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Legendary Bonds de Clafoutis



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» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 18/08/2015 à 19:40
» Dernière mise à jour le 18/08/2015 à 20:15

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Chapitre 25 : Lorsque Sofian dort.
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Samedi 6 février
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L'Homme était un spécimen bien étrange, succombant facilement à ses désirs. En l'occurence, dans un appartement quelconque à Mérouville, un jeune brun était affalé sur son lit. Pourquoi se lever ? se disait-il. C'était vrai après tout, il était samedi, il n'y avait pas cours. Bien sûr, s'il avait un peu pus de volonté, il se serait levé et, qui sait, peut-être, dans un coin de rue, aurait-il sauvé un riche héritier, risquant de se faire écraser par une voiture, de justesse, peut-être que ce dernier l'aurait récompensé en le couvrant de récompenses, peut-être que le brun courageux aurait investi son argent dans les associations humanitaires et ainsi sauvé la planète de la pauvreté !
Mais non, plutôt que de penser au bien être de l'humanité, ce brun préféra rester là, à ne rien faire. Et pris d'une flemme intense, il s'endormit.

***

– Alors, c'est par ici... je crois...

À peine sortie du métro, Camélia Rozelia était un peu perdue dans cette grande mégalopole qu'était Lavandia. Elle n'avait strictement rien à voir avec Mérouville. Si l'on devait décrire Mérouville en détail, on la découperait en quatre quartiers, un quartier industriel quasi-désaffecté, un vieux quartier vide, un quartier résidentiel pas très moderne, et un quartier commercial peu fourni.
En revanche, pour Lavandia, c'était tout simplement impossible de la décrire simplement. Entre les casinos, les énormes magasins, le majestueux siège de la Devon SARL, l'éclatante arène électrique, l'énorme lycée entouré par les autres collèges et écoles... et encore, ce n'était que la partie visible, Lavandia était aussi connue pour ces souterrains, fourmillant d'activité diverses et variés.

– Umbra, Umbra...

Camélia cherchait désespérément le quartier mal famé sur toutes les cartes, mais c'était peine perdue. Déjà, seul un moine des grottes de Myokara pouvait avoir la patience de déchiffrer ces véritables parchemins, mais en plus, Lavandia n'était pas très fière d'Umbra, et en avait par conséquent soigneusement effacé toute trace des cartes, histoire de ne pas trop effrayer les touristes.

– Que vois-je ? Ne serait-ce pas un être perdu, reclus sur ses terres sans âge ?
– Effectivement, les ténèbres de son cœur animent mon... ascenseur clément.
– ... ascenseur ?
– ... c'est pour la rime !


Camélia fixa d'un œil perplexe les deux individus se donnant en spectacle devant elle. À droite, un adolescent plutôt grand, vêtu d'un large manteau noir de jais, tranché par une bande blanche verticale, lui arrivant jusqu'à ses bottes noires. Il avait également un grand ruban rouge vif attaché à sa main droite et ses cheveux noirs s'élevaient en pointes dirigées vers l'arrière.
À gauche, se trouvait une adolescente, plus petite que son comparse. Elle était vêtue d'un large manteau blanc pur, tranché par une bande noire, lui arrivant aussi jusqu'à ses bottes blanches. Elle avait de plus se même ruban rouge vif attaché à sa main gauche et ses longs cheveux crèmes étaient enroulés autour de son cou, tel une écharpe.

– Hé ! recula subitement Camélia. Mais je vous reconnais, vous êtes les deux gugusses du parc ! Euh... K... ah ! Kunja et Karen !
– Il semblerait que nous soyons repérés, Karen, souffla posément Kunja.
– Étrange, réfléchit Karen, notre champ de force psychosensoriel devrait pourtant nous rendre invisible aux yeux de la populace.
– Il existe donc une personne capable passer outre mon Œil Omniscient..., marmonna Kunja.
– ... ohé, serra Camélia des dents. Je ne sais pas de quoi vous parlez mais je suis quasiment certaine que ça n'a aucune sens !

Soudain, Karen analysa Camélia avec plus d'attention.

– Oh ! s'étonna t-elle légèrement. Kunja, cette fille, nous l'avons déjà rencontré, lorsque nous étions à Mérouville.
– Vraiment ?
– Oui, je reconnaîtrais ces longs cheveux blancs de grand-mère entre mille !
– En effet, maintenant que tu le dis, ces longs cheveux de grand-mère me disent aussi quelque chose...
– ... j'vous en foutrais des grands-mères ! grommela Camélia.
– Ah ! se souvint Kunja. Elle était avec la femme à l'Insécateur !
– Une puissante adversaire, se rappela Karen. L'une des rares avoir résisté à notre Souffle du Néant...

Légèrement irritée, Camélia recula en serrant les dents.

– Écoutez les clowns, je ne suis pas là pour perdre mon temps avec vous, ok ? J'ai déjà assez perdu de temps comme ça à tourner en rond dans cette foutue ville !!
– Nous avions vu juste, sourit un Kunja guère impressionné. C'est effectivement une âme égarée.
– Hé bien, vous avez eu de la chance d'être tombée sur nous, sous-fifre de la femme à l'Insécateur. Permettez que nous nous présentions une nouvelle fois.

Après s'être concerté d'un regard, l'adolescent au manteau noir se plaça devant sa comparse, bomba le torse et leva sa main droite au ciel.

– Je suis celui qui arpente les nuits aux procès de la Lumière, de mes serres voilées, je fauche l'espoir que je quête.

Puis, l'adolescente au manteau blanc avança à son niveau, bomba elle aussi le torse et leva cette fois-ci sa main gauche.

– Je suis celle qui arpente les jours à la lueur des Ténèbres, de mon poing vengeur, je purifie le désespoir funèbre.

Enfin, les deux individus joignirent leurs deux mains, et reprirent d'une même voix :

– Nous sommes ceux qui défient les origines, l'alliance des Ténèbres et de la Lumière, le duo du Néant !

Un long silence suivit. Camélia leva les yeux au ciel atterrée et incapable de prononcer mots.

– Autrement dit, s'avança Kunja, nous sommes les fiers Héros de Lavandia.
– Là où il y a égarés, nous apparaissons afin de les épauler, conclut une Karen satisfaite.
– C'est votre cas, non ? Qu'importe que nous avions été ennemis par le passé, ...
– ... si vous avez besoin d'aide en Lavandia, nous nous donnerons corps et âme pour vous.

Karen et Kunja se regardèrent avec un petit sourire et se retournèrent vers Camélia en proclamant ensemble gravement :

– Car c'est là la fierté du duo du Néant !

Camélia soupira longuement, prise entre des sentiments contraire. D'un côté elle avait envie de quitter ces deux énergumènes au plus vite, mais en même temps, il se dégageait de ces deux individus de noir et de blanc une telle aura de sincérité et de générosité que la présidente du conseil des élèves ne pouvait décemment pas rester de marbre.

– ... si ça vous fait tant plaisir ! se résigna Camélia. Mais je doute que vous puissiez m'aider, je recherche un moyen de me rendre à Umbra...

Karen et Kunja s'échangèrent un regard surpris.

– N'est-ce pas..., soupira Camélia. Vous voyez, vous n'avez sans doute aucune idée de vous aventurer dans un coin aussi mal...
– Tiens donc ! la coupa Kunja. Le Destin aime toujours autant se jouer de nous.
– C'est justement là que nous voulions aller.
– ... Hein ?! s'écria presque Camélia avant de se ressaisir. ... non, deux minutes, au fond ce n'est pas si étonnant que ces deux machins soient familier à un lieu pareil...

Kunja s'avança vers Camélia et lui tendit une main accueillante.

– Umbra est lieu dangereux, jeune demoiselle insouciante. Mais en notre compagnie tu devrais pouvoir t'y aventurer sans risque.
– Ehm !

Soudainement et étrangement amère, Karen poussa Kunja et prit sa place.

– Effectivement, siffla t-elle, en NOTRE compagnie, je suis là moi aussi...
– ... ? s'interrogea Kunja. Je n'ai jamais dis le contraire...
– Moi non plus ! bouda Karen en détournant la tête.
– Euh..., plissa Camélia des yeux. Mouais, je suis plutôt pressée à vrai dire, si vous voulez m'escortez c'est très bien, mais dans ce cas garder vos petites disputes de couple de côté je vous prie...
– Dispute de couple ? s'étonna Kunja. Je ne vois pas de quoi vous parlez, jeune demoiselle. Karen et moi sommes en parfaite symbiose ! Jamais je ne me disputerais avec celle qui complète mon âme ! N'est-ce pas, Karen ?
– ... !! rougit furieusement cette dernière. ... moui...
– ... ehm..., rougit Kunja à son tour comme s'il venait de réaliser ce qu'il venait de dire.

Camélia leva les yeux au ciel.

– Par Arceus, me voici dans les feux de l'amour ! Bon, je vais y aller toute seule si...
– N-nous y allons de ce pas, la coupa Kunja.
– Moui..., continua de marmonner Karen.

Et le trio s'avança à travers la grande ville de Lavandia.
Mais au fur et à mesure que le temps passait, Camélia regrettait VRAIMENT d'avoir accepté l'aide des fiers « Héros de Lavandia ». Certes, avoir des guides était sympathique dans cette espèce de mégalopole labyrinthique, mais Camélia aurait aimé que ces deux bons samaritains arrêtaient de venir en aide à tous ceux qu'ils croisaient !
En cinq heures, Kunja et Karen avaient aidé pas moins de 34 personnes à traverser, fait descendre 12 Chacripan coincés dans les arbres, raccompagné 8 enfants perdus chez-eux et ils avaient même travaillé 30 minutes dans un petit restaurant en attendant le serveur en retard !
Camélia accordait un grand respect aux personnes valeureuses et prêtes à aider leur prochain sans rien attendre en retour. Mais là, c'était peut-être trop. Cependant, elle ne pouvait pas se résoudre à leur fausser compagnie, car non seulement ce duo ne faisait rien de mal, mais en plus ils éprouvaient une telle satisfaction à jouer les Héros que Camélia n'arrivait pas à leur en tenir vraiment rigueur.
De plus, Kunja et Karen semblaient très connus dans la ville, beaucoup de passants les saluaient avec un grand sourire dans la rue. D'après ce que Camélia avait compris, le duo du Néant sévissait depuis maintenant presque 3 ans à Lavandia et aidait toujours tous ceux qu'ils croisaient. Lorsque Camélia voulait en savoir plus sur la raison d'une telle abnégation, la seule réponse qu'elle ait obtenue fut un sourire moqueur agrémenté d'un :

« C'est le sens de notre existence, il y a t-il un problème à accomplir ce à quoi nous sommes destinés ? »

Chose à laquelle Camélia n'avait pas trouvé grand-chose à redire. Il fallait dire qu'elle ne s'était jamais vraiment posé la question et qu'elle n'avait pas non plus envie d'y répondre maintenant.
De toute façon, son long voyage Lavandais touchait à son terme.

– Et voici, jeune âme égarée, Umbra !

Camélia plissa les yeux. Lavandia représentait le summum de la technologie urbaine, c'était le joyau d'Hoenn. À côté de ça Umbra ressemblait à une espèce de hameau en ruine. Le sol n'était même pas pavé ou goudronné, à la place il y avait de la terre sèche et quelques brins d'herbe jaunis, la plupart des maisonnettes étaient en pierre fissurée et semblaient si instables que Camélia pensait sérieusement qu'un simple coup de vent brusque pourrait suffire à les faire écrouler.

– C'est... pittoresque, souffla Camélia.
– La lumière d'un cœur s'observe de l'intérieur, répliqua posément Karen.
– ... hein ?
– ... hé, frémit presque la lycéenne de blanc. Ce qui je viens de dire, là, c'était vachement cool !!
– Ouais ! s'émerveilla Kunja. Rien que d'y repenser, j'en ai encore des palpitations !
– Et c'était instinctif en plus !!
– Ils m'ont complètement oubliée..., soupira Camélia.

La présidente du conseil des élèves secoua la tête et se concentra plutôt sur ce qu'elle était venue faire, c'est-à-dire avoir des informations sur le fameux passé de Sofian. Cet idiot de brun lui avait promis un indice, et cet indice c'était révélé être une identité : Cyrus Kleffi.
Camélia appréhendait sa future rencontre avec ce type, déjà parce qu'il était un habitant d'Umbra, et seul des crapules en tout genre vivait ici, et aussi, ce Cyrus était une connaissance de Sofian. C'était sans doute le fait que la terrifiait le plus, quel genre de frappadingue cela allait être encore ?
Mais soudainement, la cruelle réalité frappa Camélia : elle avait beau être à Umbra et connaître le nom de celui qu'elle recherchait, il n'avait absolument aucune idée de comment le trouver.
Résignée, Camélia se retourna vers ses deux guides qui étaient encore en train de se vanter de leur prouesses lyriques.

– Euh excusez-moi..., les interrompit-elle. Est-ce que vous sauriez où habite un certain Cyrus Kleffi ?

Kunja et Karen se retournèrent immédiatement.

– Cyrus ? s'étonna Kunja. C'est donc lui la raison de votre visite ?
– Voilà qui est assez curieux, rajouta Karen. Peu de gens osent encore le rendre visite.
– ... à ce point ? geignit Camélia en s'imaginant le pire.
– Vous... verrez, hésita Kunja. Mais un conseil, faites attention où vous mettez les pieds, votre vie en dépend.
– Mais d'un certaine manière, compléta Karen, vous avez de la chance. Cyrus est sans doute le seul qui se trouve chez lui aujourd'hui.
– Ah ? s'interrogea un Camélia curieuse. Il se passe quelque chose ?
– Tout les samedi se tient la réunion hebdomadaire de Mister R., le boss d'Umbra, expliqua Kunja.
– Réunion dont nous comptions honorer de notre présence, précisa Karen. D'ailleurs, ne remarquez-vous l'absence d'âme autour de vous ? C'est simple, tout le monde se trouve chez Mister R..

