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Legendary Bonds de Clafoutis



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» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 11/11/2015 à 20:59
» Dernière mise à jour le 11/11/2015 à 20:59

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Chapitre 29 : Nerfs d'acier
De nuit, le Mont Chimnée était comme mort. Le silence régnait, même le vent semblait craindre de souffler.
Malgré sa résolution, Sofian ne pouvait s'empêcher de rester sur ses gardes en permanence. Par mesure de précaution, le brun avait emporté Razor Blood avec lui, on ne savait jamais. Après tout, rien ne valait une arme d'Avalon afin de vaincre la menace d'Avalon.

Gravissant le titan de basalte, Sofian eut une dernière pensée pour tous ses amis. Il se sentit désolé pour eux. Avec un peu de chance, il pourrait revenir au petit matin, mais au plus profond de lui-même, il le savait ; il ne reviendrait pas. Une fois qu'il aurait pénétré la grotte de sa « vision », son destin, sa vie, tout changerait.
Demain, à leur réveil, il ne serait plus là. Sofian espérait juste qu'ils ne lui en voudraient pas. Ah, comme si c'était possible, c'était lui-même qui avait organisé ce week-end ; tout ça dans l'unique et égoïste but d'être avec ceux qui lui étaient chers avant de disparaître.

Sofian sourit légèrement. La grotte était en vue. Pas de doute, c'était celle se reflétant dans la Géogemme. Et s'il en doutait encore, ce même joyau se mit soudainement à briller d'un intense éclat sanguinaire, comme pour lui annoncer son funeste destin.

– Hé bien, soupira t-il, j'imagine que je n'ai pas le choix...

Réunissant tout le courage qu'il le pouvait, Sofian s'avança lentement dans la sombre et inquiétante caverne.
La première chose qui le choqua fut l'atmosphère. Pesante. Oppressante. Écrasante. S'il ne se sentait pas très à l'aise à l'extérieur, l'intérieur manqua de l'achever. Il avait l'impression qu'un carcan de ténèbres s'amusait à compresser son corps tant il peinait à bouger.

Sofian serra les poings. Non, rien de tout ça n'était réel. Il laissait juste la peur avoir le meilleur de lui. Ce n'était que psychologique. Cette grotte n'avait rien de maléfique, c'était juste une cavité rocheuse comme tant d'autres.

Fortifié par ces pensées, Sofian s'avança encore plus. Il se maudit de ne pas avoir emmené de lampe torche. Maintenant qu'il y pensait, il aurait du se douter qu'une caverne volcanique reculée ne serait pas munie d'éclairage. Fort heureusement, l'intense éclat sanguin de la Géogemme l'aidait à ne pas se rétamer lamentablement au moindre pas, même si Sofian aurait espéré une lumière un peu plus bienveillante. Enfin, il était le seul à blâmer pour sa négligence.

Après quelques minutes d'exploration, Sofian put se faire un plan précis de la caverne. Elle était petite et circulaire. Rien de plus. Ou presque. Sur un pan des murs rocheux, une curieuse esquisse était dessinée. Sofian ne pouvait dire exactement ce que c'était, on aurait dit quatre lames ; l'une rocailleuse, l'autre forgée d'un mortel acier, la troisième semblait faite d'eau, et la dernière végétale. Les quatre mystérieuses épées se croisaient en un même point, où trônait une petite cavité sphérique. Étrangement, cette dernière avait exactement la même taille que la Géogemme. Coïncidence ? Sofian avait vu suffisamment de films de science-fiction pour ne pas y croire une seconde.
Le brun regarda méticuleusement le joyaux inter-dimensionnel qu'il tenait. Devait-il l'insérer dans la cavité ? Bah au pire, qu'est-ce qu'il perdrait sinon son temps ?

Ce fut donc sans grande conviction qu'il encastra la Géogemme au centre des quatre lames...


***


Nelly Strike détestait le mensonge. Par conséquent, elle se détestait elle-même, qui était forcée de mentir en permanence. Mais c'était nécessaire, sinon, elle ne pourrait pas continuer à vivre la vie insouciante qu'elle menait actuellement en tant que « lycéenne ». Cependant, plus le temps passait et plus le mensonge lui était pesant. Là seule chose qui la rassurait quelque peu était qu'elle n'était pas la seule à mentir. Elle aussi cachait sa véritable identité, et Nelly ne pouvait pas la blâmer pour cela.

Pendant qu'elle était perdue dans ses pensées, un bruit presque inaudible attira son attention. Une porte claquant légèrement dans le couloir. Un son qu'aucun humain normal n'aurait du entendre normalement.
Intriguée, Nelly se leva en faisant bien attention à ne pas réveiller les autres filles qui dormaient à poing fermé. Sans aucun bruit, elle se glissa à travers l'ombre de la nuit.

– … ?

La grande brune haussa un sourcil étonné en voyant l'origine du précédent bruit. Sofian Aaken. Que faisait-il debout à cette heure-ci ? Étrange, plus qu'étrange même. Curieuse, Nelly décida de le suivre furtivement.

Plus Sofian avançait et plus Nelly était perplexe. Indubitablement, il se dirigeait vers le Mont Chimnée. Pourquoi ? Ça, elle n'en avait pas la moindre idée. Sofian n'était pas vraiment du genre à faire de la grimpette, lui qui rechignait de base à faire le moindre exercice physique... Nelly doutait aussi qu'il ne veuille capturer quelques Pokémon volcanique nocturne, vu ses compétences lamentables en combat Pokémon.

Alors, la question restait invariablement la même : que faisait-il ici ? Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, Nelly eut enfin un début de réponse. Sofian pénétra dans une grotte. Une grotte très bien cachée même, malicieusement et étroitement située entre deux falaises. Même avec son excellente vue, Nelly avait du mal à la percevoir ; que Sofian soit parvenu à la distinguer et à s'y diriger sans hésiter titillait d'autant plus la curiosité de la grande brune.

– … !

Nelly faillit lâcher un cri. Voilà qui ne lui ressemblait pas, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Brusquement, un terrible éclat sanguin avait illuminé Sofian. Nelly ne mit pas longtemps à découvrir la source de cette funeste lumière ; c'était un joyau écarlate, que le brun tenait comme une lampe torche.

