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Là où l'horizon s'efface de Oriwan



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» Auteur : Oriwan - Voir le profil
» Créé le 31/10/2017 à 21:12
» Dernière mise à jour le 31/10/2017 à 21:12

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Chapitre 5 - Mélofée
Les réfugiés étaient restés sur le quai jusqu’aux derniers rayons du soleil, espérant jusqu’au dernier instant apercevoir au loin la fumée du ferry. Mais rien ne vint. Alors c’était fini ? Johto avait-elle vraiment été entièrement avalé par l’ombre ? Restait-il des gens là-bas, à Irisia, quand… J’espérais que non…

Le professeur Pimprenelle posa sa main sur mon épaule.

- Taki… Le moment est mal choisi, je le sais, mais nous manquons de temps à présent. Tu as le pouvoir de changer ce qui se passe, si tu viens avec moi.
- D’accord, dis-je, décidé. D’accord, je vais venir avec vous. Ce n’est pas comme si quelque chose me retenait ici de toute façon. Je posai mon regard sur Jin. Les yeux vers l’horizon, elle affichait un visage déterminé, et se tourna vers moi.
- Et Jin ? continuai-je.
- Elle peut venir, bien sûr, répondit Pimprenelle avec douceur.
- Je ne suis pas sûre de pouvoir laisser Aris, Tobi et Yan tous seuls ici… dit Jin en cherchant des yeux les trois frères.
- Si tu le souhaites, des amis à moi peuvent s’occuper d’eux, proposa le professeur Pimprenelle, ils seront logés et auront de la compagnie. Mes amis dirigent l’école de cette île.

Jin hocha la tête. Elle était d’accord.

Après avoir déposé les trois frères et Phampy à l’école, Jin prit congé et nous nous dirigeâmes vers la colline Dicarat. Grâce au professeur Pimprenelle, nous pûmes passer le barrage de police. Un hélicoptère nous attendait. Vues du ciel, les tentes du camp étaient comme une multitude de petits points rouges posés sur le relief de l’île, comme une toile de peintre impressionniste.

- Professeur… demandai-je, quelques minutes après le décollage, que pouvez-vous nous dire sur la situation actuelle ? Là-bas, dans le camp, c’était dur de trouver des informations…
- Comme tu l’as compris… Nous avons perdu le contact avec Johto il y a quelques heures. L’ombre a stoppé sa progression, pour le moment. Alola a accueilli 10 000 réfugiés, mais ce n’est rien comparé à Hoenn, là-bas, ils sont 100 000, et à Shinnoh 125 000.
- Et Unys ? Et Kalos ?

Le visage du professeur se renfrogna.

- Ils n’ont accueilli personne. Ils ont fermé leurs frontières.
- Quoi ??
- Tu l’as vu au cimetière tout à l’heure, les hommes peuvent devenir stupides quand ils ont peur de l’étranger. Mais heureusement, leurs scientifiques collaborent tout de même avec nous.
- C’est là que nous allons ? demanda Jin, au quartier général, là où vous établissez une riposte ? Votre mari, le professeur Euphorbe, mène les opérations ?
- Euphorbe… répéta-t-elle lentement, Euphorbe est parti à Kanto il y a de ça deux mois. Pour tenter d’en apprendre plus sur le phénomène. Je n’ai pas de nouvelles depuis.
- Je… Je suis désolée, bredouilla Jin.

Le reste du trajet se passa dans le silence. Au bout de quelques minutes, les deux sommets d’Ula-Ula se dessinèrent sur l’horizon. L’un était couvert de neige. Mon attention fut attirée par ce qui ressemblait à une explosion, quelque part, au sol. En plissant les yeux, je distinguais deux foules de gens et de Pokémon, et… des attaques qui fusaient dans tous les sens.

