Jour 16 : Elixir, par MissDibule
Lily courait à en perdre haleine. Elle ne savait pas où elle allait. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait. Elle voulait juste fuir, fuir loin, loin de tout. Aussi loin que ses petites jambes frêles le lui permettaient. Aussi loin que ses petites jambes frêles le lui permettraient. Déjà à bout de forces, la fillette chancela, et dut d’arrêter devant un immense dôme brun semblable à une ruche flottante. La petite fille tomba à genoux sur le sol humide. Son épais manteau rouge la faisait ressembler à une Astronelle perdue dans l’immensité de la nuit d’encre.
La ruche éclairait le visage livide de Lily d’une faible lueur vermeille. Malgré le froid morbide de cette veille de Noël, elle était sous l’emprise d’une chaleur étouffante. Elle haletait, la respiration coupée par cette course effrénée. Le sol incarnat se mit à ondoyer sous ses mains. Lily ferma alors les yeux pour retrouver son calme. Elle voulut également apaiser sa respiration, mais fut soudain prise d’une sévère quinte de toux qu’elle étouffa dans sa manche écarlate.
Ensuite, lentement, difficilement, elle essaya de se remettre sur pied. Ses fragiles membres eurent toutes les peines du monde à soulever son corps minuscule. Mais elle réussit finalement à se relever. Lily fut bientôt agitée de frissons. La vague de chaleur due à son escapade commençait à se dissiper, et laissait place aux sueurs froides de l’hiver et de la peur. La petite fille resta tétanisée ainsi pendant un bref instant, tremblant comme une feuille morte emportée par le vent.
La ruche l’effrayait. La lumière rougeâtre qui émanait du lieu lui donnait une aura maléfique. Terrifiée par le globe vermillon, Lily trouva enfin la force de se remettre à marcher et pressa même le pas pour s’éloigner au plus vite de cet antre infernal. La fillette connaissait le chemin qu’elle empruntait. Il menait à un endroit qu’elle avait toujours rêvé d’apercevoir un jour de ses propres yeux. Au loin, elle pouvait distinguer un faible éclat vert luminescent, mais qui brillait déjà ardemment dans ses pupilles.
La forêt de Lumirinth. La forêt perpétuellement sombre.
On lui avait toujours interdit d’y aller. On l’avait bien prévenue : il y a des créatures qui se cachent dans les ténèbres de cette forêt. Lily le savait bien. Mais la tentation était bien trop forte. L’aura féérique qui enveloppait la forêt semblait comme l’appeler. Sans réfléchir davantage, comme poussée par une puissance surnaturelle, la petite Lily se faufila dans la forêt à l’atmosphère mystique. Elle fut alors baignée d’une tiédeur et d’une quiétude enchanteresses.
Avec appréhension, Lily avança prudemment sur le petit sentier. Ella arriva jusqu’à un gros champignon lumineux qui brillait faiblement, d’un magnifique éclat magenta. Fascinée, la fillette se risqua à effleurer le dôme rose du bout des doigts. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque celui-ci s’illumina bien davantage ! Amusée, Lily laissa échapper un petit rire sonore et mélodieux. Mais sa joie fut de courte durée : soudain, une créature surgit de l’ombre juste sous ses yeux.
La petite fille poussa alors un cri terrifié et tomba en arrière. Elle ferma les yeux, redoutant une douloureuse chute… qui ne vint jamais. En effet, un Pokémon l’avait rattrapée au vol. La lueur rosée du champignon permit à Lily de voir qu’il s’agissait d’une créature aux doux yeux bruns et à la fourrure grise et blanche, qui la regardait d’un air bienveillant. Cette dernière remit la petite fille sur pied, puis s’inclina respectueusement. Lily remercia timidement sa sauveuse puis se tourna vers le responsable de sa chute.
Il semblait très satisfait de lui : il arborait un large sourire. Il ressemblait à un petit lutin rose et violet, aux yeux exorbités et à la langue bleue. Il jeta un regard malicieux à Lily, ce qui effraya davantage la fillette. Puis le Grimalin se fondit à nouveau dans les ténèbres, laissant Lily seule avec la Wimessir qui tentait par tous les moyens de la rassurer.
Submergée par les émotions, Lily s’assit sur l’herbe aux côtés de sa nouvelle gardienne, qui veillait sur elle d’un air inquiet. La fillette sourit en repensant à ce qu’il venait de se passer : c’était assez drôle, finalement. En voyant son visage s’illuminer tel l’un des champignons de la forêt, Wimessir sourit à son tour.
Lily ne pouvait pas déjà s’arrêter. Il lui restait encore toute la forêt à découvrir. Cette escapade était une sorte de cadeau de Noël qu’elle s’offrait à elle-même. Et elle seule pouvait déchirer le papier cadeau. Déterminée, Lily se releva, sous l’œil vigilant de Wimessir qui guettait le moindre chancellement de sa part. Mais la fillette se remit toute seule debout, et, sans la moindre hésitation, elle reprit son périple, accompagnée d’une nouvelle amie.