La grande brune serra les dents, cette gemme, elle la connaissait. Elle n'en avait jamais vu en vrai bien entendu, mais ces joyaux décoraient suffisamment d'ouvrages pour être reconnaissables au premier coup d'œil. Une Géogemme. Nelly ne savait pas exactement d'où ces choses venaient, mais une chose était certaine, elles étaient synonymes de destruction. Décidément, Sofian avait décidé de multiplier les surprises ce soir.
Nelly suivit Sofian à l'intérieur de la cavité rocheuse. Sombre comme elle était, Nelly n'eut aucun mal à passer inaperçu, quand bien même à peine deux mètres la séparait du brun.

Une chose particulière attira l'œil de Sofian, et par extension, celui de Nelly. Quatre lames, la première de roche, la seconde d'acier, la troisième d'eau, et la dernière de plante, étaient dessinées sur un pan du mur. Et au milieu de ces représentations guerrières, une petite cavité sphérique.

Nelly plissa des yeux. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Mais elle n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps. Soudainement, Sofian inséra précautionneusement la calamiteuse gemme au croisement des lames...


***



– ... et maintenant ?

Sofian observa d'un œil perplexe la gemme sanguine encastrée dans le mur. Il attendit une minute. Puis deux. Il commençait sérieusement à trouver le temps long.

– Peut-être que j'ai oublié quelque chose ? présuma t-il.

Mais alors qu'il allait récupérer la Géogemme, les contours de l'épée d'acier se mirent à briller vivement d'un intense éclat argenté. Sofian recula instinctivement.

– Qu'est-ce que...

Et avant même qu'il ne puisse finir son exclamation, il sentit le sol se dérober sous ses pieds, et son corps tout entier sombrer dans l'obscurité volcanique...


***

– Sofian.

Une douce voix, quoique teintée d'inquiétude, tira le brun de son sommeil. Il ouvrit fébrilement les yeux, juste assez pour percevoir légèrement un visage familier.

– N-Nelly ? s'étonna t-il.
– Hm.

Sofian rougit légèrement en remarquant que sa tête était allongé sur les genoux de la grande brune. Cependant, en se relevant vivement, il revint vite à la réalité. Par tout les diables, où était-il ? Il ne voyait qu'une grande pièce, rectangulaire. Du sol au plafond, en passant par les murs, tout était d'argent. Un argent brillant et pur. Sofian n'avait pas vraiment de connaissances géologiques mais il se doutait un peu que ce genre d'endroit n'avait rien à faire dans une grotte volcanique.

Tiens, en parlant de grotte, où était la sortie ? La logique voudrait qu'elle se trouve au plafond, puisqu'il était tombé de là. Cependant, Sofian avait beau analyser la salle d'argent tant qu'il voulait, aucun signe de brèches, de trous, ou quelque autre ouverture qui aurait pu lui permettre de retrouver l'air libre.

– Étrange...

C'était tout ce qu'il put dire dans cette situation plutôt catastrophique. Mais heureusement, il n'était pas seul dans son malheur...
La révélation frappa soudainement Sofian. Il n'était pas seul ? Ça aussi c'était étrange, il était persuadé d'être seul plus tôt, pendant qu'il faisait grimpette au Mont Chimnée !

– Euh... Nelly ? plissa t-il des yeux. Que fais-tu ici ?
– Je te suivais, déclara t-elle simplement.
– … ah, fit lamentablement un Sofian perturbé par tant d'honnêteté.
– Tu n'es pas discret.
– … désolé.

Sofian se mordit les lèvres. Alors comme ça elle l'avait suivit ? Diantre, lui qui voulait partir sans impliquer les autres plus que cela ! Il s'en donnerait bien des baffes. Il espérait seulement qu'elle n'ait pas vu la Géogemme, ce serait difficile d'expliquer sa provenance.

Soudainement, Nelly se raidit, alertée. Elle empoigna le Pokéball de son Insécateur et le libéra sous l'œil interloqué de Sofian.

– … qu'est-ce qu'il se passe ?

Nelly se plaça devant Sofian comme un bouclier. Brusquement le sol se mit à trembler, de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'un fracas tonitruant invoque ensuite un silence de mort.
Sofian écarquilla les yeux, non, il ne rêvait pas. L'un des murs avait tout bonnement explosé en mille morceaux, soulevant avec lui un torrent de poussière.
La pièce trembla fortement une fois, puis une deuxième, une troisième. Et une énorme bête sortit lentement de la nuée grise, toisant fermement ses deux invités de ses yeux froids et hautains.

La créature quadrupède continua d'avancer, les sabots d'acier foulant élégamment le sol. Son corps était majoritairement d'une reluisant bleu-roi, qui, combiné à sa posture impériale, imposait une prestance inégalable. Ses longues deux cornes, effilées, beiges et recouvertes de poussière d'argent, attirèrent le regard de Sofian. Ce dernier eut le fol espoir qu'il soit amical, ces cornes venaient de détruire un épais mur d'argent et pouvait sans doute faire de même avec le corps humain.

– Par Arceus ! jura Sofian. Qu'est-ce que c'est que ça ?!
– Cobaltium, déclara sereinement Nelly.
– Joli nom, mais ça ne m'avance pas !
– Un Pokémon Légendaire.
– Encore plus sympa ! Et il est plutôt du genre sympathique ou belliqueux à ton avis ?

Le Cobaltium lui répondit à sa manière. Petit à petit, ses cornes s'allongèrent, renforcées par une aura brune. Le mousquetaire d'acier se baissa légèrement, la tête en avant, et balaya puissamment le sol de ses sabots.

– Happy, Plaie-Croix.

Juste avant que le Pokémon de légende ne se lança dans une Surpuissance effrénée, l'Insécateur se propulsa face à lui tous feux en avant. Aussi incroyable que cela pût paraître, la fine mante religieuse stoppa la course du mousquetaire d'acier. Les deux créatures luttaient de puissance, faux contre cornes. Aucun ne voulait lâcher prise.

