III - Chuter au littéral et au figuré
J'ai du sable dans la bouche. C'est dégueulasse.
Logiquement, mon premier réflexe est donc de le recracher avec énergie, et un râle dégoûté. Un peu moins logiquement, la réaction de mon corps face aux spasmes de mon diaphragme pour arriver à ce but est de me faire sentir dans une bouffée de douleurs inattendues chacune de mes côtes. Aie.
Du coup, mes efforts pour me débarrasser de ce corps étranger dans ma bouche se doublent de geignements douloureux jusqu'à ce que je reprenne réellement mon souffle, et que je me laisse retomber à plat ventre sur le sol le temps d'appréhender la situation. J'ai la tête qui tourne. C'est pas un effet secondaire vraiment inattendu après s'être mangé une chute pareille. J'ai mal partout, et je me demande de combien de bleus je vais hériter après ça. Je sens à peu près tous mes membres. C'est une bonne nouvelle. Enfin, si vous voulez mon avis, je sens un peu trop à mon goût la main sur laquelle j'ai dû me rattraper, mais ça va, au milieu de toutes les autres douleurs que je me tape, elle jure pas trop.
Des pas précipités résonnent dans les couloirs silencieux au dessus de moi. Je lève difficilement la tête comme si j'avais la moindre chance d'en voir autre chose qu'un plafond moqueur. Rien ne me dément, et les pas s'effacent au loin.
Quelque chose poisse sur ma mâchoire. Ma main vient s'y coller par réflexe, et je le regrette aussitôt. Aie bis. Chaud et humide. Je la ramène sous mes yeux pour en identifier la cause. Sang. Merveilleux.
Je jette un regard assassin à la dalle quelques centimètres à ma gauche, et surtout à l'arête à qui je dois attribuer la paternité de ma blessure vu les tâches vermeilles explosées autour. J'ai eu la chance de tomber majoritairement sur du sable, je constate au passage. Si je m'étais ramassé sur le bloc de pierre qui a effectué sa majestueuse chute en même temps que moi... ouais, ça aurai été plus douloureux. Probablement moins sympathique pour mes chances de survie à court terme, aussi. Je me retourne sur le dos en serrant les dents, non sans que le monde tangue de nouveau autour de moi au passage.
Quelle journée de merde. Ca m'apprendra à courir derrière des gars bizarres en plein désert. Ouais, à la réflexion, c'est pas la meilleure idée que j'ai jamais eue de ma vie non plus. Heureusement - ce terme est discutable - je risque d'hériter d'une merveilleuse cicatrice en pleine mâchoire pour m'en rappeler à l'avenir. Et tout ça pour que cet idiot de gars bizarre se soit probablement enfui, maintenant.
Le retour des bruits de pas affolés me fait rouvrir les yeux à contrecoeur, malgré une violente envie de rester parfaitement immobile pour ne pas encourager le demi-milliard de bouts de mon corps tentant de se détacher les uns des autres. Quelqu'un qui glisse, se rattrape et jure. Je fronce les sourcils en fixant l'escalier en ruines à l'autre bout de la pièce.
Cligne des yeux quand Pantalon Militaire y apparait, manque de s'écraser en bas en ratant une marche disparue, et me jete le regard le plus paniqué que j'ai jamais vu sur aucun visage humain jusqu'ici, proprement essoufflé.
- Tu te fous de moi... je murmure en le voyant s'étouffer sur sa propre respiration en se redressant.
Il titube un peu avant de se rapprocher, et moi d'avoir un mouvement de recul par réflexe, qu'il ignore majestueusement en me scrutant avec insistance. Je ramène mes coudes contre moi pour me relever, moyennement rassuré par ce type à l'air d'avoir quelque chose à se cacher que je viens de poursuivre à travers un château en ruines.
- Ca va?
... pardon.
- "Ca va"? Vraiment? je répète, ahuri. Mais qu'est-ce que tu fous là, toi?
- Bah, je... Tu... T'es tombé et-et...
Il croise les bras, me regarde, regarde le trou béant dans le plafond au dessus, les débris autour de moi, la trace de sang sur ma joue, balbutie un peu. Ferme les yeux, tente vraisemblablement de reprendre contenance, et inspire un grand coup.
