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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 30/06/2019 à 21:25
» Dernière mise à jour le 30/06/2019 à 21:25

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Épilogue 2 : L'héritage de la cartouche
La femme pleurait en silence, le visage dans les mains, les épaules agitées de petits soubresauts.

J'attendis. Elle n'avait pas besoin de paroles réconfortantes en cet instant, juste de temps.

Un moment s'écoula.

Puis un autre.

Enfin, elle renifla, s'essuya les yeux à l'aide d'un mouchoir.

- Excusez-moi, souffla-t-elle.

- Prenez tout le temps que vous voulez.

Elle soupira, puis quitta un instant le salon. Elle revint avec un verre d'eau, qu'elle vida d'un trait. Puis elle me dévisagea, comme si elle se demandait ce que je faisais là, chez elle. Je ne pouvais pas l'en blâmer.

- Je ne sais pas par où commencer, je... dit-elle avec un vague geste de la main.

- Si vous me parliez de la cartouche ?

- Oui. Oui, la cartouche. Pokémon Argent. Je l'ai achetée lors d'une brocante il y a... il y a trois mois. C'était un cadeau pour les 30 ans de Marc, mon fiancé, comme... comme je vous l'ai dit dans mon message sur le forum. Il a découvert Pokémon avec la génération cinq, et il voulait jouer aux plus anciennes générations... alors je la lui ai offerte. Il est dans le coma depuis deux mois maintenant, mais... Ça n'a peut-être rien à voir. Les médecins ne savent pas ce qu'il a, il disent que son cerveau est normal, qu'il devrait être conscient... mais comment une cartouche pourrait faire ça ?

Sa voix était progressivement montée dans les aiguës jusqu'à se briser sur la dernière syllabe.

- Je n'ai pas d'explications rationnelles, lui répondis-je. Tout ce que je sais, vous l'avez lu sur le forum. J'y détaille mes connaissances. Moi et mon équipe on découvre de nouvelles choses régulièrement, mais la moitié, voire plus, sont des suppositions.

- Mais... c'est juste une cartouche...

- Je sais.

Un silence.. Elle renifla à nouveau.

- Est-ce que vous pouvez faire quoi que ce soit pour aider Marc ? Je sais que vous dites sur le forum que vous ne pouvez rien promettre, mais...

- On va essayer, mais rien n'est acquis... Vous m'avez dit que c'est vous qui l'aviez trouvé... vous êtes sûre qu'il jouait à Pokémon quand c'est arrivé ?

- Oui. Absolument certaine.

- D'accord. Est-ce que je peux vous prendre la cartouche ? Je vous la rachète si vous voulez.

- Oh non, je vous la donne. Vous pouvez l'emporter au diable même ! De toute façon qu'est-ce que j'en ferais ? Ce n'est pas comme si la police allait l'accepter comme pièce à conviction...

C'était la réaction habituelle.

Elle s'absenta un instant pour aller chercher la cartouche. Le gros chien qui jusque là dormait sur le tapis ouvrit un œil, puis se leva pour la suivre. Je lui fis une grattouille au passage.

- Je l'ai examinée, mais je n'ai rien trouvé d'anormal... me dit la femme lorsqu'elle me revint, en me tendant la cartouche.

- La différence n'est pas physique.

La seule manière de les identifier, c'était de jouer au jeu. Mais je me gardai de partager cette information. Si elle l'avait su, elle aurait tenté sa chance, rien que pour l'occasion de revoir son fiancé. Et ensuite, j'aurais potentiellement eu deux personnes dans le coma à sauver.

Je me levai.

- Merci de m'avoir reçue, Madame. Je ne vous dérange pas plus longtemps.

- Attendez... comment vous savez tout ça, tout ce que vous avez écrit ?

Je songeai à mes posts sur le forum privé, qui expliquaient le danger des cartouches, aux recherches effectuées depuis mon retour du Pokémonde. Les cartouches n'étaient pas toute comme la mienne, Arceus avait effectivement implanté des améliorations... la mort au lieu du coma, pour toute celles autres que la première génération.

Je songeai aux personnes victimes de ces cartouches que j'avais rencontrées, à leurs proches... à celle que nous avions pu sauver, et à celles qui étaient restées dans le monde Pokémon, abandonnant leur famille derrière eux.

Je songeai aux fois où on avait perdu nos volontaires.

- J'ai de l'expérience en la matière, répondis-je finalement.

Je pris congé.

