Le départ
" Bonsoir Monsieur.
- Qui êtes-vous ? interrogea Benjamin méfiant.
- C'est le Rédacteur en Chef de Liberté.
- Vous êtes venu pour une entrevue c'est ça ? demanda le jeune garçon, sarcastique.
- Tu sais que le journal a été supprimé ?
- Bah oui tiens …
- Benjamin, soit gentil.
- Tu es en danger.
- C'est ça … vous me prenez pour un fou et vous allez faire un article sur moi et tout.
- Je te rappelle que nous sommes contre eux, comme toi ! s'indigna Victor.
- Et alors ?
- Bon écoutes, et laisse moi parler. Je te le répète tu es en danger. Le gars que t'as bousculé dans la rue, fait partie du gouvernement. Ce qu'il t'a donné n'a rien d'anodin, il y a à l'intérieur un mouchard, ainsi ils savent où tu es, et ils ne vont pas tarder à venir ici. "
Benjamin n'en croyait pas ses oreilles, qu'est-ce qu'il pouvait débiter comme conneries. Mais en y réfléchissant bien, son récit tenait la route. Celui qu'il avait cru sincère était comme les autres en fin de compte. Il n'avait pas encore compris qu'on ne pouvait décidément faire confiance à personne. Il se jura de se venger.
Il fouilla alors dans sa poche où il avait placé la balle et la sortit. Dans la paume de sa main, elle frémissait légèrement, preuve de la vie qui s'agitait à l'intérieur.
" Benjamin, où as-tu eu ça ? s'inquiéta sa mère.
- C'est le gars à lunettes dont il a parlé qui me l'a donné.
- Tu permets que je le regarde ? "
L'adolescent hésita, mais il se décida à la lui donner. Le directeur du journal la prit et la retourna. Sur la partie blanche, une petite plaque grise recouverte de petits circuits y était collée. Il la décolla et l'écrasa.
" Maintenant tu dois absolument partir avec ça, dit-il en lui rendant la balle … Ce soir.
- Ce soir ?! "
C'était sa mère qui avait crié. Elle avait la bouche bée, une expression de stupeur sur le visage.
" Dès qu'il aura atteint la majorité, ils le retrouveront beaucoup plus facilement, c'est pour ça qu'il doit partir.
- Vous attendez quoi de moi ?
- Tout d'abord que tu me fasses confiance."
Benjamin resta là un temps, regardant tour à tour sa mère puis l'homme. Il observa ce dernier qui restait sérieux et impassible. Sentant que ce n'était pas le genre à raconter des mensonges, il se précipita dans sa chambre pour préparer ses bagages. Il ne prêta pas attention son frère qui lui demandait ce qu'il se passait.
Il prépara son départ en un temps record. Son sac était maintenant remplit d'habits, de provisions, et plein de choses inutiles telles des jumelles qu'il avait trouvé une fois sur le comptoir d'un bar, ou encore des lunettes de soleil que lui avait offert sa mère pour son dernier anniversaire.
Il retourna dans le salon où il trouvait son frère qui discutait avec Victor Inkerman et sa mère, qui soignait à présent l'homme qu'il avait caché un peu plus tôt dans la baignoire. Benjamin remarqua qu'il était réveillé. Ce dernier tourna le regard vers lui mais ne dit rien. Sa mère, se sentant mal à l'aise, se leva brusquement et s'approcha de son fils.
" Et maintenant ?
- Nous allons attendre que deux de mes coéquipiers arrivent. Ils emmèneront ta mère et ton frère, ainsi que lui. "
Il désigna l'inconnu qui ne daigna pas tourner la tête.
" Mais où vont-ils ?
- Ne t'en fais pas pour eux, ils s'en sortiront. Tu devrais t'inquiéter de ce qui t'attend. "
Benjamin regarda sa mère qui appliquait des bandages sur le corps mutilés de son patient. Elle tentait en vain de retenir des larmes. Son frère quant à lui jouait avec la balle, ne se douant pas de ce qu'elle contenait. Benjamin la récupéra en lui expliquant qu'il ne valait mieux pas l'ouvrir, même accidentellement.
" Nous n'allons pas tarder, annonça Mr Inkerman. "
Adam se leva et attendit impatiemment avec un sac devant la porte d'entrée. Il ne devait pas comprendre réellement ce qui se passer se dit Benjamin. Sa mère, qui n'avait plus dit un mot, s'approcha simplement de lui et le prit dans ses bras.
Deux coups frappés à la porte interrompirent leur étreinte, et quelques minutes plus tard, la mère de Benjamin fermait l'appartement à clé, emportant comme Benjamin les choses auxquelles elles tenaient le plus. Ils descendirent l'escalier dans le silence absolu, pour ne pas alerter les voisins. Benjamin regarda sa montre, il était presque minuit. Comment le temps avait pu passer aussi vite ? Les amis de Victor aidaient l'homme qu'il avait sauvé à marcher. Grâce aux soins de sa mère, il était déjà en meilleur état, mais restait tout aussi affaibli.
Ils étaient maintenant dans la rue. Une dernière étreinte, et Adam et sa mère partirent, accompagnés des deux gardes du corps. Une fois qu'ils furent assez loin, Benjamin et Victor partirent de leur côté. Se dépêchant en ayant pas l'air d'être trop suspects, ils passèrent par une rue côtoyée par les gens relativement riches et puissants, le genre de rue avec des pavés gris anthracite, avec des buissons taillées de chaque côté de chaque porte d'entrée, et des restaurants avec homard mariné et vin de Pifeuil à la carte. Ils descendirent un escalier qui menait en dessous d'un immeuble authentique et légèrement délabré, qui faisait vraiment tâche dans le décor, un peu comme un Ramoloss au milieu d'une groupe de Roigada.
La porte bleue et écaillée par laquelle ils entrèrent grinça lorsqu'ils entrèrent, et elle découvrit un long couloir. Les murs étaient faits de briques, et il y avait plusieurs portes. C'était le genre de portes qu'on trouve dans les vieux collèges, avec des petites fenêtres battantes au dessus. Cela ne rappelait pas de bons souvenirs à Benjamin. Réprimant un léger frisson, il suivit Victor jusqu'à la troisième porte à droite. Avant qu'il l'ouvre, il s'adressa à lui :
" En venant dans cette pièce avec moi, tu t'engages à accomplir les missions qui te seront confiées …
- Missions ? Attendez on avait pas parlé de …
- Tu sais ce qu'il t'attend si tu fais demi-tour. "
Ils se regardèrent droit dans les yeux, puis Benjamin acquiesça d'un signe de tête.
" Je dois maintenant te présenter quelqu'un … "
Il ouvrit la porte et Benjamin entra à sa suite.