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Arceus (OS) de Suroh



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» Auteur : Suroh - Voir le profil
» Créé le 16/09/2017 à 08:59
» Dernière mise à jour le 23/11/2017 à 20:21

» Mots-clés :   Absence d'humains   Absence de combats   Absence de poké balls   One-shot

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Chapitre Unique
Il avait toujours voulu être un voyageur. Il ne pensait qu'à cela depuis que ses yeux s'étaient ouverts pour la première fois, lui permettant de saisir « toute la beauté de la lumière venue des recoins les plus reculés de l'espace ». Il en avait parlé tout autour de lui, jusqu'à ce que la patience de ses compagnons en arrive à leur faire dire « Hé, on a compris, maintenant boucle-la. Déjà que tu ne payes pas de mine, tu ferais mieux de te taire, ça te donne une expression affreuse. »

Le jeune dont je vous parle s'appelait en effet Opermine, et ses camarades aimaient le railler pour cela. Ils le traitaient de vermine ou bien se moquaient de sa mine juvénile, « oh, tu ne payes vraiment pas de mine, d'ailleurs. » Autant vous dire que le sentiment d'attachement que ressentait Opermine envers sa soi-disant famille frôlait l’inexistence.

Pourtant l'enfant et les Golgopathe avaient un évident lien de parenté. Tous deux possédaient une peau dure comme la pierre, leur unique différence reposait en leur forme. Les Golgopathe étaient en réalité sept Opermine ayant décidé de s'assembler en élisant un rocher extrait de leur planète comme corps – un heureux hasard leur ayant permis d'être juste assez nombreux pour que pas un seul d'entre-eux ne soit composé de moins de sept Opermine.

Précisons d'ailleurs rapidement un élément simple mais capital : ce qu'est un Opermine. De vos jours, il me semble qu'il s'agit de deux entités indépendantes ayant une forme de bras de pierre cohabitant sur un rocher ; ce qui est une idiotie et un abus de langage que vous n'aviez sûrement jamais remarqué. Un Opermine, c'est en réalité l'entité en elle-même ; aussi ne soyez pas surpris si ce que j'appelle un Opermine dans mon histoire ne correspond pas fidèlement à votre vision de la chose, c'est tout à fait voulu, je dirai même plus : logique. Le temps aime se jouer des définitions réelles des mots que nous employons au quotidien…

Ceci étant dit, focalisons-nous sur le seul et unique Opermine dont il sera question dans cette histoire ; le seul en tout cas qui mérite notre attention.

Ses débuts sur cette planète furent assez troublés. Entre ses crises d'angoisses à l'idée de ne jamais quitter sa terre natale, ses doutes sur sa capacité d'intégration et sur ses chances de parvenir à jamais devenir quelqu'un, il est clair qu'il ne se sentait vraiment pas bien. L'idée du suicide avait même traversé son esprit, mais il la rejeta pour une raison bien simple : s'il mourait, il est probable qu'il ne puisse plus voir les étoiles ; ce qui lui faisait bien plus peur que tout le reste.

Par ailleurs, un autre élément qu'il vous faut connaitre - et ensuite je vous laisse tout à l'histoire - est l'époque où celle-ci se déroule. Ce n'était pas l'année dernière, ni l'année à venir. Pas hier non plus, raté. Pour être précis, c'était il y a cent quarante-cinq millions d'années et cinq jours. Ah oui, la Terre était à cette époque plutôt inhospitalière et aucune forme de vie n'y existait.

Avant l'arrivée d'Opermine, les Golgopathe coexistaient sur une planète rocheuse qui avait pour particularité de toujours montrer la même face à son Soleil. Ils n'étaient pas très malins.

En raison de leur longue vie, ils avaient tôt fait de s'ennuyer ; et puisqu'ils n'avaient pas grand-chose à fiche sur leur grand caillou, ils se prenaient la tête sans arrêt ; ils se criaient dessus, s'agaçaient, s'invectivaient, se frappaient, se roulaient dessus.

Sauf qu'un jour un gamin est apparu. Personne ne savait vraiment d'où il sortait, mais tous l’accueillirent avec chaleur, pendant les premiers instants du moins. Comprenez, avoir un nouveau sur lequel on pouvait s'acharner, ça leur faisait un bien fou et leur donnait une bouffée d'air frais. C'est ainsi qu'à raison d'une centaine contre un, ils purent mener la vie dure au pauvre Opermine, qui ne tarda pas à les fuir.

