussifeu est mort à cause de l'ultralaser de Rayquaza. Je ne veux pas que mon père meure de la même façon. Je vais le forcer à rentrer à la maison. »
Léa s'approcha d'elle.
« Je viens avec toi.
— Moi aussi ! s'enquit Mathieu.
— Ah non !
Sa mère n'était pas d'accord.
— Je refuse ! Tu es bien trop jeune pour ce genre de chose, tu m'as fait une immense frayeur, et tu viens tout juste de rentrer. C'est hors de question. Tu n'iras pas voir Rayquaza.
— Maman ! Je suis grand, maintenant. J'ai survécu dans l'eau, grâce à Justin. Je suis devenu très fort. Laisse-moi y aller !
— Mais ce n'est pas un jeu. Tu risques vraiment ta vie. Le professeur Chen a dit de rester à la maison. C'est ce qu'on doit faire.
— Tu préfères que Lana et Léa y aillent toutes seules ? Au moins, je les aiderai. »
La mère de Mathieu afficha un air déboussolé. Son fils ne se rendait pas compte des risques qu'il prenait. Mais elle ne pouvait pas l'empêcher d'y aller, au moindre moment de répit il se serait enfui avec son Pokémon. Comment pouvait-elle alors faire pour le protéger ? L'accompagner. C'était la seule solution.
« D'accord. Vas-y. Mais je viens avec vous. »
Mathieu était perplexe. Il n'avait jamais vu sa mère combattre.
« Euh... D'accord. Si tu veux. Pépé, tu viens aussi ?
— Hm... Je crois que je vais plutôt rester. Je n'ai jamais vraiment aimé les reptiles, et les combats, c'est pas trop mon truc.
— Mais pourquoi on combattrait ? Peut-être quelques Pokémon sauvages, mais on n'aura qu'à appeler le père de Lana quand on sera tout proches. Pas de problème.
— Mais même, ça ne me dit pas trop... Désolé.
— Comme tu voudras. »
Ils commencèrent à sortir de la maison, quand Léa demanda :
« Au fait, on y va comment ?
— Bonne question, répondirent les autres.
— Ben ma mère a un Helledelle, dit Mathieu, il n'aura qu'à la porter.
— Et moi un Wailmer, ajouta Lana, on pourra monter à plusieurs dessus.
— Dans ce cas, je vous suivrai en hauteur, et vous monterez tous sur le Wailmer de Lana, proposa Nathalie. »
Ils acquiescèrent.
En route vers Pacifi-ville.
Susan avait enterré le corps de Séviper sous un peu de sable. La chute depuis le sommet du pilier aurait été fatale à n'importe quel Pokémon incapable de voler ou de se protéger avant son arrivée au sol. Elle avait eu de la chance, avec le Papinox de Sirus. Le seul Pokémon qui lui restait était Nostenfer. Giovanni avait les autres.
Les deux ex-Rockets scrutaient maintenant le ciel, à la recherche du dragon. Mais d'ici, la brume bloquait toute vision. Ils ne voyaient ni le ciel, ni très loin dans la mer. Sirus avait raconté comment le dragon s'était illuminé. Il en avait profité pour s'envoler avec Nostenfer, et rejoindre Susan au pied du pilier. Giovanni n'avait sans doute rien remarqué.
Ils entendirent un bruit de moteur d'avion, ou d'hélicoptère. Mais il ne pouvaient pas le voir, à cause de la brume.
Ils étaient seuls, ne pouvaient rien voir, et attendaient du secours qui n'arrivait pas, puisque personne ne savait qu'ils étaient là.
Il ne leur restait plus qu'à espérer.