Colbatium poussa un cri furieux, outré qu'un simple insecte osât lui tenir tête. Il concentra le plus possible d'énergie dans ses cornes, qui grossissaient maintenant à vu d'œil jusqu'à doubler de taille. Happy se faisait de plus en plus surpasser, obligé de reculer ses faux en une pose défensive.

– Vive-attaque.

l'Insécateur lâcha brutalement toute pression, avant de se braquer vivement à gauche. Surprit, le Cobaltium n'eut pas le temps d'atténuer son assaut et fusa en ligne droite, sans être capable de s'arrêter. Le pauvre mousquetaire heurta si violemment le mur d'argent, que sa tête y resta encastrée.

– O-Ok, geignit Sofian, il est plus du genre belliqueux !

Finalement, le brun était plutôt content de s'être fait suivre par Nelly. Pas sûr qu'il aurait pu maîtriser la grosse bestiole lui-même. Cependant, la fameuse grosse bestiole n'avait pas hurlé son dernier hurlement. D'une ruade furieuse, Cobaltium se libéra – en faisant s'effondrer le mur au passage.
Malgré la posture noble qu'il s'efforçait de garder, une colère noire bouillonnait dans ses yeux. Il avait été humilié, la seule peine à cet affront était la mort.

Cobaltium frappa puissamment le sol d'un de ses sabots et brusquement, les débris du mur d'argent se mirent à se mouvoir, comme s'ils étaient animés d'une volonté propre. Une fois à une bonne hauteur, les fragments fondirent petit à petit, fusionnant les uns avec les autres, jusqu'à former une immense épée acérée. Et dans une dernière vocifération, le mousquetaire d'acier projeta la gigantesque lame mortelle.

– Faux-Chage.

L'Insécateur solidifia un maximum ses faux avant de partir intercepter le missile effilé. Faux-Chage n'était pas une attaque offensive, mais diablement efficace pour absorber les coups. Or, alors que l'impacte aurait du être imminent, l'épée d'acier vira brusquement sur le côté, et tournoya latéralement dans le but de faire comprendre à Happy à quel point une lame pouvait être tranchante.

– Vive-attaque !

Nelly cria son ordre, même si l'Insécateur – pas fou – l'avait déjà exécuté. Une micro-seconde trop tard et le haut de son corps se serait tout simplement désolidarisé du bas.

– Vent Mauvais et Coupe-Vent.

Comprenant que le Pokémon de Légende était on ne pouvait plus sérieux, Nelly décida de l'être elle aussi. La mante religieuse invoqua rapidement une lourde brume violacée et la modela immédiatement en deux énorme main d'ombres qui fusèrent vers la lame d'acier, bien décidées à l'arrêter.

L'épée de Cobaltium se fit proprement immobiliser, mais luttait encore avec rage. Et alors que Happy faisait de son mieux pour maintenir ses mains ténébreuses, le mousquetaire d'acier chargea, toutes cornes devant. Nelly jura silencieusement. Elle n'avait pas prévu que le Cobaltium puisse contrôler son épée et attaquer par lui-même à la fois ! Pour Happy, il était tout simplement impossible de contenir la lame et d'esquiver le Bélier en même temps.

Cependant, ce n'était pas une raison pour abandonner. Nelly fit un signe de tête à son Pokémon, lui demandant de donner tout ce qu'il pouvait. l'Insécateur se concentra de plus belle, augmentant son emprises sur ces énormes mains brumeuses. Peut-être était-ce à cause de la charge du Cobaltium, mais l'épée d'acier semblait plus légère qu'au début.

Happy réussit in extremis à empoigner la lame de ses membres ténébreux et sans réfléchir une seconde, il la dirigea férocement vers Cobaltium. Ce dernier fut forcer d'arrêter sa course, ne s'attendant pas à voir sa propre Lame Sainte se retourner contre lui.

De son côté, Sofian était complètement dépassé par les événements. Un combat contre un Pokémon légendaire venu de nulle part, génial. Encore une fois, tout se déroulait vite, trop vite pour son pauvre petit cerveau. Il hésitait à sortir Razor Blood. S'il avait été seul, il aurait déjà pavané depuis longtemps avec son éventail de guerre ; sauf qu'actuellement, Nelly était là. Et comment pourrait-il lui expliquer qu'il possédait un artefact capable de raser des villes en un mouvement dans sa poche ?
Pour l'instant, Nelly semblait faire jeu égal avec Cobaltium. Avec un peu de chance, elle s'en sortirait toute seule...

Cependant, le mousquetaire légendaire n'avait pas dit son dernier mot. D'un puissant coup de sabot sur le sol, il provoqua une secousse si puissante que chacun de ses adversaires se retrouva irrémédiablement à terre, Nelly comprise.
De nombreuses et acérées lames d'aciers émergèrent brusquement des chaque murs de la pièce d'argent et fusèrent vers tous les adversaires de Cobaltium, à savoir Nelly, Happy... et Sofian.

– … !!


Ce dernier était paralysé. Il ne s'attendait pas à être pris pour cible. Maintenant qu'il y pensait, ce n'était pas un combat à l'amiable, où les Pokémon ne visaient que leur adversaire en excluant les spectateurs du champs de bataille. Non, il s'agissait d'un véritable affrontement bestial où seul la mort de l'opposant signait l'arrêt des hostilités.

– Aargh !

L'une des pointes d'acier mordit sauvagement sa jambe droite, le clouant au sol. Le brun vit, horrifié, son propre sang colorer intensément le sol. Et sa terreur atteint son paroxysme lorsqu'il aperçut une énorme lame d'acier le viser férocement, juste au niveau de son crâne.

– Sofian !

Oubliant de se protéger elle même des lames d'aciers, Nelly Strike couru vers le brun à une vitesse stupéfiante, avant de s'arrêter juste en face de lui, écartant les bras comme pour servir de bouclier imprenable.

– gn… !
– … Nelly ?

L'impitoyable épée d'acier transperça proprement et simplement l'estomac de la demoiselle, y restant figé.
D'autres lames suivirent leur comparse, mitraillant sauvagement la pauvre brune qui se retrouvait maintenant criblée de toute part.

– Nelly !!