Heureusement pour lui, les Golgopathe ne comptaient pas la vélocité parmi leurs quelques rares qualités : chacun d'entre-eux étant composé de sept Opermine ils pesaient bien plus lourd que notre jeune Opermine. À ce sujet, Opermine ne les comprenait pas : pourquoi se coltiner en permanence la compagnie de six crétins si, en plus, ça vous ralentit ? Le bon sens lui-même semblait avoir quitté les Golgopathe.

« Bah comme ça je peux les taper plus souvent, avait répondu l'un de ceux à qui il avait demandé avant de partir, en ne tardant pas à donner sens à cette puérilité en essayant en vain de frapper l'un de ses semblables qui lui servait de bras. »

Opermine s'en était allé, exaspéré par l'idiotie de ses congénères. Et il n'y avait vraiment rien à faire : tous se comportaient ainsi. On lui avait fourni une bande de créatures ridiculement violentes pour unique famille, ce qui le poussa à conclure d'une chose très simple sur la vie : on n'est pas obligé de s'attacher à sa famille si elle est composée de crétins.

Fort de cette motivation, il marcha en sautillant pour rejoindre la face obscure de leur planète où il était certain qu'il aurait la paix et pourrait ruminer pendant autant de temps qu'il lui fallait.

Il rumina donc, et ce pendant très exactement vingt-sept années terrestres, assez de temps en somme pour que les Golgopathe oublient jusqu'à son existence. Sa planète ne tournant pas sur elle-même, il n'avait même pas à se déplacer pour rester seul dans le noir ; les Golgopathe ne s'aventuraient jamais là où la lumière du Soleil n'était pas.

Vous pourriez penser qu'il s'ennuyait ou bien qu'à un moment il avait bien dû céder et rejoindre ses pairs, mais il n'en était rien.

Prenons le temps d'expliquer cet état de fait avant que la vraie vie de notre ami ne commence. Entre autres conclusions qui découlèrent de ses tergiversations interminables, il apprit cela : pour comprendre la vie d'un être, il est important de se remémorer quelle fut sa naissance. Comme je l'ai déjà dit, sa propre naissance, par exemple, est inexplicable – aussi est-il normal qu'il soit différent des Golgopathe. Le fait qu'il ait été rejeté dès assez rapidement explique aussi sa patience ; il ne s'était pas laissé abattre et n'a pas cherché à devenir comme ses persécuteurs, il a préféré s'élever par l'esprit au-dessus d'eux. Je vous concède qu'il avait l'air d'être arrogant, mais il ne pensait pas à mal lorsque ces idées prenaient forme dans son esprit.

Opermine ne se considérait pas comme fort, ni comme un battant. Il se considérait comme un contemplateur, et avait pour conviction vive que de l'écoute et de l'observation découlait naturellement la plénitude. Ainsi avait-il fui les Gogols sur pattes et se plaisait-il à tourner son regard vers le ciel plutôt que vers sa terre décharnée.

Sûrement était-il idéaliste et sa vie était-elle morne, d'ailleurs quel intérêt à regarder les étoiles pendant une telle période ? Tout d'abord, il est évident que c'est parce que ces taches dans le ciel sont la première et la plus belle chose qu'il a vu de sa vie. Il aimait ce tapis de velours parsemé de douces lumières sur lequel il s'imaginait se balader seul, loin de ses congénères et avec la possibilité d'en visiter les moindres recoins.

Cependant, bientôt, de cette longue observation découla un constat ; un constat qui ébranla ses convictions et le fit sortir de sa profonde léthargie.

Le temps que sa planète mettait pour faire un tour complet autour de son Soleil variait d'une année sur l'autre. Il va de soi que c'est un fait totalement normal pour une planète située aussi loin de son astre ; seulement, qu'Opermine puisse remarquer ces fluctuations était remarquable.

Il réfléchit donc. Sa planète allait s'échapper de son orbite, un jour ou l'autre. Quand ? Ah, ça c'était la grande inconnue, il ne possédait pas assez de données pour le calculer correctement. Mais il suffirait qu'un autre corps céleste, venant précisément dans la bonne direction, frappe sa planète pour la propulser d'un coup d'un seul dans l'espace pour que ses convictions se vérifient.

