Mutation
L'aube se levait également sur la Nouvelle Nightopole et également donc sur l'hôpital où un blessé grave avait été amené la nuit dernière... Le blocus avait été organisé. Nul ne pouvait entrer dans la ville. Mais serait-ce suffisant, pour écarter la menace?
Il dormait, dans son lit d'hôpital. Il ne pouvait pas oublier. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars...
La peur...
Le sang...
Le vitreux d'un regard mort...
Les griffes acérées, tranchant la vie
La fourrure blanche comme un linceul...
Les yeux de fauve cruel, qui n'exprimait que folie...
Les Ténébres...
Toutes les images du massacre revenaient dans sa tête, tels des revenants échappés de leurs tombes sous le coup des pires malédictions. Quand il en venait au moment où la bête lui bondissait à son tour dessus, il gémissait dans son sommeil.
Son bras droit était bandé.
Il ne savait pas encore que la blessure qu'il venait de recevoir ferait de lui un être à part.
Il ne savait pas non plus qu'il était désormais la clé d'une énigme.
Il ne savait pas non plus qu'il serait désormais traqué jour et nuit...
Tuer...
Tel était l'ordre qu'on leur avait donné. "Tuez le garçon... dans l'hôpital... Traquez-le, tuez-le..."
Les bêtes haletaient. Elle étaient affamées. Le sang de ce sale petit morveux serait le bienvenu. Elles avaient mémorisé son odeur. Et savaient qu'elles approchaient de l'endroit.
Pour une raison mystérieuse, personne ne les vit approcher de la ville. Elles escaladèrent les murs sans difficulté. Personne ne les vit. Car même le jour, si elles le voulaient, elles pouvaient faire le mal...
Enfin, les Absol de Sang apercurent l'hôpital. Ils le contournèrent pour s'infiltrer par l'entrée de derrière. Il n'y avait rien de plus facile. Ils laissérent derrière eux trois cadavres de soldats dans une mare de sang.
Jalil se réveilla brusquement.
Etait-ce un effet de son cauchemar? Il n'en savait rien. Tout ce qu'il savait c'est que son coeur cognait dans sa poitrine, comme devenu fou. Une sueur froide, malsaine lui coulait dans le dos. Il était en danger. Il le sentait. Une odeur désagréable lui parvenait aux narines. Un mélange de rouille et de sel... Du sang...
Il sentit un frisson le parcourir. Il avait envie de vomir. Il entendait les pas glissants et furtifs de ceux qui s'apprêtaient à le tuer...
Enfin, d'un coup, la porte s'ouvrit.
Trois Absol de Sang étaient là, féroces. Leurs regards étincellaient d'intention de meurtre. Jalil comprit. Mais curieusement, il n'avait pas peur.
Il esquiva habilement l'attaque de la créature qui venait de bondir... et son bandage tomba. Il ne comprit pas tout de suite ce qui s'était passé. Il se vit juste bondir soudain à son tour, lever le bras... et une minute plus tard, l'Absol qui venait de l'attaquer tombait au sol, gémissant. Violement éventré, son sang tacha le carrelage et de la plaie béante qu'il avait sur le ventre s'échappaient ses entrailles, un épais liquide pourpre maculant pour toujours sa fourrure blanche, tandis que ses prunelles fauve se voilaient...
Le sang gicla à nouveau et le second tomba égorgé. De nouveau, la griffe meurtirère frappa... et le dernier se retrouva à son tour à terre tandis que l'adolescent comme pris de folie s'ahcarnait sur lui et lui lacérait le flanc et le ventre.
Tout cela avait duré à peine deux minutes.
Jalil se releva... et réalisa ce qu'il avait fait.
Il regarda son bras droit.
Celui-ci n'était plus un bras.
Une épaisse fourrure blanche le recouvrait. Au bout, il avait à présent une griffe.
- Putain!
Il regarda et compris. En l'attaquant la première fois, ces maudits Absol de Sang lui avaient mystérieusement transmi un peu d'eux-même. Il réfléchit. Il ne pouvait rester ici. Car si les infirmiers s'en apercevait en lui retirant son bandage, il serait bon pour être transféré dans une base où on le garderait comme sujet d'expérience...
Par contre...
S'il s'échappait, Van Mortis et ses chères bestioles allaient en avoir pour leur compte. Un gros compte.