Un grand silence régna. Toutes les lames avaient trouvé domicile. Sur Nelly. Cette dernière ne bougeait plus, pétrifié dans une expression de douleur atroce. Son liquide de vie giclait abondamment dans tout les sens, laissant peu de place au doute.

– N-Non...

Sofian, toujours immobilisé, s'effrondra. Il rêvait, ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas le croire. Elle était encore en vie, assurément... non ? Les secondes passèrent et pourtant, aucun signe de vie ne daigna animé la grande brune ensanglantée. Son Insécateur resta lui aussi figé, totalement perdu.

– T-Tu... vas bien ?

Question stupide. Mais c'était tout ce que Sofian put sortir, incapable de faire face à la réalité. Pourtant, cette dernière était sans appel. Cobaltium avait tué Nelly, ni plus, ni moins.
Soudain, le mousquetaire assassin poussa un cri grave, un cri de victoire. Une rage incommensurable naquit dans le cœur de Sofian. Ce monstre, ce monstre avait tué Nelly. Et il en était fier. Le brun empoigna sauvagement Razor Blood, maudissant le Pokémon Légendaire. Et lui même. Si seulement il avait eu suffisamment de courage pour combattre lui aussi, au lieu de rester planté là pendant que Nelly se démenait ! Tout aurait été différent. Très différent.

– Raaaah !!

D'un geste violent, Sofian activa son éventail ivoire et pourpre, et balaya la pièce. Une puissante et terrible onde de choc en arc de cercle fusa promptement vers le Pokémon meurtrier, l'encastrant dans le mur d'argent.

Sofian se mordit les lèvres. Oui, il aurait pu se battre. Il aurait pu changer la donne. Il aurait pu. Mais il n'avait rien fait. Il avait préféré mouiller son pantalon en retrait, espérant que la toute-puissante Nelly fasse tout le boulot à sa place. Et voilà le résultat.

Et puis, pourquoi Nelly avait été là, avec lui, dans cette grotte ? N'était-ce pas uniquement de sa faute ? Si Sofian n'avait pas invité son club à Vermilava, elle n'aurait aucun raison d'être là ! Encore une fois, tout était de sa faute !

Cobaltium se libéra du mur, surpris. Celui qu'il ne prenait que pour un cible facile venait de révéler une force étonnante. Il devait se méfier.

Mais Sofian ne lui en laissa pas le temps. Fou de colère, il brandit Razor Blood, provoquant de plus en plus d'ondes chocs ravageuses. Cobaltium avait beau tout faire pour les éviter, ces dernières était si dévastatrices et rapides que tout effort était vain.

Voyant comme Razor Blood maîtrisait aisément le mousquetaire d'acier, la rage de Sofian s'accentua. C'était tout ? Il suffisait juste qu'il gigotât ce fichu éventail dans tous les sens pour sauver Nelly ? Et même ça il en avait été incapable ?! Pathétique. Il n'avait pas d'autre mot. Il était pathétique.

Cobaltium, après avoir encaissé de plein fouet de dizaines et des dizaines d'assauts capables de démolir des immeubles, s'effondra enfin, tentant fébrilement de se relever.
Malgré la douleur de sa jambe transpercée, Sofian se releva, le visage recouvert de larmes furieuses. Il boita rageusement vers le corps affaiblie du légendaire d'Acier, brandissant son éventail au dessus de sa tête.

– Toi...

Bouillonnant, Sofian cracha ce simple mot, cristallisant sa rage intérieure.

– Assassin !!

D'un geste précis, Razor Blood entailla vivement le corps d'acier du Pokémon, faisant jaillir des litres de sang. Une fois l'acte accompli, Sofian fixa dédaigneusement le cadavre immobile du Pokémon de légende.
Pourquoi est-ce que tout cela devait arriver ? Cela faisait maintenant une semaine que cette question le hantait. Pourquoi lui ? Pourquoi avait-il été invoqué à Avalon ? Pourquoi lui avoir confié la Géogemme ? Moult interrogations dont il ne pouvait ne serait-ce qu'entrevoir la réponse. En revanche, il y a une chose dont il était certain.

Sofian se retourna, fébrilement. Nelly n'avait toujours pas bougé. Toujours figée, toujours la même expression de douleur, et toujours ses dizaines de lames acérées plantées dans son corps.

Encore une fois, un intense regret écrasa Sofian. Il aurait pu, il aurait pu la sauver. Il possédait une arme au pouvoir cataclysmique, une arme surpassant complètement la force de frappe d'un Pokémon légendaire. Et pourtant, il avait préféré rester en retrait. Il avait préféré jouer le lâche comme d'habitude, alors que Nelly combattait farouchement pour le sauver. Et elle en était morte.

Pourquoi était-il aussi lâche bon sang ?! Et au fait, pourquoi n'avait-il pas dégainé Razor Blood plus tôt ? Ah oui, juste pour ne pas avoir à s'expliquer ensuite. Juste pour son petit confort personnel, pour ne pas se faire remarquer. Et Nelly était morte pour cela, pour son petit confort personnel.

Sofian se laissa tomber lamentablement, ne pouvait détacher les yeux de Nelly. Maintenant que la tension du combat avait disparu, sa colère se mua en une furieuse tristesse. Morte. Morte. Morte.
L'implacable réalité ne cessait de résonnait au plus profond de son crâne. Nelly était morte. Elle s'était sacrifiée pour lui sauver la vie. Pourquoi avait-elle fait ça par tous les dieux ?! Elle qui était si forte, si puissante, si fière ! Pourquoi se sacrifier pour une merde comme lui ?! Un pauvre type n'étant capable que de se cacher derrière plus fort que lui ?! Il n'en valait pas la peine ! C'était lui qui aurait dû mourir à sa place !

Le regard du brun croisa un fragment de roche aiguisé gisant au sol. Il le prit, le serrant fermement. Voilà, il ne méritait pas de vivre. Tout était de sa faute. Il devait payer.
L'écaille rocheuse caressa son cou , faisant timidement perler un liquide écarlate. Cependant, dans un frisson d'horreur, Sofian lâcha subitement son arme de fortune. Il resta un moment immobile, avant de ricaner nerveusement.
Il n'avait même pas le courage d'en finir. Incapable de contrôler sa propre vie, il avait trop peur pour ça. Par ses actes, il avait tué Nelly, mais il était incapable de se tuer lui-même. Pathétique.

