Mauvaise rencontre
Le cercle est un tout. Universel.
L'oméga est la fin. Néant.
Il est un cycle éternel. Infini ...
Rien ne peut être après. Mort ...
De part la forme qu'il prend, son point de départ est passage obligé. Renaissance.
De part la place qu'il occupe, il est l'accomplissement de toute chose. Ultime.
Le temps n'a aucune prise sur lui. Immortel ...
Le temps même ne peut rien contre lui. Puissance ...
Parce qu' entre nos mains plus que dans aucune autre miroite le pouvoir, nous sommes les seuls à être dignes du Cercle d'Oméga !
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La pleine lune éclairait de la lueur d'argent propre à l'astre nocturne la vaste plaine gelée qui s'étalait sous elle, la nappant d'un voile fantomatique, presque irréel. Cette nuit, le redoutable blizzard qui sévissait habituellement ne s'était pas encore levé et quelques pokemons sauvages, conscients de la rareté du moment, sortaient de leurs abris pour bientôt imprimer leurs traces sur le blanc manteau de neige. Dans la forêt qui bordait la plaine, la chasse allait commencer. Un corboss se posa sur ce qui lui semblait être un sapin mais celui-ci, un blizzaroi, chassa le ténébreux volatile qui s'envola en coassant son mécontentement. Alors que le pokemon sapin se rendormait en maugréant, un farfuret jailli d'entre ses jambes et s'immobilisa, à l'affût ; le hurlement d'un grahyena, bientôt suivi par d'autres brisa le silence relatif de la nuit. Le farfuret s'aplati au sol avant de repartir dans sa course effrénée pour la vie.
Personne ne sera témoin. A l'entente des hurlements de la meute tous les pokemons présents déguerpirent, de l'absol solitaire au mamochon. Un grahyena c'est dangereux. Une meute de grahyena c'est mortel. En quelques instants, la plaine avait été désertée. Ou presque. Seul au milieu de la blancheur de la neige, se détachait la silhouette noire d'un homme enroulé dans un long manteau en fourrure de caninos. Il s'était arrêté à l'entente des cris des loups. Il chassait lui aussi. Mais la mort n'était pas destinée à sa proie. Enfin, si elle était aussi forte qu'il le pensait. Sinon ... Il reprit sa marche, continuant la longue piste d'empreintes qu'un léger souffle de vent effaçait derrière lui.
Alors qu'il marchait d'un pas vif, il s'immobilisa et se jeta en arrière. Quelques secondes plus tard, de puissantes mâchoires claquaient dans le vide. A l'endroit où il se trouvait. Un corps musclé couvert d'une fourrure noire, des babines retroussées sur des crocs capables d'écraser n'importe quoi. Un grahyena. L'homme se releva tandis que le pokemon tournait autour de lui avec des grognements d'intimidation. Il savourait déjà la douceur de la chair dans laquelle il allait planter ses crocs et l'odeur du sang frais qui jaillirait de la gorge tranchée de sa proie. Il avait faim. Et cet humain allait être un festin. Cependant quelque chose n'allait pas. Cet humain n'était pas comme les autres proies qu'il avait broyées sous ses crocs. Peut être était-ce ses yeux ? ou son attitude ? non, c'était son odeur ! Ou plutôt l'absence d'odeur : alors que ses proies habituelles transpiraient la peur par tous les pores de leur peau, cet humain ne dégageait aucune odeur de peur. Rien qu'une odeur froide et tenace. Une odeur de mort. La mort planait sur cet homme et le suivait où qu'il aille. Il le sentait. Au moment où l'humain leva son bras droit, le pokemon n'eut que le temps d'apercevoir un gantelet métallique avant que son instinct ne lui hurle de fuir. Pour vivre. Fuir !
Il se retourna d'un bond et courut. Plus vite qu'il ne l'avait jamais fait. Ce ne fut pas suffisant. L'air sembla se troubler comme s'il était chauffé. L'instant d'après, une longue entaille marqua le flanc gauche du loup qui continua malgré tout sa course dans un jappement de douleur. Une seconde entaille, plus profonde que la précédente, lui brisa une patte et lui arracha un cri. Il tomba, des lacérations causées par une arme qu'il ne pouvait voir creusant son corps de sillons écarlates. La neige rougissait au contact du sang qui coulait du corps mutilé du pokemon. Ses yeux se fermèrent. Emportant dans la mort l'image d'une neige rouge. Sa bouche exalta un dernier souffle. Emportant dans la mort un goût métallique. Son museau tressailli. Emportant dans la mort l'odeur du sang. Son sang.