- T'es blessé?
- Je viens de me casser la gueule du haut d'un étage qui en fait deux dans une ruine en plein désert par ta faute! Tu crois que je vais te répondre quoi?
Il recule comme si je venais de lui coller la plus magistrale claque de sa vie, apparemment un peu surpris par l'agressivité qu'est capable d'irradier un gars venant de tomber d'aussi haut à l'instant même.
- Que, euh... Pardon, j-je voulais juste...
- J'ai mal PARTOUT. J'ai la joue en sang. Miraculeusement, je suis même pas mort, t'as vu? Même moi j'y crois pas.
- Je suis d...
- Et puis c'est quoi ton problème? Un instant tu t'enfuis en courant comme si tu venais d'égorger quelqu'un et maintenant tu te sens coupable? Et déjà, qu'est-ce que tu foutais à-
- Je sais, JE SAIS! J'ai COMPRIS!
La surprise d'entendre le même type ayant l'air de visiblement vouloir disparaître sous terre un instant auparavant m'aboyer dessus en pleine phrase a au moins eu le mérite de me faire taire deux secondes, et arrêter de lui décharger ma terreur tout juste passée en pleine figure.
- J'ai compris! Je sais, je suis stupide, je sais pas comment on fait ça, je voulais rien à personne e-et j'ai encore tout fait foirer. JE SAIS! J'y peux rien, ok? C'est toujours comme ça que ça finit, avec moi, de toute façon. Je finis par tout ruiner et tout le monde m'en veut, à raison de toute façon. Je suis pas doué, un pur incapable, je m'en sors pas, et j'y peux rien! Tout ce que je sais faire, c'est me ridiculiser et blesser tout le monde. Je savais que c'était une mauvaise idée, en plus. Je le savais!
Et c'est à mon tour d'ouvrir la bouche sans avoir rien de cohérent à dire en le fixant avec de grands yeux, pendant qu'il gesticule à travers la pièce en butant sur ses mots. Si il y a bien quelque chose à quoi je ne m'attendais pas aujourd'hui (ou une deuxième, ou troisième, ou sixième chose...), c'était de me retrouver dans une position pareille. Littéralement étalé par terre à écouter un parfait inconnu me déblatérer ses problèmes existentiels à la figure.
Pour être honnête, il y a pas si longtemps, c'était moi qui lui hurlait dessus après l'avoir poursuivi dans un désert parfaitement déserté, alors bon.
- U-une mauvaise... mais de quoi tu parles?
- J'aurais jamais dû venir ici. Je savais que ça allait mal finir. Je suis débile. Et ridicule. J'aurais dû m'écouter au lieu de venir.
- Mais pourquoi tu...
Ma phrase reste en suspens.
Son sweat s'est décroché de sa position initiale à force de gesticuler dans tous les sens, et révèle maintenant la totalité de son fameux pantalon militaire à l'air d'avoir vécu de nombreuses choses. Et je ne réponds pas, parce que je suis trop occupé à fixer l'insigne Plasma cousu avec une adresse discutable par dessus, que le sweat cachait une minute auparavant.
Son expression passe de paniqué à très confus devant mon silence, avant qu'il ne suive mon regard. Et réalise en même temps que moi.
On a à peu près le même bond de recul en arrière en percutant chacun ce que cette réalisation implique.
- Mais attends t'es de la-
- NON!
La véhémence avec laquelle il proteste me fait reculer encore un peu plus. Je le savais, que ça sentait mauvais, son histoire. Et qu'il pue la suspicion à des kilomètres à la ronde. Je le sentais, je le savais...
- J'en fais pas partie. Je le jure. J'ai rien à voir avec eux, je suis pas avec eux, je...
- Et c'est quoi, ça?
- Je, euh... C'est... compliqué, ok? Je suis pas avec eux. Je suis pas un criminel. Je... S'il te plaît.
Je l'observe un moment, incrédule, avant de lâcher un long soupir. Mais quelle journée pourrie. Mais quelle journée pourrie...
- Donc tu sais pas où est mon Mascaïman... ?
