Mauvais présage
Le soleil commençait lentement son coucher, à l'horizon, éclairant d'une lueur orangée le Flamboyant. Le croiseur entamait sa course vers la haute mer, passant à côté des fausses fortifications. Miguel, regardant de plus près ces leurres, ne pu s'empêcher de serrer le poing. Pendant cinquante ans, presque personne n'avait osé quitté le port de Poivressel, toute communication marchande avait été coupé, tout ça à cause de leurres vides et inoffensifs... Tant de pauvres gens avaient soufferts de la famine, et le développement du pays s'était arrêté faute de pouvoir importer le moindre bien...
Il aurait bien aimé voir le Pierre Bart tourner ses tourelles vers ces faux qui se détachaient fièrement des îlots, moquant Hoenn et sa flotte... Il aurait bien aimé voir ces traces de l'ignoble Empire Kantoen disparaître au fond de l'océan. Même en voyant ces leurres disparaître au loin, tandis que la flottille commençait son périple loin d'Hoenn, il ne pus oublier sa rage. Mais il était temps de retourner au poste. Maintenant, les rayons du soleil n'éclairaient le navire qu'à grand peine, et l'obscurité commençait à s'installer. Il retourna à l'intérieur du navire, slalomant, comme à son habitude, entre les marins et les murs qui s'interposaient sur le chemin menant à la base de sa section. Les coursives étaient éclairées d'une maigre lueur, grâce à quelques pauvres ampoules disposées ici et là. Pas de néon, rien de fixé dans le dur ; Il avait du mal à se croire dans un véritable navire de guerre qui se veut moderne.
En entrant par la porte d'acier, mal graissée et produisant un grincement strident et désagréable, Miguel pu apercevoir que les trois autres membres de la section étaient déjà là. Jack observait la radio et son fonctionnement, sans toutefois oser commencer la communication sur un des canaux disponibles. Louis lisait, comme à son habitude, le même libre, vieux et abîmé, semblant être un roman sur une lointaine époque chevaleresque. Elaïa, quand à elle, déménageait un matelas et une des maigres couvertures dans la salle principale. Miguel ne se demanda pas pourquoi – Il était évident qu'une demoiselle ne dormirait pas dans un dortoir d'hommes- mais il fut, en revanche, intrigué par l'Hélédelle, perché sur l'épaule de sa maîtresse.
« Tu ne le rentre pas dans une Pokéball ?
Après un regard intrigué, Elaïa répondit
- Il n'en a pas.
- Attends, tu me dis que ton Pokémon n'a pas de Pokéball ?
- Non. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'en avoir une.
- Tu te moques de moi ? C'est évident qu'il faut en avoir une, enfin !
- Non. Mettre un Pokémon en ball, en bouteille, ou quoi que ce soit, c'est affaiblir considérablement tout lien que tu pourras établir avec dans le fut...
- Bien, bien, j'ai compris... Tu me diras, c'est sûr que c'est plus difficile de l'envoyer au combat dans Pokéball, tu ne pourras pas le récupérer si il prends peu...
Miguel fut violemment interrompu par une gifle qu'il ne vit même pas venir, et qui le fit vaciller, presque s'effondrer sur le sol
- Hé ! Mais ça ne vas pas, de me frapper ? Comment ose-tu faire ça à un camarade ?
- Je te renvoie la question. Comment ose-tu insinuer que Mustang serait un traître, ou un bon à rien ? »
Miguel allait répondre, mais en relevant la tête après avoir pris le coup, il vit qu'Elaïa fermait ses yeux pour cacher des larmes, et que l'Hélédelle sur son épaule déployait ses ailes afin de l'impressionner. Il semblait empli de colère pour ce que l'imprudent cadet avait fait à sa « maîtresse ». Au fond de lui, Miguel était admiratif devant une relation aussi forte entre un humain et son Pokémon. Il aimait ses Braisillon, et ils l'aimaient en retour... Mais ce n'était rien comparé à ça.
Pendant de longues secondes, puis minutes, le silence se fit, et tout sembla comme figé. Les regards de Louis et Jack étaient tournés vers Miguel et Elaïa, tandis que cette dernière semblait baisser la tête, de honte. Miguel était pris de stupeur, ne faisant pas le moindre mouvement. L'Hélédelle gardait ses grandes ailes déployées face à l'impudent.
Finalement, les premiers mots sortirent de la bouche de la cadette.
« Je suis... désolée...
Elle cachait son visage par ses cheveux, mais cela trahissait l'extrême rougeur de ses joues. Elle continua, d'une voix tremblotante;
Ton Braisillon... se portait très bien... »
-----------------------------
Le lendemain matin, Miguel fut réveillé par le bruit de la relève. Le navire avait deux équipages actifs, qui se relevaient à six heures du matin et dix-huit heures. Ce n'était pas le cas de leur section, étant donné son rôle expérimental, mais pour quelqu'un d'attentif comme lui, cette relève permettait de se réveiller le matin.
Jack et Louis dormaient à poings fermés, fatigués par leur première journée à bord. En ouvrant, le plus discrètement possible, la porte de la salle principale, il vit, sans grande surprise, qu'Elaïa dormait aussi. Toutefois, Mustang, lui, était déjà réveillé, montant le garde posé sur la couverture. Sans prêter un regard de plus à la scène, Miguel passa la deuxième porte et rejoignit les coursives. Sans surprises, elles étaient remplies, à « ras bord », tellement ils semblaient pleins d'une véritable soupe humaine. Fort heureusement, l'entrée des locaux du Groupe de Reconnaissance Pokémon était situé au bout d'une coursive, et Miguel pu attendre quelques minutes, que la marée des cadets se calme. Enfin, il pu monter jusqu'au pont, dans les coursives maintenant désertes, tout le monde étant à son poste ou au repos. Au bout de quelques minutes, il était accolé à la rambarde, regardant à l'horizon. C'est alors, que, soudainement, il aperçut une forme à l'horizon. Elle n'était pas très claire, mais on pouvait voir que, de cette forme relativement plate, s'élevait une sorte de montagne au milieu, dont les flancs étaient couverts d'une couche verte qui était sans doute faite de sapins. Miguel savait bien, ce qu'était cette île.