- Mais… Mais… ces gens se battent !
- La situation sur cette île est hors de contrôle, dit tristement le professeur Pimprenelle, la population locale et les réfugiés sont en guerre quasi ouverte.
- Mais, que s’est-il passé ? demanda Jin.
- Ca a d’abord commencé avec les pêcheurs. Ils se plaignaient d’être sans cesse attaqués par des Léviators, des créatures sont très rares dans nos eaux. Puis il y a quelques semaines, Electhor est arrivé, oui c’était juste avant Mele-Mele. Là aussi il s’est battu avec le gardien de l’île, Tokotoro. Aidé par les habitants, Tokotoro a chassé Electhor. Les réfugiés ont vécu cela comme une insulte à leur culture. Le ton n’a cessé de monter depuis, et les affrontements sont de plus en plus fréquents. C’est pour ça que le temps presse. Tenez, nous arrivons.

L’hélicoptère se posa en haut d’un des sommets de l’île, sur le parking d’un observatoire. Courbés en deux pour échapper au souffle des rotors, nous traversâmes le parking jusqu’à la porte du bâtiment.

- Regarde Taki, dit Pimprenelle en se retournant, tu vois cette montagne là-bas ?
- Oui, répondis-je, c’est le point culminant d’Alola non ?
- Tout à fait. C’est de ces plaines glacées que vient le sabelette attaché à ta ceinture. Si tu as réussi à en trouver un à Mele-Mele, cela veut dire que la situation ici est devenue tellement mauvaise qu’il n’a eu d’autre choix que de fuir…

Alors c’était ça… Sabelette ? Ta maison était menacée, tu as voulu partir ? Tu es un peu comme moi en fin de compte… A travers la coque rouge transparente de ma pokéball, Sabelette me regardait, mi excité, mi anxieux, comme s’il avait senti qu’il était revenu à l’endroit où il était né.

La porte de l’observatoire s’ouvrit. Un jeune homme roux et un peu enrobé se tenait dans l’ouverture.

- Ah professeur Pimprenelle, nous vous attendions ! Est-ce là les jeunes gens dont vous nous aviez parlé ?
- Bonjour Chrys. Oui, voici Taki et Jin, qui nous viennent de Johto. Taki, Jin, voici Chrys, c’est un des capitaines d’épreuve de la région d’Alola. Un peu comme vos champions d’arène, ajouta-t-elle.
- Enchanté !
- Avons-nous des nouvelles de l’expédition Chrys ? reprit Pimprenelle.
- Non, toujours pas… Répondit Chrys d’un air sombre.
- Bien… Lança Pimprenelle, d’un ton où elle efforçait de dissimuler toute inquiétude. Je suggère que nous nous mettions au travail dans ce cas !

Je suivis Chrys, Pimprenelle et Jin à l’intérieur du bâtiment. Bien que très grand, l’observatoire paraissait surchargé à l’intérieur. Jin avait bien dit que c’était le quartier général des recherches. Effectivement, des machines étranges étaient disposées un peu partout, même à des endroits qui, j’en étais sûr, n’avaient pas été conçus pour. Beaucoup de gens en blouse blanche circulaient dans les couloirs. Tout cela avait dû être installé à la hâte il y a quelques mois.

- Alors, pourquoi avez-vous besoin de Taki, professeur ? demanda Jin. Je sortis de mes pensées, j’avais presque oublié que j’étais là pour une importante mission.
- Entrez là, répondit Pimprenelle en ouvrant une porte grâce à un badge magnétique, vous allez comprendre.

La pièce en question était petite et sombre. Des ordinateurs installés dans un coin émettaient une lumière faiblarde. Mais le long du mur de droite, une grande vitre laissait passer la lumière venant d’une autre pièce. Derrière la vitre, une grande pièce blanche, avec au centre un lit médical. Et dans le lit, un homme équipé de respirateurs artificiels semblait dormir profondément.