Effectivement, Camélia avait beau regarder à droite et à gauche, il n'y avait absolument personne à l'horizon.

– Et pourquoi ce Cyrus n'y va pas ? demanda Camélia à tout hasard.
– À vrai dire, personne n'est obligé d'y aller, lui répondit Karen. La plupart d'entre nous y vont par courtoisie envers le Mister R..
– ... et surtout pour qu'il ne se lance pas dans des projets stupides, soupira Karen.
– Oui, acquiesça Kunja. Je me souviens encore du jour où il voulait construire une gare factice à Umbra et renommer la ville « Voir ». Juste pour faire le jeu de mot « Gare de Voir ».
– Le pire, c'est qu'il tenait vraiment à son idée, on a presque dû passer la journée à le raisonner !
– Je vois..., geignit Camélia.
– Mmh, il se fait tard, remarqua Karen. Nous devons nous dépêcher de nous y rendre nous aussi, après vous avoir conduit chez Cyrus, bien entendu.
– On fait comme vous voulez, acquiesça Camélia.

Comme d'habitude, le duo du Néant tint parole et escorta Camélia à travers Umbra et la déposa devant la demeure de Cyrus Kleffy avant de partir pour leur réunion.
Le moins que l'on puisse dire, c'était que cette maisonnette avait quelque chose de... particulier. De loin, elle ressemblait à n'importe quelle maisonnette du coin, mais de plus près...
Soudain, Camélia se souvint de l'avertissement de Kunja.

« Faites attention où vous mettez les pieds. »

A ça oui, Camélia allait faire attention. Pour la simple et bonne raison que tous les alentours de la petite résidence étaient piégés ! Pièges à loup, trou recouvert de feuilles, corde cachée dans l'herbe déclenchant moult autres mécanismes, il y en avait pour tous les goûts. Le seul souci était que...

– Ces pièges sont trop évidents !!

Évidemment recouvrir un trou de feuilles vertes peut-être un bon camouflage en forêt, mais pas sur une terre sec et aride. De même, faire pousser de l'herbe pour y cacher des cordes piégées peut sembler une bonne idée, mais pas quand on fait uniquement pousser une maigre ligne de verdure à peine suffisante pour dissimuler une corde ! Et que dire des pièges à loup éparpillés bien à la vue de tous autour des trous feuillus.
Mais au moins, l'avantage de tout ça était que Camélia parvint très facilement à tous les esquiver, et elle n'allait pas s'en plaindre. Même si à y regarder de plus près, elle aurait juré voir la marque d'une célèbre compagnie de jouets sur l'un des pièges à loup... mais ça devait être son imagination.
Une fois arrivée à la porte, Camélia déglutit, légèrement hésitante. Après quelques exercices respiratoires, la présidente du conseil des élèves prit son courage à deux mains et toqua à la porte.

– ...

Deux minutes plus tard, aucune réponse. Camélia réessaya, sans plus de succès. Peut-être était-il absent ? Camélia grinça. Cela voulait-il dire qu'elle était venue ici pour rien ? Après avoir passé 5 heures à vagabonder dans Lavandia avec le duo du Néant, il y avait de quoi être amère.
Finalement, la demoiselle tenta le tout pour le tout, elle n'allait pas abandonner aussi rapidement tout de même. Camélia empoigna fermement la poignée de la porte, la tourna doucement et...

– ... c'est ouvert ?

La porte glissa simplement en un petit grincement. Camélia hésitait un peu à rentrer, après tout, ce n'était pas vraiment réglementaire. Une porte ouverte n'était pas un prétexte suffisant pour la franchir sans gêne.
Mais alors qu'elle pensait cela, la porte s'ouvrit brusquement en grand, l'entraînant de force à l'intérieur.


– ...

Camélia se mit en garde et empoigna sa Pokéball. Elle analysa consciencieusement les lieux. C'était une simple maisonnette de campagne, une seule pièce comprenant le lit, la table à manger, et la cuisine.
Mais quelque chose clochait : il n'y avait strictement personne d'autre. Qui avait bien pu ouvrir la porte alors ?
Et tout-à-coup...

– Secret Ninpo : réapparition !

Soudainement, une intense fumée blanche se rependit à travers toute la pièce.

– ... Que... ?!
– Fufufu, glissa une voix masculine. Intéressant, très intéressant. Qu'une inconnue parviennent à pénétrer ainsi dans mon illustre dojo, évitant gracieusement tout mes pièges !
– ... hein ?! Mais qu'est-ce qu...Kyaaah !!

Une fois la fumée dissipée, Camélia détourna instantanément la tête, rouge comme une tomate.
Pendant un bref instant, elle avait pu entrevoir son interlocuteur. Et en toute franchise, elle aurait préféré s'en passer.
Celui qui venait d'apparaître dans la volute de fumée était indéniablement un homme. Il possédait une chevelure lisse, noire et mi-longue qui retombait sur son visage, cachant totalement son œil gauche.
Mais par-dessus tout, ce type était torse nu. Pieds nus aussi. En fait, il ne portait qu'un magnifique caleçon moulant à rayures bleus et blanches mettant superbement en valeur la musculature finement taillée de l'adulte à l'allure svelte.

– Qu'y a t-il ? s'interrogea l'homme au caleçon en s'approchant. Vous n'êtes tout de même pas venu ici pour me tourner le dos !
– Kyaaah ! paniqua Camélia. Ne vous approchez pas espèce de pervers !! Sortez d'ici !!
– Sortir ? Mais je suis chez moi !
– ... !!

Cette dernière phrase résonna dans la tête de Camélia. Un minute. Elle était supposé être dans la demeure de ce fameux Cyrus Kleffi, non ? Alors, ce type en caleçon, qui disait être chez lui... était donc ce fameux Cyrus ?

– Haha...hahaha..., ria inconsciemment Camélia. Je... je le savais... encore un type bizarre... je n'aurais jamais dû venir ici...hahaha...haha...
– Fu ! Vous êtes bien insolente de m'insulter ainsi dès notre première rencontre, mademoiselle. Regardez, malgré vos cheveux de grand-mère et la fausse poitrine que vous exhibez, je ne vous juge pas encore.
– ... hein ?!

Instinctivement, Camélia reculant, étreignant sa poitrine.

– C-comment avez-vu su ?!
– Fufufu ! sourit l'homme au caleçon. Je me nomme Cyrus Kleffi, le Ninja Chimérique ! Nulle illusion n'échappe à mes sens bestiaux ! Secret Ninpo : équipement rapide !

Brusquement, Cyrus tourna rapidement sur lui-même, et comme par magie, il se retrouva armé d'un multitude d'espèces de couteaux dans la main droite et d'une fine lame dans sa main gauche, sans oublier la ceinture d'explosifs – en était-ce vraiment ? – qu'il portait à l'épaule.

– Fufufu, s'amusa Cyrus. Je vois votre question dans vos yeux. D'où est-ce que je peux sortir mes kunaï, mon Ninjato et mes fumigènes ? Hé bien je n'ai qu'une réponse à cela : je suis le Ninja Chimérique ! Toutes mes armes reposent dans mon unique caleçon Chimérique !
– ...
– Hé oui, sourit Cyrus en caressant son caleçon. Cette merveille est sans doute le plus beau de tous mes trésors ! Si vous voulez, vous pouvez avoir l'honneur de le toucher !
– .... s-sans façon... merci...
– Fu ? Vous ne savez pas ce que vous manquez mademoiselle.
– ... je... je sais que je vais le regrettez mais..., hésita Camélia, pourquoi est-ce que vous portez uniquement ce truc ?!
– Pourquoi me demandez vous ? Parce que c'est la tenue standard de ninja pardi ! Voyez, gente demoiselle, j'ai longuement étudié la tenue vestimentaire des ninjas ; et dans ces magnifiques encyclopédies nommées « manga », dès qu'une femme ninja ou autre apparaît, elle est toujours très légèrement vêtue, alors j'ai pensé que c'était la même chose pour les hommes !
– Vous... devriez sérieusement changer vos sources d'informations...

Camélia soupira longuement. Bon, même si ce type était étrange, elle l'avait trouvé. Et puis, honnêtement, elle avait vu tellement de personne absurde depuis qu'elle était dans ce fichu Super-Club de recherche Ultra-Paranormale qu'elle commençait à être habitué. Quoi qu'il en soit, il fallait peut-être recentrer la discussion.

– Je viens de la part de Sofian Aaken, lâcha t-elle finalement.
– ... le petit Sofian ?

Le visage de Cyrus prit soudainement une teinte plus sérieuse.

– Fufufu. Alors il va bien, marmonna t-il avec un petit sourire. Tant mieux.

Camélia soupira de soulagement. Sofian ne lui avait pas menti, ce Cyrus et lui étaient bien liés.

– Il m'a dit que vous saviez ce qui lui est arrivé, lorsqu'il était jeune, et que vous pouviez me le raconter.
– ...

Cyrus se retourna, le visage sombre.

– Ce qui lui est arrivé..., répéta t-il. Je vois. Je comprends mieux la raison de votre présence. Et vous dites que c'est lui qui vous a demandé de venir me voir ?
– ... c'est ça.
– ... c'est logique après tout, soupira le ninja. Comment auriez-vous pu connaître mon nom sinon ? Enfin, je lui en dois une, pour lui je veux bien me replonger dans cette histoire...
– ... c'est si terrible que ça ? s'inquiéta Camélia.
– Mmmh...

Cyrus sauta et s'allongea dans son lit, songeur.

– Disons que c'est le genre d'histoire dont même les journaux ne sont pas autorisés à parler.
– ... !!

Camélia et Cyrus sursautèrent face à cette voix inattendue. Fier de son petit effet, Thomas Raibolt s'appuya dos contre le mur, les bras croisés, avec un petit sourire. Il aurait eu un minimum de classe s'il n'était pas recouvert de pièges à loups et de feuilles vertes...

– ... « il est tombé dans tous les pièges ?! » geignit mentalement Camélia.
– Thomas ? s'étonna Cyrus. Mais que fais-tu ici ? Tu sais bien que... enfin... si les autres te voient...
– Hahaha ! s'amusa le blond. Je sais me faire discret, en plus c'est la réunion hebdomadaire aujourd'hui. Ne t'inquiète pas, personne ne m'a vu.

Le barman lorgna du côté de Camélia.

– Et je m'interroge plus sur notre planche-à-pain nationale, sourit Thomas. J'ai été assez surpris de la voir se rendre à Umbra, alors j'ai simplement décidé d'en savoir plus...
– Tu m'as suivie ?!
– Je préfère le terme de « recueillement d'informations » ! Quoiqu'il en soit, j'ai entendu votre petite discussion. Alors comme ça Sof' t'as demandé d'aller voir Cyrus, voilà qui est encore plus étonnant. Si tel est la volonté de mon cher ami, je pense qu'il est de mon devoir d'ajouter ma pierre à l'édifice.
– ... hein ?
– Tu veux en savoir plus sur le passé de Sofian ? Et bien soit, je me ferais un plaisir de compléter le récit de Cyrus. Notre bon vieux Ninja ne sait malheureusement pas tous les détails de cette histoire.
– Mmmh, réfléchit Cyrus. Il est vrai que je n'ai connaissance que du plus gros de l'affaire. Fu ! Parfait alors, j'accepte ton aide, petit Thomas.
– Merci bien, s'inclina malicieusement le blond avant de se retourner vers Camélia. Et quant-à toi, je te conseille de t'asseoir, cela risque d'être long.
– ...

Camélia resta immobile tant elle était concentrée. Elle avait l'impression d'être sûr le point de découvrir un secret qu'elle n'aurait jamais dû ne serait-ce qu'effleurer. Mais Camélia était une femme curieuse, beaucoup trop curieuse pour laisser passer une telle occasion.
Thomas Raibolt lui lança un petit sourire ironique, presque condescendant. Un peu plus loin, Cyrus Kleffi, allongé dans son lit, passa une main sur son fin visage.
Camélia Rozelia déglutit, et se prépara à enregistrer la moindre information.

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6 ans plus tôt, Nénucrique, aussi connue comme étant la ville du vice.
Lors du réveil du légendaire Kyogre par la Team Aqua, les immenses raz-de-marée n'avaient pas épargné le plus grand port d'Hoenn. Entre les infrastructures inondées, les bâtiments détruits, les rejets de la mer envahissant la cité, les victimes humaines ; les forces de l'ordre avaient complètement été dépassées.
Mais dans ce chaos, un homme avait su tirer son épingle du jeu, il se faisait appeler le Général.

Le Général n'avait que 25 ans à l'époque, et derrière son visage d'ange et son élégante chevelure ébène bouclée, se cachait un véritable démon. Sans que personne ne sache exactement pourquoi, les mains de cet homme pouvaient tout simplement détruire tout ce qu'elles touchaient, en plus de pouvoir lancer des rayons destructeurs.
Or, le Général n'était pas idiot. Même si son pouvoir inspirait crainte et respect, il n'était qu'un homme à la constitution fragile, comme tout être vivant. Seul, il se ferait vite submerger. Alors, le Général ressembla autour de lui les malfrats peuplant Nénucrique, créant ainsi son groupe criminel.
Mais cela n'était pas suffisant, ses « coéquipiers » n'étaient guère performants et aboyaient plus qu'ils ne mordaient. Mis à part bien sûr ses deux bras droits.

Roy Herugaa et Cyrus Kleffi.