Oki Rima. C'était bien elle, au loin. Exactement comme ses parents l'avaient décrite à Miguel.
Le jeune homme courra immédiatement jusqu'à l'échelle qui menait au poste de commandement du navire. Il fallait qu'il demande à l'amiral Juhel d'effectuer un vol de reconnaissance au-dessus de l'île et dans les environs. Officiellement, car il risquait d'y avoir des navires Kantoen traînant des les parages. Mais en secret, c'était plus pour revoir sa terre d'origine, sa terre promise, que Miguel voulait voler au-dessus d'Oki Rima. Même si il n'avait pas pris de cours, il se sentait tout d'un coup capable de piloter l'hydravion, il se sentait pousser des aîles.
Jacques Juhel semblait fatigué, mais, comme la vieille, il accueilli Miguel avec son habituelle bienveillance.
« Monsieur, avez vous vu Oki Rima, au loin ?
- Comment pourrais-je ne pas la voir, jeune homme ?
- J'aimerais effectuer un vol de reconnaissance au-dessus de l'île et ses alentours. Il me semble très probable que des navires ennemis mouillent dans les environs.
- Je suis on ne peut plus d'accord, cependant il faut que l'opération soit accepté par l'Amiral Esteva. Veuillez restez-là une minute, je le contacte par radio...
Miguel se préparait à sortir du poste de commandement pour quelques secondes, mais Juhel lui fit signe de rester ici, avant que le communication ne
commence.
- Grand Amiral, le cadet Miguel m'a suggéré que son groupe pourrait effectuer un vol au-dessus d'Oki Rima et ses alentours...
- Juhel, est-ce que Miguel est avec vous ?
Semblant, au départ, surpris, Juhel répondit, en bégayant à moitié :
- Oui, Grand Amiral.
- Bien. Jeune homme, bien que je puisse comprendre votre envie d'action... Vous vous surestimez. Bien trop. Votre arrogance n'est pas ce que l'on demande, où même que l'on peut supporter, dans la Marine. Si nous avions voulu un vol de reconnaissance, nous vous l'aurions demandé. Retournez dont à votre place, cadet Miguel !
Marquant une courte pause, Esteva repris, son ton laissant deviner qu'il était passablement irrité.
Comment pouvez-vous ne serait-ce qu'imaginer qu'un pauvre novice comme vous ait plus de connaissances et de jugement que monsieur Juhel où moi-même ? Vous n'avez aucun pouvoir de décision ici, jeune impudent. Retournez immédiatement à vos quartiers, et n'allez plus faire perdre du temps à votre Amiral ou à moi-même. »
Sans prendre le temps de répondre, Miguel fila, rempli de honte et de colère. Il ne lâcha même pas un regard à Juhel, qui, lui, le fixait d'un air désolé. Ce vieil incompétent d'Esteva le renvoyait dans ses quartiers comme un gosse dans sa chambre ! Et pourtant, il était sûr de s'y connaître plus que lui. En quarante ans de services dans la Marine, il n'avait jamais écrit le moindre livre, ni même laissé une trace, avec une pauvre tactique ou stratégie ! Il ne connaissait sûrement rien à son métier.
En rentrant dans le quartier général de la section, Miguel pu voir que l'ensemble de la petite équipé s'était réveillé depuis qu'il était monté. Jack et Louis étaient réunis autour de la radio, le premier expliquant son fonctionnement au second. C'était, de ce que Miguel entendait, pour pouvoir appeler la section du Pierre Bart, et donc Grace, plus tard dans la journée. Dix sept-heures, disait Louis, car c'est à cette heure-là qu'ils s'étaient fiancés.
Loin de ces préparatifs « romantiques », Elaïa brossait le plumage de son Hélédelle, d'une main de maître. Elle semblait s'y connaître à la perfection, chaque mouvement étant calculé, millimétré, parfaitement bien timé et exécuté. Il aurait pu la regarder faire pendant des heures, si il n'était pas pris de fatigue, une heure à peine après s'être réveillé. Toute son énergie était passée dans sa rage, de s'être vu refusé un pauvre vol de reconnaissance. Il retourna dans sa couchette, s'y allongea, et sombra dans les bras de Morphée en quelques minutes à peines.
-------------
Il ne s'en extirpa que quelques heures plus tard, sorti de son sommeil par le ballottement de son corps. C'était Jack, qui faisait tout pour le réveiller. Miguel nota immédiatement qu'une alarme sonnait à pleine force dans le navire. Sur une couchette en face de lui, Louis était recroquevillé, ayant trop peur pour bouger. Jack lui parla immédiatement, semblant lui-même paniqué par la situation.
« Il... Il se passe quelque chose en haut... Elaïa est déjà allée voir... »
Ni une ni deux, Miguel se leva immédiatement et fonça à travers les coursives. Peut importe ce qu'il se passait, il fallait qu'il aille voir. Semblant battre tout ses records de vitesse à travers les étroites coursives du navire, où des jeunes marins paniqués courraient dans tout les sens, il atteignit la surface en cinq minute à peine, et ouvrit de toute sa force la porte qui menait vers le pont...