Imaginez une boule de billard grise. Bien. Imaginez-en une autre, rouge, que vous venez de frapper et qui se dirige tout droit sur la première qui a été mentionnée. Que deviendra la pauvre boule grise lorsqu'elle sera frappée de plein fouet par sa congénère ? Elle fusera à travers la table de billard et, qui sait, ira peut-être valdinguer sur le sol pour peu que le coup ait été trop fort.

C'est le même principe ici, sauf qu'en plus, notre planète grise a déjà d'elle-même manifestée l'envie de s'échapper de son orbite ; il va donc de soi qu'elle risque désormais à tout moment de partir en croisière à travers l'espace. Si vous n'y croyez pas d'ailleurs, je n'en ai cure, mais un homme de bien, un homme de bon sens, croit toujours ce qu'on lui dit et ce qu'il trouve dans les livres.

Opermine apprit aussi la raison de la sorte de trop-plein d'énergie de ses camarades qui les poussait à devenir odieux les uns avec les autres sans jamais s'arrêter. En effet, alors qu'il désirait prendre toujours plus de recul, il en vint à se demander comment lui, et pas les Golgopathe, était parvenu après quelques temps à un état de paix si prononcé. Alors que d'autres de la même espèce ne pouvaient réprimer leurs pulsions primaires, lui parvenait à rester dans la même position des jours entiers pour répondre à des questionnements profonds.

Sa morphologie n'était pas différente de celle de ses pairs, ainsi un questionnement bientôt suivi de sa réponse logique germa dans son esprit ordonné. D'où vient l'énergie des Golgopathe ? Leur bouche leur permet de s'insulter copieusement les uns les autres, pas de manger – la pierre de leur planète n'ayant pas bon goût, lui avait rapporté un des Golgopathe avant qu'il ne soit exclu de leur groupe.

La seule énergie qu'ils pouvaient engranger était celle de la lumière. S'il n'avait pas d'idée précise sur la manière dont cette photosynthèse fonctionnait, il restait persuadé que sa théorie était la bonne. Aussi, l'état quelque peu endormi dans lequel il reposait devait être lié à cette absence de lumière

Quoi qu'il en soit, cette découverte-ci importait moins que celle de la possible catastrophe qui allait bientôt se produire. Opermine décida de rejoindre ses camarades pour leur en parler.

Il les trouva comme à leur habitude en train de se frapper les uns les autres. L'un des Golgopathe utilisait sa main griffue pour rayer le caillou d'un autre, appuyé dans sa démarche par une autre de ces puériles créatures, qui s'époumonait :

« Hé, guignol, tu m'écoutes ? Non ? Tu t'en fous ? On va voir si tu continues de t'en foutre après ça… »

Et sous les yeux désabusés d'Opermine, il se jeta dans la mêlée – tous les autres Golgopathe à sa suite, qui n'avaient pas compris pourquoi il fallait se battre mais étaient ravis de s'amuser un peu.

À nouveau confronté à ce spectacle ridicule, Opermine se fit violence pour ne pas retourner là d'où il venait pour avoir de nouveau la paix. Il les interpella :

« Si vous ne voulez pas mourir d'ici quelques jours, vous feriez mieux de m'écouter. »

Sa voix éraillée ne portait pas vraiment et c'est à peine si les autres la remarquèrent. Conciliant, il continua tout de même sur sa lancée :

« Je sais bien qu'on n'est pas en de très bons termes, mais on est tous dans la même galère en ce moment. Lorsque je vous ai quittés, j'ai longtemps observé les étoiles et calculé toutes sortes d'éléments de notre quotidien. Tenez, j'ai même compris pourquoi vous étiez si... enthousiastes à longueur de journée et pourquoi vous ne dormez pas ! C'est à cause de votre capacité à absorber le rayonnement du Soleil. Nos peaux de pierre ne réfléchissent pas la lumière, et ça m'a interpellé ; en fait nous l'absorbons et c'est ce surplus d'énergie qui vous donne une telle pêche ! Seulement, si on reste chacun de notre côté, on risque de tous mal finir car je crois qu'une catastrophe va bientôt arriver. Ce n'est que mon instinct mais je crois que l'on peut s'y fier. J'aurais besoin de vos connaissances, en particulier la manière dont vous parvenez à vous incruster dans la pierre pour vous associer et devenir des Golgopathe. »

Tout cela dit sans reprendre son souffle ; Opermine n'en pouvait plus. L'aurait-il voulut qu'il n'aurait pas pu prononcer une phrase de plus pour étayer son discours.

