Le Maître du Vent de supersian

Le lundi matin, l'emmerdeur hurla bien plus fort et avec plus d'insistance que d'habitude, ce qui signifiait que tout-le-monde était attendu dans la salle-à-manger le plus tôt possible. Les quelques disciples qui avaient l'habitude de traîner au lit se levèrent donc aussi, leur fatigue eclipsée par un sentiment de frustration, et finalement, vers 7 heures et quart, Laurent put entamer un petit discours devant tous ses élèves.

- Bonjour à tous ! Comme vous le savez, aujourd'hui et toute cette semaine, c'est l'épreuve pour accueillir nos nouveaux disciples. Deux départs cette année : Alex et San.

Des regards se tournèrent vers les deux concernés, qui passaient leur dernière semaine à l'arène. Tout-le-monde était au courant depuis longtemps de leur départ, mais l'annonce officielle rendait les choses beaucoup plus tragiques et imminentes.

- San, un mot ?

La fille, d'environ 25 ans, prit la parole.

- Ben... J'ai passé une excellente année ici... Maintenant, je vais essayer d'avoir le concours pour l'école des garde-forêt... Vous savez que j'ai bossé l'examen... dit-elle en souriant.

Quelques rires lui répondirent. Effectivement, San révisait les notions nécessaires pour décrocher le concours dès qu'elle avait un moment de libre, et certains se demandaient comment elle avait fait pour ne pas tomber écroulée de fatigue depuis toute cette année, en cumulant études et entraînement.

- Voilà, après j'aurais peut-être un poste dans une réserve, à un Parc Safari si ça se trouve ! En tous cas je vous remercie tous de cette année... Toi Laurent, t'es un excellent maître...

Elle continua avec chaque disciple, en rappelant chaque fois un moment ou un mot qui avaient marqué leur vie commune à l'arène. Elle termina par Albert.

- Albert... Je te souhaite bonne chance pour l'an prochain... Et merci pour Mort à Peter ! conlut-elle avec un clin d'oeil.

En effet, le futur champion avait tenté d'initier toute l'arène au métal. La réussite n'avait pas été totale, mais San avait été un des sujets les plus réceptifs. Elle était allée à quelques festivals et concerts de la région avec Albert et sa bande de copains de Mauville.

Alex parla ensuite.

- Moi je vous remercie pour les deux ans passés ici... C'était la classe. Bon, à part Albert et sa musique de bourrin, Fabio mon camarade de chambre qui ronfle et l'emmerdeur qui nous emmerde, c'était pas mal. Je vais tenter le concours pour devenir Infirmier Pokémon pour ma part...

En effet, Alex avait suivi des études mixtes : pokémon et générale. A la différence de San, qui était parti en voyage initiatique à 10 ans, il n'avait pas eu besoin de réviser tout seul pour passer un concours : ses acquis et quelques révisions lui suffiraient, du moins espérait-il.

Puis, l'ancien disciple passa lui-aussi en revue quelques grands moments passés, et son discours fut ponctué d'applaudissements, pour lui et pour San.

Laurent reprit la parole.

- Bien ! Alors cette semaine est spéciale, je vous l'accorde, mais, comme chaque année, je vous rappelle d'être impartial avec les ( peut-être ) futurs disciples, et de ne pas oublier que vous êtes à l'arène, et pas en vacances ! Dimanche soir, nous organiserons la fête de bienvenue pour les deux nouveaux disciples : je vous préviens que s'il y a le moindre problème, je vous confisque vos clefs pendant trois mois !

Albert, Roxane et Fabio échangèrent un regard presque honteux.

- Dans deux heures, nous entamerons les procédures d'inscription. Soyez tous prêts.

Un "ouiiiiiiiiii" prolongé et général lui répondit, et Roxane, de corvée Petit-Déjeuner, se hâta de retourner en cuisine chercher des croissants.


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Les procédures d'inscription consistait en un immense bazar.