Plus loin dans la forêt, Lily et Wimessir furent accueillies par d’immenses champignons vert luminescent. Ils étaient encore plus beaux que tous ceux qui bordaient le chemin jusqu’ici. La petite fille, émerveillée, s’empressa de tapoter le haut du champignon. Celui-ci irradia alors la forêt de Lumirinth d’une lumière mystique, et révéla par la même occasion la présence de nombreux Pokémon qui observaient la fillette dans l’ombre.
Des petits lutins roses tout duveteux, aux grands yeux rouges, semblaient s’éveiller tout à coup, dans un bruissement de feuille aussi doux que de la soie. Un Pokémon ressemblant à s’y méprendre à un champignon de la forêt se cachait derrière un arbre. Des petites créatures rondes et blanches qui tiraient la langue s’affairaient à dévorer des baies. Si l’on regardait attentivement, on pouvait parfois apercevoir une tassé de thé ensorcelée trembler parmi les feuilles…
Lily n’avait jamais vu autant de Pokémon réunis au même endroit. Voir ainsi toute l’harmonie de la nature avait quelque chose de féérique. D’envoûtant. Partagée entre inquiétude et curiosité, la petite fille n’osait trop bouger, et se contentait de contempler le spectacle qui s’offrait à ses yeux, n’esquissant un mouvement que pour illuminer à nouveau le champignon qui s’éteignait à intervalles réguliers.
Soudain, Lily entendit un bruit discordant derrière elle. Un martèlement sourd et pourtant, léger comme du cristal. Tétanisée, elle n’osa se retourner que lorsque Wimessir lui prit la main, afin de lui assurer que tout irait bien. Alors, lentement, la fillette pivota sur elle-même pour se retrouver face à l’un des plus beaux Pokémon qu’elle n’avait jamais vu.
Il s’agissait d’une petite créature chevaline à la crinière brumeuse et enchanteresse. Ses grands yeux fixaient si intensément ceux de Lily que la petite fille crut défaillir. Le Pokémon avança fièrement vers Lily. Lily fit de même, hypnotisée par la grâce incontestable de l’être qui lui faisait face. Elle tendit la main pour lui caresser le museau, quand soudain, les fourrés se mirent à s’agiter en un bruissement de feuilles sonore.
Effrayé, le Pokémon disparut aussitôt, volant presque tant il semblait léger. Lily prit peur également, et se mit à observer les environs, angoissée : en effet, d’autres Pokémon venaient d’apparaître, tout droit sortis des ténèbres de la nuit. Une petite créature bleue et rose semblant porter un chapeau scrutait désormais la scène depuis une branche d’arbre, d’un œil inquisiteur. Des Pokémon blancs munis d’éventails de feuilles ou d’immenses baies lui jetaient des regards noirs.
Et enfin, le plus terrifiant de tous : un lutin rose et vert à la longue chevelure foncée la fixait d’un air démoniaque. Alors qu’il commençait à s’approcher d’elle, le regard empli de fourberie, Lily, terrorisée, eut un mouvement de recul. Il se mit alors à agiter ses griffes fourchues en se léchant les babines et fit un nouveau pas vers elle. La petite fille sentit son pouls s’accélérer dangereusement, et fut prise d’une quinte de toux épouvantable.
Au même moment, le Fourbelin se jeta sur elle, toutes griffes dehors. Lily sentit que c’était la fin. Elle ferma les yeux, agitée de spasmes, afin de recevoir la sentence mortelle. Mais elle n’arriva pas, car une fois de plus, la courageuse Wimessir s’interposa pour la protéger, et reçut le coup à sa place. Lorsque Lily rouvrit les yeux et comprit ce qui s’était passé, elle ne put endurer un tel choc. Sa vision s’obscurcit soudain, et tout devint noir.
Lily marchait sur la pointe des pieds dans le couloir. Elle connaissait le moindre recoin du parquet, la moindre lame susceptible de grincer. Il était tard. Très tard. Mais elle était rongée par la curiosité : de quoi ses parents pouvaient-ils bien discuter ainsi, au cœur de la nuit ? Plantée au beau milieu du couloir, Lily tendait l’oreille : elle reconnut également la voix du médecin de la famille. Celui-ci déclara d’un ton monocorde :
« J’ai bien peur qu’elle n’en ait plus pour très longtemps. »
Un court silence s’ensuivit. Lily ne savait pas de quoi il retournait, mais son visage se décomposa. Elle eut l’impression que son cœur venait de s’arrêter de battre avant l’heure. Un frisson de mort la parcourut. Elle demeura pétrifiée sur place alors que sa mère répliquait d’un ton glacial :
« C’est bien fâcheux. Fort regrettable.