- Qui est-ce ? demandai-je, une main plaquée sur la vitre.
- C’est la raison de ta présence ici, répondit Chrys en fermant la porte.
- Cet homme… poursuivit le professeur Pimprenelle, adossée au mur, est un survivant de Kanto.
- Quoi ?! s’écria Jin, mais je croyais qu’il n’y avait pas…
- Personne n’a plus vu d’habitant de Kanto depuis ce fameux jour il y a six mois…
- C’est pourquoi il est si important. Nous l’avons trouvé sur une plage de l’île il y a quelques semaines.
- Mais comment est-il arrivé jusqu’ici, et puis d’abord, comment êtes-vous sûrs qu’il vient bien de Kanto ?
- Comment il est arrivé ici… Nous n’avons que des hypothèses, répondit Chrys. Par contre, il avait son portefeuille sur lui quand nous l’avons trouvé, et ses papiers d’identité. Il s’appelle Martin Dubois, il a 32 ans et il est né à Azuria. C’est tout ce que nous savons, les informations plus détaillées sur les habitants de la région sont stockées sur des serveurs à Safrania. Rien d’autre n’est accessible en ligne.
- Mais… Pourquoi vous ne lui demandez pas, tout simplement ? demandai-je, perplexe.
- Nous avons essayé, répondit Pimprenelle. Et c’est notre échec qui fait que nous avons besoin de toi. Vois-tu, cet homme semble avoir subi un grand choc émotionnel. Il n’a pas dit un seul mot depuis qu’il est ici. C’est tout juste s’il se rend compte de ce qui se passe autour de lui. La plupart du temps il regarde dans le vide.
- Et puis, poursuivit Chrys, aucun de nous ne parle suffisamment bien la langue de Kanto.
- Donc vous avez pensé que Taki pourrait vous servir de traducteur, dit Jin, qu’en entendant parler la langue de Kanto comme s’il était chez lui, il retrouverait ses esprits ?
- C’est notre hypothèse en effet, répondit Pimprenelle. Taki, tu veux bien essayer ?

Ses yeux bleus étaient pénétrants, sa voix était douce mais on sentait une détermination extrême dans sa voix, la détermination de quelqu’un qui n’abandonnera pas avant la toute fin. Derrière la vitre, le dénommé Martin s’agitait dans son sommeil.

- Oui, répondis-je, essayons. S’il détient des informations sur ce qu’il s’est passé là-bas, alors il faut à tout prix arriver à communiquer avec lui !

Il fallut quelques instants pour que les infirmiers réveillent le dénommé Martin. Mais à part ses yeux ouverts, rien d’autre ne pouvait laisser penser que l’homme était à présent réveillé. On me fit rentrer dans sa chambre, seul. Les autres regardaient depuis la vitre sans teint. L’homme ne m’avait accordé aucun regard quand j’étais entré. On aurait vraiment dit qu’il était vide à l’intérieur… Flippant.

Je pris une chaise et m’installa devant le lit, en face de lui.

- Euh… Bonjour, vous vous appelez Martin n’est-ce pas ? dis-je avec un accent de Kanto sans doute pas parfait, mais convaincant. Aucune réaction. Bon, s’il suffisait d’un « bonjour » en langue de Kanto, les scientifiques d’ici auraient sans doute réussi depuis longtemps.

- Moi c’est Taki, je viens de Johto, d’une île appelée Irisia, vous connaissez peut-être ? Ce n’est pas très loin de Kanto… J’avais changé de stratégie, j’allais essayer de parler, parler et voir si mes paroles pouvaient provoquer un électrochoc. Mon monologue dura ainsi plusieurs longues minutes.

- On m’a dit que vous étiez d’Azuria ? C’est une jolie ville ! Oui je connais. Avec ma classe nous sommes venus en excursion à Kanto. Carmin-sur-Mer, Azuria, la cave Taupiqueur, on a presque tout fait dans ce coin-là. On était arrivés à la gare centrale de Safrania, c’est vraiment pratique ce nouveau train magnétique…

Je m’interrompis, j’avais reposé mes yeux sur l’homme, et il me regardait. Le contact visuel ne dura que quelques secondes, puis il retomba dans sa torpeur. Avais-je dit quelque chose qui l’avait fait réagir ? La porte de la chambre s’ouvrit, deux infirmiers et le professeur Pimprenelle entrèrent.

