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Le Maître du Vent de supersian



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» Auteur : supersian - Voir le profil
» Créé le 27/01/2008 à 21:37
» Dernière mise à jour le 27/01/2008 à 22:13

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La Cérémonie
Alizée aurait hurlé si Albert n'avait pas posé sa main sur la bouche de la jeune fille, juste à temps.

En bas, une cérémonie se déroulait dans un silence grave. Tous les communiants étaient vêtus d'habits à l'aspect riche et précieux, que l'on discernait grâce à la lumière, assez puissante, de tous les flambeaux allumés. Trois personnes maintenaient un Airmure sur un autel. Le malheureux oiseau se débattait comme il le pouvait, et aurait hurlé, si son bec n'avait pas été entouré d'un morceau de corde solide. Le sacrificateur, qui tenait une dague au manche travaillé, savait que jamais l'arme ne percerait les plumes d'acier du pokémon : alors, un Reptincel au regard vide crachait un léger filet de flammes pour faire fondre les plumes. Quand la peau roussie fut à nu, le pokémon de feu s'éloigna, laissant le maître des lieux oeuvrer.

L'arme s'enfonça. Alizée détourna son regard, horrifiée. Cet Airmure... Aurait pu être Shooté, son Airmure...

Albert, au contraire, gardait les yeux fixés sur le sacrifice. Il ne perdit pas une miette de ce qui suivit : le sang disposé sur les symboles du drap, le corps du pokémon enveloppé dans l'étoffe, la plume (il ne le distinguait pas très bien de là où il se tenait, mais le sacrificateur avait ôté de sa coiffe une plume qui lui semblait être une plume de Canarticho) posée par-dessus le cadavre, et le tout enfermé dans un coffre. Malgré l'horreur du geste, l'ambiance solenelle qui se dégageait l'attirait presque, comme la foule horrifiée se jette pourtant avec délectation dans les lectures des faits divers les plus macabres.

La cérémonie ne s'arrêta pas là. Le sacrificateur et l'assemblée récitèrent une prière, puis le maître prit la parole :

- Frères humains ! Une nouvelle proie m'a été désignée par notre chef, le divin Ho-oh ! Un nouveau membre que nous rallierons, un jeune homme bientôt influent que nous n'aurons aucun mal à nous approprier ! Il s'agit...

Les deux amis cachés tendirent une oreille attentive. Alizée, livide, était cramponnée aux barreaux, les serrant si fort que ses doigts lui faisaient mal. A ce moment, un riff dévastateur jouée à la guitare saturée s'éleva, si fort que tous les Chétiflors de la tour devaient s'être réveillés.

Albert porta la main à sa poche. Son portable sonnait...

Sans attendre leur reste, les deux amis décampèrent, se ruant à travers les couloirs, escaladant les escaliers, s'imaginant déjà à la place de l'Airmure si jamais les fous en toge les rattrapaient...

Ils arrivèrent hors d'haleine devant l'échelle de corde qui permettait d'accéder au toît. Albert passa le premier, et à peine debout au sommet du bâtiment, siffla sa pokémon, espérant de tout coeur qu'elle viendrait vite. Alizée le rejoignit, et le futur Champion prit l'échelle de corde avec lui, avant de refermer la trappe. Cette précaution leur ferait gagner de précieuses secondes, espérait-il.

Heureusement, Somnia ne tarda pas. Les deux amis l'enfourchèrent, et filèrent vers la ville.

- Eh ! Pourquoi on rentre pas direct à l'arène ? demanda Alizée, paniquée en voyant la pokémon se poser sur une place déserte de Mauville.
- Parce que ces tarés auraient pu voir vers où on se dirigeait, et savoir qu'on était de l'arène ! On n'a qu'à rentrer discrétement à pieds...
- Ah oui... approuva la dresseuse.

Ils marchèrent un instant en silence, la Roucarnage ayant eu ordre de s'envoler vers le coin opposé à l'arène. Passer de l'ambiance irréelle de la cérémonie à la froideur sans histoire de la ville leur parut étrange. Ils étaient encore trop sous le choc pour reparler de cette abomination, mais Alizée, trop pleine d'émotion, n'en pouvait plus de se taire, alors elle demanda :

- Au fait, qui t'a appelé ?
- Euh, c'est vrai ça, j'y pensais plus...

Le futur champion saisit son portable, ayant complétement oublié la sonnerie qui avait failli tant lui coûter. Un Appel en abscence.

- Mika...

Mika. Bien-entendu. Que s'était-il donc passé ? Réconciliation avec ses parents ou pas ? Albert hésita quelques secondes, puis finalement décida d'appeler son ami pour le savoir. Alizée le regarda étrangement, mais se ravisa : elle sentait des oiseaux planer au-dessus d'eux. Les participants à la cérémonie devaient les chercher, se fiant à l'endroit où ils s'étaient posés. Or, téléphoner était le meilleur moyen de passer pour des gens sans histoires.

Effectivement, un Dracaufeu se posa devant eux, et deux hommes en descendirent. Ils ne portaient pas d'habits de cérémonie, mais leur regard et leur présence ici laissaient aisément deviner d'où ils venaient.

La rue était déserte. Une poubelle tomba et son couvercle résonna avec un bruit métallique sur le trottoir, pendant que le Miaouss qui avait provoqué ce boucan s'enfuyait.

- Messieurs-dames... saluèrent les deux individus d'un ton glacé.