— En effet, renchérit son mari. Ne pouvons-nous vraiment rien faire ? Nous avons passé tant d’années à essayer de concevoir un héritier, alors vous comprenez notre embarras…
— Non vraiment, je regrette, mais Lily est condamnée. » assura catégoriquement le docteur.
Aux sueurs froides de Lily s’ajoutèrent de puissants haut-le-cœur qui la soulevèrent de tout son poids. La petite fille était anéantie. Annihilée. Un trou béant lui obstruait la poitrine. Lily baissa les yeux et vit un flot de sang écarlate et chaud se déverser de son cœur meurtri. Elle poussa un cri terrorisé, traumatisant, venu du plus profond de ses entrailles.
Lily revint à elle comme une noyée que l’on avait enterrée un peu trop tôt : proche de l’asphyxie, le corps humide, exsangue, et le cœur si comprimé qu’il semblait prêt à exploser. Elle prit une immense bouffée d’oxygène en s’éveillant, et sentit l’air purifié lui vivifier les poumons. Mais pas même l’air le plus pur ne pouvait effacer la nausée profonde et indélébile que lui causait le souvenir douloureux qu’elle venait de revivre en cauchemar.
La fillette se prit la tête dans les mains afin d’essayer de se calmer, mais rien n’y fit : ses mains se mirent à trembler, bientôt suivies par tout le reste de son corps. Où suis-je ? Il y a quelqu’un ? Aidez-moi ! Venez me chercher ! Voilà ce qu’elle aurait voulu crier. Elle était seule. Ses parents l’avaient abandonnée. Ils ne l’avaient jamais aimée. Cette pensée la bouleversait tellement qu’elle aurait voulu pleurer toutes les larmes de son corps. Mais elle ne pensait même plus en être capable.
Un ange passa. Puis, soudainement, relevant la tête, Lily revint à la réalité. Elle se remémora tout ce qui s’était passé depuis ce désagréable souvenir : sa fugue, la ruche, la forêt, les champignons, les Pokémon… Les Pokémon ? Wimessir ! En pensée, la petite fille revit avec effroi le corps mutilé de sa protectrice, et les larmes lui vinrent aux yeux. Folle d’inquiétude, elle se releva subitement dans un sursaut d’énergie, et s’empressa d’effleurer les champignons pour y voir clair.
Wimessir ne gisait plus sur le sol. Pas de trace du Fourbelin non plus, pas plus que des autres Pokémon de la forêt. Comme si le monde l’avait abandonnée. Elle était bel et bien seule, cette fois. Mais elle ne comptait pas le rester. Animée par l’énergie du désespoir, la fillette se mit à explorer la forêt de manière frénétique tout en criant le nom de Wimessir.
Elle avançait à l’aveuglette, guidée uniquement par son intuition et le chemin de lumière que les champignons lui offraient. Alors qu’elle hurlait une énième fois le nom du Pokémon d’une voix brisée, quelqu’un lui répondit :
« Si tu continues à crier comme ça, tu risques de la réveiller. »
La voix était à la fois douce et ferme ; presque omnisciente. Lily s’arrêta net, saisie de stupeur, l’esprit dévoré par un millier de questions. Peut-être la voix parlait-elle de Wimessir ? Lily l’espérait de tout cœur. Elle n’en demeurait pas moins interloquée, et regarda tout autour d’elle afin de trouver l’origine de la voix. Elle vit alors une clairière un peu loin. La voix continua :
« Oui, c’est bien la clairière. Si tu n’es pas sûre de la direction, fie-toi à l’odeur. » lui conseilla-t-elle.
L’odeur ? Intriguée par cette recommandation, Lily huma l’air. En effet, elle remarqua alors qu’un arôme étrange flottait dans l’air. De plus en plus curieuse et soucieuse de l’état de santé de Wimessir, Lily n’hésita donc pas bien longtemps avant de se précipiter dans la clairière, suivant les effluves qui lui chatouillaient un peu plus les narines à mesure qu’elle se rapprochait de leur source.
La scène qui s’offrit à elle lorsqu’elle pénétra dans la clairière était aussi fantastique que fantasmagorique. Au centre de la trouée, une silhouette en longue tunique noire remuait doucement, dans un immense chaudron sombre, une préparation fumante et odorante. Tous les Pokémon de la forêt semblaient réunis autour d’elle pour contempler, à la lumière des champignons phosphorescents, ce rituel féérique.
Mais Lily remarqua tout particulièrement l’un d’entre eux, qui, plutôt que d’admirer les prouesses de la silhouette noire, gisait sur le sol à côté. Wimessir ! La fillette se précipita à son chevet et l’enlaça, soulagée de l’avoir retrouvée, en un seul morceau qui plus est. La créature à cornes lui offrit un sourire chaleureux, ce qui réconforta la fillette.