- Ton... N-non. Aucune idée. Tu l'as pas retrouvé?
- Mrf, je grommelle en tentant de me relever. A ton avis, si j'te demande...
J'ai définitivement mal absolument partout, et je n'arrive pas à me retenir de gémir en m'appuyant sur ma main relativement plus douloureuse. Il me tend avec hésitation un bras qui se veut bienveillant pour m'aider dans ma tâche. Je le fixe comme si il allait me manger vivant, avant de l'ignorer avec un certain sarcasme.
- Merci, j'ai pas besoin d'aide.
- T'es sûr? T'as peut-être une blessure grave quelque part qui-
Et l'instant d'après, parce que mon corps, ce sale fourbe, a décidé d'être d'accord avec lui, je suis de nouveau les fesses par terre à piauler de douleur. Je vois que je peux rajouter une cheville, celle qui vient de se dérober sous mon poids, à la liste des victimes. Journée pourrie, chute pourrie, tout, tout complote contre moi aujourd'hui... Je tente de reprendre mon équilibre comme je peux sous un flot incontrôlé de jurons s'échappant de ma bouche, qui noie la petite voix affolée de Pantalon Militaire Plasma-mais-pas-vraiment qui me demande où j'ai mal.
Une action vaut mille mots, donc je me contente d'une grimace en ramenant ma cheville contre moi. Il l'imite en constatant le gonflement autour de l'articulation.
- T'es tombé dessus?
- J'ai une tête à savoir? je grogne, rendu d'une humeur massacrante par la douleur.
Et puis, de toute façon, qu'est-ce qu'il veut que je lui réponde d'autre? Qu'une voiture fantôme est passé à travers les murs pour me rentrer dedans et rouler dessus avant de redisparaître dans l'intervalle de temps pour qu'il arrive? Je serre les dents en essayant de bouger mon pied, sans trop de problèmes à part la douleur. Je l'entends vaguement faire un commentaire sur le fait qu'elle est probablement foulée, sans trop l'écouter. Je veux juste sortir de ce trou perdu, rentrer chez moi, et me lamenter sur mon sort au fond de mon lit. Avec un chocolat chaud.
Quelle image délicieuse. J'inspire un grand coup et je m'agrippe au mur pour essayer de me lever sans porter mon poids sur ma cheville traîtresse. Le regard de Pantalon Militaire est planté sur moi comme si j'étais une petite chose fragile pouvant se casser à tout moment. Détestable. Je lui le fusille du regard en clopinant jusqu'à l'escalier.
- Tu vas où?
- A ton avis? Je rentre chez moi.
- Comme ça?
Il hausse un sourcil devant mon agitation douteuse. Son scepticisme est palpable.
- Comme ça et en rampant si je le dois, je grogne. Je veux juste dégager de ce fichu désert.
- Tu es sûr que ça va aller? Je peux t'aider à...
- J'ai pas besoin d'aide.
- Je peux aussi juste ramener quelqu'un d'autre, si...
- J'ai pas besoin de ton aide, et j'ai pas besoin de l'aide de qui que ce soit non plus!
Et pour lui prouver, je laisse tomber magistralement mes fesses sur la première marche, et j'entreprends de grimper les escaliers à l'envers depuis le sommet de ma fierté blessée. Je me suis bien assez ridiculisé devant ce type comme ça. Il peut rêver pour que j'accepte quoi que ce soit de sa part. Et puis, comme si j'étais pas capable d'aller geindre auprès du premier passant venu et me plaindre jusqu'à ce qu'il appelle de l'aide, moi aussi. J'ai certainement pas besoin de la cause de tout ce bourbier en guise de babysitter.
Il me fixe monter péniblement marche par marche les bras ballants, visiblement blessé, sans oser dire un mot de plus. Je lui offre mon meilleur air de défi en retour jusqu'à être difficilement arrivé à l'étage du dessus, et avoir lâché un couinement parfaitement humiliant en oubliant de faire gaffe en me relevant. Et je mets un point d'honneur à ne pas me retourner en l'entendant remonter à ma suite.
