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Recueil « Dans le rêve d'un autre » de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 07/01/2017 à 12:38
» Dernière mise à jour le 07/01/2017 à 13:02

» Mots-clés :   One-shot

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Méprise (MacFabriste)
« - Bonsoir, monsieur... »
Ça, c'est ma voix toute tremblotante quand j'entrai dans le bureau du maître de la Ligue. Hormis, le fait que, d'après ce que j'avais compris, monsieur Pierre Rochard s'apprêtait à me remettre officiellement le diplôme faisant de moi un champion d'Arène... la raison de mon tracas était tout autre.
« - Bonsoir, Joris.
- Oui oui, comme vous dites. Euh, dites-moi... Excusez-moi vraiment de vous déranger mais il semblerait que...
- En effet, il semblerait que je vais te remettre cette récompense. D'ici demain, tu seras le nouveau champion de l'Arène de Clémenti-Ville.
- Ah, donc c'est bien ça. Mais vous... J'aurais dû vous le dire plus tôt, je suis vraiment navré.
- Que racontes-tu, enfin ? »
Au moment où l'on se rend compte qu'on a suivi la mauvaise voie tout du long, sans même le remarquer sur le moment, c'est très délicat de l'annoncer. Surtout quand c'est à la personne la plus importante et influente de la région, en personne. Mais en l’occurrence, c'était quand même assez important, parce que c'était de mon avenir dont il était question. Pour l'instant, il est probable que vous ne compreniez absolument rien. Je vais vous expliquer en détail.
Dans la région de Hoenn, voilà comment une vie normale se déroule : l'enfant naît, il est scolarisé à l’École des dresseurs de Mérouville de ses cinq ans jusqu'à ses dix ans, puis il part à la quête des huit badges de la région pour enchaîner sur le combat contre le Conseil 4, et enfin contre le maître de la Ligue. En moyenne, il obtient cette victoire contre le maître de la Ligue à onze ans – douze ans pour moi, car j'ai toujours eu de grosses lacunes en matière de combats. Juste après cette victoire, il part pour un voyage initiatique dans l'archipel entier jusqu'à ses dix-huit ans, le but de ce long voyage étant de découvrir les différents métiers du Pokémonde pour trouver quel sera le nôtre.
A la fin de ce voyage, comme tous les autres étudiants, j'eus un choix à faire quant à mon métier. Certains prirent la voie de l'aromathérapie, afin de cultiver des baies et de fabriquer des encens et des Pokéblocs à partir de végétaux. D'autres décidèrent de devenir entomologistes ou collectionneur, en capturant des Pokémons pour le progrès de la science. D'autres encore partirent étudier les montagnes et vieux édifice en tentant leur chance en tant que montagnard ou en tant que Ruinemaniac. Certains prirent même la décision d'expérimenter différents moyens de s'attirer l'affection d'un Pokémon en devenant Pokémon ranger. Les autres, enfin, s'exilèrent pour étudier en détail les espèces de leur type préféré, en tant que sœur parasol, Mystimaniac ou dracologue. Et puis, il y avait aussi les dizaines de milliers de types qui voulaient tenter leur chance en passant le périlleux examen de champion d'Arène. Dont lui.
Moi, je faisais partie des neuf ou dix qui voulaient passer l'épreuve pour devenir éleveurs. J'ai toujours adoré chouchouter mes Pokémons, leur donner à manger et les guérir quand j'ai du mal à supporter de les voir souffrir. J'aime beaucoup mes petits monstres. Un peu trop, vous auraient sûrement dit ces millions d'étudiants qui préfèrent envoyer leurs Pokémons se faire rétamer ou faire des expériences bizarres sur eux plutôt que de simplement en prendre soin, comme moi. Lors de mon voyage initiatique, j'ai croisé beaucoup de garçons, qui m'ont absolument tous sorti la même phrase : « C'est un boulot de femme, ça. »
Un boulot de femme, quelle affirmation stupide. En y repensant, j'avais tellement envie de frapper quelqu'un que je tremblais ; jusqu'à ce que l'on me présente l'ensemble de mes compagnons, qui s'avéraient toutes être des filles. Les clichés ne représentent en rien la vérité, mais il semblerait qu'ils aient une influence sur cette dernière...