« Fais attention à ne pas lui faire mal. La plaie n’est pas très profonde, mais il faut tout de même attendre que le remède que je lui ai donné fasse effet. »
Surprise, Lily tourna la tête vers celle qui avait parlé : la silhouette noire. Il s’agissait en réalité d’une femme : ni jeune, ni vieille. Elle semblait si absorbée par son ouvrage culinaire qu’elle ne daigna même pas lever les yeux vers Lily lorsque celle-ci lui répondit :
« Merci beaucoup. Je suis contente que quelqu’un se soit occupé d’elle. »
Lily n’avait jamais été aussi soulagée de sa vie. Elle ne savait pas si elle aurait un jour pu se le pardonner si quelque chose de pire encore était arrivé à Wimessir pendant qu’elle était inconsciente. Elle préférait ne pas y songer.
« Nul besoin de me remercier. Je vous ai trouvées toutes les deux, et j’ai porté assistance à celle qui en avait besoin. C’est tout, répondit l’inconnue, toujours sans lever les yeux de son chaudron.
— Et vous m’avez laissée là ? demanda Lily, étonnée – et trop polie pour laisser paraître sa colère. Mais j’aurais pu me faire attaquer par les Pokémon sauvages !
— Pas tant que je suis là. Tous les Pokémon de cette forêt sont mes plus chers amis, et je ne les laisserai jamais blesser quiconque.
— Pourtant, Fourbelin a attaqué Wimes… voulut objecter Lily.
— L’altercation entre Fourbelin et Wimessir résulte de l’arrivée d’un élément perturbateur au sein de l’harmonie précaire de la forêt. » la coupa sèchement son interlocutrice.
Cette remarque cinglante vint se ficher avec une violence extrême dans le cœur de la pauvre fillette, qui comprit immédiatement le sous-entendu :
« Vous voulez dire… Moi… ? demanda-t-elle d’une toute petite voix.
— Bien entendu. » affirma la cuisinière avec assurance.
Blessée, Lily baissa la tête. Partout où elle allait, on la rejetait. Elle n’était nulle part chez elle. Elle resta figée sur place, les larmes aux yeux, pétrifiée par la dureté des mots de cette femme qu’elle ne connaissait même pas. Cette dernière finit par s’en rendre compte et, pour la première fois depuis que Lily était arrivée dans la clairière, la dame en noir s’arrêta de touiller sa mixture et se tourna vers la petite fille qui sanglotait.
« Cela dit… Wimessir t’apprécie énormément. J’ai eu beaucoup de mal à la convaincre de venir avec moi pour que je la soigne, car elle ne voulait pas te quitter. Pourtant, je la connais depuis bien longtemps. Et j’ai une confiance totale en elle. C’est pourquoi l’affection qu’elle te porte me pousse, moi aussi, à te donner une chance, malgré ta condition d’humaine. »
La voix de la femme s’était radoucie, et Lily commençait presque à y dénoter un brin de chaleur. Elle avait cessé de pleurer, et buvait littéralement les paroles de cette femme énigmatique et austère.
« Ma condition d’humaine ? » répéta-t-elle sans comprendre, en reniflant.
L’adulte ferma les yeux et soupira, comme si elle avait oublié qu’elle s’adressait à une enfant. Elle reprit calmement :
« Les humains me sont détestables, vois-tu. Jamais ils ne ressentiront les émotions de manière aussi vive et sincère que les Pokémon. Au contraire, ils les capturent, les font souffrir, s’érigent en dominateurs… Sans même se rendre compte que c’est eux qui devraient prendre exemple sur la bonté des Pokémon. L’humain n’est que vice et terreur. » assena-t-elle.
Lily ne sut quoi répondre. Il y a quelques jours encore, elle se serait vivement opposée à une telle affirmation, car elle croyait en la bonté des hommes autant qu’en celle des Pokémon. Mais désormais, son idée avait changé, non sans raison : la tragique discussion de ses parents, dont elle avait été témoin bien malgré elle l’avait détruite. Oui, désormais, la vision pessimiste de cette femme lui semblait valable. Néanmoins…
« Oui mais moi, je suis une enfant. » fit valoir Lily.
Elle ne savait pas du tout pourquoi une telle réflexion avait surgi dans son esprit à cet instant, ni encore moins pourquoi elle l’avait prononcée à haute voix. L’effet fut cependant immédiat : le visage sans âge de l’étrange femme se fendit aussitôt d’un sourire sincère, qui se transforma bientôt en rire. Un rire clair, sonore et chantant. Un rire joyeux.
L’entendre rire ainsi fit du bien à Lily, sans qu’elle sache expliquer pourquoi. Ce rire éclatant se répandit en elle comme une panacée qui redonnait de la vitalité à ses membres endormis et elle aussi se mit à rire sans retenue. Elles rirent alors toutes les deux pendant une poignée d’éternelles secondes.
Lorsque les rires cessèrent enfin, l’atmosphère avait changé ; il régnait maintenant entre elles deux une sorte de complicité enfantine :
« Tu es une bien curieuse enfant.