Le hall d'entrée, habituellement vide, sombre, et décoré de statues en bois de pokémons vols ( il fallait bien impressionner les visiteurs ), était méconnaissable.

Les sculptures se retrouvaient poussées sans ménagement contre les murs, les lumières allumées au maximum, et une dizaine de petits bureaux de fortune étaient amenés ça et là. Derrière s'installait un disciple, en costume de cérémonie ( un superbe kimono bleu-roi à la ceinture dorée ), avec un ordinateur portable devant lui.

Laurent, de plus en plus nerveux et déjà fatigué, ouvrit lui-même les immenses portes de l'arène, révélant le monde qui attendait derrière.

Pour éviter les débordements, Cramé le Dracaufeu se dressait devant cette foule, d'un air agressif.

- Bonjour à tous ! dit Laurent d'un ton normal, puisqu'à sa vue, tout le monde s'était tu. Bienvenue à l'arène de Mauville. J'espère que vous avez préparé tous vos papiers nécessaires, car nous allons vous les demander, comme prévu dans les annonces officielles de recrutement. Un par un quand je vous appelerai, vous entrerez et prendrez place à un des bureaux, tenu par des disciples de l'arène. Vous avez bien compris ?

Un murmure timide sembla approuver.

Le champion indiqua ensuite dix personnes, qui pénétrèrent dans le hall, et fit signe aux autres d'attendre.

Les inscriptions allaient se dérouler toute la journée. Albert était dans l'équipe du matin, il reçut donc comme les autres un des tout premiers demandeurs.

- Bonjour.
- Bonjour Monsieur...

Un jeune adolescent, dix-sept ans a priori.

Les questions commencèrent, pénibles, fastidieuses, et obligatoires. Nom, prénom, âge, continent, ville, adresse, profession exercée, nombre de badges gagnés, niveau d'études, nombre de pokémons, noms et espèces de ces pokémons, casier judiciaire, assurances, responsable légal...

Tout serait allé plus vite en téléchargeant des informations du pokédex, mais les fraudes allaient croissant, et manipuler et fausser ces données semblaient être devenu le sport national. Donc, pour empêcher ces problèmes, on revenait à l'ancienne. Carte d'identité, autorisation des parents, livret de famille, et plein de documents officiels, sans compter le passage dans la salle d'entraînement, où l'on faisait libérer tous les pokémons du dresseur pour les recenser.

L'heure à laquelle on arrivait n'avait pas grande importance. A priori, quelqu'un s'étant présenté à neuf heures le matin avait autant de chances d'être pris qu'un autre arrivé à dix-huit heures. La seule différence consistait en ce que si l'on s'était présenté tôt et qu'on avait oublié un document important, on avait la journée pour l'amener, et les oublis, sans être fréquents, arrivaient tout-de-même.

- Bien. On vous attend demain à neuf heures pour l'entretien. conclut Albert, validant ainsi la première étape des inscriptions du jeune homme en face de lui.
- Merci, répondit celui-ci, en se levant.

Le futur champion soupira. Ce type n'avait pas le niveau. L'arène demandait dix badges obligatoires, lui en avait pile dix, et pas des plus prestigieux, à dix-sept ans, âge auquel il pourrait en avoir obtenu bien plus... Mais comme toutes les conditions étaient remplies, il devait le laisser continuer les épreuves.

La matinée continua lentement.


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A midi, Albert et Alizée s'étaient attablés dans un petit restaurant de Mauville. Le futur champion avait eu l'autorisation de manger à l'extérieur, ce qui était facile à obtenir : ce qui l'était moins, c'était l'argent pour aller au restaurant. La plupart des disciples profitaient que tout soit payé par l'arène, et n'achetaient que vêtements et produits de première nécessité. Albert avait la chance d'avoir hérité de ses parents et de son grand-père une petite fortune, dont il ne serait le possesseur légal qu'à sa majorité : mais en attendant, Laurent, son tuteur, lui versait un peu d'argent de cette somme tous les mois.

- Il me tarde demain ! répéta pour la quinzième fois la jeune fille en se versant de l'eau.

