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Voyage initiatique ? [OS] de El Grou



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Informations

» Auteur : El Grou - Voir le profil
» Créé le 08/05/2024 à 12:04
» Dernière mise à jour le 09/05/2024 à 21:25

» Mots-clés :   Famille   One-shot

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Un dialogue
Bercé et apparemment inspiré par l’essence lunaire, le jeune Alef ne cesse de se poser des questions sur son avenir. Du haut de ses seize ans, il semble s’être lancé dans une quête de compréhension de l’univers tout entier cette nuit, la réponse à tant de ses questions existentielles lui paraissant hors d’atteinte, et ce malgré tous ses efforts. Qui est-il ? Quelle est sa place dans ce monde ? Et même ce monde, pourquoi est-il tel qu’il est ? Et j’en passe…
Le jeune garçon se tourne et se retourne dans son lit, maintenant devenu désagréablement tiède. Toutes ces réflexions sont bien lourdes à porter, mais inévitables pour lui, qui n’a eu de cesse de penser le monde qui l’entoure.

Son Goupix l’observe attentivement du coin de la chambre à l’atmosphère étouffante, n’ayant pas fermé l’œil aux côtés de son ami. Depuis l’œuf, le Pokémon à six queues et Alef ne se sont jamais séparés, formant une équipe indissociable : les flammes de Goupix ont jadis suffi à faire fuir les enfants qui ont désiré du mal au jeune garçon. Leur relation s’est affirmée à force d’années vécues ensemble, et désormais le Pokémon est seul témoin du cogito nocturne d’Alef.

Ce n’est pas la première fois que le jeune garçon peine à trouver le sommeil pour des raisons similaires. Ce dernier a toujours été frappé par l’insouciance de ses compères, tous en quête de nouvelles distractions et autres amusements, tandis que lui se pose déjà « les » grandes questions.
Il lui arrive parfois de se dire qu’il exagère, qu’il devrait lui aussi se poser quelques instants et « faire comme les autres ». Mais malgré ses nombreux essais, c’est impossible : le torrent de son esprit est bien trop puissant.
L’appel à véritablement sortir de son carcan et découvrir le monde, la volonté d’obtenir des réponses à ses questions les plus profondes : tout cela le démange et captive son esprit depuis bien trop longtemps maintenant.

Et cette nuit, sa tempête intérieure était plus forte que jamais. Une guerre sans armes et malgré cela si intense ! Goupix, percevant le tourment de son meilleur ami, se rapproche de lui et tente du mieux qu’il peut de le rassurer et de le réconforter. Sa douceur apaise en effet quelque peu Alef, mais ce n’est pas suffisant. L’idée refuse de lui partir de la tête et, cédant à la torture de son âme, il se décide enfin à déclarer :

« Je dois partir. Ça fait bien longtemps que j’aurais dû. C’est décidé, demain, j’en parlerai à papa. »

Une décision si brutale a priori, mais longtemps réfléchie dans les faits. Alef n’évoque pas sa mère, et à juste titre : le jeune homme lui a déjà confié ses réflexions. Plus compréhensive de la volonté d’introspection et de découverte de son fils, ancienne dresseuse avec quelques badges d’arène à son actif, c’est elle qui a fait cadeau de Goupix à son fils. Et elle approuve depuis un moment son projet. Le père d’Alef se place à une toute autre échelle. Sensible, doux et réfléchi, il aimerait que son fils se laisse plus de temps avant de se lancer dans une telle aventure. Mais le jeune homme est résolu.

L’aube se révèle timidement à l’horizon, et le soleil s’arme de ses premières pointes écarlates. Alef est dans un état presque second, un manque profond de sommeil amplifiant toutes ses pensées. Accompagné de son meilleur ami, il tente malgré tout de reprendre ses esprits. Il sait que la discussion qu’il s’apprête à avoir est importante.

« Je vais lui en parler, et il comprendra. Je le connais. »

Après une douche glacée, tentative du jeune homme de retrouver au mieux ses capacités, Alef, accompagné de Goupix, se dirige vers le salon. Somme toute modeste, une étagère abrite malgré tout quelques trésors de famille, dont une Pierre Feu, minerai récupéré par la mère d’Alef au cours d’une de ses nombreuses randonnées en montagne.
Le père d’Alef est à table, déjà réveillé depuis un moment. Un homme matinal, à présent prêt à affronter ses tâches quotidiennes.

« Salut fiston… ! »

Le père s’arrête net.

« Wow, tu n’as pas belle mine du tout. Mal dormi ?
– Pas dormi du tout.
– Oula… Mon pauvre, t’as une idée de ce qui a pu t’empêcher de fermer l’œil ? Ou attends ! Avant de me dire tout ça, viens petit-déjeuner avec Goupix. »

Goupix se tient quelque peu à distance. Alef s’assoit aux côtés de son père.
Sa respiration est très saccadée. Il se prépare à annoncer la grande nouvelle. À ce stade de sa réflexion, il sait qu’il n’a plus le choix, même si avoir l’estomac noué ne facilite pas le processus. En dépit de cela, sa détermination lui permet de mobiliser les quelques moyens qu’il lui reste et il décide alors de se livrer.