Le brun était si occupé à se maudire qu'il le remarqua pas tout de suite le torrent de lumière rosée qui envahissait de plus en plus la pièce d'argent, jusqu'à devenir brume opaque.

« Bienvenue, vous qui désirez le Lien. Votre bravoure a été perçu. »

– … ma bravoure ?

Sofian n'avait strictement aucune idée de qui lui parlait, ni d'où la voix provenait ; il s'en fichait. Depuis la mort de Nelly, plus rien n'avait d'importance, seul le blanc dominait dans son esprit.

– Quelle bravoure ? ricana t-il. Celle qui m'a poussé à me cacher, pendant que mon amie se faisait tuer ?

« Qu'importe la méthode, vous avez vaincu Cobaltium. Seul le résultat compte. Vous avez gagné et seuls les braves gagnent. »

– … haha...ha... n'importe quoi...

« C'est l'ordre des choses. L'Histoire ne se souvient que des vainqueurs, tandis que les perdants sont oubliés. »

– Cessez de dire n'importe quoi ! Je ne suis qu'un lâche ! C'est Nelly... c'est Nelly qui m'a sauvé ! Sans elle, je serais mort !

« Les morts font partis du passé, il ne sert à rien de les regretter. »

– … qu'est-ce que vous dites ?! hurla presque Sofian.

« La vérité. Mais cessons de discuter du passé, seul le présent compte. Et le présent vous concerne. En vainquant Cobaltium, vous avez inscrit votre nom dans l'Histoire, que vous le vouliez où non. »

– ….

Sofian n'écoutait plus, il en avez assez de cette infecte voix hautaine et mystérieuse. Il voulait qu'on le laisse seul, dans cette fichu grotte où sa vie s'était terminé, pour l'éternité. Il ne méritait que ça de toute façon, crever comme un chien, exclu de tous.

« Je ne comprends pas, reprit la voix. Pourquoi êtes vous triste ? Vous avez vaincu un demi-dieu. Réjouissez-vous. »

– Mais vous allez la fermer..., grogna férocement Sofian.

« … voilà qui est inopportun. La mort de cette humaine vous peine tant que cela ? »

– Taisez-vous... juste... taisez-vous !

« Mmmh. Il est vrai que cette humaine a contribué à votre victoire. Elle aussi peut mériter le Lien »

Un petit moment de flottement angoissant balaya la scène, uniquement interrompu par les rageuses larmes de Sofian.

« Je vois. Il a été décidé que votre victoire est double. »

– ….

« Écoutez moi, humain. Si la mort de votre compagne vous peine tant que cela, vous pouvez encore faire quelque chose. »

Sofian releva légèrement la tête, brusquement intéressé.

« Quiconque vainc l'un des pions du Créateur obtient sa puissance. C'est la règle. Vous avez vaincu Cobaltium, le mousquetaire d'acier, son pouvoir vous revient donc de droit. Un énorme pouvoir, sans doute capable de sauver votre compagne. »

– S-Sauver... Nelly ?

« Oui. En partageant le pouvoir de Cobaltium avec cette humaine, elle survivra. Cependant, cela à un prix. »

– Je m'en fiche ! hurla Sofian. Sauvez là !

« Si vous partagez le Lien de Cobaltium avec elle, vos deux vies seront liés par la même occasion. Cependant, cette humaine est morte. Elle n'a plus de force vitale. C'est un corps vide. Comprenez vous ce que cela signifie ? Pour lui redonner la vie, il va falloir puiser dans la votre. »

– J-Je m'en fiche des conséquences, combien de fois devrai-je le répéter ?!

« Soit. Je vous mets simplement en garde. Si vous désirez vraiment la sauver, votre vie sera continuellement absorbée par cette humaine. Au bout d'un certain temps, vous finirez par mourir, sans échappatoire. »

– … et alors ? ricana Sofian. J'aurais dû mourir il y a bien longtemps...

« Votre décision a été entendue. »

Tout d'un coup, la brume rosée tournoya, envahissant la grotte, tournoya furieusement sur elle-même, comme si elle était devenue folle.

« Moi, Genesis, reconnais votre valeur ! reprit la voix d'un ton tonitruant. Comme le Créateur m'en a confié la mission, je vous octroie âme et pouvoir de Cobaltium, le héros d'acier. Puissiez-vous en faire bon usage, comme le souhaite le Créateur ! »



________________________



Un fil, d'un pourpre éclatant, presque vivant, luisant puissamment dans un univers ténébreux. Sofian le sentait, ce fil de vie, partant de son cœur jusqu'à une destination inconnue. Il savait aussi ce que ce pourpre signifiait. Le sang. Son sang. Sa vie. Elle s'en allait, petit à petit. Pas suffisamment pour le tuer de suite, mais un bon jour...

– Hé, petit, tu es réveillé ?
– Ne le brusque pas ! Tu vois bien qu'il a besoin de repos !
– Haha, en attendant ce n'est pas moi qui hurle !
– Qu... ! Gnn ! Je ne hurlerais pas si tu faisais preuve de bon sens !
– Tiens, c'est marrant ça, plus tu cries et plus son électrocardiogramme s'affole...
– V-Vraiment ?! … hé, attends une minute, il n'y a même pas d'électrocardiogramme ici !
– Hahaha !
– Gnn !!

Sofian émergea lentement, perturbé par ces voix extérieures. Il avait... dormi ? Il ne s'en souvenait pas. Tout ce qu'il savait c'était qu'il avait gravi le mont Chimné, combattu Cobaltium et …
Une immense peine envahit soudainement le brun. Oui, Nelly était morte, en prenant pour lui un coup qui aurait dû lui être fatal. Cependant, dans cette peine, une lueur d'espoir brillait faiblement.