Deux êtres exceptionnels. D'un côté, Roy Herugaa, le colosse aux crocs ardents, un meneur d'hommes exceptionnel, un charisme sauvage surplombé d'un carrure plus qu'imposante. Il était l'un des seuls à être capable de communiquer avec et comprendre les sbires de bas étage.
Le Général se souvenait vaguement de sa rencontre avec Roy, à l'époque, les crocs du colosse étaient bien émoussés. Il passait son temps à écumer les bars, sans le sou ; bref, pathétique. Roy était ce que l'on appelait une seconde main-née. Il avait les compétences, mais était incapable de s'en servir sans guide. Le Général sauta sur l'occasion, et offrit à Roy une place auprès de lui, une place où il pourrait exploiter son plein potentiel.
De l'autre côté, Cyrus Kleffi. Un être mystérieux s'auto-proclamant « Ninja Chimérique », que le Général n'avait jamais vraiment cherché à comprendre. Cependant, ce qu'il arrivait très bien à comprendre, c'était que Cyrus avait un potentiel unique. Il était capable de se faufiler n'importe où, possédait une agilité légendaire et une discrétion digne d'une ombre. Une perle en soi, à partir de là, le Général pouvait bien accepter que son complice ne s'habille que d'un simple caleçon.
Cyrus était aussi un homme brisé, trop habitué à l'ombre, il en arrivait à ne plus pouvoir vivre dans le monde en surface. Incapable de trouver sa place, invisible aux yeux des autres, Cyrus n'était qu'un fantôme, une chimère. Lorsque le Général le remarqua et le proposa de le rejoindre, Cyrus le vit comme un messie venant l'arracher à sa vie morne et sans intérêt.

Mais même avec deux hommes d'exception, le reste de l'organisation était aussi capable qu'une armée de Magicarpe. Non, ce qu'il manquait au Général, c'était l'influence. Et justement, « grâce » à l'incident de Kyogre le puzzle du pouvoir fut enfin complété.
Là où les forces de l'ordre était dépassées fautes d'homme ou de moyens, le Général s'était imposé comme un sauveur, utilisant son immense fortune accumulée à travers diverses et multiples magouilles afin de reconstruire la ville. Un tel élan de générosité n'avait rien d'innocent, loin de là, puisque désormais, le Général était créancier de quasiment la totalité de Nénucrique. Absolument personne ne pouvait le contredire, les plus hautes autorités de la ville étaient dans sa poche et son organisation veillait dans l'ombre. L'argent contrôlait le monde, et ça, le Général l'avait bien compris.
Le but du Général était simple : étendre son influence à tout Hoenn. Après tout, maintenant que les Teams Aqua et Magma avaient disparu, il fallait bien une entité supérieure pour les remplacer, et qui de mieux placer pour ce rôle que lui, l'éminent et tout-puissant Général ?

– Alors, voyons ce que nous avons là...

Bien installé sur son somptueux fauteuil noir et encadré par ses deux bras-droits, le Général consultait ses affaires du jour. Une activité fort plaisante. Quelle jouissance était-ce que de voir les intérêts de ses débiteurs grimper en flèche de jour en jour ! Et dans tous les domaines ! Le centre commercial, le port, le centre de concours... tout lui appartenait ; Il possédait à la fois le pouvoir de se faire de l'argent et l'argent pour s'acheter le pouvoir !
Le Général laisse un petit ricanement satisfait lui échapper. D'abord Nénucrique, ensuite Hoenn... et pourquoi pas le monde tant qu'il y était ? Sa fortune augmentait de jour en jour, il avait déjà en projet d'augmenter sa puissance de feu en acquérant le maximum de Pokémon les plus puissants possibles.

– Oh ?

Le Général fronça les sourcils. Une petite coquille dans le dossier, un fruit arrivé à maturité. Histoire de gonfler un peu plus ses crédits, le Général avait décidé de continuer sa petite carrière de créancier, certes être créditeur des plus grandes puissances de la ville était très sympathique, mais il n'y avait pas que les gros qui avaient le privilège d'être plumés, les petits gens en avait tout aussi le droit.
Alors le Général s'était mis à prêter à qui le voudrait, à des taux absolument terrifiant. En l'occurrence, il louchait actuellement sur une famille pas très lucrative, les Aaken. De mauvais clients ça, très mauvais, le Général avait vraiment fait une mauvaise affaire avec eux. Pourtant, au moment de conclure le contrat, les Aaken disposaient d'un capital correct, il avait juste sous-estimer le potentiel dépensier de ses clients.
Quoiqu'il en soit, il était temps d'imposer le contrat pour de bon, cela l'embêtait légèrement, les Aaken n'avait même pas encore remboursé 50% de leur crédit initial, et même avec une saisie complète de leur appartement, jamais le Général ne reverrait la douce couleur de son argent ; mais il fallait bien limiter la casse à un moment.

– Roy, Cyrus. Allez y faire un tour, et prenez tout.

Les deux bras droits acquiescèrent et s'exécutèrent en silence, laissant leur Général s'extasier devant son chiffre d'affaires.

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– Mmmgrh..., grommela bruyamment Roy.
– Je sais à quoi tu penses partenaire, souffla Cyrus.
– Ce type me fout les jetons !
– ...

Pendant que le duo se dirigeait vers la demeure des Aaken, Roy fulminait. Il se souvint du premier jour, sa rencontre avec le Général. Un homme puissant, charismatique, un leader. Roy le respectait. Cependant, plus le temps passait, et plus le Général se révélait être un tyran. Sa voix mielleuse dégoulinait de malice, ses yeux étincelaient à la vu de la moindre piécette, et surtout, il n'avait plus aucune considération pour le genre humain ; ce n'étaient que des outils, des ressources dispensables pour engranger le plus d'argent possible.
Il n'avait pas toujours été comme ça. Autrefois jeune conservateur, Frantz Chiriin se démarquait par son dévouement et sa passion. Mais du jour au lendemain, Frantz quitta le musée d'art où il travaillait, sans raison apparente, et abandonna son ancien nom. Que lui était-il arrivé ? Personne, même ses plus proches parents, ne le savait. Il avait complètement coupé les ponts avec son ancienne vie, bien qu'il continuât à vivre dans la même ville.

– 35 rue des Goélise, signifia Cyrus. Nous y sommes, partenaire.
– Tsst, siffla Roy en fixant le ciel étoilé. Nous faire sortir à cette heure !
– Pense à la paye en fin de mois.
– Grmbl... elle a intérêt à être bonne... bref, on fait comme d'habitude ?

Cyrus acquiesça en souriant et disparu après avoir lancé un fumigène. Roy soupira, pourquoi son « partenaire » devait-il toujours en faire autant ? Et il n'avait pas froid à se balader en caleçon à 23h ?! Roy secoua la tête, ce n'était pas le moment de se prendre la tête avec les extravagances de ce type ; il avait du pain sur la planche.

Le colosse aux lunettes de soleil s'arrêta. Appartement n°6. Une visite aussi tardive était stupide dans l'idée de Roy, mais le Général voulait récupérer son argent dans les plus brefs délais ; les infimes détails comme le temps n'était rien pour lui. Et ce que le Général voulait, il l'avait, rares sont ceux qui osaient encore le contredire après qu'il eût sauvagement assassiné dix de ses hommes.
Roy fracassa son gros poing sur la porte à plusieurs reprises, l'écho fut si puissant qu'il réveilla sans nul doute tout le voisinage.

– OUVREZ ! gueula t-il férocement. JE VIENS DE LA PART DU GÉNÉRAL !

La simple mention du grand patron suffisait largement à calmer les âmes les plus hardies. Même la police évitait d'intervenir lorsque le Général était de la partie.
Roy pouvait entendre un sacré tumulte à l'intérieur, preuve qu'il y avait du monde. Mais étrangement, personne ne lui répondit, quand bien même il ne cessait de frapper à la porte. Réaction naturelle d'endettés chevronnés ne pouvait manifestement pas satisfaire leur engagement.
Roy soupira et se mit à compter.
1, 2, 3... au bruit se rajoutait quelques voix paniquées.
4, 5, 6... les voix se calmèrent.
7, 8, 9...

– Ça ne devrait plus tarder à présent...

Soudainement, une ombre vivace atterrit juste devant le colosse.

– Comme prévu, ils ont tenté de s'enfuir par la fenêtre de derrière, partenaire !
– Beau travail Cyrus.

Roy lança un regard dédaigneux le couple blême que portaient le Ninja Chimérique.
Typiquement ce que l'on appelait des pauvres types. Des flambeurs invétérés, sales, ne travaillant pas et préférant s'enliser dans des plaisirs inutiles.
D'après ses renseignements, les Aaken possédaient autrefois une fortune très respectable, provenant d'un héritage. Une fortune qui leur aurait permise de vivre honnêtement toute leur vie sans jamais connaître de problème d'argent, mais c'était sans compter leur accablante bêtise.

– L-lâcher-nous !! beugla la femme en se débattant. Vous avez vu l'heure ?! Vous n'avez pas le droit de faire ça !!
– Oh que si, grogna Roy. Nous venons cherchez les 2 millions Pokédollars que vous nous devez.
– N-nous ne les avons pas ! supplia l'homme. P-pitié, accordez nous encore un mois !
– Pour vous laisser le temps de vous barrer à l'autre coin du monde ? soupira Cyrus.
– Tsst ! siffla la femme. On n'a pas votre fric, vous ne comprenez pas tête de gland ?!

Soudainement irrité, Roy s'approcha fermement en penchant sa tête maintenant ornée d'une expression magnifiquement sinistre.

– Non. C'est VOUS qui ne comprenez pas. DEUX ans que vous nous bassiinez avec vos conneries ! On en a assez, qu'on nous prenne pour des cons, z'avez pigé ? Ou c'est trop pour la merdasse qui vous sert de cervelle ?!

Silence de la part du couple. Le ton de Roy n'admettait de toute façon aucune réponse.

– Cyrus, vas fouiller.

Le ninja lança ses deux proies aux pieds de Roy et s'infiltra dans l'appartement. Et histoire de bien dissuader le couple de s'enfuir, Roy libéra son imposant Démolosse derrière eux.

– J'espère honnêtement que vous mentez, et que vous cachez du fric dans votre baraque, siffla Roy. Parce que sinon, vous savez ce qu'il va vous arriver, n'est-ce pas ?
– ...

Ça, ils ne le savaient que trop bien. Le Général n'était pas assez généreux pour laisser son argent filer entre ses doigts sans rien dire ; si jamais ses débiteurs ne lui rendaient pas son dû dans les temps, ils devaient donner de leur personne, c'est-à-dire, « travailler » pour lui jusqu'au remboursement total de la dette. Et vu que les intérêts de la dette gonflaient constamment, le « travail » ressemblait beaucoup plus à de l'esclavage à vie plutôt qu'autre chose.
Au bout d'une longue et intense minute pendant laquelle Roy toisa impitoyablement le couple pathétique, Cyrus revint en secouant la tête.

– Il n'y a rien, partenaire. Je ne pensais même pas qu'il était possible d'avoir un appart' aussi vide...
– Rien ? s'étonna Roy légèrement perplexe. Absolument rien ? Même pas de billets planqués, bijoux, de vêtements ou autres conneries du genre ?
– J'ai vu 2-3 guenilles traînant dans des semblants de garde-robe, mais je doute qu'en puisse en tirer quelque chose. En fait, je pense même qu'on devrait payer le revendeur pour qu'il prenne ces trucs...

Roy n'en croyait pas ses oreilles. Les Aaken étaient si dans mouise que ça ? Pourtant, en plus de leur capital de départ, ils avaient emprunté 1 million de Pokédollars au Général, ils avaient forcément fait quelque chose avec ! Rien ne se perd, tout se transforme ! Alors il devait bien rester une trace de tout ce fric quelque part ! Et si Cyrus n'avait rien trouvé, c'était qu'il n'y avait vraiment rien à trouvé, aucune cachette ne résistait au ninja.

– Qu'est-ce que vous avez fait du million ?! Vous en l'avez pas bouffé quand même ?!
– ....j-eu..., marmonna faiblement l'homme Aaken.
– Qu'est-ce que vous avez dit ?! grogna Roy.
– ... on... on l'a dépensé au jeu...
– Il veut sans doute parler de jeu d'argent, compléta Cyrus. Poker, machines à sous, roulette, ce genre de choses.

Roy se frappa le crâne.

– J'y crois pas...

Et secoua sa tête.

– Bah, ce n'est pas comme si c'était important de toute façon. Vous ne pourrez de toute évidence jamais payer vos dettes.
– ...
– Conformément au contrat de près que vous avez signé, vous devez donc travailler pour le Général jusqu'à lui avoir remboursé la totalité de la somme dû.
– V-vous foutez pas de moi ! gueula la femme Aaken soudainement paniquée. On ne deviendra jamais ses esclaves !
– P-pitié, marmonna son mari. N-nous trouverons un moyen, mais pas ça... je vous en supplie...

Ni Roy ni Cyrus ne pouvait les blâmer. Le Général avait tendance à considérer ses « travailleurs » comme des esclaves. Les hommes se retrouvaient souvent à suer sang et eau dans des mines jusqu'à la fin de leur jour dans le meilleur des cas, tandis que les femmes faisaient connaissance avec le magnifique monde du proxénétisme. Avenir peu réjouissant en perspective.

– Ah ! se souvint soudainement Cyrus. Attends un instant partenaire, j'ai oublié un petit détail.
– ... ?
– Leur appartement n'est pas tout à faire vide en vérité, il y a un enfant qui dort à poings fermés dans le salon.
– Cyrus, soupira Roy, tu aurais pu me le dire plus tôt...
– Fufu, désolé, je cherchais uniquement des trésors matériels.
– La question reste de savoir ce qu'on en fait.

Soudain, le couple Aaken s'échangèrent un regard, comme s'il venait de regagner espoir.

– Voilà ! s'écria la femme. Prenez le gosse !
– ... pardon ? s'étonna Roy.
– Il... il est encore jeune, v-vous pourrez en tirer un bon prix ! Ça pourrait rembourser ce qu'on vous doit, non ?
– Hé, Cyrus, elle se paye notre tête là ? Ou elle nous propose bien de VENDRE son gosse pour payer sa dette ?
– J'en ai bien peur..., soupira le ninja.

Roy fit craquer son poing.

