le bon, la brute et le truand. de dihoulaladine

Bob courait, tout excité, en direction du laboratoire Pokémon de son village. Ce gamin de 10 ans avait décidé de ne pas attendre le bus, comme sa mère le lui avait conseillé. Cela aurait été sans doute plus long d'attendre, non seulement après le gros véhicule, mais aussi d'être déposé au bon arrêt ensuite. La maman de Bob n'avait plus de voiture depuis que son mari s'absentait souvent avec pour rejoindre son arène de combat, dont il est le maître. Pour mener à bien sa mission, il se sentait obligé de faire acte de présence le plus longtemps possible sur place. La vie de couple était devenue alors très platonique. Lorsqu'il revenait un weekend sur deux, les conversations volaient bas la journée et la consolation sur l'oreiller grimpait haut la nuit. Puis, il repartait le lendemain à la première heure.

Bob voyait enfin le laboratoire Pokémon se profiler à l'horizon. Il lui restait tout de même plusieurs centaines de mètres à parcourir, mais il savait bel et bien intérieurement qu'il irait jusqu'au bout. quitte à finir en rampant, s'il le fallait.
Ses vêtements s'étaient assombris par endroit à cause de la transpiration qui avait formé des taches rondes, notamment aux aisselles, sur le torse et le dos. Ses cheveux blonds crachotaient des gouttes de sueur, tout en dansant. Et l'expression sur son visage en disait long sur son état d'épuisement. Son souffle sec et haletant montrait une importante déshydratation. Ses jambes chancelaient tantôt, ce qui pouvait laisser penser que des atroces ampoules gonflaient déjà ses pieds.

Ça ne loupa pas. Une fois le jeune garçon arrivé sur les marches, devant l'entrée du large bâtiment blanc, il s'y laissa tomber rapidement comme une masse, et s'empressa de retirer ses baskets. Ses pieds enflés étaient rouges écarlates. Mêlé entre la douleur et l'exténuation, Bob ne réagissait plus. Il resta longuement assis, inerte, le regard vide, attendant de retrouver une respiration normale.
Finalement, derrière lui, un bruit de porte le sortit de sa torpeur. Un homme agé, vêtu d'une blouse blanche, accueillit Bob avec une certaine surprise.
_ Salut Bob ! annonça le professeur Cherry.
Bob se tourna difficilement vers son interlocuteur, toujours un peu sonné par ses exploits de sportif.
_ Salut... répondit vaguement le garçon.
Le vieux scientifique haussa les sourcils à la vue du gamin à la molle allure.
_ Mais qu'est-ce qui t'est arrivé, mon petit ?
_ Je suis venu pour chercher mon Pokémon, bégaya Bob.
_ Euh... ça ne répond pas à ma question, mais bref, passons.
Le professeur rumina un instant son étonnement et s'imagina brièvement le parcours du combattant que ce gosse avait dû entreprendre pour venir jusqu'à son laboratoire.

Emmitouflé des pieds à la tête dans un peignoir rose bonbon, Bob attendait patiemment dans le bureau du scientifique. Ce dernier lui avait proposé de prendre une douche, histoire de le remettre en quelque sorte d'aplomb, mais surtout pour qu'il sente le savon tant qu'il resterait dans les locaux.
Cherry pénétra dans son bureau et vint rejoindre le petit garçon, en s'asseyant en face de lui. La pièce était tapissée de tableaux représentant essentiellement des Pokémons ou des photos de scientifiques réunis à différents meetings et autres conférences de la profession.
_ Alors Bob, tu as pris une bonne douche ? demanda Cherry, souriant.
Le gosse avait meilleure mine et souriait lui aussi.
_ Oui, merci Monsieur, répondit Bob.
_ Bien. Et désolé pour le peignoir. Il ne restait plus que cette couleur en stock quand je l'ai acheté. Tu sais ce que c'est les soldes, hein...
Il se gratta la tête, légèrement embarrassé.
_ C'est pas grave, fit Bob, gêné lui aussi par tant de générosité à son égard.
_ Okay.
Le professeur se frotta ensuite les mains et se redressa fermement sur son siège, avant de continuer :
_ Bon, passons aux choses sérieuses, maintenant.
Les yeux du jeune garçon s'émerveillèrent.
_ Vous allez me donner mon Pokémon, alors ? s'enquit Bob.
_ Euh... Oui, oui... évidemment, se força de répondre Cherry, tentant de paraître crédible. Mais... il faut que je te mette en garde sur quelques points, avant tout.
_ Ah ? s'étonna Bob.
Son niveau d'enthousiasme venait de dégringoler, d'un seul coup, craignant le pire. Mais il ne voulait pas abandonner si facilement, après le long voyage qu'il avait parcouru et enduré.
Le professeur chercha ses mots, puis se lança :
_ Tu es au courant que devenir dresseur Pokémon ne sera pas de tout repos, n'est-ce pas ? Et que ça te prendra du temps. Beaucoup de temps. Du temps qui peut se compter en un certain nombre d'années. Bref, c'est très long.
Bob secoua la tête, sans se soucier réellement de la notion de longueur, de l'avenir ou autre. Tout ce qu'il désirait, c'était son Pokémon. Rien de plus, rien de moins.
_ Donc, pendant tout ce temps, tu seras tout seul, reprit le scientifique. Ton Pokémon et toi. Personne d'autre. Puis, tu devras dormir dehors à la belle étoile. Par tous les temps, par toutes les saisons. Cloîtré dans une tente, dans le noir. Au milieu de nulle part. Souvent, il fera froid. Et parfois, des Pokémons sauvages roderont.
Les yeux écarquillés à bloc, Bob commença à attraper la tremblotte.
_ Il te faudra donc être fort, mon garçon, continua Cherry sur un ton ferme et solennel. Ta mère ne sera plus là pour t'éduquer ou tout simplement t'aider. Elle ne sera pas non plus là pour te faire des petits plats. Et quand tu atteindras enfin une ville, après t'être perdu une douzaine de fois dans les hautes herbes et autres végétations, tu devras penser à faire les courses toi-même. Tu imagines ? Peut-être même faire la manche au fil des ans, si tu n'es pas assez fortuné.