Ce n'était pas tout, après le combat, il y avait cette voix mystérieuse, détestable. Elle disait s'appeler... Génésis s'il s'en souvenait bien. Elle lui avait dit... voilà ! Qu'il était possible de sauver Nelly ! Sofian n'avait pas exactement compris le reste, sur le moment, il s'en fichait pas mal. Il était possible de sauver Nelly, et c'était tout ce qui comptait. Le reste était sans importance aucune.

– Ah ? Tu ouvres enfin les yeux, belle aux bois dormant ?

Le ton mielleux de cette voix masculine fit légèrement trembler Sofian. Curieux, le brun sortit enfin de ses pensées pour se concentrer sur le monde réel. Déjà, il était bien allongé sur un lit. Un lit assez classieux d'ailleurs, qu'on espérerait trouver dans des manoirs. En face de lui, deux individus, étrangement familiers.

D'un côté, un élégant homme à la chevelure argenté, et de l'autre, une femme arborant fièrement deux grosses couettes brunes attachées par un ruban très caractéristique...
Au bout de quelques secondes de réflexion, l'identité mystère du duo lui apparut enfin.

– Pierre... Rochard et... Rox...ine ?
– Roxanne ! grogna cette dernière. Et pourquoi tu te souviens de son nom ET prénom, alors que t'es incapable de te rappeler de seulement mon prénom ?!
– Haha, que veux-tu ! ricana le maître de la ligue. Ma prestance légendaire est inoubliable...
– Tu veux que te fasse connaître un autre truc inoubliable ? menaça l'ancienne championne en levant un poing fort sympathique.
– Allons, allons ! tempéra Rochard. Gardons nos bonnes manière, que va penser notre invité ?

A vrai dire, pour l'instant, l'invité ne pensait pas à grand chose. L'esprit encore embrumé, il avait du mal à faire un lien logique avec la scène dans la grotte lugubre et son réveil dans ce lit douillet.

– Excusez-moi..., fit-il faiblement. O-Où suis-je ? Et... où est Nelly ?
– Une chose à la fois mon brave, sourit gentiment Rochard. Tout d'abord, vous vous trouvez dans mon manoir à Lavandia, votre amie s'y trouve aussi d'ailleurs.
– Nelly est ici ?! Elle va bien ?!
– … hmm...

Pierre et Roxanne se regardèrent brièvement, étrangement préoccupées.

– N-Ne me dites pas que..., paniqua Sofian.
– Non, ce n'est pas ce que vous pensiez ! l'interrompit Roxanne.
– C'est juste que, hum, comment vous le dire... manœuvra difficilement Rochard.
– Pierre, lui souffla sa seconde, je ne suis pas certaine que...

Pierre Rochard souffla longuement, pesant rapidement le pour et le contre dans sa tête.

– Non, il a le droit de savoir, statua t-il finalement. Et puis, il possède le Lien désormais.
– ….

Roxanne, détourna le yeux, toujours perplexe. Rochard ne s'en préoccupa pas et rendit à Sofian un doux sourire.

– Pouvez-vous vous lever ?
– J-Je crois...
– Dans ce cas, suivez-moi.

Sofian s'exécuta. Dès qu'il posa le pied au sol, ses nerfs hurlèrent de douleur, le brun serra les dents, s'efforçant de ne rien laisser transparaître. Au moindre signe de faiblesse, Pierre ou Roxanne le forceraient à regagner le lit. Or, il ne voulait pas rester bêtement à attendre. Il voulait voir Nelly, peut importe ce qu'il lui en coûtait.
Rochard n'était pas dupe, il voyait très bien la souffrance de Sofian. Mais il était aussi impressionné par la volonté de ce dernier, de ce fait, il ne dit rien. Il préféra plutôt engager la discussion comme si de rien n'était.

– J'imagine que vous deviez avec moult questions.
– … un peu, oui.
– Ce monde arrive à son terme, déclara simplement Rochard. Du moins, c'est ce que notre cher « Dieu » veut nous faire croire.
– … ? s'interrogea Sofian.
– Vous aviez vu ce cercle, dans le ciel de Mérouville, n'est-ce pas ? C'est le signal de départ. La grande guerre entre les Précurseurs et les Protecteurs va commencer.

Rochard se tut quelques secondes, pendant lesquelles il fixa Sofian d'une expression on ne pouvait plus sérieuse, avant d'éclater de rire.

– Hahaha ! Si tu voyais ta tête ! Ahem... mais je comprends ton incompréhension. Je tiens juste à te mettre en garde, si tu persistes à vouloir voir Nelly Strike, tu vas aussi devoir connaître la vérité de ce monde. C'est un lourd fardeau. C'est pourquoi je te le demande solennellement : veux-tu véritablement perdre ta vie innocente ? Il n'est pas encore trop tard, je peux te ramener à Mérouville.
– … je..., hésita Sofian. Et Nelly ? Elle... reviendra aussi ?
– … c'est impossible, marqua froidement Rochard. Dès sa naissance, Nelly était déjà plongé dans toute cette folie. Nous l'avions autorisée à vivre quelques jours avec vous et votre club en attendant l'échéance, mais c'est terminé maintenant. Nelly ne peut pas avoir une vie normale.
– Pourquoi ? demanda innocemment Sofian.
– … vous le comprendrez bien assez tôt.

Rochard et Sofian arrivèrent devant un ascenseur. Le maître de la ligue pria son invité d'y pénétrer, Roxanne préféra rester dehors.
Une fois à l'intérieur, le maître d'Hoenn pianota rapidement le tableau de commande ; la cage d'acier renforcée descendit.

Une trentaine de secondes plus tard, la lourde porte s'ouvrit enfin ; Sofian resta bouche bée. Il ne savait pas exactement où regarder, tant il y avait de choses étranges ici. Partout, des scientifiques en blouses barbouillés de substances peu ragoûtantes s'affairaient, courant presque, d'un bout à l'autre de l'immense laboratoire. Et ce n'était pas le plus perturbant. Partout, sur les côtés, d'énormes tubes de triple épaisseur de verre, tous remplis d'une mystérieux liquide violacé à nuance noirâtre.
Mais surtout, dans chacun de ces tubes massifs, des membres humains flottaient. Des doigts, des mains, des pieds, des bras... et tous bougeant comme s'ils étaient dotés de vie.