– Écoutez-moi bien, bande de demeurés, vous vous êtes mis vous-même dans la merde avec vos conneries !Alors assumez bordel, au lieu de tout faire retomber sur un gosse !
– Pfeuh ! cracha presque la mère. Vous nous parlez de responsabilité maintenant ?! Vous ne voulez que du fric ou un truc de valeur, n'allez pas me faire croire que le manque de morale vous touche tant que ça ! Nous.... nous ne faisons que vous proposer un marché, rien d'autre !
– C'... c'est vrai..., murmura le père, c'est un échange...

Roy et Cyrus s'échangèrent à leur tour un regard. Cette scène était surréaliste, ils en avaient vu des personnes prêtent à tout pour fuir au Général, mais de là à vendre un enfant, leur enfant, c'était une première. Et le pire, c'était sans doute que le Général lui-même ne verrait aucun inconvénient à cela. S'il était là, il aurait déjà envisagé tous les gains potentiels que cet enfant pourrait lui rapporter et calculer si oui ou non c'était une bonne affaire, sans jamais prendre en compte le côté humain.
Mais ni Roy ne Cyrus n'était le Général, eux, ils possédaient encore un semblant de morale. Et alors que le duo était en plein doute, le portable de Roy se mit soudain à vibrer.

– Gnn..., quant-on parle du loup ! geignit-il.
– Le Général ? demanda Cyrus.
– ... il se demande sûrement pourquoi il n'a pas encore eu de nouvelles.

Roy décrocha son portable avec appréhension.

– Brrr...

Ce soir, Thomas Raibolt du haut de ses 11 ans, était sur un gros coup. Lui qui avait toujours vécu dans la rue, il enviait sans cesse les « riches et puissants » qui avaient tout. Il voulait prouver au monde qu'il pouvait atteindre les plus hautes sphères de la société, lui, le pauvre gosse faible et malodorant ; il voulait prendre sa revanche sur la vie.
Et en cette froide nuit étoilée, Thomas avait décidé de jouer le tout pour le tout. Infiltrer le manoir du Général, le tyran de Nénucrique. Avec un peu de chance, il pourrait chiper un truc de valeur, n'importe quoi, et avoir ce qui lui manquait le plus pour ses projets : de l'argent. En tout cas, c'était comme ça que le petit Thomas Raibolt voyait les choses. Il allait cambrioler le manoir du type le plus riche de la ville et se servir de son butin pour mener une belle vie, c'était la meilleure idée du monde.

Il y avait juste quelques petits détails à régler. Tout d'abord, les gardes. Ce n'était pas avec sa corpulence de Chenipan et avec son Dynavolt incapable de viser juste qu'il allait réussir à forcer le passage. Non le blondinet avait une bien meilleure approche ; il allait infiltrer les bouches d'aération. Il y en avait une, juste assez grosse pour un gamin, derrière le manoir. Personne ne pensait qu'un gosse veuille défier le Général, alors « cette entrée » n'était pas vraiment surveillée.

Thomas hocha la tête, oui, aujourd'hui, il allait devenir un autre homme. Il deviendrait aussi riche que tous ceux qui mangeaient à leur faim, aussi riche que ceux qui pouvaient porter des vêtements propres, aussi riche que ceux qui pouvaient prendre une douche tous les jours.

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Roy Herugaa ne croyait pas ce qu'il faisait. Cyrus non plus d'ailleurs. Le Général avait tout prévu depuis le début, il savait que les Aaken ne possédait rien, et lorsqu'il avait dit « prenez tout » un peu plus tôt, il parlait de « prendre » les parents ET l'enfant. C'était assez drôle de voir l'expression du couple se figer en constatant qu'il n'avait plus aucune échappatoire. En revanche, ça l'était beaucoup moins de devoir embarquer le gosse.
Cyrus avait tout fait pour que le petit Sofian ne se réveille pas dans le trajet, histoire qu'il puisse au moins profiter d'une nuit de sommeil tranquille avant l'enfer.

– Umpf, et maintenant, que faire de lui ?

Dans une cellule souterraine, Roy et Cyrus observait d'un œil circonspect l'enfant qu'il venait de capturer dormir tranquillement sur un lit de paille.

– Ses parents sont avec le Général pour discuter de certaines... modalités, rappela Cyrus.
– Je ne voudrais pas être à leur place...
– J'en viendrais presque à les plaindre...

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Derrière son bureau incrusté de saphir et de rubis, le Général toisait les deux êtres devant lui. Ah, qu'est-ce qu'ils étaient pathétiques, à transpirer comme des Groret, tremblant comme de misérables insectes devant le majestueux faucon.
Le Général ajusta son uniforme de militaire saphir et rubis, se leva de son fauteuil et croisa ses mains derrière son dos.

– Je vous souhaite la bienvenue, déclara t-il simplement.

Le Général fit une petite pause. Cette simple phrase déclencha chez le couple un sursaut de frayeur si jouissif que le Général se devait de le savourer pleinement.

– Vous saviez pourquoi vous êtes là, n'est-ce pas ? Depuis deux ans, je vous fait l'honneur d'aider vos finances de mes généreux crédits. Cependant, vous vous êtes avérés indignes de ma gratitude en vous révélant être de très, très mauvais payeurs... vous ne pouvez pas savoir à que point cela me fend le cœur.
– N-nous nommes désolés ! s'inclina profondément l'homme Aaken en désespoir de cause. J-je vous en prie ! N-ne nous faites pas de mal ! On vous remboursera, à un moment ou un autre ! C'est certain !

Brusquement, le Général frappa vivement du poing sur son bureau.

– Vous allez me rembourser ? ET COMMENT QUE VOUS ALLEZ ME REMBOURSER ! Mon argent... mon cher argent... que vous avez dépensé... et que je ne reverrai jamais... VOUS SAVEZ À QUEL POINT C'EST TERRIBLE POUR MOI ?! Non... non.. vous ne pouvez pas le savoir... vous... vous n'êtes que des ordures vivant au crochet de plus fort que vous. Non... non... c'est pire... une ordure ont peut la recycler... alors que vous... vous... VOUS !! Vous ne méritez même pas d'exister... oui c'est ça... oui... OUI... je devrais vous tuer sur-le-champ... votre seule présence est un poison pour ce monde... vous devez disparaître...

Le Général se prit la tête entre ses deux mains, comme s'il agonisait. Le couple Aaken n'osait même plus bouger les sourcils, un peu dissuadés par les hurlements cassés et virulents de leur interlocuteur. Et pour sublimer le tableau de l'horreur, les yeux du Général s'étaient mis à luire d'un terrible bleu azur tandis que ses mains se teintèrent d'un sanguinaire rouge écarlate.

– NON ! Attends... si je les tue... je perdrai définitivement mon argent... et ça... CE N'EST PAS ACCEPTABLE!!La mort ne serait que trop DOUCE pour eux ! Ils... ils vont devoir travailler pour moi... voilà... c'était ça le plan... travailler... pour qu'il me rapporte de l'argent... et de la puissance... toujours plus de puissance... haha... hahaha...HAHAHA !

Le Général entra brusquement dans un fou rire incontrôlé, et dans sa démence, des dizaines de rayons irisés destructeurs s'échappaient de ses doigts, perçant sauvagement tout ce qui avait le malheur de se trouver sur sa route.

Espionnant à travers sa bouche d'aération, Thomas Raibolt se dit qu'il était peut-être temps de filer. Il ne comprenait pas trop ce qu'il se passait, mais il était sûr d'une chose : les espèces de rayons que ce fou lançait traversait le plafond où il se cachait sans problème ; et si jamais l'une de ces choses venait à le toucher, Thomas ne donnait pas cher de sa vie.
Le blondinet continua donc à vagabonder à travers les bouches d'aérations, sans savoir exactement où il allait. La sécurité à l'intérieur du manoir était très faible, voire quasiment inexistante, sans doute que le Général ne se sentait pas trop inquiété par de quelconques agresseurs et vu ses mystérieux pouvoirs, c'était naturel.
Thomas se mit un instant à rêver. Si lui il avait de tels pouvoirs, quitter la rue, se hisser aux plus hautes sphères de la société, prendre sa revanche avec la vie ; tout cela serait si simple !

Le blondinet s'imaginait déjà assis, les jambes croisées, sur un trône surplombant la totalité du monde. Personne pour le martyriser, personne pour se moquer de lui, car il serait au-dessus de chaque être vivant.
Douce perspective. Thomas en ferait son objectif premier une fois qu'il serait riche, trouver un moyen d'acquérir un super-pouvoir à l'image du tristement célèbre Général. Si ce type y était parvenu, pourquoi pas lui ?

Thomas secoua la tête, non, pour l'instant il devait se concentrer sur sa mission première, à savoir, trouver un trésor. Il se soucierait du reste ensuite. ... Et maintenant qu'il y pensait, les deux autres types avec le Général lui rappelaient légèrement quelque chose. Comme s'il les avait vaguement déjà vus avant, mais impossible de mettre un nom sur ces visages...

– Mmh.. ?

Sofian se redressa lentement, frottant fébrilement ses yeux. Un sentiment d'inconfort l'envahit, quelque chose n'allait pas. ... sur quoi était-il allongé ? De la paille ? Non, décidément ce n'était pas normal.
Petit à petit, deux formes humanoïdes se dessinèrent devant lui.
Un sorte de géant aux grosses lunettes de soleil noir et un autre type assez svelte torse nu ; Sofian eut soudain un très, très, très mauvais pressentiment.

– Hé partenaire, signala Cyrus. Le gamin se réveille !
– Mmmh..., rumina Roy. J'aurais préféré qu'il dorme toute la soirée...
– Q-qui êtes-vous ?!

Sofian recula, apeuré. Il n'y avait rien de plus effrayant que de se réveiller dans un endroit inconnu, sans savoir comment l'on était arrivé là. Brusquement, le regard de l'enfant se détourna sur ce qui se trouvait derrière les deux hommes.

« D-des barreaux ?! »

Sofian se crispa. Il n'en avait jamais vu en vrai, mais il pouvait aisément les reconnaître. Il se trouvait dans une sombre pièce en pierre fermée par des barreaux d'acier, autrement dit, une cellule de prison. Sofian secoua la tête, comme pour chasser cette pensée. C'était impossible, impensable.
Soudain, un brutal et sourd fracas se fit entendre ; instinctivement, Sofian dirigea son regard au loin. Dans une cellule voisine, se trouvait un homme qu'il ne connaissait pas ; il était couvert de sang et de coupures, du sang chaud continuait de couler de son œil percé, et il continuait inlassablement de frapper ses barreaux avec la force du désespoir. Sofian eut brusquement envie de vomir.
Roy fit barrage de cette vision avec son corps.

– Ne regarde pas petit.
– ...

S'efforçant de sourire, Cyrus s'avança vers le petit Sofian en se voulant amical.

– Bonjour jeune âme ! Je m'appelle Cyrus Kleffi !

Le ninja chimérique fit un clin d'œil à Roy, le sommant de faire de même.

– ... je me nomme Roy Herugaa.

Petit silence gênant. Jusqu'à ce que l'enfant parvint enfin à lâcher un :

– ... Sofian Aaken...
– Enchanté Sofian ! s'enjoua Cyrus.
– ... de même, compléta Roy non sans une pointe de gène.

Sofian s'efforça de comprendre l'incompréhensible situation. Il était dans une prison, avec ses deux hommes et non loin de là, un autre prisonnier mortellement blessé tentait en vain d'implorer pitié. Peut-être était-ce simplement un rêve ? C'était ce qu'il aurait voulu croire, mais les sensations étaient bien trop réelles pour que ce soit un songe.
Sofian se rappelait pourtant s'être endormi chez lui, dans son petit appartement qu'il partageait avec les deux individus qui lui servaient de parents. À moins que ce souvenir ne soit le véritable rêve ? Sofian ne savait plus distinguer le vrai du faux à présent, tout était flou. Des larmes terrifiées commencèrent à perler sur ses joues.

– Petit...

Roy avança sa grande main avant de la rétracter. Alors c'était ça, c'était ça ce qu'il était devenu ; un pauvre type faisant pleurer les enfants. Roy en avait fait pleurer des types, mais c'était toujours des adultes pourris jusqu'à la moelle, des accros aux jeux, des escrocs impérissables, des soûlards sans espoir ; mais jamais un enfant. Les enfants étaient sacrés, des êtres encore innocents qui avaient toute la vie devant eux.
Le colosse serra les poings, furieux contre lui-même. Le Général avait dépassé les bornes, non, en fait, il les avait dépassés depuis bien longtemps. Il avait certes été un homme bon autrefois, lorsqu'il portait l'éminent nom de Frantz Chiriin ; mais cet homme avait disparu désormais, seul l'impitoyable Général existait à présent.

– Cyrus...
– ... partenaire ?
– Je... je ne crois pas que je puisse le faire.
– ...
– Je ne peux pas... détruire la vie d'un enfant.
– .... tu comptes trahir le Général ?
– ...

Roy ferma les yeux en expirant profondément, prenant conscience de ce qu'il s'apprêtait à faire.

– Oui.
– Le Général est puissant, le rappela le Ninja, même si tu le fuis jusqu'au bout du monde il te retrouvera. Je... je ne sais même pas moi-même si je peux le défier.

Roy grinça des dents. Ce n'était pas la peine de le lui rappeler, il le savait pertinemment. Le Général possédait une force absolument dantesque, sans compter son mystérieux pouvoir capable d'atomiser n'importe quelle matière. À côté de lui, Roy faisait bien pale figure, le colosse n'avait que sa force brute d'humain pour lui, rien de plus.

– Je sais... je sais ! cria douloureusement Roy. Mais..., je ne peux pas vivre avec ça sur la conscience ! Cet enfant... c'est comme si je l'envoyais à l'abattoir ! Si je m'écrase et que j'obéis aveuglement, qu'est-ce que cela ferait de moi ?! Un pauvre lâche servile capable du pire uniquement pour survivre ?! Je ne veux pas être ce genre de type... je ne veux plus l'être. Je suis resté beaucoup trop de temps dans l'ombre, au point même d'être devenu incapable de faire passer mes convictions au premier plan. Je veux changer. Je suis reconnaissant au Général de m'avoir donné une voie lorsque j'étais perdu, mais je ne peux décemment plus lui obéir comme un petit Ponchien. Je veux... être libre.
– ...
– Et toi, Cyrus Kleffi ? Maintenant que tu sais ce que je compte faire, vas-tu tenter de m'arrêter ?