— Je pensais que vous l’auriez déjà deviné. Vous m’avez trouvée endormie dans une forêt, la veille de Noël. »
Elles souriaient toutes deux à pleines dents.
« Tout arrive dans la forêt de Lumirinth, le meilleur comme le pire. Retiens bien ceci, ma petite… »
Elle laissa sa phrase en suspens, attendant que Lily lui révèle son prénom.
« Lily. Et vous ? »
Sans rien dire, la femme s’en retourna à son chaudron, qu’elle avait délaissé trop longtemps à son goût. Lily espérait toutefois que cela ne signifiait pas pour autant un retour à la froideur glaciale qui avait ponctué le début de leur échange. Mais ce n’était pas le cas ; alors même qu’elle était à nouveau concentrée sur sa préparation, la mystérieuse femme consentit à répondre à la fillette :
« Sophia. »
Elle n’ajouta rien d’autre. Mais Lily, elle, n’avait pas dit son dernier mot. Elle s’approcha donc du chaudron de Sophia et, à l’instar de tous les Pokémon alentour, la petite fille se tordit le cou pour tenter d’apercevoir son contenu. La mixture arborait une teinte violacée, ponctuée çà et là de taches magenta et vert luminescent.
Lily avait plus ou moins compris quel était le plat que préparait Sophia, mais elle fit comme si de rien était et demanda :
« Qu’est-ce que vous mijotez ? »
La nature ambiguë de la question fit sourire Sophia – bien malgré elle.
« Un velouté de champignons de la forêt. C’est un élixir de ma confection, déclara Sophia, pleine d’assurance.
— Un élixir ? répéta Lily, intriguée.
— Oui. C’est une concoction qui permet de soigner les bleus à l’âme de ces pauvres Pokémon… expliqua Sophia en désignant les habitants de la forêt rassemblés tout autour d’elle. C’est ma recette secrète, ajouta-t-elle après un court silence, sourire aux lèvres. Après tout, c’est bien normal de fêter Noël avec ses proches autour d’un bon repas, n’est-ce pas ? »
À ces mots, Lily baissa la tête, réalisant qu’elle aurait dû être dans son lit à cette heure tardive, et attendre avec impatience la journée de Noël du lendemain, comme la grande majorité des enfants de son âge. Mais le sort en avait décidé autrement. Elle se retrouvait finalement avec Sophia, cette femme à la fois revêche et tendre, ainsi que Wimessir et tous les autres Pokémon de la forêt de Lumirinth pour fêter Noël.
L’idée était cependant loin de lui déplaire, et pour cause : Lily ne s’était jamais sentie aussi sereine qu’en cet instant. C’est pourquoi elle tenta vainement de chasser ses parents de son esprit, eux qui ne méritaient même pas d’y figurer, ne serait-ce qu’un seul instant. Elle voulut se concentrer sur le moment présent : vivre l’instant éphémère, apprécier la fugacité de la vie. Une fugacité qu’elle ne connaissait que trop bien.
Lily frissonna de tout son être en repensant aux paroles dures qu’elle avait entendues plus tôt dans la soirée. Elle allait bientôt mourir. Et ses parents ne l’avaient jamais aimée. Elle allait mourir sans jamais avoir été aimée. Ces mots s’entrechoquaient en permanence dans sa tête sans que son esprit infantile n’en saisisse jamais la véritable nature. Il lui était impossible de comprendre rationnellement les mots que le docteur et ses parents avaient prononcés.
Mais, en contrepartie, elle ressentait au centuple leurs effets dévastateurs, comme si les mots l’avaient, en fait, déjà tuée de l’intérieur. Non ! Elle n’était pas encore partie. Elle pouvait vivre. Elle voulait vivre. Et rien ni personne ne pourrait lui enlever cette volonté. Lily ferma les yeux et tenta de maîtriser le chaos incontrôlable d’émotions qui la submergeait. Mais elle n’y parvenait pas.
Toutes les épreuves de la vie qu’elle avait dû endurer défilaient cruellement devant ses yeux clos, et commençaient à la ronger, à la consumer. Elle se prit la tête dans les mains, puis descendit ces dernières sur ses oreilles, comme pour tenter de faire taire les voix de son passé qui ne cessaient de la harceler.
Sophia observait la scène d’un œil impassible. Mais plus Lily semblait perturbée, plus Sophia avait du mal à paraître totalement indifférente face à la détresse de la petite fille. N’y tenant plus, elle s’adressa alors à Lily en ces termes, d’un ton ferme mais amical :
« Tiens, puisque tu es là, petite, tu vas te rendre utile et m’aider à préparer mon velouté de champignons. En échange, tu auras ta part et tu pourras participer à notre repas de Noël. Qu’en penses-tu ? »
L’insupportable cercle vicieux des souvenirs de Lily fut brusquement interrompu par cette proposition, laquelle fut accueillie avec plaisir par la fillette :
« D’accord, acquiesça Lily en esquissant un léger sourire sur son visage pâle comme la mort. Qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle faiblement.