Le voyage de retour, cette fois-ci, était court. Toutes les cartouches n'étaient pas en France, loin de là, et en plus de la barrière géographique, il y avait souvent celle de la langue. J'avais eu de la chance sur ce coup-là, comparé à d'autres fois où j'avais dû faire des heures d'avion... et passer la douane. Rien à déclarer Madame ? Si, je transporte une cartouche maléfique qui plonge ses victimes dans le coma et qui fait portail vers le monde Pokémon.

De plus, les traquer n'était pas simple. On en revenait à suivre les faits divers évoquant des personnes dans le coma de manière inexpliquée. Le forum que j'avais mis en place aidait un peu, des personnes me contactaient parfois.

Mon téléphone sonna alors que j'étais dans le train. J'hésitai une seconde avant de répondre, parce que je devinai déjà ce que la conversation allait donner.

- Bonjour Maman.

- Léa, ma chérie, comment vas-tu ?

- Bien... répondis-je sans m'avancer.

- Est-ce que tu comptes passer à la maison ce week-end ?

- Non, j'ai d'autres trucs de prévu.

- Tu sais quel jour on sera Dimanche...

Comment aurais-je pu l'ignorer.

- Avec ton père on a prévu d'aller fleurir sa tombe... ce serait bien que tu nous accompagnes ma chérie.

Je ne répondis pas. J'honorais la mémoire de Vivian chaque jour en traquant les cartouches semblables à celle qui avait détruit sa vie. Me recueillir sur sa tombe ne revenait à rien. De plus, c'était une tombe d'enfant, et mes parents y déposaient des jouets en plus des fleurs. Ce n'était pas mon Vivian.

- Il aurait aimé que tu sois là, Léa... me poussa ma mère.

Je me contentai d'émettre un "Mmmh".

- Réfléchis-y...

Nous échangeâmes encore quelques mots, des banalités, puis je raccrochai. Ce Dimanche, cela fait vingt ans que Vivian était mort. Et dix que j'étais revenue de mon aventure dans le monde Pokémon. Le choix que j'avais eu à faire n'avait pas été facile. Au final, j'avais décidé que je ne pouvais pas mettre mon bonheur personnel au-dessus des vies que je pouvais potentiellement sauver en rentrant chez moi. Je n'avais jamais rien dit à mes parents de ce que j'avais vécu avec la cartouche, mais l'expérience m'avait profondément transformée, et ils ne purent que constater les changements. À présent, eux aussi avaient enfin accepté la mort de mon frère, et réussi à faire leur deuil.

À mon retour, j'avais fait des recherches sur Alec, sans trop savoir pourquoi. Peut-être par envie de mettre un point final à toute cette histoire. Avec son nom, les informations qu'il m'avait données, et une date approximative, j'étais parvenue à trouver un vieil article de journal numérisé qui évoquait un accident de voiture ayant laissé un enfant de dix ans paralysé, et qui pouvait correspondre. Le nom de famille mentionné dans l'article m'avait menée jusqu'à la porte d'une maison, mais même là je n'avais été sûre de rien jusqu'à ce que la porte s'ouvre et que je me retrouve face à une femme aux yeux d'un gris argenté. J'avais prétendu écrire un article sur les parents ayant perdu un enfant pour le journal de mon lycée, et nous avions eu une longue discussion sur Alec. Je m'étais attendu à ce qu'elle me décrive un sociopathe en devenir, mais le portrait qu'elle brossa de son enfant fut tout à fait normal. Les réponses que j'étais venue chercher ne se trouvaient pas ici. Je repartis après avoir compris que je ne les obtiendrais jamais : elles étaient restées dans le monde Pokémon, avec Alec.

Après ça, j'avais commencé ma traque des cartouches. Seule, au début. Puis plusieurs autres personnes m'avaient rejointes. Actuellement, notre base d'opération se situait dans un vieil immeuble parisien désaffecté, au sous-sol.

Lorsque je poussai la porte, Malia m'attendait, et me salua d'un geste de la main.

- Bonne pêche ?

- Argent, lui indiquai-je.

- Oh, la double peine... fit-elle avec une moue. Deux fois plus d'endroits où chercher.

- Oui mais j'ai une volontaire précise en tête pour celle-là. Elle connaît très bien Argent. Je vais lui envoyer un message, et lui proposer... Dimanche, tout serait prêt ?

Malia donna une tape sur l'ordinateur dont elle inspectait présentement les entrailles.

- Je devrais avoir terminé les réparations d'ici là, ouais.

