Le pied de guerre
Le lendemain, académie de Tactique Navale de Poivressel
Dans sa chambre, au 4° et dernier étage, le cadet Miguel se lève. Il jette un rapide coup d'oeil à la pendule, fixée au-dessus de sa carte adorée, en parallèle à son lit. Sept heures, le soleil commence tout juste à passer par la petite lucarne. Encore un heure et demie, et il vaudra se présenter dans la cour, pour le grand embarquement.
Le pas lourd, Miguel enfile l'uniforme blanc des cadets, la casquette à la visière bleu marine et les chaussures noires. Il accroche les boutons dorés de sa veste, puis enlève sa carte d'Oki Rima. Il la plie, avec la délicatesse d'une geisha servant un thé, et la range dans sa maigre sacoche. Viennent bientôt la suivre tout ses livres doctrinaux ; toujours celui de l'amiral Georges Bertram le plus haut, qu'il ne soit pas abîmé. Enfin, il referme sa sacoche, sans oublier de prêter un regard aux six Pokéballs accueillant ses Braisillon. Ah, ce que l'on risque de rire de lui, presque tout le monde pensant que les Pokémons ne valent rien dans la Guerre Navale... Des Pokémons feu, en plus ! Mais Miguel n'était pas de cet avis. Après avoir lâché un sage sourire à la vue des Pokéballs où ses camarades se reposaient, Miguel sortit de sa chambre, et, d'un pas calme et serein, s'orienta vers l'escalier. Le jeune homme, lunatique, n'apporta pas la moindre attention à ce qui se déroulait à chaque étage qu'ils descendait, à la foule de ses camarades cadets s'agitant, soit par stress, soit à cause de la terrible peur de l'oubli.
Enfin, Miguel atteint le réfectoire. C'était peut-être la dernière fois qu'il voyait cette endroit, tout comme sa chambre, et cette académie, se rappela-t-il soudain... Mais cette « révélation » ne perturba que quelques secondes ses actions. Sa sacoche à l'épaule, il se mit dans la queue, encore bien courte à cette heure matinale -La grande pendule du réfectoire annonçait sept heures trente-. Une fois son tour arrivé, il posa un croissant et un verre de jus d'orange sur son plateau, rien de plus. Il n'avait pas faim -Ni l'envie de manger en une heure pareille-.
Après s'être posé à la première table venue, il commença à manger son croissant, lentement, afin d'en déguster la moindre bouchée. Pourquoi dont se presser...
Alors qu'il commençait son petit-déjeuner, Miguel fut rapidement rejoint par la cadette brune de la veille.
« Grace... Merci encore pour hier, je te suis à jamais redevable.
-Allons, calme toi... Jack a fait bien plus que moi. Dit-moi, tu as emporté tes Braisillon ?
-Bien sûr. Cela fait des mois que je m'entraîne avec eux, je ne pouvais pas les laisser ici. Et toi, tu as pris ta fine épique ?
-Oui. Je te l'ai déjà dit : Je crois à l'usage de Pokémons dans la guerre navale moderne. Et je ne pouvais pas les laisser ici. Qui sait ce qu'on en aurait fait... »
Un rougissement embarrassé vient colorer les joues de Grace, alors qu'elle détourna son regard, caché par ses grandes lunettes opaques, vers son plateau, où se tenait un petit-déjeuner encore plus frugal que celui de Miguel ; une pomme, et un verre d'eau, rien de plus.
Miguel, après avoir terminé son croissant, se leva, et après un amical salut à sa camarade, sorti un peu, dans le « parc » de l'académie. Plus une plaine en broussailles, interrompue dans sa régularité par l'étang où deux de ses Braisillon avaient failli se noyer. Le petit sourire sur ses lèvres d'efface rapidement, tandis qu'il jetait, pour une dernière fois, un regard à cet endroit où, depuis un an, il avait tenté de mettre au point ses tactiques. Son sourire reviens, alors qu'il s'en retourne dans l'académie, passant le seuil juste pour entendre sonner la cloche de l'église, juste à côté de l'académie, côté ville. Il est dont huit heures.Traversant le hall d'entrée à l'envers, Miguel sortit par la grande porte, pour se retrouver dans une des plus grandes rues de Poivressel, une de celles qui ne suintaient pas la misère. L'académie étant construire en haut d'une falaise, il pouvait voir la flotte, au mouillage. Soudain, son regard, d'habitude calme et presque inexpressif, s'habilla d'une expression de stupeur aussi forte que sincère.