L'homme n'avait pas bougé. Il baissa le bras et reprit sa route sans un regard pour le cadavre qu'il laissait derrière lui. Il n'avait pas de temps à perdre, il était attendu ...
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Enfin, grimpant sur un promontoire, il aperçu en contrebas les bâtiments si caractéristiques. Frimapic. La tanière de sa proie... Petite ville perdue au milieu de montagnes enneigées se dressant de toute leur hauteur au nord de Sinnoh, Frimapic s'était développée autour d'un commerce de fourrure. Commerce semi légal bien entendu. En vendant discrètement des peaux de caninos et de cerfrousse, le village s'était agrandi jusqu'à prendre une taille respectable. Les bâtiments étaient construits dans un bois tirant sur le orange. Un bois très isolant. Et pas cher. Ils étaient éparpillés de façon à vaguement former une place, centre du village. Une allée aux pavés poncés par le froid et les semelles de marins menait de ladite place à un vieux port, construit pour faciliter les échanges clandestins. L'homme la pris. Arrivé au quai désert, il bifurqua sur sa gauche et pénétra dans un hangar de pêche. Au fond, adossée au mur, elle l'attendait. Grande, mince, cheveux blonds dégradés aux épaules, ses agréables rondeurs attiraient inévitablement n'importe quel regard masculin : un piège parfait.
Il s'approcha d'elle en souriant :
- Athis ... murmura-t-il d'une étrange voix métallique, Je ne t'ai pas trop fait attendre ? J'ai du régler un petit problème en arrivant.
- De quelle manière ? lui demanda la dénommée Athis d'une voix chantante.
- Définitive.
- Comme d'habitude Mire.
- Exactement.
- Pour répondre à ta première question tu n'as qu'un seul jour de retard. Etonnant !
- Moi et la ponctualité ... Enfin, j'espère que tu as pris le temps de chercher des informations sur notre cible.
- Il sait que nous sommes là, il se méfie.
- Parfait. Où est il ?
- Au bar. Il y est entré dès que la nuit est tombée. Comme hier...
- Et bien, allons le rejoindre.
Sur ces paroles, Mire sorti du hangar est repris la grande allée qui menait au village en remontant le col de son long manteau. Le froid se faisait plus mordant à mesure que la nuit avançait. Il n'aimait pas le froid. Athis, qui contrairement à son compagnon ne souffrait pas du temps, l'entraîna vers ce qui semblait être le plus grand bâtiment du village. Il n'y avait personne dans les rues. Les quelques hommes qui s'y trouvaient auparavant s'étaient hâtés de rentrer chez eux, voulant y retrouver la chaleur d'un feu et d'une femme pour les plus chanceux, d'une bouteille de vodka pour les autres. Mire et Athis arrivèrent enfin face au bâtiment, le contournèrent et arrivèrent devant une petite porte discrète au-dessus de laquelle on pouvait voir une vieille enseigne qui gémissait sur ses gonds rouillés. Elle indiquait en lettre noires à moitié effacées "Le Repaire du Grahyena" et en plus petit "bar et stripteases". Ils entrèrent et une bouffée d'air chargé d'effluves d'alcools et d'une fumée acre les pris à la gorge.
La salle était aussi grande qu'on le devinait de l'extérieur, mais plus basse de plafond. Les pierres apparentes des murs étaient marquées par des générations d'hommes sculptant la pierre à coups de crans d'arrêts. Le mur du fond justement, était occupé par une cheminée dans laquelle ronflait un énorme feu ; tout autour, des banquettes éventrées étaient disposées en arc de cercle. Le bar, tenu par un homme ventru arborant avec fierté moustache et toque de fourrure, longeait le mur de gauche tel un serpent chargé de son poison. Poison que les gens payaient pour se soûler avec tout au long de la soirée. Des serveuses en tenue légère slalomaient entre des tables disposées sans logique apparente pour apporter leurs commandes aux clients. Mais tous les regards étaient tournés vers l'estrade qui occupait la partie droite de la salle. Enfin, plus précisément sur les filles qui se déshabillaient dessus. C'était quand même beaucoup plus attirant qu'une bête estrade. Et ça attirait surtout plus de monde, et donc plus d'argent.
Accoudé au bar, Mire jetait à ce spectacle des regards intéressés, Athis moins. Il mit rapidement fin à ces œillades perverses et scruta les visages de la foule. Athis le vit en première. Assis à une table qu'il était seul à occuper, table sur laquelle roulait une bouteille d'alcool vide, se tenait leur objectif. Vassili. Un vers de vodka à la main, il regardait lui aussi les danseuses. D'un discret coup de coude Athis prévint son compagnon. Mais avant qu'ils ne puissent s'approcher de lui, Vassili leva le bras et une strip-teaseuse interrompit sa danse érotique pour s'approcher de lui. Il lui glissa quelques mots à l'oreille avant de glisser une liasse de billets dans la bretelle de son soutien-gorge. Il se leva et, accompagné d'elle, franchit une porte sise à l'angle formé par le mur de droite et celui du fond.