— Euh…. Hum, eh bien, vois-tu, j’ai besoin de, euh, plus de champignons, car les Pokémon de la forêt son très nombreux, d’autant plus que désormais tu es sur la liste des convives. Peux-tu en ramasser quelques-uns pour moi ?
— Oh, euh, je veux bien mais… commença Lily.
— Mais… ? voulut savoir Sophia, qui arquait un sourcil.
— Mais j’ai un peu peur… » avoua Lily.
Sophia ne sut tout d’abord pas quoi répondre à cette enfant au visage si criant d’honnêteté. Sans même s’en rendre compte, elle esquissa un sourire, attendrie, et répondit doucement :
« Oh, eh bien, si ce n’est que ça, alors je peux y remédier. Je vais demander à ma plus vieille amie de veiller sur toi pendant ta cueillette. »
À ces mots, Sophia extirpa de son habit noir un pendentif irisé en forme de cône torsadé. Elle le porta à ses lèvres et joua une courte mélodie. Lily la regarda faire avec fascination. Quelques secondes plus tard, une majestueuse créature chevaline apparut, encore plus digne que celle que Lily avait vue un peu plus tôt.
Lily était en admiration face à l’incroyable prestance de cette magnifique Galopa. Sophia chuchota quelques mots à l’oreille de la licorne, qui s’inclina ensuite respectueusement face à la fillette. Honorée, Lily rendit sa révérence à la créature. Sophia fit alors les présentations :
« Lily, je te présente Élixir. Élixir, voici Lily.
— Ha ha, « élixir », hein ? Vous avez l’air de bien l’aimer ce mot, remarqua la fillette, amusée. En tout cas, je suis enchantée de te rencontrer, Élixir ! »
Le Pokémon répondit par un hennissement mélodieux qui signifiait probablement : « moi de même ». Elles partirent ensuite toutes les deux dans la forêt en quête de champignons fluorescents, telles deux amies de longue date. Lorsqu’elles se furent suffisamment éloignées, Sophia murmura d’un ton soulagé :
« Ça devrait la tenir occupée pendant quelque temps… »
Lily parcourut alors une nouvelle fois la forêt, guidée par la scintillante crinière de sa nouvelle gardienne. Ses yeux furetaient çà et là, emplis d’une insatiable curiosité. La forêt de Lumirinth et ses habitants cessèrent alors d’effrayer la frêle Lily ; au contraire, ils la captivaient. Elle désirait désormais connaître le moindre recoin de ce bois féérique, et de faire la connaissance de chaque créature qui vivait en son sein.
Enhardie par la présence d’Élixir à ses côtés, elle profita donc de sa cueillette nocturne pour faire connaissance avec les autres Pokémon de la forêt. Elle admira la danse céleste des petits Fluvetin qui, pour la remercier, effleurèrent sa peau de leur pelage duveteux, dans une tendre caresse. Elle joua à cache-cache avec les Lampignon, au milieu des champignons lumineux. Elle rejoignit même les Grimalin pour jouer des tours aux très sérieux Gouroutan, ce qui provoqua la colère des Chapotus, qui ne supportaient pas le bruit.
Heureusement, les Wimessir étaient là pour calmer le jeu, et l’ambiance redevint rapidement sereine. Tout au long de son périple, Lily avait été rejointe par de nombreux Pokémon, qui l’aidaient à cueillir les champignons dont Sophia avait besoin pour sa recette. Bientôt, une énorme foule se forma autour de la petite fille. Elle souriait. Elle riait. Elle s’amusait. Pour la première fois de sa vie, Lily se sentait acceptée. Elle se sentait à sa place.
Alors qu’elle empruntait – à contrecœur – le chemin pour revenir à la clairière, accompagnée de sa nouvelle famille, Lily se retrouva à nouveau face au Fourbelin qui l’avait attaquée. Ou plutôt, qui avait tenté de l’attaquer. La petite fille sentit une fois de plus son sang se glacer, et la peur s’insinuer en elle. Mais elle n’était pas seule. Les Pokémon qui l’accompagnaient toisèrent le Fourbelin. Ce dernier maintint le regard sans sourciller, un sourire narquois sur le visage.
Élixir fit un pas en avant, l’air déterminé. Très vite, de façon presque unanime, les autres Pokémon firent de même. Le Fourbelin, nullement impressionné, ne bougea pas. Il fixait ardemment Lily. Intimidée, celle-ci se figea sur place et ferma les yeux. Elle inspira doucement, puis expira. Enfin, après une interminable seconde, elle rouvrit les yeux, prit le même air déterminé que ses amis Pokémon et fit un pas un en avant. Puis deux. Trois.