Bob avait des spasmes violents qui lui traversaient le corps de part en part. Il pouvait deviner que sa peau refroidissait sous la chaleur de son manteau d'éponge. Il se mordait les lèvres de temps en temps et essayait de déglutir discrètement pour cacher sa trouille au scientifique.
Cherry était loin d'avoir terminé son discours. Voyant le petit bonhomme sans voix, il repartit dans un nouveau débit de paroles :
_ Tu es encore jeune, Bob. Plein d'espoirs et plein de promesses. Réfléchis bien et prends conscience. Si tu arrêtes les cours pour partir à l'aventure, sache qu'il n'y a pas d'évolution de carrière. Et qui sait ? Tu pourrais même finir très con, sans bagages ni boulot. Puis quand tu grandiras et que tu auras tes premiers poils, sauras-tu reconnaître les flirts et l'amour ? C'est encore loin, certes, mais parfois le temps passe vite. Et passer son temps à se masturber en solitaire sera sans doute ton unique solution. Ou alors avec ton Pokémon, mais là n'est pas la question.

Le gamin n'arriva plus à se retenir et se pissa dessus. Une grossière tâche humide vint rapidement s'imprimer sur le peignoir rose bonbon et le fauteuil. Bob baissa la tête honteusement. Ses bras s'enroulèrent autour de son bas-ventre pour dissimuler son méfait.
_ Ne t'en fais pas, mon petit, rassura Cherry avec le sourire. Je ne le répétrai à personne, promis.
Bob releva les yeux lentement jusqu'à croiser le regard du professeur puis replongea le menton sur sa poitrine.
_ Si tu veux mon avis, ce qui est encore pire pour un dresseur Pokémon, c'est d'avoir à chier dans les buissons et de s'essuyer ensuite avec des feuilles. Pas très pratique, ni hygiénique.
Le professeur éclata fortement de rire pour détendre l'atmosphère, mais surtout pour étouffer sa vanne qui venait de faire un flop.

La nuit avait fait son apparition. Le professeur Cherry avait raccompagné personnellement le petit Bob à sa maison, trop terrorisé pour revenir tout seul. Ce dernier dormait maintenant à poings fermés, mais un léger froncement de sourcils subsistait sur son visage, annonçant peut-être le début d'un long cauchemar.
Dans la chambre voisine, la mère de Bob était allongée sur le flanc, les yeux fermés. Elle poussait d'infimes murmures séparés d'intervalles de souffle régulier.
Une silhouette masculine, qui n'était autre que celle du professeur Cherry, ondulait du bassin derrière le corps de la femme, avec étreinte.
_ Merci pour ce que vous avez fait, professeur Cherry, chuchota la mère d'une voix douce et sensuelle à la fois.
_ J'espère que votre fils s'en remettra vite, répondit-il au même volume, entre deux va-et-vient. Je n'ai pas l'habitude de faire peur aux enfants, vous savez.
_ Je sais. ça va aller, il comprendra plus tard. Et vous n'avez pas à vous excuser. C'est moi qui ai proposé de vous payer en nature. Je ne roule pas sur l'or ces temps-ci, mais je ne veux pas que mon fils termine comme un vagabond stupide qui passe son temps à capturer de vulgaires bestioles aux pouvoirs magiques.
_ Euh... oui, oui. En tant que spécialiste des Pokémon, je suis évidemment en désaccord, mais je ne défierai pas le choix d'une mère.
Ils sourirent en même temps, puis replongèrent dans leur coït long et silencieux, mais bon et voluptueux.

Fin.