- Tu sais qu'on pourrait juste en racheter un ? suggérai-je.

Elle me regarda comme si je venais de lui dire de foutre le feu à tous nos ordinateurs, et pointa son tournevis vers moi telle une épée. Je battis en retraite :

- Bon, d'accord, d'accord, tu préfères le réparer. Mais tu sais que ce n'est pas comme si on manquait d'argent...

- C'est l'argent d'Adrien, je préfère pas me reposer dessus plus que nécessaire, répondit-elle avec un reniflement. Et puis Artémis a encore de beaux jours devant elle. Il faut juste que je la dépoussière un peu, que je change le processeur, et que je rajoute une barrette de RAM. Ou deux...

Je me contentai de hocher la tête, puis laissa Malia à ses activités. C'était elle qui gérait toute la partie informatique de notre opération. On avait toute une flotte d'ordinateurs qui effectuaient constamment des recherches automatisées sur tout ce qui pourrait nous mener à la découverte d'une des cartouches maléfiques, plus une poignée d'autres ordis pour gérer le côté médical de la procédure de purge d'une cartouche, afin de pouvoir connaître le rythme cardiaque des volontaires, leurs ondes cérébrales, et d'autres mesures. Ça, c'était Pauline qui s'en occupait. Elle était rarement là en dehors des procédures avec les volontaires, contrairement à Malia qui vivait quasiment ici. Quant à Adrien, il se contentait de financer nos opérations, et ne mettait jamais les pieds dans la base.

J'avais eu de la chance de rencontrer ces trois personnes, et encore plus de chance qu'elles aient accepté de m'aider dans ma traque des cartouches. Malia avait été ma première volontaire, alors que je n'avais encore ni base, ni méthode, et que je me contentais de laisser des messages cryptiques sur des forums Pokémon. Elle m'avait contactée, et m'avait apporté ma première cartouche maléfique. Heureusement, c'était Cristal, et non pas une de la première génération - celle-là tuait les joueurs. Il y avait donc quelqu'un à sauver : la petite sœur de Malia, dans le coma. J'avais coachée Malia sur ce à quoi s'attendre, puis elle avait mis la cartouche dans la GameBoy et débuté une partie. De mon point de vue, tout s'était passé en un instant. Elle avait cligné des yeux, et s'était mise à pleurer. Elle n'avait pas pu sauver sa sœur. En revanche, elle avait sauvé Adrien, qui lui aussi était coincé dans la cartouche, et s'était réveillé d'un coma de deux ans dans sa chambre d'hôpital.

Suite à ça, Malia m'avait proposé son aide, et on était restés en contact. Elle et Adrien ne se parlaient pas, et s'évitaient activement. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé dans la cartouche, et je n'avais pas posé la question. De toute façon, Adrien nous aidait de loin, en payant tout ce dont on avait besoin, et je ne le voyais qu'une fois l'an, pour le tenir au courant de nos succès.

Quant à Pauline, c'était une ancienne volontaire qui avait aussi tenu à rester. Elle était relativement distante, mais ses connaissances médicales et les données qu'elle récoltait à chaque purge serait peut-être un jour la clef pour comprendre le mystère des cartouches.

Je soupirai en m'asseyant face à mon ordinateur, et me rendis sur le forum. De là, j'envoyai un message privé à la volontaire que j'avais en tête. Elle s'appelait Axelle, avait dix-neuf ans, pas de famille et très peu d'attaches. La candidate idéale. Comme il y avait toujours le risque de perdre nos volontaires, soit lorsqu'ils échouaient, soit lorsqu'ils décidaient de rester dans le Pokémonde, je ne choisissais que des personnes majeures, qui avaient peu à perdre. Ça ne m'empêchait pas de me sentir coupable : à cause de moi, Axelle allait peut-être se retrouver dans le coma. J'aurais tant voulu pouvoir me rendre moi-même dans la cartouche pour aller sauver Marc. Mais comme je l'avais découvert très tôt, survivre à une cartouche et en ressortir donnait une sorte d'immunité : les cartouches maléfiques ne fonctionnaient pas pour moi.

Dimanche arriva.

J'ignorai mon téléphone qui sonnait alors que Pauline prenait la tension d'Axelle, puis plaçait les électrodes sur son crâne.

- Àquoi ça sert ? demande-t-elle.

- On va mesurer tes ondes cérébrales quand tu seras dans le jeu, lui expliqua Pauline. Ça nous permet de mieux comprendre comment les cartouches fonctionnent exactement. Et potentiellement de trouver quelque chose pour les contrer...