– … je comprends votre dégoût, soupira Rochard. Sachez une chose, je n'ai jamais cautionné ce qu'il se passe ici. Ce n'était... pas censé se dérouler comme ceci.

Un certain regret teintait sincèrement la voix de Rochard. Sofian s'efforça de regarde le sol, mal à l'aise pas l'ambiance oppressante du laboratoire.

– Mais je suis aussi en faute, continua le maître, j'ai donné mon accord sur le projet, je l'ai laissé dégénérer. J'ai beau me dire que c'est pour le bien de l'humanité, je... enfin, je ne fais que de me trouver des excuses, hahaha.
– Monsieur Rochard ?

Une voix surprise résonna subitement, le maître eut un rire nerveux.

– Que faîtes vous ici et... c'est qui, celui-là ?!
– Ma très chère Gloria...
– Pas de ça avec moi ! Nous avions été clairs, je crois. La zone souterraine est notre domaine et le reste à vous. Cela ne vous suffit pas ?

Sofian regarda négligemment la dénommée « Gloria ». Elle ressemblait à n'importe qu'elle autre scientifique sur les lieux, si ce n'était son étrange et courte chevelure glycine. Mais étrangement quelque chose en elle l'apeurait. Peut-être était-ce ses yeux, profonds, froids, assoiffés de pouvoir.

– Le cas est exceptionnel, s'expliqua sèchement Rochard, et vous le saviez tout aussi bien que moi, ma très chère Gloria. Nelly a obtenu le Lien et qui plus est, ce Lien est partagé avec autre humain, ce qui n'était encore jamais arrivé.
– … avec cet humain, je présume ?

Gloria s'avança, jugeant sévèrement Sofian de son regard de l'enfer. Le brun se sentit comme nu devant un prédateur, incapable de bouger devant l'adversité. Cette même paralysie que l'on ressentait, lorsqu'on était au beau milieu de la route et qu'un énorme camion fusait vers nous.

– Il n'a pas l'air bien vif, cracha t-elle.
– Ne juge pas un livre à sa couverture, préconisa Rochard. Il est juste un peu perturbé par tout ce qui vient de se passer.
– … j'espère qu'il ne va pas mourir sur la table d'opération. J'aimerais bien faire des tests sur lui.
– Il n'en est pas question, la défia Rochard. Ne croyez-vous pas en avoir assez fait ?!

Le maître haussa le ton, arrêtant momentanément tous les scientifiques autours de lui.

– C'était juste une idée, haussa Gloria des épaules. Vous l'avez dit vous-même, le cas est exceptionnel. Il présente donc un intérêt scientifique pour le moins conséquent.
– Ma réponse reste la même : non. Je supporte déjà assez vos Yllen comme cela, je ne permettrais pas que vous touchiez à un autre humain. Ce... n'est pas ce que j'ai voulu.
– Toujours la même rengaine, soupira la scientifique. Vous aviez pourtant l'air si pétillant la première fois que nous avions parlé de manipulation génétique, de pouvoirs grandioses égalant le divin, l'espoir de l'humanité...
– ….

Le regard de Rochard s'assombrit, devenant plus glacial que jamais.

– Ne jouez pas avec mes nerfs, ma très chère Gloria. Je me suis laissez berner par vos paroles. Si j'avais su...
– Hahaha ! rit ouvertement Gloria. Si, si, si... toujours si ! Regardez la vérité en face ! Relisez le contrat ! Je ne vous ai pas menti, tout ce que j'ai fait, je l'avais déjà prévu. Et vous avez accepté cela. Ne me blâmez pas, « monsieur le Maître ».
– Gnn...

Pour la première fois, Rochard ne trouva rien à répliquer. Elle avait raison. Il le savait. Il avait été fou. Il en payait maintenant les conséquences. Le Maître d'Hoenn fit signe à Sofian de le suivre, sans prendre en compte la présence de Gloria. Cette dernière haussa simplement les épaules avant de disparaître dans les tréfonds du laboratoire.

– Dis moi, Sofian, lâcha faiblement Rochard. Sais-tu ce que sont les manipulations génétiques ?
– … à peu près...

Le brun en avait bien entendu déjà entendu parlé. Ce sujet foisonnait, surtout dans le domaine de l'alimentaire. Beaucoup étaient contre, mais peu refusaient un succulent plat d'OGM une fois présenté devant eux. De toute façon, ils ne savaient même pas qu'ils mangeaient de l'OGM. En revanche, Sofian avait dans l'idée que Rochard ne parlait pas exactement de ça.

– Cela va te sembler étrange mais..., notre monde se meurt, inéluctablement. C'est un organisme vivant, et il arrive à son terme. Le « cercle » dans le ciel en est la preuve, il annonce le renouveau. Notre monde va disparaître, lui et ses habitants, afin de laisser la place à un nouveau, qui aura sans doute encore des milliers d'années à vivre avant de périr.

Rochard fit une petite pause, tremblant légèrement.

– Mais cette fin n'est pas absolue. Il est encore possible d'empêcher la venue du nouveau monde et de sauver l'humanité actuelle ! Sauf qu'il y a un bémol. A supposer que l'on stoppe l'arrivée du nouveau monde, rien ne changera pour notre planète. Elle mourra toujours, c'est inévitable. Les conditions de vie deviendront invivables, infernales.

Le Maître stoppa sa marche, fixant Sofian droit dans les yeux.

– Un jour, j'ai rencontré Gloria Fudin et Acène Windie, deux scientifiques de génie. Ils sont venus avec une idée révolutionnaire : modifier l'Homme afin qu'il puisse survivre n'importe où.

Rochard baissa légèrement son regard.

– J-J'étais comme fou. Cette idée me paraissait être la clef de tout nos problèmes ! Si l'Homme parvenait à survivre dans un monde désolé, alors nous serions tous sauvé ! J'ai été naïf. Je leur ai fourni des moyens colossaux pour leur projets, sans m'en mêler. Ils étaient comme des sauveurs à mes yeux. Je voyais leur progrès comme une bénédiction. Sauf que ça a vite dégénéré.

Le Maître serra les poings, si fort qu'il trembla nerveusement.