- Merci beaucoup Taki, dit-elle d’une voix douce.
- Je n’ai pas été très utile, répondis-je, dépité.
- Au contraire, nous n’avions jamais obtenu un tel résultat, tu nous as montré qu’il y a encore quelqu’un là-dedans. Nous allons continuer.

C’est ce que nous fîmes les jours suivants. Inlassablement, je m’asseyais sur cette chaise et tentais de communiquer avec cet homme. Mais malgré tous mes efforts, l’électrochoc ne se reproduisit plus. Un soir, après une nouvelle séance sans succès, Chrys et le professeur Pimprenelle estimèrent qu’il était temps de faire une pause et nous accompagnèrent prendre un thé dans la salle de repos. Personne ne parla beaucoup. Gobelet en main, je passai devant une salle que je n’avais encore jamais vue. Une sorte de cours de récréation pour Pokémon, avec un petit espace extérieur, comme un patio. Un Nounourson, un Rocabot et un Pandespiègle se chamaillaient. Dans un coin, séparé des autres par une barrière, un Mélofée à l’air triste se tenait prostré. Je m’arrêtai, et faillis heurter Jin qui marchait derrière moi.

- Professeur… Pourquoi ce Pokémon est-il séparé des autres ? demandai-je.
- Ah, Mélofée…
- C’est le Pokémon de l’homme de Kanto, répondit Chrys.
- Son Pokémon ?
- Oui, nous l’avons trouvé à ses côtés sur la plage, continua Chrys, on pense que c’est grâce à lui qu’il a pu arriver ici. Les Mélofée peuvent avoir des attaques métronome très puissantes, il a pu trouver un moyen de surfer ou de voler jusqu’ici.
- Mais lui aussi est en état de choc, dit Pimprenelle, moins que son maître, il nous regarde et on arrive à le faire manger, mais il est tout le temps triste. On a dû l’isoler pour que les autres Pokémon ne viennent pas l’embêter.

Une idée me traversa alors l’esprit, comme un éclair. Oui, ça pouvait marcher, je l’avais déjà fait…

- Professeur ! m’écriai-je, laissez-moi essayer quelque chose avec ce Mélofée !
- Avec Mélofée ? demanda Pimprenelle, perplexe, que veux-tu dire ?
- Natu ! En avant ! lançai-je en faisant sortir mon pokémon de sa pokéball. Voici Natu, mon Pokémon, et il est très doué. Capidextre m’aide à communiquer en langue des signes, Natu m’aide à communiquer avec les Pokémon. Enfin, ce n’est pas vraiment communiquer, m’empressai-je d’ajouter devant leur air abasourdi. Grâce aux ondes mentales de Natu, je peux avoir comme des flashs vagues de pensées, émotions ou souvenirs des Pokémon.

On s’empressa de mettre les choses en place. On fit venir Mélofée dans une pièce accueillante, je m’assis à sa hauteur, Natu devant moi et je lui souris pour le mettre en confiance.

- Désolé mon vieux, je vais être obligé de te faire revivre des souvenirs pas très agréables, mais c’est pour aider ton maître. Natu, tu es prêt ? Utilise en même temps Œil miracle et Echange !

Mon champ de vision s’obscurcit soudainement, je ne distinguais plus les contours de la pièce. J’entendais des sons me parvenir de loin, comme étouffés, c’était des cris de panique. Dans le noir, je distinguais alors des formes, imprécises, irrégulières, comme balayées par le rayon d’un sonar. Des gens courraient. Quelque chose s’élevait dans le ciel, loin, derrière une montagne, derrière une grande tour. Je connaissais cette tour, je l’avais déjà vue… Si seulement la vision pouvait être plus précise !

Et puis tout s’arrêta, les contours de la pièce se reformèrent, les couleurs revinrent. J’étais en nage, il me fallut un moment pour reprendre mon souffle. Chrys, Jin et le professeur Pimprenelle étaient accroupis autour de moi.

- Lavanville… murmurai-je, ça s’est produit à Lavanville.