Cyrus lui tourna le dos, soupirant.

– Tu sais, partenaire. Je suis un ninja, et un ninja doit toujours obéir à son maître.
– ...

Roy se mit en garde, prêt à toutes éventualités.

– Et mon maître, n'a jamais cessé d'être moi. Je tenais aussi le Général... ou plutôt Frantz Chiriin, en haute estime. Mais il a changé, et dans le mauvais sens, malheureusement. Le pouvoir l'a rendu fou.
– Cyrus...

Le Ninja Chimérique se retourna, souriant.

– J'attendais simplement que tu fasses le point, partenaire. Abandonner le Général est une décision grave que l'on doit prendre soi-même.
– Alors...
– Oui, partenaire. Tu n'as rien à craindre de moi, je t'aiderai pleinement.

Roy en eut ses gros yeux embués. Sa rencontre avec Cyrus Kleffi n'était que le fruit du hasard à la base, le Général les avaient réunis car ils étaient les deux pions les plus puissants de son échiquier. Et pourtant, avec le temps, Roy avait commencé à réellement apprécier cet étrange ninja. Amical, loyal, droit, puissant mais modeste, Cyrus avait vraiment tout d'un partenaire d'exception ; le savoir à ses côtés renforçait d'autant plus la détermination du colosse.

– C'est décidé alors, on s'échappe avec le gosse.

– Bonsoir, monsieur Gabaïto. Je vous appelle concernant votre fils.... oui celui qui attent une greffe du cœur..... exactement. J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, j'ai en ma possession un organe compatible.... voyons, vous savez très bien que je ne plaisante pas quand il s'agit d'affaires.... haha, c'est naturel, vous êtes un ami.... Oui c'est ça. Je vous rappellerai plus tard pour régler les quelques modalités.

Le Général raccrocha son téléphone avec un grand sourire aux lèvres. Le conglomérat Gabaïto était le groupe économique N°1 de Kalos, en passant des magasins de grandes surfaces, aux écoles, des garages aux centres de loisirs. Sa puissance et son influence dans la région n'étaient plus à discuter ; seule ombre au tableau, le fils aîné de la famille était atteint d'une grave maladie cardiaque nécessitant impérativement une greffe du cœur. Et malheureusement, le groupe tissulaire de l'enfant était très spécifique, rendant le nombre de greffons compatibles quasi-nul ; Les Gabaïto commençaient peu à peu à sombrer dans le désespoir.
Et le Général comptait bien s'en servir. Il allait leur servir un cœur sur un plateau d'argent, et rentrer dans leurs bonnes grâces pour l'éternité ; pour cela, il comptait bien utiliser l'enfant qu'il venait « d'acquérir ». Bien sûr, le Général n'avait absolument aucune idée de si le cœur de Sofian serait compatible ou non, mais il s'en fichait. Il allait soudoyer un chirurgien peu scrupuleux pour qu'il fasse la greffe, et en cas de – probable – échec, le Général ferait tout pour faire tomber le chirurgien pour faute grave durant l'opération et diriger la colère de la famille uniquement vers lui. Quant au Général, il passerait pour celui qui s'était démené pour trouver un cœur compatible mais dont tous les efforts avaient été gâchés par un chirurgien incapable. Il pourrait faire croire n'importe quoi aux Gabaïto dans leur état actuel, rien que pour le cœur, le père de famille était si heureux d'entendre la nouvelle qu'il n'avait même pas demandé d'où l'organe provenait.
Oui, c'était le plan parfait.

Le maître de Nénucrique se prélassa sur sa chaise, jouissant à l'avance de tous les bénéfices qu'il pourrait en récolter. Le pouvoir des Gabaïto serait le sien, car il était l'homme le plus puissant du monde. Tout le pouvoir du monde devait donc lui revenir de droit, c'était ainsi.

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Sofian marchait silencieusement derrière Roy. S'il y avait une chose que Sofian avait comprise, c'était que quand on était dans la merde, il fallait suivre le mouvement sans discuter pour éviter de s'enfoncer encore plus. Il n'avait pas vraiment compris où est-ce que ce colosse aux lunettes de soleil l'emmenait, mais quelque chose lui disait que de contredire quelqu'un faisant 3 fois sa taille était globalement une mauvaise idée ; Sofian le suivait donc en faisant profil bas.
L'autre homme, celui au caleçon, avait subitement disparu dans un nuage de fumée, il était parti « régler le problème de la sécurité » qu'il avait dit, bien que Sofian n'avait strictement aucune idée de ce que cela voulait dire. Mais la présence du colosse n'était pas l'unique chose qui apeurait Sofian.

Des cris, des pleurs, des plaintes, des supplications, du sang. Cette prison souterraine était remplie de cellules toutes plus macabres les une que les autres.
Une femme n'ayant plus que la peau sur les os, rendue folle par la faim, qui tentait furieusement de grignoter les murs.
Un homme affreusement défiguré qui hurlait à la mort.
Un autre dont les membres avaient été arrachés.
Et ce sang frais d'origine multiple qui s'écoulait paisiblement sur le sol, colorant la pierre sombre d'une terrible couleur écarlate.

L'ambiance morbide de la prison oppressait effroyablement le jeune enfant, ravageant jusqu'à ses sens les plus élémentaires. L'odeur âcre du sang et des excréments abondants dans les cellules réduisait son nez en charpie, tandis que ses yeux le brûlaient dès qu'ils apercevaient un corps mutilé.
Sofian ne rêvait que d'une chose, que cet affreux cauchemar cesse.

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L'heure était grave, vraiment. Avant d'aller désactiver les caméras de sécurité, Cyrus était parti « espionner » le Général , il était le principal obstacle à leur fuite après tout, il était essentiel de ne pas le perdre de vue. En revanche, le Ninja Chimérique ne s'attendait vraiment pas à découvrir ce qu'il avait découvert. Alors comme ça, le Général comptait vendre les organes de Sofian ? ... décidément, Frantz Chiriin était tombé bien bas dans les limbes de la folie ; il était franchement accablant qu'un homme autrefois si prometteur se montre capable de tant de barbarie. Et tout ça pour le pouvoir.

Cyrus secoua vivement la tête ; ce n'était pas le moment de perdre se laisser distraire. Non, il lui fallait au plus vite neutraliser la salle de contrôle afin de permettre à Roy et à l'enfant de s'échapper. De l'extérieur, l'intérieur du manoir n'avait pas l'air bien gardé, mais ce n'était que façade. En réalité, des centaines de caméras cachées dans chaque coin de mur filmait en permanence tout le manoir et tous ces mouchards étaient directement reliés à une salle de contrôle qui donnait l'alerte à chaque intrus repéré. Seul les bouches d'aération n'étaient pas couvertes par ce gigantesque réseau de surveillance mais ces dernières étaient si petites que même un enfant aurait du mal à y pénétrer.

Mais ces caméras n'étaient rien pour Cyrus, étant capable d'effacer quasi-totalement sa présence et de se déplacer à une vitesse démentielle. Maintenant qu'il y pensait, Cyrus n'avait jamais su d'où il tenait sa force atypique, autant qu'il s'en souvienne, il avait toujours eut une présence très effacée ; pour l'anecdote, même sa mère ne l'avait pas remarqué à sa naissance, et par la suite en grandissant, Cyrus s'était découvert des capacités insoupçonnées. Enfin, il n'y pensait plus, depuis le temps à chercher sans trouver de réponse, Cyrus avait fini par s'accepter comme il était.

Soudain, alors que le Ninja Chimérique venait tout juste de pénétrer dans l'aile du manoir réservée à la sécurité informatique, une alarme assourdissante retentit brusquement.

– Qu...

Cyrus fureta à gauche et à droite, inquiet. En une seconde une foule de soldats en uniforme noir surgit de nulle part et l'entourèrent.

– Monsieur Kleffi ! tonna le meneur des soldats. Cette zone est réservée au Corps d'Élite du Général, veuillez retourner sur vos pas.

Cyrus grinça des dents. Effectivement, le Général était si parano qu'il ne confiait la surveillance de son manoir qu'à un groupe de mercenaire grassement payé. Les autres comme lui, Roy et les simples recrues de la rue n'avaient simplement pas le droit d'y mettre les pieds.

– ... comment m'avez-vous repéré ?

Cyrus s'avoua curieux. Il ne s'était jamais fait prendre pas des caméras de surveillance de sa vie, et il était certain de toutes les avoir éviter.

– Ah ! Parce que vous croyez que le Général vous fait entièrement confiance, monsieur Kleffi ? Vous êtes autant un atout dans sa manche qu'un danger mortel. C'est pour cela qu'il vous a implanté, à votre insu, une puce capable de vous détecter en toutes circonstances !

Une puce ? Cyrus pouffa, décidément, il avait vraiment sous-estimé la paranoïa du Général, même s'il n'avait pas eu tort pour le coup.

– Je vois. Malheureusement, je ne peux pas m'en aller, j'ai une affaire urgente à régler.

Le Ninja Chimérique tournoya sur lui-même et empoigna sa Pokéball d'une main et son Ninjato de l'autre. Changement de plan, puisqu'un fuite discrète n'était plus possible, il ne restait plus que le passage en force. Il allait s'occuper du Corps d'Élite en vitesse pour dégager la route à Roy, en espérant que le Général ne pointe pas le bout de son nez de si tôt.

– Chain, j'en appelle à tes pouvoirs.

Le Ninja libéra son Trousselin, prêt à en découdre. Le Corps d'Élite dégaina à son tour armes à feu et Pokémon, principalement des Scalproie et Diamat.

– Je ne sais pas ce que vous voulez faire, mais abandonnez, monsieur Kleffi. Vous avez beau être fort, vous ne faîtes pas le poids, seul contre 40 mercenaires entraînés.
– Vous croyez ?

Un sourire se dessina sur les lèvres du ninja.

– J'ai bien peur que vous me sous-estimez. Chain, Verrou Enchanté !

Brusquement et étonnamment silencieusement, d'énormes chaînes d'argent émergèrent des murs empêchant toute sortie.

– Bien, comme ça, nous serons tranquilles.
– V-vous êtes fou ! s'étonna le meneur des mercenaires. Vous vous piégez vous-même !
– Fufufu, ça, c'est vous qui le dites.

D'un mouvement fluide et élégant, Cyrus arma son Ninjato.

– Fufufu, maintenant ça devient intéressant. Venez, fiers membres du Corps d'Élite ! It's show time !


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– Qu'est-ce que...

Roy Herugaa bondit lorsqu'il entendit l'alarme résonner. Qu'est-ce que cela voulait-il dire ? Cyrus avait échoué ? Mauvais, cela sentait vraiment mauvais. Cependant, il était trop tard pour faire marche arrière maintenant, il fallait donner le tout pour le tout.

– Petit, accroche-toi !

Roy souleva brusquement Sofian, le plaça sur son dos et se mis à courir. La prison se trouvait dans les souterrains du manoir ; monter jusqu'à la sortie sans se faire repérer était du domaine de l'impossible, Roy allait sans doute devoir jouer de ses poings et il le savait.

– Tsst, quelle journée de merde !!

Même le Général avait été surpris par l'alarme. Comme quoi, on pouvait être l'homme le plus puissant du monde et se faire surprendre par des choses aussi bénignes. Le Général alluma son ordinateur et rechercha la source de cette perturbation.

– Quoi ?

Le Général n'en crut pas ses yeux et pourtant, les caméras de surveillance étaient claires. Roy Herugaa courait comme un forcené avec l'enfant sur son dos tandis que Cyrus Kleffi affrontait et retenait son Corps d'Élite.

– Les misérables... ils m'ont trahi !! Graaah ! Voilà... voilà pourquoi l'humanité doit périr ! Tous des traîtes... des pourritures... !! Non ! Ce... ce sont des sources de pouvoir... je ne dois pas les tuer... je dois résister à mes pulsions... même la plus infâme des pourritures à une valeur sur le marché... je ne dois pas l'oublier...
mais ces deux là sont dangereux... trop dangereux !!

Le Général empoigna fermement le transmetteur qui le reliait à l'ensemble de ses troupes.

– Remuez-vous bandes d'incapable ! Roy Herugaa tente de s'échapper en volant mon butin ! Une énorme récompense à celui qui l'éliminera !

Une fois son message passé, le Général se laissa tomber sur son fauteuil. Il ne comprenait pas, pourquoi est-ce que ses deux bras droits l'avaient trahi ? Il n'avait pourtant rien fait qui puisse attirer leurs foudres. Leur trahison serait-elle due à l'inconstance de l'esprit humain ?
Le Général frappa rageusement sur son bureau, faisait sursauter les deux pauvres individus recroquevillés au coin du mur.
Il les aurait presque oublié tiens, les parents de l'enfant. Le Général se retint de les passer ça rage sur eux, comme il l'avait dit, la moindre pourriture avait une valeur marchande ; il ne fallait pas la gâcher.

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– Fufufu, c'est vraiment tout ce que vous pouvez faire ?

Fugace comme l'ombre et agile comme le vent, Cyrus Kleffi dansait entre les assauts du Corps d'Élite. Absolument rien ne pouvait le toucher, les coups de feu mortels, les lames acérées des Scalproie, les Vibrobscur des Diamat ; le Ninja Chimérique se moquait de tout. De plus, Chain, son Trousselin se faisait un plaisir d'entraver les mouvements déjà limités de ses adversaires en érigeant d'imprenable Protection et Mur Lumière.
Cependant, si le Corps d'Élite peinait à atteindre Cyrus, l'inverse n'était pas vrai. Jouant habilement de son Ninjato, de fumigènes et de mystérieuses techniques, le Ninja Chimérique se débarrassait un à un de ses opposants avec une facilité déconcertante.