Dans la rade, où ne se tenait habituellement que de petits contre-torpilleurs ou patrouilleurs, deux croiseurs étaient apparus. L'un, haut et disposant de trois tourelles triples à l'avant, était manifestement un croiseur lourd, un bateau qui pourrait enfin disputer la maîtrise des côtés à Kanto. Sa majesté résidait dans cette impression de puissance qu'il inspirait, qui mettrait dans le cœur des commandants de flottille Kantoennes peur et angoisse. Mais malgré toute la force qu'il dégageait, le croiseur lourd n'était pas le principal centre de l'attention de Miguel. De l'autre côté du port, se tenait un autre croiseur, plus léger et effilé, semblant presque tracé pour la course tant sa coque était fine. Derrière ses superstructures, bien plus simples que sur le navire plus lourd, une catapulte se tenait, ainsi qu'un hydravion. Un hydravion ! C'était la première fois que Miguel voyait un appareil volant de sa vie, et en plus, c'était un avion de marine.
Miguel, ne prêtant plus attention à ce qui l'entoure, se mit à foncer vers le port, dans les rues à moitié désertes de la villes. Fontaines et parcs du côté riche ou ruines et misère du côté pauvre, tout ce qui captait d'ordinaire l'attention du cadet ne lui faisait maintenant ni chaud ni froid. Il voulait juste s'approcher du quai, voir le navire de ses propres yeux, avant que la foule des cadets n'arrive pour embarquer. Après quelques minutes à peine à courir à travers les rues mortes, Miguel atteignit le quai.
Quel navire magnifique. Sur son flanc, était peint dans les classiques teints blancs de la Marine, le nom du navire. Le Flamboyant. Et ce nom collait exactement à l'image qu'il renvoyait à Miguel. L'avant du navire disposait de deux tourelles triples, l'une, surélevée, montée derrière l'autre. Le poste de commandement et les superstructures dépassant du pont étaient gardées au minimum, afin de diminuer la silhouette du navire, ce qui diminuait les chances d'être touché ou même aperçu. Sur le mat symbolique, qui dépassait à l'arrière du navire, en plus des nombreux pavillons marins classiques, se tenait le grand étendard de la marine Hoennite : Une grande bande bleu ciel en haut, une minuscule séparation rose au milieu, et une grande bande bleu Marine en bas. Les couleurs de Luminéon, transposées sur un oriflamme.
Miguel resta, un bon moment, bouche bée devant le magnifique bâtiment, au point qu'il faillit faire tomber sa sacoche dans le port, grouillant de Barpeau. Puis, sans faire le moindre bruit, il s'assit sur le quai, et admira le navire, sans prêter la moindre attention aux passants, humains comme Pokémons. En réalité, il était pris dans un rêve. Un rêve magnifique.
La veille, au soir, on avait donné à tout les cadets un papier avec le nom du navire sur lequel ils serviraient, sans aucune indication de sa classe. Sur celui de Miguel, le nom « Flamboyant » était inscrit.
Miguel ne se réveilla des douces rêveries que quand la foule des cadets commença à arriver en nombre, se massant sur le quai et obstruant la voie. Mais malgré le bruit ambiant de cette foule, Miguel restait à moitié plongée dans ses rêveries, n'étant assez réveillé que pour noter que les autres cadets étaient aussi étonnés que lui de voir ces deux nouveaux navires, flambants neufs ; bien que la majorité semblent préférer le croiseur lourd, le Pierre Bart.
Soudain, Miguel fut sorti de sa torpeur par une puissante tape sur son épaule. Se retournant, il vit Jack, celui qui avait sauvé un de ces Braisillon la veille, un grand sourire aux lèvres. Grace se tenait à ses côtés, elle aussi souriante, ce qui compensait le manque d'expression de son regard, faute à ses lunettes opaques. Tout d'un coup, Miguel se rappela le papier qu'il avait reçu.
« Jack, Grace, sur quels navires êtes-vous affectés ? Questionna-t-il, un sourire montrant ses espoirs aux lèvres.