Il se rhabilla rapidement et alla vers la fenêtre. Bon, il y'avait deux étages. Mais il savait curieusement que ce ne serait absolument pas un problème pour lui.
Il sauta.
Il atterrit souplement en fléchissant ses jambes et se mit à courir. Les soldats l'aperçurent et tirèrent, mais il esquiva. Sa nouvelle condition était plaisante. Il sauta sur les hauts murs de la ville, sans aucun effort apparent...
Une infirmière, ayant entendu du bruit alla à la porte de la chambre 206 et la trouva entrouverte. Elle l'ouvrit et failli s'évanouir devant le spectacle.
Il y'avait trois cadavres d'Absol de Sang, nageant dans leur fluide vital. Leurs yeux voilés mais pas encore vitreux attestaient que la mort les avait frappés voilà quelques minutes. Elle recula et ses chaussures laissérent des traces de sang dans le couloir. Et alors, elle hurla de terreur.
Iris se réveilla. Elle avait un de ces mal de tête! Ce n'était guère étonnant. Elle dormait peu et travaillait trop. Dans moins d'une heure, elle devrait se lancer sur la piste des massacres. Elle traversa rapidement son appartement miteux et alla sous la douche. L'eau chaude lui fit du bien et la réveilla. Ensuite, elle se dirigea vers la cuisine, attrapa un beignet au chocolat dans un placard, se versa un verre de jus d'orange. En un clin d'oeil, elle enfila un col roulé noir et un jean moulant. Elle était tout juste prête quand elle entendit son portable sonné. Elle vit s'afficher le numéro d'Adriano Blackice.
- Oh, non, déjà du matin?
Elle décrocha de mauvaise humeur:
- Allô?
- Iris, c'est votre Cerbère préféré à l'appareil. Ramenez vos fesses, il y'a du barouf vers l'hôpital. Les Absol de Sang ont encore frappé!
- Oh, merde! Où vous êtes?
- Juste en bas de chez vous! Vous venez?
- Ok!
Elle se dépêcha de le rejoindre, sachant qu'Adriano n'était guère patient dans ce genre de cas. Il se tenait près de sa voiture noire, l'air toujours aussi blasé et insupportable. Cependant, son air chiffoné montrait à la jeune fille qu'il ne devait pas avoir dormi plus qu'elle. Il l'accueillit avec un sourire moqueur:
- Les cols roulé, ca vous grossit.
- Et passer la nuit dehors au volant de votre caisse, c'est votre fitness, je suppose? rétorqua-elle.
Adriano fut surpris.
- Ca se voit tant que ca que je suis insomniaque? demanda-il alors qu'ils s'asseyaient dans la voiture.
- Le contraire serait étonnant. La nuit vous va si bien...
- C'est sensé être un compliment où une vacherie?
- Ni l'un ni l'autre, c'est une simple constatation...
Adriano la regarda fixement et Iris sentit de nouveau un certain malaise sous ce regard bleu et froid. Il finit par se détourner:
- Bon, direction l'hosto. Ca a l'air grave.
Ils roulèrent donc en silence et au bout d'un moment, virent un attroupement autour du bâtiment:
- Putain, ca a l'air assez sérieux!
Iris renifla l'air. Instantanément, elle sentit une odeur désagréable lui frapper les narines. Du sang, d'abord. Puis enfin, cette odeur lourde, muscée, typique des Absol de Sang.
- Ca pue! dit-elle d'un ton brusque. Il y'a eu du carnage ici pas de dôute!
- Je ne sens rien, dit Adriano un peu surpris.
- Normal...
Il la regarda:
- Vous n'auriez pas un peu de sang d'Absol dans les veines? finit-il par dire. Je ne comprends pas d'où peut bien venir ce don de pouvoir les sentir...
Iris baissa les yeux:
- Moi non plus, si vous voulez savoir. Mais c'est ainsi.
Adriano sentit un peu de peur l'envahir. Les pouvoirs d'Iris l'effrayaient. Il se demandait toujours comment cela pouvait se produire. Elle, une humaine, avait parfois les mêmes instincts que ces bêtes...
Ils parvinrent à se frayer un chemin dans la foule. Se faisant passer pour un flic, Adriano demanda à l'infirmière témoin, encore sous le choc, qui occupait cette chambre. La réponse fut pas surprenante.
- Il s'agissait de Jalil Blackmoon, le garçon qui a été attaqué la nuit dernière!