– M-monstre ! recula l'un des mercenaires. P-Pourquoi es-tu si fort ?!
– Fufufu, si je le savais moi-même...

Cyrus le fit taire en le frappant du plat de la lame. Même si le Corps d'Élite avait la ferme intention de le tuer, lui éprouvait un réel dégoût à prendre la vie. Il avait reçu le don d'être naturellement cinq fois plus fort qu'un humain « normal », et ce n'était sûrement pas pour assassiner les plus faibles que lui quand bien même ceux-ci voudraient attenter à sa vie. La rançon du pouvoir en quelque sorte.

En désespoir de cause, le Corps d'Élite se regroupa en une ligne compacte et ouvrit un feu nourri assourdissant. Un humain normal n'aurait sans doute pas survécu à ce peloton d'exécution, mais Cyrus n'était pas un humain normal. Le ninja avançait paisiblement, un petit sourire moqueur sur le visage, déviant magistralement chacune des balles en faisant tournoyer son Ninjato à une vitesse divine.
Les Diamat tentèrent bien de l'abattre à coup de Dracochoc, mais c'était sans compter les Murs Lumière de Chain qui les absorbaient comme du petit lait.
Quelques secondes plus tard, mercenaires et Pokémon, tous étaient proprement mis hors de combat.

– Fufufu, le menu-fretin est K-O, Cyrus et Chain gagnent 50 points d'expérience !
– Bravo.

Cyrus leva les yeux surpris. Accoudé à la balustrade, un jeune homme vêtu d'un uniforme militaire saphir et rubis applaudissait malicieusement.

– Cependant, juste 50 points ? Voilà qui est offensant. Ces mercenaires me coûtent une fortune, tu sais ? Tu me fais passer pour quoi, en les éliminant aussi facilement ?
– ....
– Mais le spectacle était agréable je l'admets. La différence entre les êtres bénis par le pouvoir comme nous et les simples humains est merveilleusement terrifiante ! Cependant je suis très déçu, Cyrus Kleffi. J'avais de grands projets pour toi, oui de très grands ! Dis-moi, pourquoi te rebelles-tu contre moi ? Qu'ai-je fait pour que tu me tournes le dos ?!
– Général, souffla indifféremment Cyrus, le simple fait que vous vous posez la question renforce ma détermination de vous quitter. Le pouvoir vous a aveuglé, vous n'êtes plus celui dont j'avais décidé de suivre les pas.
– Le pouvoir m'a aveuglé ? ricana le Général. Voyons Cyrus, avant, je n'étais qu'un homme faible croyant dur comme fable à des fables illusoires telle la bonté ou l'amitié. Mais désormais... désormais ! Le pouvoir coule en mes veines et m'abreuve sans cesse de sa surpuissance ! J'ai atteint le savoir suprême, Cyrus, c'est le pouvoir qui gouverne le monde ! Plus tu as de pouvoirs et plus tu t'élèves, jusqu'à devenir Dieu lui-même ! Oui, c'est ça... et comme JE suis le pouvoir, JE SUIS DIEU !

Tout à coup, le Général éclata d'un affreux rire aigu tout en lançant de multiple et destructeur rayons irisées aléatoirement dans la pièce. Cyrus put les esquiver sans problème, mais ce n'était pas le cas des membres inconscients du Corps d'Élite ; dès qu'un rayon en touchait un, son corps se mettait à se désagréger à une vitesse éclair jusqu'à devenir poussière. C'était bien la peine de les avoir épargnés, tiens.

– Cyrus Kleffi ! hurla le Général. Permets-moi de t'apprendre la véritable signification du pouvoir !

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Thomas Raibolt cru mourir d'une crise cardiaque lorsqu'un entendit l'alarme, pourtant, à son grand soulagement, personne ne venait dans sa direction. Le petit blondinet ne cherchait pas à comprendre, l'essentiel était qu'on le laisse tranquille. Cependant, il ne voulait pas non plus prendre racine dans ce fichu manoir, mais de même, il ne voulait pas partir les mains vides après avoir déjà pris tant de risques, se serait du gâchis.
Alors, après avoir vérifié que personne n'était dans les parages, Thomas se dégagea enfin de sa bouche d'aération et atterrit dans la première pièce qu'il vit. Malheureusement, ce n'était pas la salle au trésor, mais Thomas n'avait pas vraiment le temps de chercher plus longtemps ; il allait prendre le premier truc de valeur qu'il trouverait et s'enfuir fissa.
Cependant, Thomas avait fait une mauvaise pioche, puisqu'il n'y avait rien de matériel dans cette salle, enfin, plutôt des choses organiques.
Des Pokémon en cage, de toute sortes et de plutôt rare. Thomas ne le connaissait pas tous, mais il se dégageait de chacune de ces créatures une aura de puissance imposante ; fort heureusement pour l'enfant, ces Pokémon étaient solidement enchaînés et incapable de bouger le petit doigt.

– Mmmh...

Petit problème néanmoins ces Pokémon n'avait pas de Pokéball, et Thomas se voyait mal s'enfuir discrètement avec un dragon deux fois plus grand que lui. Le blondinet s'apprêtait à abandonner lorsque ses yeux le trésor qu'il cherchait : une petite créature, une sorte d'oisillon multicolore avec un gros bec rouge. Thomas le trouvait magnifique, il n'avait jamais vu un oiseau aussi sublimement coloré. Par chance, l'oisillon n'était qu'encagé et pas enchaîné ; ouvrir une simple serrure était véritablement un jeu d'enfant pour Thomas, habitué aux astuces de la rue depuis des années.
L'oisillon le regarda avec suspicion mais ne prit pas peur et se laissa faire lorsque Thomas le saisi.

– Maintenant... et mince.

Second problème, auquel Thomas n'avait pas vraiment pensé : la bouche d'aération était situé au plafond. Certes pour y descendre c'était très pratique, mais pour y remonter, c'était une autre histoire. Et aucun tremplin en vue pour tenter de prendre de la hauteur.
Thomas soupira, maudissant sa propre bêtise. Il ne lui restait plus qu'une solution, la plus dangereuse, mais la seule : s'enfuir par la grande porte comme un bonhomme.

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– Arrête-toi !!
– Gnnn !!

En un coup de poing, Roy Herugaa envoya valser le pauvre inconscient qui avait voulu lui barrer la route. Satané Général, depuis son appel et sa promesse de récompense, tous les ploucs du coin lui tombaient dessus. Mais Roy s'estimait à moitié heureux, ce n'était que des sous-fifres de bas étages, des petites frappes sans véritable expérience. S'il devait avoir affaire au Corps d'Élite, le colosse ferait bien moins le malin ; heureusement que Cyrus s'en était chargé.
Malgré tout, se défendre contre une foule d'assaillants seul, tout en protégeant un gosse, n'était pas chose aisée ; s'il n'avait pas eu son Démolosse pour couvrir ses arrières, l'échappée du duo aurait déjà pris fin.

– Mais dégagez, bande de bons à rien !!

Toujours avec Sofian sur son dos, Roy fonçait à corps perdu, dégommant tout ce qui se trouvait sur son passage comme une boule de bowling. Que ses adversaires soient armés de couteaux ou de crocs, le colosse n'en faisait qu'une bouchée, tout en faisant attention à ne pas blesser son chargement dans la foulée.

Dans cette cacophonie général, Sofian réussissait néanmoins à faire la part des choses ; le colosse le protégeait, tandis tous les autres types qu'il croisait ne lui voulaient pas du bien. C'était bien peu, mais largement suffisant sur le moment.

Au fur à et mesure que Roy remontait, de plus en plus de « bons à rien » s'accumulaient, ce qui avait le don de l'irriter fortement. Le problème, c'est qu'il ne pouvait pas non plus les ignorer, car plus il y avait de bandits conscients derrière lui, et plus il se faisait prendre en tenaille par les nouveaux arrivants.

– Tsst ! Vous vous foutez de moi !

Roy jura. À un étage de la sortie de la prison, une trentaine de sous-fifres gardaient solidement l'escalier de la liberté, bien décidés à ne pas bouger. Le colosse fut forcé d'arrêter sa course, de ce fait, tous ses poursuivants l'entourèrent.

– Tu ne peux pas allez plus loin ! Pose le gosse et rends-toi !
– Je n'ai pas d'ordres à recevoir de crétins comme vous !!

Surtout que Roy avait lui aussi entendu l'appel du Général, ce dernier voulait le voir mort, pas capturé.
Des dizaines et des dizaines de Grahyena se rassemblèrent devant leur dresseur, dans l'œil du cyclone Roy se prépara au combat. Ce n'était pas le moment d'abandonnr, il avait passé bien trop de temps à jouer les bons petits toutous pour le Général ; il était temps de prendre sa destinée en main.

– Vulcano.

Le Démolosse se plaça derrière son dresseur, prêt au combat.

– Approchez, vous qui osez défier les crocs ardents de Roy Herugaa, ordonna-t-il gravement. Approchez, et réalisez votre erreur !

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Thomas Raibolt ne savait pas s'il devait s'estimer chanceux ou non, mais le fait était que tous les bandits qu'il voyait se déplaçait tous au même endroit, sans même jeter un œil dans sa direction. Tant mieux dans un sens, au moins ça lui laissait le temps libre afin de trouver la sortie, chose très ardu en sachant que le manoir était immense. Et étant rentré par la bouche d'aération, le petit blondinet ne pouvait pas bêtement rebroussez chemin.
Par conséquent, Thomas errait aléatoirement dans l'immensité de la petite forteresse en espérant tant bien que mal de trouver une sortie quelconque.

– ... aïe !

Soudain, le blondinet heurta quelque chose de mou. Une personne. Voilà ce que c'était de courir sans regarder devant lui ! Mais c'était étrange, il était pourtant persuadé qu'aucun bandit ne devaient se trouver dans cette direction.

– G-gamin ?!
– ... !!

Thomas recula d'un pas, surpris. Non, ceux qui se trouvaient devant lui n'était pas les petites frappes du Général, mais les deux adultes qui étaient avec ce dernier un peu plus tôt. D'ailleurs, maintenant qu'il les voyait de plus près...

– L-les parents de Sofian !

Les deux adultes se regardèrent, assez surpris eux aussi. Thomas fronça les sourcils, il ne les connaissait pas vraiment, mais d'après ce que son ami lui avait dit, ces deux là étaient de véritable loques sans aucune morales.

– Hé, chéri, marmonna la femme. Tu le reconnais ?
– ... ce n'est pas le gosse qui est toujours avec Sofian ?
– Ouais, maintenant que tu m'le dis. Mais qu'est-ce qu'il fiche ici ?
– ... tu crois que c'est à cause de lui que l'alarme c'est déclenché ?
– 'Sais pas. Mais si c'est le cas...

Les deux adultes se regardèrent, un petit rictus victorieux sur le visage. À la base, ils avaient prévu de fuir discrètement en profitant que le Général soit précipitamment parti Arceus seul le savait. Cependant, ils n'étaient pas dupes, même sans le Général, fuir le manoir, qui de plus était en état d'alerte, relevait du miracle. Et même une fois enfuis, le Général disposait largement les moyens de les retrouver.
Or, si jamais ils arrivaient à inverser la tendance, en faisant en sorte que le Général aie une dette envers eux, c'était une tout autre histoire.
Oui, ils allaient capturer ce petit blondinet et l'offrir au général en échange d'un effacement complet de leur dette, et tout était bien qui finirait bien.
Les deux adultes avancèrent lentement, se positionnant pour commettre leur méfait. L'éclat de malice illuminant leurs yeux n'échappa pas à Thomas qui s'empressa de faire demi-tour sans demander son reste.

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– Hahaha ! Trop lent, trop lent !

Cyrus Kleffi serrait les dents, suant à grosses gouttes, s'évertuant d'esquiver les lasers destructeurs du Général. Ces derniers étaient si rapides qu'ils en devenaient invisibles à l'œil nu, en revanche, les dégâts qu'ils causaient eux, étaient bien visibles, à un tel point que la pièce elle-même commençait à s'effriter dangereusement.
Le ninja comptait énormément sur les solides protections de son Trousselin pour ralentir les rayons dévastateurs, mais malgré cela, il peinait à reprendre son rythme.

– Qu'y a-t-il, puissant « Ninja Chimérique » ? Serais-tu en difficulté ?

Mais Cyrus gardait espoir. Actuellement, le Général n'était pas sérieux ; il était si sûr de sa victoire qu'il se permettait de jouer avec sa proie. L'excès de confiance était sans doute le pire ennemi possible sur un champ de bataille.

– Secret Ninpo : Scarlet Spears.

Cyrus se concentra, croisant fermement les bras, et brusquement quatre énormes lances ressemblant à des flammes ardentes se mirent à léviter autour de lui avant de foncer vers le Général, comme si elles étaient douées de vie.
Le Général stoppa ses rayons et se mit en garde, souriant exagérément.

– Enfin... enfin tu me le montres.... ton pouvoir !

Comme Cyrus le préméditait, le Général se concentra uniquement sur les lances, avide de tester leur force.
Et il n'allait pas être déçu. Chacune des lances était animée d'une autonomie totale, esquivant instinctivement les coups et profitant de chacune des ouvertures afin de tenter une percée furtive. Le Général s'en rendit vite compte, même s'il parvenait à contrer trois lances, la quatrième fondait sur lui de nulle part, le poussant à la fuite.
Et pendant que son adversaire s'amusait et riait à pleines dents, Cyrus était bien décider de ne pas laisser sa chance filer.

– Secret Ninpo : Gravity Shift.

Soudainement, le concept même de gravité s'inversa totalement, projetant irrémédiablement tout ce qui gisait au sol au plafond. Le Général lui-même fut surpris une seconde, une seconde déterminante où les quatre lances en profitèrent pour le transpercer de part en part en un craquement répugnant.
Cyrus cligna des yeux, surpris devant le corps sanglant et à moitié figé dans les airs du Général. Avait-il vraiment réussi à le battre ? Cela semblait irréel.
Comme pour lui répondre, un arrogant rictus moqueur se dessina sur les lèvres de Général. Et petit à petit, les lances se mirent à fondre, comme si elles étaient trempées dans de l'acide.