En effet, elle avait été retenue pour les sélections dans la matinée. Elle et Albert s'étaient échangés un très bref coup d'oeil dans le hall : ils avaient décidé de ne pas montrer qu'ils se connaissaient.

- Demain ça va être chaud... Entretien avec Laurent... C'est un sadique. Il va te pousser dans tes retranchements, te faire avouer plein de choses à l'opposé de l'idéal de l'harmonie desseur / pokémon...
- Ah ? s'étonna Alizée, surprise.
- Oui. Il déteste l'hypocrisie. Il sait très bien que les dresseurs cherchent la victoire, pas le bonheur de leur pokémons. Si tu es prête à avouer ça et décidé à changer ta façon de penser, il se peut que ta personnalité lui plaise...
- Mais... Moi j'ai toujours cherché le bonheur de mes pokémons ! Je sais que ça peut sembler ridicule dit comme ça, mais...

La jeune fille s'interrompit devant les yeux clos et le hochement entendu de la tête d'Albert.

- Non, Alizée. C'est ce que je pensais aussi. Mais au fond de toi...

Il planta son regard dans celui de la dresseuse.

- Au fond de toi, tu sais que c'est faux.

La jeune fille réfléchit. Hetfield, jeune Tylton, son premier pokémon. Elle, dix ans. Elle serre doucement dans ses bras le corps mince du bébé dragon, se délecte de ses ailes de coton contre ses joues.

- On va tous les battre, hein Tylton ?

Les premiers mots adressés à son premier pokémon.

Alizée détourna ses yeux de ceux de son ami.

- C'est... Ça peut être vrai... Mais...
- Oh, ça oui, il y a des mais. On peut vouloir gagner, être orgueilleux, et traiter ses pokémons avec respect et amitié. Mais il faut reconnaître que l'on veut gagner et que l'on est orgueilleux. C'est tout. Pour ne garder que le respect et l'amitié plus tard.
- Je... J'essaierai.
- Bon, ben tu as une chance alors... Beaucoup de dresseurs perdent à cette épreuve, et refusent de voir leur ego. J'ai pu te prévenir, mais je pense que tu l'aurais accepté, non ?

Alizée imagina Laurent, entrevu le matin, lui sortir une tirade magistrale contre les idées qu'elle avait toujours cru défendre. L'argument d'autorité l'aurait sans-doute emporté. Déjà que ces propos, tenus par Albert, du même âge qu'elle, l'avaient touchée au coeur, alors dit par un champion d'arène lui-même...

Pour l'heure, le jeune homme racontait quelques anecdotes de l'arène à son amie, qui, très consciencieuse, tentait de retenir l'essentiel des choses pour cette future année. Elle n'était pas sûre d'être prise, mais elle n'était pas sûre d'échouer non-plus. Alors, elle écoutait.

Le futur champion, lui, déballait avec plaisirs les différentes histoires amusantes à sa disposition, fier comme un Ronflex qui vient d'engloutir une ration de nourriture suffisante pour tout un troupeau de Tauros.

- Et alors là, Mika a sorti un truc énorme, t'imagines même pas...
- Albert...
- ... Oui ? s'interrompit le jeune homme, coupé en plein élan.
- Ça fait au moins dix fois que tu parles de Mika depuis le début du repas... Y'a quelque-chose ou quoi ?
- Mais... Euh...

Troublé, le futur champion hésita, tortillant une de ses mèches.

- Non. dit-il enfin. C'est juste mon meilleur ami, quoi... Et je partage ma chambre avec lui... C'est normal que je parle de lui, non ?
- Certainement, certainement ! approuva rapidement Alizée, qui n'en pensait pas moins.
- Ouais donc, il lui sort...

La conversation continua, alors qu'il tardait à la jeune fille de rencontrer ce fameux Mika, et surtout de le voir avec Albert... Il y a des signes qui ne trompent pas, et l'on est toujours heureux de voir ses prédictions se réaliser.