Joris Lurban est mon nom. Et c'était aussi le sien, à cet enfoiré.
La chance m'avait souri au point qu'un mec possédant exactement le même nom que moi à la lettre près avait postulé pour être champion d'Arène. Et ces incompétents de l'administration Hoennienne, naturellement, se sont arrangés pour confondre les deux candidatures : après tout, un nom, c'est la seule chose d'important chez une personne, n'est-ce pas ?
Le pauvre Joris Lurban numéro deux a donc été envoyé chez ces pieds-tendre d'éleveurs, bien loin de ses combats sanglants et de sa stratégie inutile. Il doit bien s'ennuyer, là-bas, à caresser les Wattouat et à soigner les Nirondelle. Quant à moi, on m'a donné rendez-vous dans ce maudit bâtiment géant dans lequel les écrits du diplôme de champion d'Arène avaient lieu.
« - Ce que je raconte ? Euh, à vous dire la vérité, je n'ai pas grande chose à faire ici, c'est...
- Tu ne vas pas revenir sur ta décision maintenant, quand même, si ?
- Alors en fait, comment vous dire qu'il n'y a jamais vraiment eu de décision à proprement parler... ?
- Pardon ? »
Avec du recul, le pire, je crois bien, ce ne sont pas ces assistés de l'administration qui paniquent quand un nom revient deux fois. Non, le pire, c'est moi ; moi qui, comme l’éternel naïf que je suis, n'a rien remarqué du tout de l'erreur qui avait été produite quant à l'endroit où je me trouvais – ou plutôt qui, comme l'éternel naïf que je suis, n'a rien voulu entendre de la petite voix de la raison à l'intérieur de ma tête qui me disait de m'enfuir au plus vite. J'avais pourtant des tonnes d'indice à ma portée, bon Arceus... Déjà, il y avait plusieurs milliers de candidats à l'entrée ; et même si ça avait été un examen inter-régional, jamais plusieurs milliers de personnes dans l'archipel entier n'auraient souhaité devenir éleveur. C'était un métier de faible, de lâche. Ensuite, il y avait des montagnes de muscle qui se battaient contre leurs Machopeur en leur hurlant de frapper plus fort : ça, ça aurait totalement dû me mettre la puce à l'oreille. Enfin, je n'avais retrouvé aucune des huit filles qui étaient supposées m'accompagner lors de cette formation.
Mais quand l'on s'est installé dans la salle, le surveillant nous a annoncé qu'il y avait deux sujets différents, puis il s'est levé pour nous distribuer les énoncés. Je suis tombé sur une dissertation sur « le meilleur moyen de soigner un Pokémon ». Autant vous dire que mon cerveau, optimiste à en vomir, décida de s'arrêter sur ce petit détail et de me persuader que j'étais arrivé à bon port.
Me voilà.
« - Monsieur, j'ai... été l'objet d'une erreur administrative. Je devais normalement partir pour l'examen d'éleveur. Par chance, j'ai gagné l'épreuve, parce que je suis tombé sur un sujet que je maîtrisais, mais...
- Tu es ici par erreur ?
- Oui.
- …
- C'est irréversible, n'est-ce pas ?
- Je ne pense pas que je puisse y faire quoi que ce soit.
- Ha ha ha, je comprends. »
Ha ha ha ha ha... Je suis un bon-à-rien... Je suis un raté, un minable total... Ha ha ha... Va mourir, Joris... Va bien mourir...
J'ai été embarqué dans l'utopie de quelqu'un d'autre, et lui a été embarqué dans la mienne. Je suis comme une rose parmi les orties.
Je suis dans le rêve d'un autre.