-Je suis sur le Flamboyant, informa Jack.
-On m'a affectée au Pierre Bart, poursuivi Grace.
-Eh bien, Jack, je serais ton camarade de bord ! Poursuit Miguel, soudain enjoué de partager le navire avec un jeune homme dont il était si redevable. «
Jack esquissa un sourire en se grattant le dos, tandis que Grace en montra un qui camouflait mal sa déception. Le petit groupe fut interrompu dans ses réjouissances et déceptions par une voix parlant dans un haut-parleur, perçant le son de la foule des cadets discutant des navires.
Dans le port, François Esteva, Grand Amiral de la Flotte, se tenait sur une vedette, tout en criant dans le haut-parleur.
« Messieurs, Mesdemoiselles, l'heure est enfin venue ! Dans quelques minutes, vous embarquerez sur les navires de la flotte. Si nombre d'entre vous iront sur les contre-torpilleurs et escorteurs, la majorité seront de l'équipage des deux croiseurs, le Pierre Bart et le Flamboyant. Je comprends tout à fait votre incompréhension vis à vis de « l'apparition » de ces navires, bien que je ne puisse vous en dire plus à ce sujet, Je ne pourrais vous dire qu'une chose : Ces deux navires n'ont été commissionnés qu'hier. Ainsi, ils embarquent toute la technologie moderne dont vous pourrez avoir besoin !
Il marque une pause dans ses paroles, et bu un verre d'eau posé à côté du pupitre, installé à l'arrière de la vedette, avant de reprendre.
Cadets, Cadettes, vous êtes ceux qui ranimeront le flambeau de notre glorieuse Marine. Ainsi, nous avons pensé que, pour vous, qui apportez l'innovation, il faudrait des navires pouvant l'accueillir et l'expérimenter, cette innovation. Nous avons fait de notre mieux pour rendre nos navires modulaires, afin que l'on puisse déposer ou enlever n'importe quel système. Votre mission n'est pas seulement de combattre la Marine Impériale ; elle est aussi d'expérimenter des équipements et tactiques qui, qui sait, pourraient se retrouver sur l'ensemble de nos navires dans quelques temps.
Enfin, chers anciens élèves, et nouveaux marins, je ne vais vous faire attendre plus longtemps. Dernière précision : Si vous embarquez sur le Pierre Bart, il s'agit du navire sur lequel j'ai posé ma marque, et c'est sous mon commandement direct que vous servirez. Si vous embarquez sur le Flamboyant, c'est sous celui de l'amiral Jacques Juhel que vous servirez. Maintenant, Marins, à vos postes ! »
Dès la fin du discours d'Esteva, les passerelles se déplièrent et touchèrent le quai ; et, en rang et dans l'ordre, les nouveaux marins, soudainement calmes, gagnèrent le bord.
Une fois que tout le monde fut embarqué, et les passerelles relevées, l'Amiral Juhel réunit tout l'équipage sur le pont. Commença alors une rapide énumération des membres d'équipages chargés des machines, gouvernails et postes de navigation. Dans une heure, les navires quitteraient le port pour le grand large, afin d'éviter toute attaque à quai. Pendant ce temps, l'amiral recevrait les membres d'équipages destinés à prendre la direction des diverses sections de combat du navire. Juhel appela les deux premiers marins qui devaient le rejoindre dans le poste de commandement.
« Jack Tach et Miguel Galiano ».
Les deux intéressés montèrent à l'échelle qui conduisait à le petite plate-forme depuis laquelle l'Amiral avait fait la rapide mise au point. Une fois montés, le bureau se trouvait juste derrière une porte. C'était une belle pièce, qui montrait le bon goût de Juhel. Sur les murs, des étagères étaient remplis de livres parlant de tactique comme de stratégie navale. On pouvait aussi y voir le Guide des pavillons navals ou l'encyclopédie des nœuds marins. Devant le bureau de l'amiral, se tenaient deux fauteils, dont Miguel devina la provenance : Le salon de billard du casino de Lavandia. L'amiral, assis sur un fauteuil du même genre, invita Miguel et Jack à se poser sur le coussin de velours rouge.