– Il ne voulaient pas sauver l'humanité ! Non, il voulait en créer une nouvelle ! Une race parfaite, le rêve de tous les scientifiques fous, les Yllen ! Ce que tu as vu en arrivant, ces atrocités flottant dans les tubes, ce sont des membres pour de futurs Yllen ! Mais ce n'est pas le pire, non, loin de là. Pour créer la nouvelle humanité, il fallait partir de l'ancienne. Il fallait choisir un cobaye, un sacrifice.

Toujours aussi sombre, Pierre Rochard reprit sa route.

– Laisse moi te raconter une histoire. L'histoire d'une petite fille, dont les parents sont morts dans un incendie alors qu'elle n'était encore que nouveau-née. Elle fut placée dans un orphelinat. Plus les années passèrent, et plus elle se démarqua des autres, par sa force. Une force exceptionnelle, que certain considérait comme monstrueuse. Elle détestait cette force, qui érigeait un mur entre elle et les autres. Les enfants de l'orphelinat commencèrent à l'éviter, la brimer, lui jouer des tours, l'insulter...
Puis, à l'âge de 12 ans, elle un groupe d'adolescents de 18 ans s'attaquèrent à elle, ils étaient dix. Elle les a tous envoyé au tapis, provoquant la terreur non seulement des autres enfants, mais aussi de l'orphelinat. Non, elle n'était pas normale. Quelque chose clochait chez elle. C'était un monstre. Elle fut exclue de l'établissement, sans préavis. Qui allait la pleurer après tout ? Sa seule famille avait périt dans l'incendie à ce naissance.

Rochard sourit tristement.

– Pauvre petite. Elle était exclue de tous, en raison de sa maudite force. Elle ne pouvait rien y faire, elle était forte, c'est tout. Elle n'était pas un monstre. Mais à force d'être traitée comme telle, elle a fini par y croire elle-même. Seule et abandonnée, elle vécu dans la rue, à 12 ans. Un jour, alors qu'elle cherchait de quoi se nourrir, elle tomba par mégarde sur une affiche de « combat sauvage ». Ces combats Pokémon ultra-violents où la vie des participants étaient en jeu. Elle s'inscrit, à l'hilarité général des habitués. Mais ces rustres voulaient s'amuser, et il se disaient que voir une gamine mourir devait être un spectacle plaisant. Ils furent bien surpris.

Le Maître ricana faiblement.

– Son premier adversaire fut un homme avec un Insécateur. Elle était mains nues, sans Pokémon. Alors que tout le monde ne donnait pas cher de la peau de la fillette, cette dernière tenait bon. Non, c'était même mieux que cela. Elle menait la danse, avec force et élégance. Les spectateurs en étaient bouche-bée. Au bout de quelques minutes, elle finit même par vaincre l'insecte géant. Son dresseur devint fou de rage, incapable de comprendre comment une gamine avait pu vaincre son Pokémon simplement avec ses poings. Il sortit un couteau et fonça sur elle. Comme le vent, la fillette esquiva le coup, mais le robuste homme insistait. Il voulait laver son honneur, en tuant cette gamine. Elle le comprit. Mais elle ne pouvait pas fuir. Elle avait participé au combat sauvage afin de gagner beaucoup d'argent, pour se nourrir. Elle avait faim. Il fallait qu'elle affronte l'homme.

Rochard secoua la tête.

– L'imbécile, si seulement il avait abandonné... alors que le rustre sauta sur elle, la fillette réagit comme l'éclair. Non seulement elle fit une esquive parfaite, mais en plus, elle réussit à dérober le couteau de son assaillant. Un geste. Un seul, et du sang jaillit du cœur du pauvre homme. Il tomba raide mort. La fillette se dirigea calmement vers l'organisateur, réclamant son argent.
Par la suite, elle devint une habituée des lieux. Pourquoi pas après tout, elle était jeune, mais forte. Et dans ce lieu, seule la force comptait. Et elle n'était plus seule, depuis qu'elle avait tué son maître, l'Insécateur l'avait reconnu comme sa nouvelle dresseuse. La fillette ne s'en formalisa pas. Elle devint rapidement une légende. La redoutable Faucheuse. Son surnom devint synonyme de terreur.

Rochard et Sofian arrivèrent devant une gigantesque poste d'acier doublement renforcés, dépassant facilement les dix mètres.

– Malheureusement, son surnom arriva aussi aux oreilles de Gloria et Acène. Ils la considéraient comme le messie, l'humaine parfaite.

Dans un vacarme tonitruant, la porte s'ouvrit, se fracturant en deux. Sofian se figea.
Une pièce immense, regorgeant elle aussi de scientifiques. Tout au fond, Nelly était là. Installée sur une table d'opération à la verticale, nue. Son corps à découvert dévoilait l'horreur. Des milliers de cicatrices hideuses, grotesques, purulentes.

– Qu... !
– Autant te le dire tout de suite, elle ne s'est pas fait ça contre Cobaltium. Non, les blessures infligées par le Pokémon légendaire ont vite été guéries. Ce que tu vois là, n'est que le résultat d'années et d'année d'expériences horribles.
– … d'expériences ?
– … Gloria et Acène se sont rapidement rapprochés de la fillette, continua de raconter Rochard. Ils avait vite compris ce qui la motivait. Plus que l'argent, elle voulait être reconnue. Elle voulait exister. Ce n'était qu'une enfant naïve, il a été facile de la leurrer. Ils lui ont promis de la rendre encore plus célèbre, de faire en sorte que tout le monde l'aime, et pas uniquement les bandits du sous-monde. Elle a accepté de les suivre. Et voici le résultat.

Sofian recula instinctivement d'un pas. C'était dégoûtant, vraiment. Qui aurait cru que Nelly cachait un telle secret ? Et que son corps était aussi répugnant ? Sa tête , ses bras et ses jambes étaient indemnes, certes. Mais son torse, lui, n'avait rien d'humain. Sofian ne savait même pas si cet amas de chair torturée était encore humain.

– Sofian Aaken, déclara gravement Pierre Rochard en se tournant vers lui. Je vous présente le messie. La génitrice des Yllen. En d'autre terme, la mère de la nouvelle humanité !