- Puisqu'il prend un peu de bon temps, mettons nous à l'aise ! dit Mire avec un sourire.
Et il commanda un cocktail, reportant son attention sur la cible des regards masculins du lieu. Athis soupira et, tirant une chaise vers elle, s'assit. Les minutes s'égrenèrent lentement, seulement troublées par une nouvelle commande de Mire ou un regards meurtrier d'Athis accompagné d'un mouvement de main vers ses pokeballs pour chasser un importun. Ce qui arriva assez souvent, Athis étant prise pour une danseuse.
Enfin, elle pris la parole :
-Mire, la fille qui est partie avec lui. Elle est revenue.
- On va pouvoir bouger.
- Oui, sauf qu'elle est seule.
Ces paroles dégrisèrent immédiatement Mire qui s'exclama de sa voix éraillée :
- Merde ! On s'est fait rouler !
Et sans prendre la peine de payer, il se précipita à l'extérieur. Alors qu'Athis allait le suivre, le barman lui empoigna le poignet et lui cria dans une langue marquée par un accent du nord que si elle voulait sortir, elle allait devoir payer. D'une manière ou d'une autre. Elle ne compris pas un seul mot, mais la dernière remarque était soutenue par un regard appuyé vers sa poitrine. En temps normal elle se serait amusée de cette réaction qu'elle aimait retrouver chez les hommes. Mais pas maintenant, alors que leur cible était en train de leur échapper. Elle effleura une pokeball qui s'ouvrit sur un pokemon aquatique de plus de deux mètres aux griffes puissantes. Un alligatueur. Le barman blêmit, la lâcha et voulu reculer. Le grand reptile ne lui en laissa pas le temps et d'un coup de queue, l'envoya s'écraser sur une table dans un grand bruit d'os brisé. Athis rappela son alligatueur et rejoignit son compagnon d'une démarche nonchalante. Maintenant ils savaient à qui ils avaient à faire.
Compagnon qui disparaissait dans la nuit. Elle le suivit en courant. Elle n'était pas la seule : ils avaient dérangés une ombre, l'ombre les traquait. Alors qu'elle allait le rejoindre, quelque chose sauta sur son dos. Elle tomba. Quant elle voulût se relever, elle sentit le contact froid d'une lame de couteau sur son cou. Elle ne bougea plus. Vassili caressa sa joue :
- Vous vouliez me trouver, me voilà, lui murmura-t-il à l'oreille d'une voix marquée par le même accent que le barman. Quel dommage de devoir te tuer.
Il allait l'égorger quand un serpent marin de plus de six mètres referma ses anneaux autour du corps du tueur, éloignant l'arme du cou de sa maîtresse. Athis se releva, bientôt rejointe par Mire.
- On a peut être pas perdu notre soirée ! dit ce dernier.
- Allez savoir ... murmura Vassili.
Une aura noire l'entoura tandis que l'étreinte du milobellus se desserrait peu à peu. Dans une vague d'énergie obscure, celui-ci fut projeté en l'air. Un alligatueur le rattrapa. Quand l'explosion se dissipa, Vassili avait disparu. Mire se tournait en tous sens, tentant de repérer l'assassin. Athis était entourée de ses deux imposants pokemons. Soudain, Mire se retourna et son bras droit traça une ligne inclinée dans le vide. Là où il n'y avait rien auparavant apparu Vassili. Il fut projeté au sol. Une déchirure sur le torse. Il tenta de se relever, mais cloué par terre, il ne pu faire un geste. Mire avait à nouveau levé son bras et l'air se troublait autour comme autour du corps de Vassili. Celui-ci regarda l'homme qui le clouait ainsi au sol. Un regard froid au fond duquel brûlait une flamme de haine. L'aura noire l'entoura à nouveau. Le front de Mire se plissa alors qu'il augmentait la pression. Une lutte invisible, un combat mental où chacun tentait de prendre l'avantage sur l'autre commença. Quand enfin l'aura qui entourait Vassili s'estompa, Mire fit un signe de tête vers Athis. Celle-ci sorti une seringue contenant un liquide ambré d'un flacon qu'elle portait à la hanche et la planta dans le cou du tueur. Ses yeux se fermèrent et la dernière chose qu'il entendit fut :
- Bienvenue parmi nous Vassili ...