« Miguel, sachez que, depuis votre entrée à l'académie, j'ai suivi avec la plus grande attention vos travaux sur l'usage des Pokémons dans la guerre navale. »
L'intéressé écarquilla les yeux, de stupeur. L'amiral Jacques Juhel, suivre ses expérimentations ?
« Comme l'amiral Esteva l'a dit tout à l'heure, ces navires ont un rôle en bonne partie expérimental, et étant donné votre expérience dans le domaine, j'ai décidé de vous donner le commandement d'une section d'Attaque et Reconnaissance maritime via Pokémon. »
La stupeur dans les yeux de Miguel, mais aussi de Jack, devint encore plus proéminente.
« Monsieur, c'est un gr... grand honneur pour moi, mais... Avez-vous les moyens de ces ambitions ?
-Je peux, Miguel, comprendre que tout ceci te paraisse difficile à mener en œuvre, mais nous avons embarqué, dans une des salles des profondeurs du navire, une machine d'un centre Pokémon, permettant à la fois de soigner et de téléporter ces créatures. Une machine du même type a été embarquée à bord du Pierre Bart, et d'un torpilleur spécial, dédié à mener et coordonner les opérations. C'est moi qui ait insisté pour créer un tel dispositif ; Ainsi, nous pourrons coordonner des attaques de tout côtés contre les navires ennemis. »
Le stupeur qui se lisait dans le visage de Miguel se changea en admiration. Jamais il n'aurait imaginé que la Marine, assez conservatrice, n'aurait de visionnaires comme Juhel dans ses rangs. Il posa une question hasardeuse, afin d'en savoir plus.
« Monsieur, vous avez lu les travaux de Georges Bertram, n'est-ce pas ?
Bien sûr. Bertram est un véritable modèle de tacticien et stratège naval. Il vous a aussi inspiré, n'est-ce pas ? »
Miguel rougit tout en acquiesçant. Cet amiral arrivait à deviner ses pensées, ce n'était pas possible autrement. Il proposait exactement les idées qu'il avait développé. Miguel fut rapidement interrompu dans ses pensées par l'amiral, qui reprit la parole.
« Il me semble que vous avez emporté vos Braisillon, non ?
Oui, bien sûr Amiral.
Bien... Quand à vous, Jack, j'ai également une mission de la plus haute importance à vous confier.
Oui, mon amiral ?
Vous devrez vous occuper des missions de capture de nouveaux Pokémons en pleine mer.
Je vous demande pardon, mon amiral ?
Nous ne disposons que de six Braisillon, ce n'est pas assez pour mener à bien des opérations de grande envergure. Il faudra que vous capturiez des Pokémons afin que nous augmentions nos forces, Jack. »
La capture... Jack a toujours aimé ça. Durant sa tendre enfance, il vivait à la campagne, et chassait les Saperau des cultures de ses parents, afin d'aider à sauver les maigres récoltes. De temps en temps, il partait aussi pêcher, avec une canne rafistolée, plus ou bout de bois sur lequel on a accroché de la ficelle qu'autre-chose. Et pourtant, il ramenait, chaque soir, plusieurs poissons à manger pour les jours suivants.
Cette fois, il aurait du matériel, et une raison aussi importante qu'avant pour capturer tout ce qu'il trouverait : Il en va de la survie du Flamboyant, voir de toute la flotte, et de son équipage.
« Bien, Amiral ! Je m'occuperais de constituer des stocks de Pokémons afin de combattre l'ennemi !
Excellent, Jake. Comme je vous l'ai dit, la salle dédiée aux Pokémons se situe au plus profond du navire. J'ai fait aménageun dortoir juste à côté, où vous et les matelots qui serviront sous vos ordres dormiront. Vous devriez trouverez assez facilement.
-Bien Amiral, merci pour votre aide et pour votre dévouement !
Merci soldat, rompez ! »
Miguel et Jack s'en allèrent par le chemin qu'ils avaient emprunté, descendant l'échelle. Au moment d'entrer par la porte, dans la superstructure, qui amenait aux cales, ils furent surpris par un tremblement du navire, et les bruyants moteurs se mirent en marche. Lentement, mais sûrement, le monstre métallique de plusieurs milliers de tonnes démarre, et franchit les limites du port.
La campagne a commencé.