« Papa, j’ai mal dormi cette nuit car j’ai réfléchi toute la nuit à la décision que j’ai prise. Je vais commencer un voyage initiatique. Je dois apprendre du monde pour mieux le connaître, et me connaître. J’en suis persuadé. »

Alef s’attend à une réaction démesurée de son père. De la consternation, un désaccord définitif, peut-être même une immense dispute ! Tous les scénarios ont eu le temps de lui traverser l’esprit au cours de sa longue nuit. Mais au grand étonnement du jeune homme, la réponse de son père est totalement opposée à ses anticipations : en réalité, il n’a pas levé un sourcil.

« …
– Tu sembles… peu surpris ?
– Ta mère m’en a parlé. Tu ne peux rien me cacher.
– Ah. Je lui avais dit de ne pas te le répéter… Ça a dû lui échapper…
– Tu es intrépide, comme elle… Et je sais que je ne pourrai pas te convaincre de faire autrement. Malgré tout, le devoir m’impose d’essayer. Alors écoute-moi. »

Ça y est, la longue discussion qu’Alef a tout ce temps attendu est sur le point de commencer. La portée hautement symbolique de ce moment contribue à accélérer son rythme cardiaque, il sent son cœur bondir au sein de sa poitrine. Ce désir qui lui tient tant à cœur, il a l’intention de le défendre coûte que coûte.

« Tu sais, je n’avais pas ce genre de réflexions à ton âge, je ne pensais vraiment qu’à m’amuser. Tu es souvent impressionnant de maturité, mais c’est allié à ta témérité qui peut aussi être un défaut ! Je l’ai vu, le monde. Il est dangereux et impitoyable. Vraiment, tu ne devrais pas t’en soucier pour le moment. Je regrette ma jeunesse comme tu ne pourrais imaginer, profites-en tant que tu le peux encore.
– Et dis-moi alors, où est-ce que j’aurais la réponse à mes questions ? Comment veux-tu que je ne m’amuse, tandis que je ne sais rien ? Ce que tu me dis, c’est de rester dans l’insouciance !
– Du temps. Laisse-toi le temps, je t’en conjure, tu es encore jeune. C’est normal de ne pas savoir qui on est ou de ne pas avoir pleinement saisi le sens de sa vie à ton âge, tout viendra à force de temps et d’expérience. Ne grille pas d’étapes.
– Comment est-ce que l’expérience me viendra si je ne vis rien, enfermé entre ces murs ? Dans les mêmes habitudes insipides ? Je devrais me tourner les pouces en attendant que, soudain, la révélation divine m’arrive ?
– Personne ne t’a interdit de vivre. L’expérience viendra d’elle-même. Et bien au-delà de ça, tu n’as pas à partir si loin pour apprendre à te connaître. Pourquoi une telle appétence pour le voyage ? Si tu savais ce dont les Pokémon sont capables…
– Alors ce sont les Pokémon, les coupables ? »

Voyant l’expression qu’arbore le visage de son père changer, Alef comprend qu’il a touché un point sensible. Jusqu’à présent, le père de famille était impassible. Pourtant, son visage laisse maintenant transparaître un brin de peur incontrôlée. Au sein de son esprit, un très mauvais souvenir a refait surface. Mais aussi cauchemardesque soit-il, il rejoint les abysses aussitôt : laissant sa peur initiale de côté, le père d’Alef reprend le sourire. Tout ceci se passant à une vitesse déconcertante, suffisamment pour perturber Alef.

« Papa… ?
– Est-ce que je t’ai déjà raconté comment j’ai rencontré ta mère ?
– … Hmm… Après réflexion, tu ne m’as jamais dit.
– Il y a une bonne raison à ça. »

Le stress qu’affichait Alef s’est dissipé, et laisse place à un grand étonnement. La discussion prend une curieuse direction. Se demandant presque si ce n’est pas une tentative de diversion de la part de son père, une touche de curiosité et le respect de son paternel malgré tout l’emportent et le jeune homme se décide à rester à l’écoute sans reprendre le sujet de conversation initial.

« Moi aussi, je suis parti en voyage, figure-toi. Même si je n’avais pas ton âge ! J’approchais la trentaine et j’avais ce besoin de me ressourcer, de trouver un nouveau souffle, en quelque sorte. Quand on est un adulte, la vie peut parfois devenir une routine insupportable-
– Alors tu comprends ce que je ressens !
– Laisse-moi terminer. Donc, j’étais parti en voyage. Sans Pokémon.
Erreur gravissime, alors que les attaques de ces derniers se multipliaient. Jusqu’à ce jour que je ne pourrais jamais oublier, à la fois l’un des pires et le plus beau jour de ma vie.
J’étais alors près de Janusia, à Unys. Un Séviper m’observait, depuis l’autre côté de la plaine. Loin d’être imposant, son regard m’a pourtant immédiatement fait comprendre que quelque chose n’allait pas, et la panique me gagna progressivement. Fallait-il rebrousser chemin, continuer ?
Mais à peine mes réflexions terminées qu’il fonça sur moi et manqua de transpercer ma jambe avec sa queue ! Me retrouvant enroulé au sol, la peur me tétanisa. J’ai vraiment cru que c’était la fin pour moi. Mais c’est alors que le Pokémon qui préparait une nouvelle attaque fut attaqué par un Mangriffe sorti de nulle part, ce qui me permit de m’échapper. C’était celui de ta mère. Et c’est comme ça qu’on s’est rencontrés…
Je sais, ce n’est pas très glorieux. Mais ça a le mérite d’avoir compensé mon traumatisme. Depuis, tu imagines bien ce que je pense des Pokémon. »