Albert, attendant que Mika décroche, son portable à l'oreille, les salua d'une mimique agacée pendant qu'Alizée ne se gênait pas pour les regarder d'un air très étonné, presque méprisant.

"Je suis une innocente passante qui se demande qui sont ces deux débiles qui se baladent en Dracaufeu à quatre heures du matin." se répétait-elle.

La scène était quelque peu irréaliste, dans cette rue sans âmes, où quatre personnes témoins de la même horreur venaient de se croiser en se saluant comme si rien ne s'était passé.

En tous cas, le stratagème des "passants innocents" dut fonctionner, car les deux hommes avaient disparu. Albert n'avait pas réussi à joindre Mika, et remit donc son portable dans sa poche.

- Alizée, commença t-il à voix basse. Je pense qu'ils vont nous suivre.
- Alors vaut mieux pas qu'on rentre à l'arène, je suppose ? devina t-elle en jetant un oeil soupçonneux derrière son épaule.
- Non.
- Bah on n'a qu'à aller à l'hôtel où j'étais, c'était dans le centre-ville, et à part Shooté, tout le monde l'a bien aimé...

Elle raconta à son ami l'amour de son Airmure pour les chanteuses à forte poitrine, et Albert sourit. Les deux jeunes gens marchèrent encore, alors que le vol des oiseaux semblait les avoir quittés. Ils croisèrent une bande de fêtards attardés qui les saluèrent bruyamment, l'un vomissant sur le trottoir juste après leur passage.


-----


- Groumph... gémit Alizée en sentant la couette de son lit se soulever un instant, et ainsi le froid lui chatouiller la partie gauche du corps.

Albert avait fini de prendre sa douche, et venait se coucher lui-aussi dans le lit deux places de la chambre d'hôtel qu'ils avaient loué. Son amie se tourna vers lui :

- Et je te préviens, n'essaye pas de caler tes pieds froids contre les miens pour les réchauffer !
- Roh, tout-de-suite, des menaces... ricana le futur champion. Dis, tu trouves pas ça dégueu d'aller se coucher sans s'être brossé les dents, et avec les vêtements que t'as porté la journée ?
- M'en parle pas... répondit la jeune fille d'une voix ensommeillée. Mais tu sais mon grand, c'est pas comme si on avait le choix...

Un silence suivit, puis Alizée se releva soudainement, comme si elle venait de prendre conscience de quelque-chose.

- De quoi ? T'as tes vêtements ? demanda t-elle d'un ton horrifié à son ami.
- Non, j'ai juste mon caleçon... répondit celui-ci en rapprochant son coussin de sa tête.

Alizée parut infiniment soulagée.

- Quand-même, ç'aurait été crade que tu dormes avec tous tes vêtements... observa t-elle. Moi je l'ai fait quelques fois, et...
- Dont une mémorable ! la coupa Albert en souriant, revoyant la nuit sur le parking, lors de leur première rencontre.
- Oui, effectivement. Et donc c'était dégueu.
- Parfaitement d'accord. approuva son ami. Bonne nuit.
- Merci, toi-aussi.

Il arrivait souvent que les deux amis parlent comme ça de choses absolument sans importance et sans aucune transition. Leurs esprits étaient si liés qu'ils se comprenaient en en disant le moins possible.

Cependant, alors qu'il se retournait dans son lit, Albert songeait. Alizée était à quelques centimètres de lui, en sous-vêtements. Le jeune homme avait toujours eu du mal à décoder ses sentiments. Est-ce qu'elle était plus qu'une amie pour lui ? Il imagina la scène qui suivrait si jamais il posait délicatement sa main sur le ventre nu de la dresseuse, et si doucement il...

Ses pensées s'arrêtèrent là. Horrible. De un, elle était avec Luca, son meilleur ami. Il l'avait oublié, l'affaire s'étant conclue il y avait peu. De deux, il n'avait absolument pas envie d'elle. Ce serait trop étrange, et limite incestueux. Non, ses pensées suivirent un autre fil. L'Airmure... Ce sang qui tâchait les draps... Ces chants qui résonnaient encore dans ses oreilles, ces louanges à Ho-oh... Quelle beauté malgré cette cruauté, quelle panache dans la mise-à-mort, quelle sublime aversion ! Pourtant l'acte restait d'une inhumanité sans égal. Il faudrait qu'il en parle à la police, mais comment faire pour qu'on croit à son histoire ? Il faudrait qu'il sache quand aurait lieu la prochaine cérémonie, et les prendre sur le fait. Oui, certainement. Il en parlerait demain avec Alizée. Enfin, demain était une notion assez floue, étant donné qu'il était six heures du matin. Mais les deux jeunes gens comptaient bien faire la grasse-matinée pour se remettre de leurs émotions.

Et Mika ? Il n'avait pas répondu ! Albert espérait que son ami ne s'était pas trop inquiété quand son appel était resté sans réponse. Mais pour le coup, il avait les meilleures raisons du monde pour ne pas décrocher : il était poursuivi par les membres d'une secte. Cela débouchait à un autre problème : Mika allait-il le croire ? Vu l'état dans lequel se trouvait son ami en partant, ne pas lui répondre était la dernière des choses à faire, mais il n'avait pas eu le choix... Il espérait que tout s'était bien passé pour le jeune-homme, et qu'il ne s'était pas suicidé en entendant la sonnerie résonner dans le vide.

Sur ces pensées, le futur champion épuisé, s'endormit, comme l'avait déjà fait sa voisine de lit.