Les Golgopathe le regardaient avec circonspection depuis que leur combat futile avait cessé ; c'est-à-dire depuis juste assez de temps pour comprendre que le gamin avait besoin d'eux.

« Tu as besoin de savoir ce que nous qu'on sait, gamin ? demanda l'un d'eux.

- Oui, si un astéroïde venait à percuter notre planète, il faut que nous y soyons accrochés si nous ne voulons pas être éjectés dans l'espace.

- Et d'où tu tiens c't'info, le gnome ?

- Comme je vous l'ai dit, c'est juste un pressentiment, et... », tenta de répondre Opermine avant d'être interrompu par le rire gras de ses congénères. Ils le raillèrent et le rabaissèrent, affirmant que le jour où ils verraient un caillou dans le ciel, peut-être qu'ils l'écouteraient ; d'ici là le gamin ferait mieux de les laisser.

Opermine était à la fois choqué et déçu et triste et désemparé. Il pensait que l'instinct de survie des Golgopathe aurait pu jouer en sa faveur, mais ils préféraient visiblement se rouler dans leur idiotie en rigolant plutôt que les écouter, lui et ses doutes, car il va sans dire que ses doutes étaient bien réels. Il ne pouvait pas se l'expliquer mais il sentait que quelque chose allait se produire prochainement. La conviction qu'il fallait aux Golgopathe soit le suivre ou subir un funeste destin ne le quittait plus.

Opermine s'en retourna sur la face cachée de la planète, une larme de dépit coulant sur sa joue.

* * *
L'équivalent de trois journées terriennes s'était écoulé. Opermine avait réfléchi quelques instants avant de conclure que les autres Opermine – avant de devenir des Golgopathe – avaient dû extraire un bout de la roche de leur planète, y creuser un sillon et s'y enfoncer à plusieurs avant d' « évoluer ».
Pour tout vous dire, il n'était pas sûr de lui à ce sujet mais il ne pouvait s'accorder un temps de réflexion trop long, ainsi il commença bien vite à creuser la roche. Après trois jours et trois nuits, donc, un trou de la largeur et la profondeur de son corps était creusé. L'impact avec l’astéroïde se déroulerait selon sa conviction profonde dans deux jours sur la face éclairée de la planète : il avait donc pris soin de creuser là où l'ombre était la plus totale.

Il constata en essayant de s'y enfoncer que son travail était impeccable : ses contours épousaient parfaitement la cavité ; il n'avait plus qu'à attendre le moment où sa prédiction se réaliserait.

Certains parleront de chance, d'autres de pouvoirs divins, mais quoi qu'il en soit son intuition était la bonne et un astéroïde vint frapper leur planète quelques heures à peine après qu'il se soit logé dans sa nouvelle habitation ; dans laquelle il se sentait en sécurité et très bien installé.

Ce fut un cataclysme pour certains, et une révélation pour d'autres.

Pour que la planète soit expulsée de son orbite vers l'extérieur de son système solaire, il fallait que ce corps étranger frappe la face que la planète exposait à son astre ; face qui, rappelons-le, fourmillait de Golgopathe particulièrement idiots.

Ces créatures inutiles payèrent donc de leur vie leur puérilité quotidienne car la plupart finit proprement écrasée, réduites de nouveau à l'état de caillou où ils ne dérangeraient plus personne. D'autres eurent plus de chance, et il est intéressant de se projeter l'espace de quelques instants dans leur futur. L'impact provoqué par la collision avait propulsé dans l'espace tous ceux qui n'avaient pas été réduits en bouillie, aussi une poignée de Golgopathe eut à vivre dans l'espace. Au fil des années, leur physionomie changea pour s'adapter aux conditions rudes de ce nouvel habitat : leur allure devint plus ergonomique, ils apprirent à conjuguer les efforts de leurs cerveaux respectifs et ils purent changer progressivement de forme – nous parlons bien évidemment là en terme de milliers d'années. Peut-être connaissez-vous leur ultime stade d'évolution communément nommé « Deoxys », dont les rares représentants sont en réalité des rescapés de cette tragédie.

