chapitre 2: Les têtes brûlées recherchent le danger
Au nord est de la région de Safaia, il existait une zone presque aussi désertée par les hommes que la forêt obscure. Il s'agissait de la plaine gelée. Cette zone était aussi inhospitalière que la forêt mais pour différentes raisons. Pour commencer, cette immense étendue glacée était peuplée de Pokémons terriblement dangereux et très agressifs. Ensuite, il y avait le problème des températures qui, la plupart du temps, descendaient largement en dessous de zéro. Sans équipement adéquat ou tenue adaptée, la mort venait prendre les âmes des malheureux qui s'étaient aventurés sans préparation sur ce domaine appartenant au froid. Ainsi, pour de nombreuses personnes, la plaine gelée était connue sous le nom de la vallée de la mort ensommeillée.
Pourtant, pour Ykio, cette vallée n'était pas synonyme de mort ou de danger, c'était pour lui une maison, un endroit où il se sentait bien, où il retrouvait toujours le sourire car, bien que très dangereuse, la plaine gelée recelait plus de trésors et de merveilles que n'importe quelle zone de la région qui n'attendaient qu'à être découvertes.
Ykio était un explorateur, toujours impatient de faire des découvertes incroyables afin de satisfaire sa curiosité presque sans limites.
Ce jeune garçon vivait dans le seul unique village de la plaine gelée, peuplé par une centaine de personnes qui, pour la plupart, avaient été bannies de l'empire de Lokhtar et, n'ayant nulle par où se réfugier, se retrouvèrent à survivre en ce lieu inhospitalier.
Du plus loin qu'il se souvienne, Ykio avait toujours vécut dans ce village, dans le froid perpétuel, dans une ambiance de tristesse refoulée mais il ne s'en a jamais plaint, à vrai dire, il adorait vivre dans ce village qui avait eu la bonté de le recueillir quand les villageois avaient trouvé le corps sans vie de sa mère tenant le bébé qu'il était, il aimait vivre au milieu de nulle part, admirant chaque jour la beauté de la neige tombant et recouvrant le paysage d'une couche de peinture blanche et brillante.
Ne croyez pas qu'Ykio était fou de penser ce genre de choses où une bêtise du genre. En fait, selon les villageois, Ykio avait une maladie très spéciale pour ainsi dire unique : il ne ressentait pas le froid. Ou plutôt, il le ressentait mais ne souffrait pas de ses effets. C'était même le contraire, le froid le revigorait, le rendait plus fort, à l'inverse de la chaleur qui l'affaiblissait. Il avait même failli mourir quand il était petit à cause de cette déficience.
Mais ce garçon avait risqué sa vie tellement de fois qu'il ne pouvait pas les compter. Pas par insouciance ou masochisme mais il était d'une nature curieuse et souvent, en faisant une exploration, il n'était pas rare qu'il se retrouve dans des situations impossibles. Ainsi était sa vie, une vie pleine de découvertes, d'aventures et danger, tout ce qui lui fallait pour être heureux, son frère et lui.
L'aube venait pointer le bout de son nez que sa silhouette mince et féline traversait déjà le village au pas de course, un énorme sac sur son dos et un Farfuret sur son épaule. La température extérieure devait avoisiner les moins 5 degrés mais Ykio se baladait vêtu d'un pantalon de cuir de Yack, d'une chemise de lin et d'une paire de bottes de cuir légères mais solides et larges pour marcher confortablement dans la neige. Il portait sur les yeux une paire de lunette pour protéger ses yeux des tempêtes de neiges qui, même rares, étaient violentes et traîtresses. Le garçon était prêt à partir vers une nouvelle découverte et il partait tôt pour parvenir à un de ses camps de base se situant à proximité de l'endroit qu'il voulait explorer.
Il se retourna un instant pour regarder le village, son village, il savait que ce rassemblement de cabanons était ce qui ressemblait le plus à ce que l'on pouvait appeler « maison » mais, pour une raison qui lui échappait, il n'arrivait pas à se sentir chez lui. Il ne se sentait bien que dans les étendues gelées qui s'étendaient à perte de vue. Mais il mettait un point d'honneur à participer un minimum à la vie quotidienne de ces gens qui l'avaient recueilli alors que rien ne les y obligeaient, enfin, quand il n'explorait pas.
Il soupira et se prépara à se mettre en route quand une voix familière résonna à ses oreilles.
- Ykio, attends !
Le garçon se retourna vivement et vit une jeune fille de son âge, assez mignonne, de taille moyenne, aux longs cheveux roux et aux yeux gris tenter de le rejoindre aussi vite que sa tenue épaisse et lourde le lui permettait.
Ykio sentit aussitôt le rouge lui monter aux joues. Il avait toujours eu un faible pour cette fille, qui répondait au nom de Claire.
- Oh, salut, s'exclama le jeune garçon d'une voix gênée. Tu es déjà debout ?
- Je voulais te voir avant ton départ, lui répondit-elle. Tu pars toujours aux aurores et tu ne me dis jamais au revoir…
- Mais enfin, ce n'est pas comme si j'allais ne pas revenir, protesta Ykio.
Claire secoua la tête, l'air mi-amusée, mi-dépitée.
- Toi alors, tu comprends vraiment rien aux femmes…
Elle lui sauta dessus et l'embrassa sur la joue avant de retourner en courant dans le village, pendant que le garçon du froid se massait la joue à l'endroit où il avait été embrassé, sans comprendre ce qu'il s'était passé mais, plusieurs heures plus tard, alors qu'il se dirigeait vers son camp de base, un sourire guilleret apparaissait sur son visage fin.