Chaque pas la rendait plus confiante. Elle marcha tranquillement vers le malicieux lutin. Son visage n’exprimait plus une once de peur. Elle paraissait sereine, détendue… presque espiègle. Pris de court, le Fourbelin eut un mouvement de recul. Lily vint finalement se planter devant la créature aux cheveux sombres.
« Tu ne m’empêcheras pas d’avancer. » affirma Lily avec fermeté en fixant les pupilles rouge sang du Pokémon.
« Personne ne m’en empêchera. » ajouta-t-elle solennellement.
Puis elle le contourna comme si de rien n’était, et poursuivit son chemin, suivie de près par ses compagnons. Elle ne se retourna pas. Ne regarda pas en arrière. Elle ne vit donc pas les yeux médusés du Fourbelin, ni le regard bienveillant que sa nouvelle famille portait sur elle. Élixir fit briller sa crinière en signe de déférence et vint se blottir contre Lily. Touchée, la petite fille rendit l’étreinte et enfouit sa tête dans la crinière pastel de la belle Galopa.
Ainsi, paisiblement, les habitants de la forêt retournèrent à la clairière auprès de Sophia, leur bienfaitrice. Cette dernière semblait surprise de les voir arriver tous ensemble dans une telle harmonie. Elle esquissa un léger sourire, mais ne prononça pas le moindre mot. Elle se contenta simplement de récupérer les champignons lumineux que Lily et ses compagnons avaient ramenés avant de les incorporer à la préparation violette qui fumait dans son chaudron.
Elle remua ensuite doucement la potion à l’aide d’une grande spatule en bois. Lily se rapprocha de l’immense marmite et la regarda faire, les yeux brillant de fascination. Elle suivit avec vivacité le mouvement circulaire du poignet de la cuisinière, tant et si bien qu’au bout d’un moment, il lui sembla presque que la spatule n’avait plus besoin de l’aide de la main de Sophia pour opérer sa magie.
Ce ne fut qu’une fois la préparation achevée que Sophia retrouva enfin l’usage de la parole :
« Mes amis ! Merci à vous tous, déclara-t-elle avec gratitude. Grâce à vous, mon velouté aux champignons est désormais prêt ! Nous allons pouvoir passer au moment que vous attendez tous : la dégustation de notre repas de Noël ! Nous l’avons tous bien mérité ! » affirma-t-elle d’une voix enchanteresse.
Les paroles de la vénérable femme furent alors acclamées par tous les autres habitants de la forêt de Lumirinth. Mais Sophia n’avait pas tout à fait terminé son discours :
« De plus… Nous accueillons ce soir parmi nous une nouvelle amie : Lily. »
Les mots de Sophia allèrent droit au cœur de Lily : elle était enfin chez elle. Pas en tant qu’élément perturbateur. Ni en tant qu’intruse. Mais en tant qu’amie. Elle était à sa place. Avec les siens. En famille. Une vraie famille, fondée sur la bienveillance et l’acceptation. La petite fille leva les yeux vers cette impressionnante femme pour qui elle éprouvait la plus profonde affection.
Sophia avait les yeux rivés sur elle. Elle lui souriait. Et, sans cesser de sourire, elle termina son propos adressé à ses pairs :
« Réservons-lui un accueil chaleureux ! »
À ces mots, une ovation plus grande encore que la précédente résonna au cœur du sombre bois lumineux. Puis, rapidement, les Pokémon s’agglutinèrent autour du chaudron géant pour avoir leur part du festin, que Sophia servait dans des bols dont Lily n’avait pas remarqué la présence plus tôt, malgré leur nombre important ; à croire qu’ils étaient apparus comme par magie.
Lily contempla la scène euphorique pendant de longues secondes. Elle voulait graver chaque instant de cette nuit prodigieuse dans sa mémoire, pour être certaine de s’en souvenir à jamais. Elle détailla dans son esprit le visage de chaque être qui s’offrait à sa vue. Elle observa une dernière fois le décor enchanteur qui l’entourait avant de se diriger à son tour vers le chaudron pour obtenir, elle aussi, un peu de l’élixir qui fumait.
Quand soudain elle chancela, prise de vertiges.
Ses jambes, flageolantes, refusaient obstinément d’avancer. Elle se mit à trembler terriblement. Elle sentit une épouvantable quinte de toux remonter le long de sa gorge, prête à éclater à tout moment. Lily fit un effort surhumain pour la contenir et réussit à faire un misérable pas en avant. Elle s’efforça d’ignorer l’incommensurable douleur qui la consumait et fixa son regard éteint sur le banquet féérique qui se déroulait à quelques mètres de là.
La distance lui parut infranchissable. Le deuxième pas que la frêle petite fille voulut esquisser lui infligea le coup de grâce. Elle s’effondra sur un lit de mousse humide. Mais quelqu’un avait perçu son appel à l’aide : Sophia, dont elle avait capté le regard juste avant sa chute.