– Ha...hahaha..., ricana le Général. Contrôler la gravité, invoquer des armes de nulle part... intéressant, vraiment intéressant ! Dommage que tu sois devenu un traître, Cyrus, nous aurions pu faire de si grandes choses ensemble...
– ...
– Mais étrange, n...je ne reconnais pas ton pouvoir... comment ? Un descendant... ? Je vois, il est donc différent de n... de moi. Ce qui va rendre sa mort encore plus dommageable, malheureusement.

Cyrus n'avait absolument aucune idée de ce que ce type baragouinait, et il s'en fichait allègrement. Il ne devait pas se laisser déconcentrer, surtout que la victoire lui semblait de plus en plus lointaine. Comment vaincre un type qui reste indemne après s'être fait mortellement transpercer par quatre énormes lances ?

– Sois heureux, Cyrus Kleffi ! proclama le Général. Tu m'as montré ton pouvoir, alors je vais te faire l'honneur... de te montrer le mien !!

Brusquement, dans un cri terrible surplombé d'un intense rayonnement, le Général s'éleva encore plus haut dans les airs, les bras et les jambes écartées. Peu à peu, ses jambes s'affinèrent, jusqu'à prendre une forme pointue et aérodynamique, tandis que chacun de ses bras se divisèrent en deux épais filaments tournoyant continuellement entre-eux comme des brins d'ADN.

– HahaHAHAhaHA ! Le pouvoir... le pouvoir me submerge ! Je vais t'écraser, Cyrus Kleffi ! Tu as beau être un descendant d'Avalon, mon Lien est en tout point supérieur ! Viens, cher « Ninja Chimérique », viens rencontrer ton misérable destin !

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Thomas Raibolt avait toujours été doué pour la fuite, et il en était fier. Certains le traiteraient de lâche, mais il valait mieux être un lâche en vie qu'un intrépide décédé. Cependant, aussi doué qu'il était, Thomas ne connaissait absolument pas le plan des lieux et était réduit à emprunter aléatoirement les coursives du manoir en espérant tomber sur la sortie. Cependant, la réalité ne reflétait que rarement les espérances.

– ... tsst !!

Inéluctablement, Thomas finit par tomber sur un cul de sac, se faisant rattraper par ses deux poursuivants.

– Petit, petit..., marmonna la femme. N'aie pas peur...
– Tu vas juste nous servir de monnaie d'échange, souffla l'homme. Le Général compte nous utiliser comme esclaves... n'est-ce pas horrible ? Toi seul peux nous aider...
– Tu ne vas quand même pas nous condamner à l'enfer juste pour sauver ton petit cul, hein ?

Jamais le blondinet n'avait vu autant de débauche et d'égoïsme en un seul être, il en venait même à douter de leur humanité. Leurs yeux étaient vides et terriblement sombres, leur voix brisée reflétait effroyablement la décrépitude de leur âme, tandis que leur démarche incertaine n'avait rien à envier aux pires zombies.

« Sofian ne m'avait pas menti... »

Thomas secoua la tête ; non, il n'était pas encore perdu ! Ses adversaires n'avaient que leur taille comme avantage, lui, il avait vécu dans la rue depuis sa plus tendre enfance. Il avait bien plus d'expérience que ces déchets sur pattes.
Brusquement, l'oisillon multicolore que Thomas transportait sauta devant les deux adultes, piaillant avec fierté.

– T-tu veux m'aider ?

Pour toute réponse, l'oisillon fonça droit vers les deux « zombies », fauchant violemment leurs jambes au passage. Thomas n'y réfléchit pas deux fois et profita de l'ouverture inespérée ; bien, il s'agissait de sortir de là au plus vite maintenant.

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– FEU D'ENFER !

Le Démolosse de Roy enflamma littéralement le sol, la plongeant le champ de bataille dans une chaleur infernale. Le colosse ne lâchait rien, laminant sans pitié les bandits de ses poings d'acier et guidant magistralement son Pokémon à travers des ordres toujours plus justes les uns que les autres.

Accroupi au sol, Sofian observait ce maestro du combat d'un œil admiratif. Même s'il ne comprenait pas grand-chose à la situation, voir un tel esprit déterminé et acharné lui donnait du baume au cœur. Lui qui avait toujours été faible, privilégiant la fuite à l'affrontement, était maintenant témoin d'un combat où un être, armé de sa seule résolution, affrontait à corps perdu plus d'une cinquantaine d'assaillants.

– Vulcano ! À droite, Vibrobscur ! Feinte, derrière -toi ! Enchaîne avec un Brouillard ! En haut ! Calcination !

Le Démolosse exécutait les ordres à la perfection, avec une totale confiance en son dresseur, cramant un Grahyena par ci, enfumant un groupe de bandits préparant une embuscade par là, réduisant à néant une attaque aérienne d'un jet de flammes...
Les Pokémon et bandits finirent inévitablement par tomber, un à un, sans même comprendre ce qui leur arrivait.

– Vous êtes nés dix ans trop tard pour prétendre à émousser mes crocs ! gueula Roy devant la montagne de corps inconscients avant de se tourner vers Sofian. Viens gamin ! On est presque à la sortie !

Sofian acquiesça instinctivement, et suivit Roy à travers les escaliers menant au rez-de-chaussée du manoir. Jugeant néanmoins que le gamin était trop lent, Roy l'empoigna, le plaça sur son dos et accéléra de plus belle.
Quelques secondes plus tard, la grande porte d'entrée du manoir fut enfin en vue. Le cœur de Roy se mit à battre à une vitesse folle ; cette porte signifiait beaucoup plus qu'un simple morceau de bois pour lui, c'était la frontière en son ancienne et nouvelle vie.
Mais alors qu'il se rapprochait de plus en plus de la lumière du renouveau, un fracas démentiel ébranla le manoir tout entier.

Roy s'arrêta immédiatement. Un pan entier du mur venait de s'écrouler, projetant avec ses débris un corps beaucoup trop familier.

– ... !! Cyrus !!

Le Ninja Chimérique retomba lourdement au sol, en bien mauvais état. Heureusement, il n'avait aucune trace de blessure mortel, mais il était couvert d'affreuses éraflures desquelles son sang coulait sans discontinuer.

– P-partenaire... ? marmonna t-il faiblement. Gnn.. En-enfuis-toi... i-il...il est bien trop fort...
– ... silence ! somma Roy. N-ne parle pas... ! Économise tes forces !
– Oh ? s'enjoua une voix discontinue. Le ninJa est ToujOURs viVant ?
– Qu... !

Roy en resta bouche-bée. À quelques mètres du sol lévitait une affreuse créature humanoïde ; un sourire carnassier ornant son visage délirant, une chevelure bouclée noire ébène flottant en une danse funeste, deux énormes hélices d'ADN à la place des bras, et des jambes monstrueusement pointues. Roy n'avait pas de mot pour décrire l'horreur que cette chose lui inspirait, mais l'emblématique uniforme militaire rubis et saphir que portait la créature ne trompait pas : il s'agissait bien du Général. Sa véritable nature.

– HaahaHAHAhahA !! Je NE m'étais jamAIS auTANT AMusé de MA vie... HahaAHAHA !

La voix du Général était si grotesque que Roy peinait à le comprendre, en revanche, il saisissait très bien qu'il avait affaire à un fou à lier.

– Géné....ral ?!

Soudain, une dizaine de bandits émergèrent de la prison. Roy pesta, ses bougres s'étaient déjà remis de leur raclé ? Voilà ce qu'il en coûtait de retenir ses coups...

– Vous..., se retourna le Général. Vous étiEZ censés éliMINER Roy HeruGAA... mais je VOIS qu'IL est TOUJours Vivant...

Sans hésiter une seconde, le Général dirigea l'un de ses « bras » vers le groupe de sous-fifres et les pulvérisa d'un tonitruant laser irisé. Les corps se déformèrent et explosèrent littéralement sous l'impact, faisant pleuvoir un torrent de sang, de peau et d'organes aux quatre coins de la salle.

– Les incaPables n'ONT rien à FaiRE dans Mon nouveau MONde, cracha t-il sans le moindre remord.

Du côté de Sofian, l'alliance de la panique, de l'incompréhension et de l'horreur absolue était sur le point de le rendre fou. Et Roy n'était pas bien loin de cet état non plus.

– Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?!
– AaAAH... Roy HERUgaa..., souffla le Général. Toi AusSI... un TRaître... dommage... DOMmage...
– ... Partenaire !!

Malgré ses profondes blessures, Cyrus se releva péniblement et fit face à son puissant adversaire.

– Je... je n'ai pas encore perdu !! Chain ! Protège... protège Roy et le gosse.. à pleine puissance !!

Bien qu'un peu hésitant à abandonner son dresseur, le Trousselin obéit et entoura Roy et Sofian dans une bulle de Protection et Mur Lumière aussi dur que le diamant.

– Cyrus ! hurla Roy.
– Secret Ninpo : Reverse Blood... !

Brusquement, Cyrus poussa un cri de douleur si terrible que tout Nénucrique l'entendit. Et puis, peu à peu, ses blessures se mirent à gicler un flot de sang écarlate, sauf que ce sang se s'écoula pas au sol, il se mit à léviter et à recouvrir entièrement le corps comme une sorte de légère armure intégrale.
Tout en serrant affreusement les dents, Cyrus empoigna son fermement son Ninjato et se mis-en-garde.

– Intéressant... EnCORE Plus intéressant... Je saVAIS que tu me divertiRAIS, CyrUS !!

Le Ninja Chimérique ne répondit et, après avoir pris un court appui sur le sol, se propulsa vers son monstrueux adversaire, la lame en avant. Dans un éclat de rire brisé, le Général se lança lui aussi à l'assaut.
Les deux combattants se mouvaient à une vitesse absolument divine ; de là où ils étaient, Roy et Sofian ne pouvaient percevoir que de brusques coups de vent déformant momentanément l'espace.

– C-Cyrus... est si fort que ça ? geignit Roy.

Le colosse n'avait jamais douté de la force de son ami, mais ce qu'il voyait là dépassait l'entendement. Enfin, d'un autre côté, voir le général dans une forme aussi abominable dépassait aussi l'entendement.

Cyrus Kleffi et le Général luttaient à armes égales, en apparence. Le ninja réussissait à contrer avec brio les « hélices d'ADN » et en parvenant même quelques fois à érafler le costume de son adversaire. Mais Cyrus perdait de plus en plus d'endurance, et pour cause. Le Reverse Blood pompait son propre sang pour en tirer une énergie démentielle, jusqu'à l'assèchement le plus complet. Une technique interdite que le ninja s'était promis de n'utiliser qu'en cas d'ultime nécessité.

– P-pas encore !!

Mais Cyrus était bien décidé à consommer la moindre goutte de son énergie vitale afin de purger le monde de ce monstre assoiffé de pouvoir. Le ninja força désespérément sur ses muscles, se concentrant uniquement sur le cou du Général. Oui, s'il parvenait à le décapiter, lui-même s'y survivrait pas...
Soudainement, le Général s'immobilisa, juste au moment au Cyrus s'apprêtait à lancer son assaut fatal. Le Ninjato suivit inéluctablement sa trajectoire meurtrière et trancha d'un coup d'un seul la tête du Général qui gicla abruptement jusqu'au plafond dans un torrent écarlate avant de retomber rouler au sol.
Cyrus en resta coi, il aurait dû se réjouir mais étrangement, il se sentait mal à l'aise. Oui, il s'en souvint. Juste avant d'avoir la tête tranchée, le Général... souriait.

– Cyrus !!
– ... !!

Roy l'avait vu, mais son cri d'alerte arriva malheureusement trop tard. Le « bras » du Général sans tête se mit soudain à se mouvoir et à transpercer sauvagement l'estomac de Cyrus. Le ninja poussa un cri sourd, et d'intenses spasmes recouvrirent son corps, avant que le Général ne le laisse tomber au sol comme un vulgaire déchet.
Puis, de petits filaments rouge et bleu émergèrent du cou du Général et se reconnectèrent à la tête gisante au sol avant de la réintégrer au reste du corps comme si de rien n'était. Un rictus démoniaque déforma le visage du monstre.

– MouHAHahAH ! C'était... SI EXCITANT ! Je te remERcIE Cyrus... je ne n'étais jamais... JAMAIS autant amusé !!
– Cyrus !!

Un écrasant sentiment d'impuissance envahit amèrement Roy. Son partenaire, son ami, venait de se faire tuer devant ses yeux. Et il ne pouvait rien y faire. Il n'était qu'un simple humain juste un peu plus gros que la moyenne, lui, il ne possédait pas de pouvoirs magiques ou spéciaux. S'il le désirait, le Général pouvait le désintégrer d'un simple claquement de doigts.

– MainTENant...

Le Général atterrit devant la « bulle » protégeant Roy et Sofian, et l'explosa d'un seul coup de bras.

– ... c'EST votRE tour !!
– Waaaah !!

Un cri soudain détourna l'attention du Général. Derrière lui, un petit blondinet venait d'arriver à vitesse grand V, un Arkéapti dans les mains, poursuivi par deux adultes désespérés. Le regard du Général se fixa tout d'un coup sur l'oisillon, son sourire disparut instantanément.

– ... !! L'Arkéapti !!

Le Général recula, un air étrangement apeuré sur le visage.

– Rends-le MOI !!
– Giiih !

Thomas se recroquevilla instantanément devant ce monstre sorti des limbes de l'enfer qui lui hurlait dessus. Cependant, il n'avait aucune, mais alors aucune intention de lâcher son butin.

– ….Monsieur le Général ?!

Le monstre en uniforme se tourna vers les deux adultes décrépits. Des déchets parmi d'autres, mais des déchets pouvant être utiles.

– VOUS ! Attrapez ce gosSE !!
– … compris.