A l'autre bout de Safaïa, dans une petite ville à quelques kilomètres au sud de Karilios, la nuit tombée. Toutes les boutiques sont fermées, les auberges et les tavernes renvoient leurs derniers clients chez eux, les lumières des foyers s'éteignent les unes après les autres, les rues se vident de toute présence humaine.
C'est dans les ruelles sombres de cette ville désertée par la nuit que commence la mission de notre personnage. Cette personne se nomme Algar Yshial et est un maître gladiateur très réputé à la retraite. On racontait qu'il avait fait fortune en entraînant les plus puissants gladiateurs de la région et même qu'il avait réussi à vaincre des Pokémons dans l'arène. Agé d'une cinquantaine d'années, il possédait encore des muscles impressionnants malgré ses cheveux grisonnants et les rides qui commençaient à apparaître sur son visage dur, autoritaire et recouvert de cicatrices. C'était un colosse, d'environ un mètre quatre-vingt dix, enfin, pas le genre de personnes que l'on voulait se mettre à dos.
Il venait de sortir d'un bordel fermant particulièrement tard et déambulait à moitié ivre dans les rues sombres et désertes de cette ville réputées pour ses mercenaires et tueurs à gages au service du Grand Patriarche. Il venait d'arriver dans une ruelle plus sombre que les autres quand il senti un regard sur lui. Il avait beau être ivre il n'en restait pas moins un homme qui, dans la première partie de sa vie, avait du combattre pour sa survie dans des arènes et dans des jeux d'esclaves organisés par l'un des cardinaux. Un de ces jeux était un jeu de survie entre plusieurs esclaves et quelques Pokémons très dangereux. Il sentait quand on le prenait pour cible et il sentait également la nature de la menace.
Et actuellement, la menace était grande : on voulait sa tête !
Il se retourna vivement et vit une drôle de créature. On aurait dit un chat se tenant sur deux pattes, le pelage blanc et bleu, une queue touffue, un regard sévère mais indifférent posé sur lui, ses oreilles repliées sur elles-mêmes. Algar le reconnut aussitôt : c'était un Mistigrix femelle, un Pokémon qui ne valait rien sur le plan physique mais sur le plan spécial c'était très différent. S'il frappait vite et fort, il l'éliminerait très vite.
- J'ignore d'où tu viens et encore moins à qui tu obéis mais si tu crois m'avoir, tu te trompes monstre ! S'exclama-t-il en levant son poing et en l'abattant sauvagement.
La petite créature évita le coup en sautant gracieusement et atterrit quelques mètres plus loin. Elle lui jeta alors un regard agacé mais ne fit rien. Elle demeurait immobile, sans le quitter du regard, sans utiliser ses pouvoirs psychiques…
- Qu'est-ce tu veux faire espèce de saloperie ?
- Elle souhaite juste vous distraire, lança une voix féminine.
Avant qu'il ait pu se retourner, un éclair passa devant lui et dans un bruit mat, la tête d'Algar tomba au sol, séparée de son corps massif qui lui, s'effondra avec violence. La silhouette qui avait tué l'esclavagiste était petite, fine, vêtue entièrement de noir, un sabre dégoulinant de sang assombrit par la nuit. La silhouette sortit un chiffon et essuya le sang sur l'arme. La Mistigrix s'approcha doucement de la silhouette et dit d'une voix chantante et noble.
- Pourquoi tu insistes toujours pour faire ce genre de mise en scène ? Tu aurais pu le tuer sans me mettre dans sa ligne de mire et il aurait rien vu.
La silhouette tourna son visage vers le Mistigrix et dévoila un visage féminin d'environ 20 ans, de longs cheveux mauves, des yeux gris. Un visage angélique gâché par un regard froid et impitoyable ainsi qu'une bouche tordue par intermittence, comme un signe de folie refoulée.
- Toi et moi nous sommes partenaires, répondit la jeune fille comme si c'était une évidence. Tout ce que nous devons faire, nous le faisons ensemble.
- C'est là que tu te trompes Kanya, protesta le Petit Pokémon. Nous ne sommes pas partenaire mais sœur. Et ce que tu fais… Je sais que tu n'as pas eu vraiment le choix mais, je refuse de participer à ce genre de boucherie dans lesquelles tu es devenue une spécialiste. Je t'en prie, renonce à ce genre d'existence…
La dénommée Kanya lui jeta un regard mi-désolé, mi-agacé.
- Même si je le voulais, je ne pourrais pas m'arrêter. Si je renonce à ce métier, la garde impériale nous pourchassera pour mes contrats et ce n'est pas les frontières politiques qui les arrêtent. Je ne peux et ne veux pas arrêter ma vie actuelle.
Elle soupira avant de continuer.
- Snow, je ne veux pas que tu partes mais si la vie que nous menons ne te satisfait pas, tu peux partir…
- Tu n'y penses pas, protesta la Mistigrix, indignée. Tu es ma sœur, comment peux-tu penser une seule seconde que je vais te laisser décapiter toutes les personnes que l'on te demande de trancher ? Même si ce que nous faisons me dégoûte, nous devons rester ensemble.
- Fais comme tu veux, répondit Kanya en haussant les épaules et mettant fin à la conversation.
Elle ramassa la tête de l'esclavagiste et la mit dans un sac de toile qu'elle ferma. Elle quitta ensuite la ville, son morbide fardeau sur l'épaule, la Mistigrix blanche sur ses talons qui ne cessait de jeter des regards inquiets et tristes sur sa sœur bien aimée.
« Quel monstre est-elle devenue ? » Pensa-t-elle en observant une dernière fois le corps décapité de l'esclavagiste mort.