Revenons à l'impact. Les deux corps célestes, une fois leur rencontre apocalyptique achevée, partirent dans des directions bien opposées ; ainsi les restes de l'astéroïde rejoignirent-ils sûrement la ceinture d'une planète avoisinante et notre planète grise fusa-t-elle à travers l'espace à une vitesse prodigieuse, à sa tête un Opermine trop occupé pour constater la disparition de ses pairs.

Il n'en revenait pas et était stupéfait. Lors de la collision, une grande partie de l'énergie libérée fut absorbée par la planète, et il sentait que la planète lui transmettait cette force comme par vagues à la manière d'un cœur qui propulse le sang jusqu'à la tête pour que son corps tout entier puisse fonctionner en harmonie. Il comprenait mieux les Golgopathe : s'ils sentaient aussi cette vitalité en eux lorsqu'ils s'associaient tous en prenant leurs quartiers dans une pierre, il était compréhensible que tous aient voulu procéder ainsi – même inconsciemment.

Opermine était la planète, et il se sentait en harmonie parfaite avec elle. Une idée lui traversa l'esprit : « Puisque nous ne sommes plus qu'un, pourquoi ne pourrais-je guider ce nouveau corps qui est désormais mien ? ». C'était hasardeux, mais bien pensé ; en effet il semblait vraiment fait pour cela.

Il ferma donc les yeux, se connecta mentalement à des commandes imaginaires qui lui permettraient de diriger son véhicule interstellaire. Il y mit toute sa force mentale en puisant largement dans les ressources d'énergie qu'il venait d'ingurgiter ; l'effort était tel qu'il tremblait violemment et était parcouru de spasmes.

Comme de bien-entendu, sa tentative échoua lamentablement : un rocher reste un rocher, qu'un Opermine y ait élu domicile ou non – et un rocher ne peut pas être guidé par la volonté d'un si petit être. Certes, Opermine peut entrer en résonance avec cette dernière, du fait de sa sensibilité naturelle, mais ça n'allait pas plus loin.

La vie est faite d'échecs, et Opermine venait d'en faire les frais ; il s'en remit bien vite ; de toute manière il n'aurait pas su quelle direction prendre une fois le gouvernail de son vaisseau en main.

Seul.

Seul. La plénitude l'envahissait. L'absence totale de bruits parasites lui permettait de philosopher tant qu'il le voulait tout en posant son regard vers la foule d'étoiles qu'il voyait briller dans son ciel en perpétuel changement. Il se nourrissait de leur lumière, quoiqu'il ne ressentait depuis son départ pas le besoin de se ressourcer.

Les années passèrent. Son esprit s'affina, de même que ses jugements et sa culture scientifique. Le peu de rapports qu'il avait eu avec ses compères Golgopathe lui permirent d'établir des théories à propos du Besoin, du Désir, de ce qu'est un Sujet, de la Responsabilité et de tous les autres sujets philosophiques sur lequel il posa sa pensée. Une question cependant occupait son esprit : « Ai-je été juste avec eux ? » Vaste questionnement, dont découlait directement la notion de justice sur laquelle il débattit avec lui-même pendant de longues années. Je ne sais pas trop sur quelles autres questions il posa sa pensée, ni même s'il ne finit pas par se lasser du temps qu'il passa seul, mais toujours est-il qu'au début du moins, il était heureux de pouvoir enfin voyager.

Mais un jour, son regard s'illumina.

Il y a beaucoup de vide dans l'univers, d'autant plus que ce dernier connaît une expansion continue ; aussi la planète rocheuse d'Opermine se promena-t-elle le long d'un chemin froid, constamment noir et… vide. Rien, pas une comète, une planète, un trou noir, rien, vraiment rien ; sauf qu'un jour une lumière dans son ciel devint plus intense que les autres et, manifestement, il se dirigeait vers elle.