Axelle hocha la tête.

- OK, tout est prêt, fit Pauline en se tournant vers moi.

- Prêt aussi niveau ordi ! indiqua Malia.

Je pris un tabouret et m'assis à côté d'Axelle. Ses yeux verts se fixèrent sur moi, incertains. Je me demandai si elle y croyait, ou si elle pensait que c'était une caméra cachée, et qu'on allait lui révéler la blague d'ici quelques instants. Ça avait été le cas de plus d'un volontaire.

- Axelle, commençai-je, d'ici quelques instants, tu vas te retrouver dans le monde Pokémon. La chose la plus importante que tu dois garder à l'esprit, c'est que c'est toi qui décides de comment ça va se passer. Ce n'est pas un jeu, il n'y a pas d'objectif à atteindre, la cartouche ne contrôle pas ton destin. Si tu veux revenir, à n'importe quel moment de ton aventure, il te suffit de le décider. On est d'accord ?

- Oui, je comprends.

- Bien. La deuxième chose à savoir, c'est que ça aura l'air d'un jeu. Ce sera l'intrigue de Pokémon Argent, tu vas devoir récolter les badges pour avancer, entraîner tes Pokémon. Tu ne pourras pas y couper.

C'était l'une des conclusions à laquelle on était parvenu au fur et à mesure. Quand les volontaires ignoraient le côté dressage de Pokémon et quête initiatique, et se concentraient uniquement sur le fait de trouver et de sauver le joueur précédent, la cartouche les bloquait. Il fallait jouer le jeu.

- Et enfin, troisième chose, comme je te l'ai déjà expliqué dans mon dernier message, ton but est de trouver Marc, et de le forcer à se réveiller.

Je lui montrai une photo.

- Comment est-ce que je fais ça ? demanda Axelle.

- S'il est dans le coma, c'est qu'il a perdu le jeu, justement parce qu'il considérait que c'était un jeu et qu'il pouvait perdre. Dans la cartouche, la manière dont on conçoit les choses devient réalité. Pour qu'il se réveille, il faut que tu arrives à le convaincre qu'il peut rentrer chez lui, qu'il n'est pas coincé dans la cartouche, que le blocage ne vient pas de la cartouche mais de lui-même.

- ...tu m'as dit que je n'étais pas la première de vos volontaires... fit-elle d'un voix hésitante.

- Non, loin de là, confirmai-je.

- Est-ce qu'ils ont souvent réussi à ramener les personnes coincées dans le jeu ?

Je ne mentais jamais quand les volontaires posaient cette question.

- Plus d'une fois sur deux.

Moins de deux fois sur trois. Les cartouches étaient coriaces, et une fois que les joueurs s'étaient enfoncés dans un certain état d'esprit, il était parfois impossible de les en faire sortir. La réussite dépendait beaucoup de la personne en question, du volontaire, et de l'interaction entre les deux. On n'avait pas encore trouvé de recette miracle pour ramener les joueurs à coup sûr.

- ...et vous avez déjà perdu des volontaires ?

Là, je mentais toujours.

- Non, jamais. Ne t'inquiète pas, tout se passera bien. Garde en tête mes instructions. Trouve Marc, convainc-le, et reviens. Ça purgera la cartouche, la rendra normale, et elle ne pourra plus faire de mal à personne.

Elle hocha la tête. Je lui donnai la Gameboy.

- Et si je décide de rester ? souffla-t-elle.

Peu de volontaires étaient suffisamment francs pour me poser la question.

- Écoute, Axelle, l'important c'est d'aider Marc, parce qu'il n'a pas choisi de se retrouver dans cette situation. Après, si tu décides que tu seras plus heureuse là-bas... ce sera ton choix.

- D'accord.

Elle se cala dans le fauteuil, inspira profondément, et alluma la console. Pour nous, le tout n'allait durer qu'une poignée de secondes, mais pour elle, ce serait potentiellement des mois qui allaient s'écouler.

Toute une aventure.

Elle souriait quand elle appuya sur le bouton A pour démarrer une nouvelle partie.

Et se lancer dans son propre voyage Pokémon, dont l'issue ne dépendrait que d'elle.

***

Ainsi se termine ce Nuzlocke. Merci d'avoir lu jusqu'au bout ! Remerciements particuliers à Nyu, mon super bêta-lecteur, et Kaisuky. Sans eux, cette fic aurait été écrite encore plus lentement (ça fait peur à imaginer, hein ?).