L'homme et la femme acquiescèrent. Voilà enfin l'occasion qu'ils attendaient, faire que le Général ait une dette envers eux. Une dette qui leur sauverait la vie. Qu'importe si pour cela ils devaient obéir à un monstre, qu'importe si pour cela ils devaient sacrifier un enfant, car tout ce qui comptait, c'était d'être en vie.

Si dans la tête de Sofian, cette folle soirée était le comble de l'incompréhensible, là c'était la cerise sur le gâteau avec complément pompon. Qu'est-ce que son ami fichait ici ? Et ses parents ?! Pourquoi obéissaient-il à ce monstre ?!

– T-Thomas !!

Dans l'apothéose de la confusion, Sofian interpella son ami en désespoir de cause.

– S-Sofian ?!

Visiblement, Thomas était tout aussi surpris de voir son brun d'ami en ces lieux. Mais l'heure n'était pas aux retrouvailles, les deux adultes de se rapprochaient dangereusement de lui et le Général bloquait sa route.
Étrangement, ce dernier ne voulait pas trop se bouger pour le capturer, et Thomas n'allait pas s'en plaindre.

En tentant de reculer, le blondinet glissa si lamentablement sur un flaque de sang qu'il en rirait presque. Trop apeuré pour se relever, Thomas fureta à droite et à gauche dans l'espoir de trouver un miracle. Les deux parents Aaken continuait inlassablement d'avancer, d'une mine patibulaire, jusqu'à arriver à quelques centimètres de leur cible.

– … !!

Soudainement, la main droite de Thomas heurta un objet gisant au sol. De l'acier. Une lame. Justement ce qu'il lui fallait. Alors que la femme s'apprêtait à se jeter sur lui, Thomas saisi le Ninjato de Cyrus et le pointa fermement vers elle ; la pauvre femme ne vu rien venir s'empala misérablement sur la lame. Thomas n'en resta pas, bien décidé à enrayer celle qui menaçait sa vie, il abattit violemment la lame vers le bas, entaillant gravement le ventre de la mère de Sofian. Sous le choc, son mari recula, tremblant comme une feuille.

– C-chérie !

Le Général grimaça. La chute de cette femme ne l'émouvait en aucune manière, cependant, son échec était plus que nuisible pour ses plans. Bien sûr, le Général aurait très bien pu s'occuper de blondinet lui-même, sauf qu'il avait peur, peur de ne pas contrôler sa force et d'endommager l'Arkéapti ; et ça, ce n'était absolument pas acceptable.

– Je me demande bien pourquoi tu veux tant récupérer cet Arkéapti, « Général ».

Une voix étonnamment grave et réfléchit résonna soudainement à travers tout le manoir.

– Ts. Voilà donc ce qui tu es devenu, Frantz Chiriin. Tu devrais te regarder dans la glace quelquefois.
– QUI Ose ?!

Tous les regards se tournèrent vers l'entrée ou un homme posait nonchalamment. Droit comme un I, l'homme d'âge adulte toisait chaque individu de ses yeux perçants cachés derrière une sobre paire de lunettes néanmoins assez sophistiquée. Il était vêtu d'un uniforme rouge aux bordures noires qui le recouvrait des pieds jusqu'au cou ; sa chevelure mi-longue sublimement assortie à ses habits, s'écoulait rigidement sur sa nuque.

– Je crains que nous ne soyons jamais rencontrés en personne. Mais peut-être me connaissez-vous plus sur le nom de Max Matsubusa, alias, l'ancien Leader de la Team Magma.
– … !! Qu...
– Cela fait un moment que nous vous observons, « Général ». Nous avions de base décidé de vous laisser faire vos petites affaires en paix, néanmoins, je suis au regret de vous annoncer que votre Lien vient d'atteindre le niveau 3 et qu'il vous submerge totalement. Nous ne pouvons pas ignorer cela.

Max avança fermement vers le Général, toujours avec la même inflexibilité.

– C'est pourquoi, en vertu du Code des Sentinelles, je vous déclare en état d'arrestation.

Le Général en resta coi, fixant Max comme s'il venait de dire la plus grosse absurdité de l'univers.

– Moi ? En ÉTat d'aRREStation ?! Haha...HAhAahAhaA ! Si on m'avAIT dit que CetTE journée serait AUssi amusante !
– … pauvre chose, soupira Max. Il était temps d'intervenir.

Tout en secouant la tête d'un air affligé, Max continua son avancée. Le Général éclata d'un rire encore plus tonitruant que d'habitude.

– Tu VEUX m'arrêTER ?! EssAIE pour vOIR !

Le Général croisa ses deux « bras-ADN » devant lui et dans un affreux rictus, tira une énorme et éblouissante charge laser à bout portant.

– Pauvre chose.

Max encaissa le coup sans broncher, et une fois l'assaut évaporé, l'ancien Leader Magma retira ses lunettes et les essuya.

– Selon nos informations, tu étais à la recherche du pouvoir absolu, n'est-ce pas ?

Max repris sa route vers le Général, qui pour le coup, faisait bien moins le malin.

– Hé bien je suis désolé de te l'apprendre, mais tu n'es qu'une fourmi en ce monde.

Max s'arrêta et frappa légèrement le sol du pied et brusquement, le sol se fissura vivement jusqu'au Général et une épaisse cage rocheuse composée de stalagmites surgit soudainement et enferma robustement le Général.

– Qu... ImPOSSible !
– Rassure-toi, nous ferons notre possible pour te guérir.

Max claqua simplement des doigts, et la cage de stalagmite s'enfonça profondément au sol et avec elle son précieux butin. Une fois sa mission accomplie, Max soupira et observa les alentours.

– … quel carnage. Nous avons encore beaucoup à apprendre, la liberté n'est pas toujours bonne solution.
– ...je...aïe...

Roy n'en cru pas ses yeux, déjà d'un part, l'arrivée de ce « Max » était si miraculeuse qu'il était persuadé d'être en train de rêver, mais en plus...

– Cyrus !!
– ...p..partenaire ? Ouch... mon ventre...
– T-tu es vivant ?! M-mais... il t'avait transpercé le ventre !! T-tu... tu ne bougeais plus !! J-je...
– Haha..., ricana Cyrus. N-ne pleure pas, ça ne te va pas, partenaire. J-je suis assez solide tu sais, ce n'est pas un simple fou qui me tuera...

Roy faillit tomber à la renverse, le gouffre perforant l'estomac de Cyrus avait complètement disparu ; mais il était beaucoup trop heureux de voir son partenaire en vie pour s'y attarder.
En revanche, la mère de Sofian n'avait pas la chance d'être un Ninja Chimérique. Max s'approcha d'elle l'examinant.

– Une bien profonde entaille, mais elle survivra. J'appelle une équipe de soin.

Si la nouvelle réjouit son mari, elle laissa complètement indifférent tous les autres. Même si, en voyant le corps de sa mère ainsi étendue au sol, Sofian ressentait comme une petite boule au ventre. Étrange, il ne l'avait jamais aimée et il était certain que sa mère ne l'aimait pas non plus ; et pourtant il n'arrivait pas à l'enlever de son esprit.

– Hé, Sof'.

Le petit brun se retourna, vers un petit blondinet.

– … je suis désolé pour ta mère.
– …

Sofian secoua la tête, incapable de dire plus.

– … tiens. Je voulais le voler mais... finalement il ne me servira à rien.

Thomas tendit à Sofian son Arkéapti. Le petit oisillon regarda le petit brun avec perplexité.

– … tu es sûr ?
– Ouais. Je ne saurais pas quoi en faire de toute façon et tu m'as déjà donné ton Pokémon lors de notre rencontre alors...

Sofian saisit l'Arkéapti, incrédule.


– Tant de morts inutiles..., soupira une énième fois Max. Et impossible de les identifier en l'état ; il faudra nettoyer tout ça avant que l'affaire ne devienne publique...
– … monsieur ?

Max se retourna vers Roy et Cyrus.

– … sans vous, mes crocs se seraient brisés, grogna Roy.
– Fufufu... mon partenaire essaie de vous remercier, ricana Cyrus. Et même si je ne vous ai pas vu à l'œuvre... merci. Ce n'est pas seulement nous que vous avez sauvé, mais la vie d'un gosse.
– … je ne fais que mon devoir, récita rigidement Max. Si ce n'était pas moi, un autre l'aurait fait. Et vous n'avez pas à me remercier, Frantz Chiriin est devenu ainsi par la faute de notre négligence ; nous aurions dû prévoir son évolution.
– Je... je ne suis pas sûr de comprendre, reprit Cyrus. Mais de mon point de vue, vous êtes un sauveur et c'est pour cela que je vous remercie. À moins que ma gratitude soit une gêne pour vous ?
– … non. Si vous le ressentez de cette façon, j'accepte pleinement vos remerciements.
– Haha, vous n'êtes pas très sentimental, vous, non ?
– En effet. Cependant, si je puis me permettre...
– … oui ?

Max dévisagea son interlocuteur, vêtu d'un simple caleçon.

– Habillez-vous.
– Hahaha...

Roy fixa son Cyrus, impressionné. Après tout ce qu'il venait de vivre, avoir affronté un monstre, être passé à deux doigts de la mort ; il parvenait encore à rire. Décidément, le colosse avait beaucoup à apprendre de son partenaire, non seulement il était immensément plus fort que lui physiquement, mais aussi psychologiquement.
Deux individus en uniforme jaune pale entrèrent soudainement, Max les salua et leur désigna la mère de Sofian évanouie, les deux individus s'empressèrent de l'installer sur une civière et de l'embarquer.

– Notre équipe la prodiguera les soins les plus importants avant de l'envoyer dans un hôpital plus classique. Je vous fournirai ses coordonnées plus tard.

Le mari de la blessée acquiesça, les larmes aux yeux. Il aimait sa femme, c'était même la seule chose au monde qu'il aimait véritablement. La voir dans cet état était une véritable déchirure pour lui ; même si encore une fois, personne – mis à part peut-être Max – n'allait le plaindre.

– Petit ?
– … ?
– Je peux voir ce Pokémon ? N'aie pas peur, je veux juste vérifier quelque chose.

N'y voyant pas vraiment d'inconvénient Sofian tendit l'Arkéapti à Max, qui l'examina sous toutes les coutures.

– …. mmmh... je ne vois rien de spécial, décréta Max. Pourquoi est-ce que Frantz tenait tant à le récupérer ? Bah, cela n'a sûrement aucune importance. Tu peux le reprendre.

Sofian s'exécuta. Son esprit était encore tout embrouillé ; comment ne le serait-il pas ? Il s'était fait capturer dans une prison putride, puis avait tenté de fuir avec un colosse en affrontant des dizaines de bandits, avant d'avoir été témoin d'un terrible assassinat causé par une espèce de monstre difforme surpuissant, sans oublier ses parents qui – pour une raison inconnue – avait tenté d'attraper Thomas, qui lui-même avait failli tuer sa mère d'un coup de lame.
Il lui faudrait sans doute du temps avant d'analyser et de comprendre ce flot d'informations. Tout s'était déroulé si vite. Trop vite. Mais même s'il ne comprenait pas tout ce qui c'était exactement passé cette soirée-là, toutes ces atroces images s'étaient enregistrées dans son esprit.
Dès qu'il fermait les yeux, il pouvait revoir son immonde prison, il pouvait revoir le groupe de bandits exploser en une pluie de sang, il pouvait revoir sa mère se faire transpercer le ventre. Ainsi que ressentir toutes les émotions qui en découlaient.
Incapable de supporter tout cela, le cœur de Sofian finit simplement par se fermer à l'horreur du monde extérieur, se protégeant dans un cocon de solitude qui perdurerait des années durant...


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– Et voilà, fin de l'histoire. Après cela, Roy et moi avions décidé de prendre les deux gamins sous notre aile pendant quelques années. Le Général mis hors-état de nuire, nous étions libre de nos mouvements. Une fois que les gosses furent suffisamment autonome, Roy partit s'exiler dans une quelconque montagne dans le but d'endurcir son corps. Quant à moi, je me suis posé à Umbra après avoir installé le petit Sofian à Mérouville. Quant à Thomas...
– J'ai quitté le groupe dès mes 14 ans, de ma propre volonté. Je ne me suis installé à Mérouville que par hasard, j'avoue avoir été surpris d'apprendre que Sofian y était aussi. Décidément, le hasard aime nous jouer des tours.
– …. exactement.

Depuis environs une demi-heure, Camélia Rozelia ne cessait de cligner des yeux, pas certaine de savoir si elle devait croire ou non ce que ces deux hurluberlus lui racontait.

– … hein ? lâcha t-elle finalement.
– Fufufu, que de finesse dans cette réaction empreinte d'élégance et de réflexion, pouffa Cyrus.
– Nan mais je veux dire... sérieusement ?! C'est vraiment vrai toute cette histoire ?! Sérieusement ?! C'est vrai que j'ai le souvenir d'avoir entendu parler d'un type de faisant appeler le « Général » dans les journaux mais... excusez-moi mais toute cette histoire est tout bonnement... impossible ! C'était un monstre ? Et ce Max ?! Même vous ! Vous... vous étiez mort, non ?! Et en imaginant que vous ayez vraiment survécu... pourquoi vous n'avez aucune blessure ?!
– Fufufu, mademoiselle est du genre à ne croire que ce qu'elle voit, eh bien soit.

Cyrus empoigna son fidèle Ninjato et tout en souriant amicalement, se trancha allègrement la peau du bras.

– HIIIII !! s'affola Camélia. V-V-V-Vous êtes fou !!
– Fufufu, regarde, mademoiselle l'incrédule.

Camélia faillit s'évanouir. La peau pendante et sanguinolente du ninja commença à bouger d'elle-même.

– Vous savez, mademoiselle, ce monde est peuplé de mystères.

Au bout de quelques seconde, la plaie se referma, sans aucune trace de cicatrice ni autres. C'était comme si rien ne s'était passé. Cyrus sourit triomphalement.

– Et je suis l'un d'eux.