Il lui fallut quelques années pour s'en assurer, mais sa capacité d'observation et son esprit de scientifique n'ayant plus rien à prouver, il se douta qu'il approchait d'un nouveau système solaire. L'information mûrissait dans sa tête et il se demandait si les changements que cette nouvelle allaient apporter dans son quotidien seraient néfastes ou non. Il lui fallait attendre ; il en profita donc pour chercher quelles différences il y avait à voyager dans un système Solaire par rapport au vide qu'il connaissait jusqu'alors.

En réalité, il arrivait bientôt à destination ; son cheminement allait prendre fin et de la même manière qu'il avait senti l'approche de l'astéroide qui précipita son départ en voyage, il avait l'intuition qu'un nouvel événement au moins aussi dévastateur allait marquer un tournant définitif dans sa vie.

Opermine et la planète eurent à traverser le nouveau système solaire. Ils passèrent ensemble près d'immenses planètes gazeuses, eurent à traverser des champs d'astéroide – ce changement de décor égaillait les moments interminables qu'Opermine passait sur son vaisseau ovale.

Seulement voilà : Opermine savait que lorsqu'on se dirige droit vers le centre d'un système solaire, on finit très souvent aspiré et détruit par l'astre qui, dans sa grandeur, n'aurait même pas conscience de la destruction. Cette idée s'insinua dans l'esprit d'Opermine, et le tourmenta quelques jours. Deux voix en lui ne cessaient de se combattre : celle de la raison qui lui criait « Essaie de faire quelque chose, n'importe quoi mais agite tes neurones pour qu'on évite de finir dans ce volcan ! » et une autre plus profonde, plus endormie et comme venue de son inconscient qui lui murmurait « Aie confiance… ». C'est cette dernière qu'il décida d'écouter, en se promettant toutefois que si la situation devenait critique – par exemple qu'il ne lui reste plus que quelques jours avant de dépérir à cause de la trop forte chaleur du Soleil – alors il songerait à faire bouger les choses.

Ce qui n'a aucun sens car, tout intelligent qu'il soit, comme nous le savons déjà, il est totalement impuissant et subit sa condition – des résolutions de dernières minutes n'y changeraient rien. Il attendait donc en se rongeant les ongles, ce qui se produit si rarement qu'il est aisé de comprendre que l'anxiété avait commencé à gagner le philosophe exercé qu'il était.

Le temps passa ; son instinct s'était avéré fiable.

Bientôt, il pouvait apercevoir une planète rocheuse qui avait ceci de particulier qu'il lui fonçait droit dessus ; il se fit la réflexion en s'en approchant qu'elle « était toute bleue, comme si une substance particulière l'enveloppait toute entière. ». Une planète bleue – ou plutôt la planète bleue, puisque c'était la première fois qu'il en voyait une de cette couleur si inhabituelle.

Il prit le temps de réfléchir aux conditions qui auraient pu mener une planète à revêtir une teinte de bleu profond, de bleu respirant l'intelligence et la singularité, à la fois infiniment calme et reposant. Savoir quelles ont été ses conclusions n'est pas important ; aussi le seul élément important qu'il est nécessaire d'ajouter est le temps exact qu'à duré son voyage : cinq millions cent trente quatre mille deux cent quatre-vingt huit années terrestres ; et pas une seule ride sur le visage de pierre d'Opermine.

Le grand caillou s'approcha de sa destination, dont la taille pouvait désormais être évaluée : elle était immense et incontestablement plus grande que le modeste astéroïde sur lequel Opermine avait élu domicile. Un sentiment qu'il étudiait depuis longtemps mais n'avait jamais éprouvé s'imposa en Opermine : la peur. C'est une chose de frapper un autre rocher dérivant dans l'espace, c'en est une autre de s'écraser sur une planète gigantesque.

La terreur s'insinuait en lui mais le doute était présent, lui aussi, et avait, au bras de son collègue, pris ses quartiers dans l'esprit d'Opermine qui tentait tant bien que mal de faire le ménage dans ses sentiments. Ceci dit, il ne doutait pas pour les raisons que vous pourriez de prime abord considérer. Il avait peur de mourir, certes ; mais il doutait surtout de son avenir sur une planète aussi hostile. En effet, au vu de la force qui l'avait parcouru peu après la collision avec un corps céleste relativement petit et ayant une vitesse ridicule en comparaison de celle de la géante bleue, il se demandait quelle serait l'intensité de l'énergie qu'il risquait d'engranger instantanément – et quelles seraient les conséquences d'une telle absorption sur son corps.