Vraisemblablement pas motivé à m'abandonner tout seul ici, ceci dit. L'envie de lui pester dessus une énième fois pour le chasser est dure à retenir, mais sa misérabilité misérable ne pouvant pas être plus apparente, le minuscule grain d'empathie qu'il me reste après tout ça m'empêche de faire ça. A la place, je l'ignore juste de toutes mes forces en boitant à travers le couloir, suivant les traces de pas menant à la sortie.
Le silence a un côté particulièrement gênant, mais aucun de nous deux n'a l'air déterminé à le briser autrement que par les semelles crissant dans le sable et mes occasionnels grognements d'effort. Jusqu'à ce qu'il reprenne la parole.
- Je veux pas dire ça pour t'aider, mais tu devrais faire gaffe aux-
- C'est quoi que tu comprends pas dans "fiche moi la paix"?
Il se tait de nouveau.
§
Chaque pas est une torture. Une interminable torture. Je les compte dans ma tête pour me donner quelque chose à quoi me raccrocher.
J'en ai perdu le compte quand je sens le sol perdre toute solidité sous mon pied valide, mon sens de l'équilibre s'affoler de nouveau, et une vague de panique à l'idée de répéter la même chute que tout à l'heure. Et deux bras sous mes aisselles. Mon glapissement de panique se transforme en glapissement de douleur quand tout mon poids se met brusquement à reposer sur mes côtes douloureuses. Je me laisse retomber par terre quand il me lâche enfin, en fixant avec un désespoir grandissant le sol vaguement descendu devant moi.
- C'était quoi encore, ça...
- Le plafond qui s'est affaissé. Le sable a juste rempli le trou jusqu'à l'étage du dessous, mais il n'y a rien de solide sur quoi marcher. Juste une montagne de sable jusqu'ici.
Il s'est éloigné de quelques pas à côté de moi, et essaie maintenant de cacher son malaise pendant que je reprends mon souffle. Je ne réponds pas, pendant un moment. Il vient probablement de me sauver, au mieux, d'une longue remontée tout seul. J'ai une furieuse envie de lui en vouloir. Tu peux pas juste te barrer et me laisser patauger dans ma fierté mal placée? Evidemment, en m'attirant les ennuis les plus ridicules possible, il a fallu que je tombe sur le meilleur spécimen possible de trop-gentil-pour-son-propre-bien.
Je sais pas si je suis très chanceux, ou très malchanceux.
- Ca va?
- Mrf.
Non, ça va pas. Je suis épuisé, trempé, glacé, coincé dans le pire endroit qui existe sur terre avec une cheville en miettes et mon Pokémon a disparu. J'ai envie de coller ma tête dans le sable jusqu'à ce que le monde s'arrange tout seul autour de moi. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça? Cet après-midi j'étais en train de jeter une cannette dans le sable et de me dire que c'était le truc le plus extraordinaire de ma journée. L'autre idiot peut bien paniquer à voix haute autant qu'il veut, c'est moi le plus ridiculement incapable, de nous deux. J'ai envie de soupirer. Non, j'ai même pas le courage de soupirer. J'ai envie de rester là et continuer à fixer le vide comme si le vide avait déjà apporté la moindre réponse à quiconque.
Le sable crisse à côté de moi. Je tourne la tête pour tomber nez à nez avec une main tendue un peu tremblante. J'ai plus la motivation de lui hurler dessus, et de toute façon, il a une telle tête pleine d'espoir d'enfin servir à quelque chose pour réparer sa bêtise que j'ai pas envie de briser ses rêves une fois de plus.
Je grommelle quand même, pour la forme, avant de l'attraper en rendant ma vexation aussi évidente que c'est physiquement possible - il n'a pas l'air d'en être particulièrement affecté, ou alors il est juste trop content du progrès par rapport à tout à l'heure. L'enthousiasme dont il fait preuve pour me remettre debout et m'aider à m'appuyer sur lui est un peu rude, d'ailleurs, sur mon corps douloureux de partout.