Alef comprend maintenant beaucoup mieux l’essence des craintes de son père. Mais il se pose tout de même beaucoup de questions : pourquoi un Pokémon irait-il subitement attaquer un être humain, alors que les deux espèces cohabitent depuis belle lurette ? Se forçant à trouver une explication rationnelle à ce phénomène afin de rassurer son père et d’arriver à ses propres fins, il se rend compte qu’il aura besoin de plus de contexte. Il n’a pas l’intention d’abandonner malgré la « révélation » de son paternel qui, au contraire, attise encore sa flamme d’aventure.

« Je ne comprends pas pourquoi ce Séviper t’a attaqué…
– Moi non plus. Il n’avait pas nécessairement de raison rationnelle, peut-être qu’il était tout simplement de mauvaise humeur… La nature est pleine de mystères, et très spontanée. Et les Pokémon… Leurs capacités dépassent l’entendement. J’aurais pu ne pas être là pour en parler, et toi non plus ! L’idée que tu y sois confronté me terrifie. Et puis, tu as un tel tempérament, ça ne contribue pas à me rassurer…
– … »

Le père d’Alef espère en se livrant à son fils pouvoir le faire réfléchir et lui trouver d’autres moyens d’obtenir des réponses à ses questions. Mais il voit bien à son regard, et aux dires de sa femme, que son fils ne renoncera pas. Bien au-delà de l’appel à l’aventure, c’est la volonté d’indépendance et de liberté inhérente à Alef qui s’exprime, consubstantiels à sa personnalité. Il ne peut rien y faire ; ce désir est inarrêtable.

Goupix est resté attentif à la discussion tout du long. Mais son regard n’est pas orienté vers Alef : c’est l’éclat de la Pierre Feu du salon qui l’attire depuis tout ce temps.
À ce stade, on peut comprendre ce qu’il va se produire. Si le père d’Alef sous-estime la force de son meilleur ami, alors c’est d’un compagnon puissant dont il a besoin ! Aussi téméraire qu’Alef, sans prendre plus de temps pour y réfléchir, Goupix s’élance à travers le salon et saute vers la Pierre Feu !

« Goupix !! » s’écrit Alef, réagissant bien trop tard.

Une lueur bleue envahit soudain la pièce. Une aura unique, indescriptible à la seule force des mots, envahit Alef et son père qui, passé le stade de la surprise, se contentent d’observer le dégagement de lumière et la métamorphose du petit Pokémon qu’ils ont toujours connu.

« Elle a tout prévu… » pense le père d’Alef, admirant le processus naturel se faire devant lui, accompagné de son fils.

Et le voici. Un Feunard radieux jaillit du halo bleu. Le père d’Alef, bouche bée, ne prononce pas un mot et s’empresse de remettre en place le reste de l’étagère, maintenant sens dessus dessous.
Feunard s’avance vers son meilleur ami. Les deux s’échangent un regard. Ils se sont compris.

« Regarde. Je te l’assure, on est prêts. »

Feunard acquiesce fièrement et regarde le père d’Alef avec insistance. Pour une raison que ce dernier ne saurait expliquer, le regard du Pokémon crée le déclic nécessaire. Le charisme qu’il dégage lui procure un sentiment qu’il n’a jamais ressenti auparavant, mêlé tout de même à la peur qu’il a ressenti, le jour où il a rencontré ce Séviper. Tout ceci lui assure qu’il a en face de lui un Pokémon puissant. Le voilà enfin rassuré : aussi surprenant que cela puisse paraître, son fils est entre de bonnes mains.

« Ha. Parfois, j’oublie la fougue de la jeunesse… J’ai perdu la mienne il y a déjà longtemps. Et le changement m’a toujours fait peur ! Mais tu n’es pas comme moi.
Tu as cette lueur étincelante dans tes yeux, la même que Feunard. Peut-être que je dis ça pour me rassurer, mais là, vous semblez… invulnérables. Tu n’auras pas les mêmes accidents que moi.
– Papa…
– Je savais que je n’allais pas réussir à te convaincre, toi et ton Pokémon êtes de vraies têtes brûlées. Va, mon fils. Mais je veux de tes nouvelles tous les jours ! Et, je t’en prie, passe une bonne nuit de sommeil avant de partir où que ce soit.
– Évidemment. »

Le père d’Alef le serre dans ses bras, une étreinte plus forte que jamais.
Pour Alef et Feunard, l’histoire commence maintenant.