Il doutait d'autant plus que les rayons du Soleil le percutaient avec force sans arrêt ; il se sentait de plus en plus lucide, intelligent et parcouru de frissons.

Quelques jours passèrent et la collision eut lieu, apportant son lot de répercutions inattendues, aussi devriez-vous ouvrir votre esprit encore un peu plus pour être sûr de saisir les implications de la suite du voyage d'Opermine.

* * *
Les deux objets célestes ne se percutèrent pas immédiatement. Tout d'abord, Opermine et son astéroïde pénétrèrent dans le manteau de la planète, l'atmosphère ; Opermine fut alors surpris de voir que son habitat mouvant volait en éclats à mesure qu'il s'approchait du sol de la planète bleue – il eut tout juste le temps de distinguer des landes de terre sur cette planète autrement parcourue d'immenses étendues bleutées.

Alors que des éclats de roche s'envolaient dans le ciel, le corps d'Opermine se réchauffa violemment. Il tenta de se réfugier dans le centre de son habitat rocailleux et y parvint sans aucun souci, glissant à travers la matière minérale sans rencontrer de résistante. Lorsqu'il fut confortablement assis dans le cœur de l'astéroïde, il attendit le choc ; comme un nouveau-né prêt à sortir de son œuf.

Aucun mot ne saurait être assez fort pour décrire l'onde de choc qui parcourut la planète quand l'impact eut lieu. Tout ce qui vivait ici avait été tué et réduit en poussières tellement la frappe avait été assourdissante.

Opermine, quant à lui, était sur le point de perdre connaissance. Le contre-coup l'avait projeté dans les airs, lui avait fait quitter sa cavité douillette. La destruction de sa planète rocheuse provoquait en lui d'affreuses douleurs ; comme si on l'avait amputé d'une partie vitale de son corps.

Paradoxalement, l'afflux d'énergie qu'il redoutait s'était en effet produit, et il sentait que cela provoquait en lui des changements notables. Lui qui, à l'instant, se sentait au plus mal était tout puissant. Ses batteries avaient été rechargées à mesure qu'il voguait dans l'espace sous les rayons continus du Soleil, et à ce moment elles avaient comme dépassé leur capacité maximale de stockage.

Opermine devait soit périr ou s'adapter, et évoluer.

Il choisit naturellement la seconde option – quoique ce fut un choix inconscient. Il évolua. Lui, qui avait tant réfléchi, qui avait tant philosophé et étudié les mouvements célestes, lui qui était réellement attiré par les étoiles et qui, malgré lui, souhaitait s’extirper de sa condition de simple Opermine sujet aux moqueries pour devenir un être sage et puissant, voyait son corps grandir en une grande et élégante silhouette capable d'emmagasiner en elle toute l'énergie imaginable.

Opermine… « Mais puis-je encore m'appeler Opermine si mon apparence a à ce point changé ? Je ne suis plus l'être chétif de naguère, je suis désormais sage et fort. » Encore une fois, ses paroles n'étaient pas présomptueuses mais vraies ; alors même qu'un cataclysme venait de se produire à ses pieds et que la collision des deux corps célestes avait anéanti une partie de la vie sur la planète bleue, le nouvel Opermine était radieux. Cependant, les noms ont un sens bien particulier et il convenait qu'il en change – un peu à la manière des Golgopathe devenus Deoxys.

Il baissa ses yeux et regarda le monde sous lui, dévasté – il volait d'ailleurs, ce qui lui semblait bien naturel. Il remarqua que l'onde de choc avait taillé dans la pierre d'une falaise non loin une sorte d'arc et un cercle…

« Un arc et un cercle. » Il aimait la sonorité, quoiqu'il savait qu'il pouvait trouver mieux. « Un Arc-et-un-s ». Non, non, ce n'était pas cela qu'il voulait. Oh ! Il a trouvé son nom.

Lui qui avait maintenant quitté son œuf de pierre, déploya sa force pour refaçonner ce monde qu'il avait en partie détruit, et souriait en pensant à son nouveau nom. Il serait désormais…

« Arceus ».