Il a beau avoir une notion un peu incomplète de la délicatesse, je dois quand même cacher mon soulagement devant la relative facilité d'avancer avec son aide. A défaut de moi et mon ingratitude certifiée, ma cheville le remercie. Je serais presque reconnaissant, si la trouille que je me suis tapé en tombant ne s'était pas transformée accidentellement en furieuse envie de l'engueuler en le voyant revenir voir dans quel état j'étais. De toute façon, être reconnaissant, c'est pour ceux qui sont déjà capables d'avoir une relation réciproque et cordiale avec d'autres êtres humains, et c'est pas une case dans laquelle je rentre très bien sans quelques coups de marteau.
Alors à la place je laisse juste le silence s'installer de nouveau, en faisant mine de me concentrer sur ma terrible épopée du voyage sur un seul pied. Il n'ose rien dire non plus, mais bon, vu ce que je lui réponds depuis tout à l'heure, c'est pas excessivement étonnant.
Presque agréable, d'avancer en silence comme ça.
§
Et puis il s'arrête. Je manque de trébucher et je le remercie de mon regard le plus courroucé au passage.
- Eh? S'passe quoi pour que t'arrêtes?
Pas de réponse.
Je fronce les sourcils. Il fixe un point inexistant devant lui, apparemment plongé en pleine réflexion, ou un truc du genre. Oui, bah c'est pas une raison pour m'ignorer.
- Eh oh tu pourrais-
- Chut, il murmure sans bouger davantage.
Je manque de m'étouffer, piqué au vif, avant d'enfin comprendre et me taire. Et tendre l'oreille à mon tour pour savoir ce qu'il écoute. Rien, sinon un vague bruit de fond particulièrement peu remarquable. Je peux rajouter l'ouïe à la liste des qualités qu'il a et pas moi, apparemment.
- T'entends quoi? je finis par lâcher, au comble de l'impatience.
- Je-euh, je sais pas, il ment avec une crédibilité inexistante.
Je découvre qu'il est possible de froncer les sourcils encore plus loin que ce que je faisais. Mais j'ai pas le temps de verbaliser mon scepticisme, parce qu'il repart très nerveusement en m'entraînant - logique, il me sert toujours de béquille - avant que j'ai l'occasion de répondre.
Je continue d'écouter comme je peux en espérant remarquer ce qu'il entend, mais c'est plutôt compromis derrière le vacarme qu'on fait en avançant. Je fais de mon mieux pour être silencieux, avec un succès très relatif.
Jusqu'à ce que le bruit de fond se mette à recouvrir même ces sons là. Et qu'il s'arrête de nouveau, de plus en plus nerveux.
- Tu comptes me dire ce que t'entends, un de ces jours?
- Je crois que tu vas pas rentrer tout de suite...
- ... c'est une menace?
Il pointe le tournant au bout de la pièce du menton en évitant mon regard. Je me plains vaguement à voix basse en partant clopiner furieusement jusqu'à l'origine du bruit. Un frisson encore plus glacé que la sueur qui sèche difficilement sur mon dos me fait ralentir un peu. Il n'est pas vraiment uniforme. On dirait des... rafales de vent?
Terrible pressentiment.
Je lève les yeux pour voir au bout du couloir en face de moi le carré de la trappe qui mène à l'extérieur. Quasi-parfaitement noir, le soleil ayant définitivement achevé sa course derrière l'horizon pendant mes conneries sous terre, et violemment parcouru de vagues de sable illuminé par les fausses torches qui ornent la totalité du château pour les rares expéditions touristiques qui viennent jusqu'ici. Je reste un moment ahuri, à fixer la sortie en tremblant vaguement sous les assauts du vent sur mon corps déjà un peu trop froid à mon goût, pendant que mon allié de fortune se rapproche prudemment en surveillant ma réaction.
- Dites moi que c'est une putain de blague.
Quel dieu j'ai provoqué pour qu'il ai décidé de faire de cette journée le gigantesque tas de détritus toxiques en train de cramer qu'elle est devenue. Quel est son nom. Il a des comptes à me rendre.
A côté de moi, Pantalon Militaire, ayant au moins la décence de ne pas verbaliser l'évidence qu'est l'impossibilité de tout voyage du retour au milieu d'une tempête de sable pareille en pleine nuit dans mon état, se dandine d'un pied sur l'autre avec un malaise évident.