Lorsque la fillette se réveilla, elle sentit un courant froid qui la pénétrait jusqu’aux os. Sa tête lancinante retombait comme un poids mort dès qu’elle effectuait le moindre mouvement du cou. Trop faible pour tenter quoi que ce soit d’autre, Lily se contenta donc de fixer d’un œil mort la souche d’arbre à côté de laquelle elle s’était évanouie.
Au loin, il lui semblait entendre un bourdonnement sourd, qui s’avéra être la voix paniquée de Sophia :
« Des feuilles de Brocélôme ! Qu’on m’apporte des feuilles de Brocélôme immédiatement ! Mais où sont-ils tous ? Lily ! » s’égosillait-elle d’une voix plaintive.
La voix ordinairement si placide de Sophia avait laissé place à une voix brisée, qui montait dans les aigus les plus stridents et redescendait vers les graves les plus inquiétants alors qu’elle hurlait à la mort comme un Lougaroc blessé. Elle continua à s’affoler ainsi pendant de longues secondes, quand soudain, elle remarqua que Lily s’était réveillée.
Elle se précipita à son chevet sans réfléchir. Elle s’agenouilla précipitamment auprès du corps raidi de la fillette… et ne sut pas quoi lui dire. Les mots semblaient comme coincés dans sa gorge alors qu’elle fixait le visage livide de Lily. L’indicible la rongeait intérieurement. Elle aurait voulu lui dire tant de choses… Si seulement elle avait su… Elle aurait peut-être pu…
À court de mots, Sophia, les larmes aux yeux, passa doucement la main sur le front glacé de Lily. À son tour, cette dernière posa difficilement la main par-dessus celle de Sophia, qui tressauta à ce contact. Elle voulait dire quelque chose, n’importe quoi !
« Le… L’élixir… J’aime…rais le… goûter, s’il… s’il vous plaît… Sophia… » murmura alors Lily, presque imperceptiblement.
Sophia demeura interdite face à une telle demande. Comment cette petite pouvait-elle, dans ces circonstances… ?
« S’il… vous… plaît… C’est tout… ce que… je désire… » affirma Lily, plus faible que jamais.
Sophia hésita encore quelques secondes. Puis, frénétique, elle se leva, courut à en perdre haleine en direction de son chaudron, s’empara d’une minuscule fiole, la remplit, et retourna au lit de mousse sur lequel gisait Lily. Elle entendit des bruits de sabots derrière elle. Alors, elle sut. Elle sut qu’Élixir avait compris, elle aussi.
Mais elle n’était pas la seule. Peu à peu, toute la famille de la forêt de Lumirinth se réunit autour de Lily, dans une complainte unanime. Sophia, prise de sanglots spasmodiques, eut toutes les peines du monde à s’agenouiller face à sa petite protégée. Celle-ci pourtant la fixait d’un air serein, et lui offrit même un sourire, comme pour l’encourager. Elle adressa également un regard de compassion à Élixir qui veillait sur elle, les yeux emplis de larmes.
Sophia ouvrit la fiole en tremblant, et l’approcha d’une main vacillante jusqu’aux lèvres bleuies de Lily. Alors que l’élixir n’était plus qu’à quelques centimètres de la bouche de la fillette, Élixir laissa échapper une larme scintillante dans le breuvage. Puis, enfin, la potion envahit le corps de Lily, tel un déferlement d’émotions intérieures.
Lily sentit une saveur indéfinissable lui caresser le palais et tomber doucement dans sa gorge. C’était sans conteste le plat le plus étrange qu’elle avait jamais goûté. Mais c’était aussi le plus fort, le plus doux. Sophia…
Dans un ultime effort, la fillette tourna la tête vers Sophia, dont le visage exprimrait tant d’émotions à la fois qu’il en devenait impénétrable.
« M-merci… merci… à vous tous… J’ai passé… le plus beau Noël… de toute ma vie… »
La forêt tout entière semblait s’être tue afin d’écouter les dernières paroles de Lily.
« J’espère… qu’on pourra jouer… encore longtemps… tous ensemble… quand… »
Elle hoqueta violemment.
« Quand… quand… »
Nouvelle quinte de toux incontrôlable.
« …quand je me réveillerai. »
Elle posa alors un dernier regard sur la forêt endeuillée. Sur Élixir. Et puis enfin sur Sophia, dont le visage inondé de larmes affichait un sourire d’une tendresse infinie.
« Bien entendu. », affirma son amie avec assurance.
Ces deux petits mots sonnèrent le glas. Ils accompagnèrent à tout jamais Lily dans son repos éternel.
Le temps se figea dans la forêt de Lumirinth.
La forêt perpétuellement sombre se couvrit d’un linceul d’absinthe.
La verdoyante forêt se fit veillée funèbre.
Du plus profond du bois, des pleurs larmoyants émergèrent.
Un petit Brocélôme rejoignit ses congénères :
Accueilli en vieil ami, il se joignit aux ténèbres.