Pluie
Vous connaissez sans doute le genre de soirée pourrie, par le ciel couvert et assombri par les nuages gris, parfois d'un noir si foncé que le noir ressemblerait au blanc. Ensuite, trop lourds et chargés, les nuages déversent toute la pluie qui s'est accumulée durant la journée humide d'aujourd'hui...
J'adore la pluie, si rafraîchissante, si intense. Je resterais des jours, sinon toute ma vie sous la pluie, la sentir glisser sur mon corps...
Mais, hélas, ce n'est pas du tout mon jour, mais vraiment pas. Moi qui voulais me mettre à l'abri du tonnerre, qui grondait sa colère sur moi, a couru du plus vite que j'ai pu, même si j'ai du mal à courir et à marcher vite, me voilà maintenant coincé dans un genre de boue visqueuse, en plein milieu de la forêt.
Et ce n'est pas tout, hé non : Juste avant que je tombe idiotement dans cette boue ridicule, j'ai été attaqué par toutes sortes de pièges débiles, comme des cages tombantes, des trous cachés par de la terre et des branches... C'est la chasse aux renards ou quoi ? Nah, impossible. Il n'y a pas de renards dans cette forêt. J'en suis sûr, je n'en ai jamais vu à ma connaissance. Et pourquoi s'acharner de chasser en pleine nuit, pourquoi en plein jour ? Peut-être que c'était des pièges abandonnés, ou peut-être que quelqu'un en veut à ma peau...
Reste concentré sur la situation, arrête de penser à quelque chose qui te mènera nulle part. Reste et concentre-toi sur ce qui t'arrive présentement. Oui, il y a sûrement une chasse aux renards, oui, sûrement, affaire conclue. Maintenant, ne pense plus à ça, et sors-toi de ce pétrin.
Je sens de plus en plus la boue qui ensevelie mes petits pieds et mon corps, m'arrachant lentement du sol. Mes membres sont touts engourdies, mais j'essaie de tenir bon. Allez, tu as encore tes mains de libre, sers-toi en !
J'essaie désespérément de m'accrocher au rebord de la pelouse, mais je ne fais que l'arracher, ça ne sert à rien. Stupide gazon mouillé, pourquoi a-t-il fallu que je sorte par un temps pareil ?
Je suis gelé, mon corps est ralenti par le froid. Le froid... Je n'aime pas le froid, je le déteste. Pourquoi je ne vis pas dans un désert, j'aurais été piégé dans des sables mouvants, mais au chaud au moins...
Je me sens de plus en plus fatigué, les forces m'abandonnent. Je n'ai plus envie de continuer, laissez-moi dormir, je suis fatigué...
J'entends des voix... Des voix dans ma tête... Suis-je enfin au Paradis, ou bien en Enfer ? Je n'ouvre pas les yeux, je veux continuer à dormir...
Soudain, j'entends des voix. C'est flou, mais j'entends clairement. Cependant, je n'ai pas le moral de tout enregistrer ce qu'il disent, mon cerveau est en mode « mémoire temporaire ».
- Ohé ! Je crois avoir trouvé quelque chose !
- Laisse-moi voir ça.
Une main me perturbe dans mon sommeil, me tirant du sol. Je me sens en train de flotter dans les airs, tenu par une main humide et glaciale. Mon poids a passé de une tonne à quelques kilos, mes jambes sont dégourdis, et me remercient de ce poids retiré.
- Ce n'est pas du tout ce qu'on cherche, abruti ! dit sèchement un premier homme dans la colère.
- Mais, il fait noir, c'est dur de voir exactement... bégaya le second homme, en expliquant pourquoi il n'a pas trouvé ce qu'ils cherchent.
Je me sens alors bouger de gauche à droite. Je ne me réveille pas. Je suis trop fatigué pour faire quoi que ce soit.
- Débarrasse-toi de cette chose, alors ! dit simplement le premier homme.
Voilà que j'entends un déclic, je fais comme si de rien n'était, je reste les yeux clos, suspendu à une main me tenant le poignet droit de mon bras. Laissez-moi dormir ! J'ai sommeil...
Je sens un tuyau métallique sur le côté de ma tête. C'est si froid, si glaciale que j'en ai le sang presque congelé. Je le sens s'enfoncer plus profondément dans ma tête molle. C'est la goutte qui fait déborder le vase...
J'agrippe le tuyau métallique avec mon autre main, et je fixe profondément la personne qui trouble mon sommeil.
- Hein ? Il est encore vivant par un temps pareil ? dit celui qui me fixe à son tour.
Je n'en peux plus, vraiment plus...
- MAIS MERDE !!! VOUS ALLEZ-TU ME LAISSER DORMIR !?!?!? lui criai-je dans sa face.
Je le vois maintenant. Un homme, oui... Ça fait depuis un long moment que je n'ai pas vu d'humains dans les environs, mais pourquoi sont-ils là, à me prendre comme un vulgaire objet ?
C'est sûrement eux, les concepteurs des pièges débiles de tout à l'heure. Pourquoi chasser dans un temps pareil, et pourquoi m'avoir pris pour « la chose qu'ils cherchent » ? Et quel est cette chose ?
Je veux absolument savoir de ce qu'il s'agit...
- Qu'est-ce que tu me veux ? Et qu'est-ce que vous cherchez ? Pis veux-tu bien lâcher ma main ? dis-je à haute voix à celui qui me tenait encore.
Aucune réaction de leur part. Je sens toujours son tuyau métallique sur ma tempe. J'essaie de voir ce que c'est, mais je ne vois rien de cet angle.
- Il... Il parle... ! C'est... Impossible... ! dit l'homme dans la frayeur.
- Eh oui, je parle, et alors ? Maintenant DÉPOSE-MOI TOUT DE SUITE !!!
Je suis un gros gorille ou quoi ? Ils décampent, en me projettant sur le sol, comme si j'était un géant qui voulait les écraser. Sarcastiquement, je suis beaucoup plus petit qu'eux. Bizarre...
Je finis par savoir ce qu'il pointait sur moi : Un pistolet...
Me revoilà sur la terre ferme, enfin...